Dado Prso, un superbe souvenir des années 2000. S’il a connu quelques belles heures, le Croate a vraiment dû batailler pour arriver à la gloire. Retour sur la très belle carrière d’un gars attachant, à qui rien n’a été offert.

Débuts en Croatie : la guerre et des problèmes cardiaques

Miladin « Dado » Prso est né en 1974 à Zadar, au bord de la mer Adriatique ; ville où Luka Modric vit le jour quelques années plus tard. Après avoir joué dans des clubs locaux, il est repéré à l’âge de 12 ans par un des grands clubs du pays, l’Hadjuk Split, où les vedettes de l’équipe première sont à l’époque Aljosa Asanovic, Robert Jarni ou encore Igor Stimac. Mais Prso n’aura jamais la chance de jouer pour les seniors de l’Hajduk. En effet, en 1991, une visite médicale lui est fatale : un problème cardiaque est décelé et l’Hadjuk le laisse partir.

L’époque est aussi celle des premiers conflits de la guerre croate-serbe et Prso les vit sur place, lui qui est d’ascendance serbe. Malgré tout, il continue à jouer au football et signe à Pazinka en D1 croate. Ce sera la seule saison de sa carrière dans l’élite du football croate. Dado quitte finalement la Croatie en 1993, à cause de la guerre mais aussi à cause du manque de perspective pour sa carrière dans son pays.

Il s’en expliquera plus tard au Herald Scotland1: « J’étais un garçon de 17 ans jouant en première division alors que la guerre se déroulait autour de nous. Des fois, nous allions dans un hôtel la nuit avant un match et il n’y avait plus de toit à cause des bombes. Tel était le football en Croatie à cette époque et quand j’ai pu aller en France, j’en ai profité. »

Arrivée en France et galères

Il débarque en France, en Normandie, où un agent lui a trouvé un contrat avec le FC Rouen. Il arrive malheureusement dans un club qui vient de louper son retour en Division 1 lors de la saison 1992-1993. L’ambiance est morose et le meilleur buteur rouennais de l’époque Jean-Pierre Orts vient d’arrêter sa carrière. Dado Prso, 19 ans, n’a ni les épaules ni l’hygiène de vie nécessaires pour prendre la relève en tant que buteur. Lors de ses deux saisons à Rouen, il ne marquera qu’une fois, jouant à 10 reprises. En août 1995, le club dépose le bilan alors que la dernière saison a été jouée en National 1, où Dado Prso n’a vécu que dans l’ombre de Dominique Corroyer (30 buts en 1994-1995).

Dado Prso donne une explication complémentaire de ses difficultés de l’époque au Herald Scotland : « Le football était difficile pour moi à cette époque. J’étais un jeune garçon dans un pays étranger. Je ne parlais pas la langue et j’étais concerné par ce qui se passait dans mon propre pays. Je pensais à la vie et à la mort en Croatie, pas au football. »

Mais Dado fait alors une rencontre très importante : « Ma femme m’a remis dans la bonne direction pour ma carrière. Je n’avais pas une bonne vie en France avant de la rencontrer, mais après nous avons commencé à construire  ensemble. Je n’ai pas de mot pour expliquer l’importance qu’elle a eu pour moi. »

Ils quittent finalement la Normandie pour la Côte d’Azur en 1995. Le football professionnel n’est plus son quotidien et il signe en National 2 à Saint-Raphaël alors qu’il devient aide-mécanicien dans un garage en même temps. Si Prso aurait pu faire sien ces vers de Gainsbourg issus de l’Alcool « mes illusions donnent sur la cour, des horizons j’en ai pas lourd » quelques mois plus tôt, voilà que Dado enfile une demi-douzaine de pions et se fait remarquer par le grand club du coin : l’AS Monaco.

Monaco : faire sa place malgré une concurrence énorme

Il signe dans la Principauté alors qu’il a déjà 22 ans. A l’époque Monaco vient de finir troisième de Division 1, son meilleur buteur est Sonny Anderson et les autres candidats à un poste devant sont Ikpeba, Henry et à un degré moindre Trezeguet. Autant dire que notre Croate arrive sur la pointe des pieds, il ne jouera d’ailleurs qu’en réserve lors de sa première saison monégasque où il forme avec Trezeguet un superbe duo d’attaque. Le Croate marquera 13 pions et contemplera de loin les performances de l’équipe première, championne de France et demi-finaliste de C3 cette saison-là.

Barré par un secteur offensif hors norme (pas Falcao, Rivière, Martial et Germain…), il part en prêt à l’AC Ajaccio pendant deux saisons, comme de nombreux espoirs monégasques (Squillaci, Sylva, Bonnal…). Là-bas, il connaît un environnement parfait, qui lui rappelle d’ailleurs Zadar, et une place de titulaire attitrée. Il plante d’abord 8 pions en National puis 13 en D2. Fort de ces statistiques, il rentre en Principauté et Puel décide de le garder dans l’effectif de l’équipe première : Prso va goûter à la D1 à 25 ans.

Bien entendu, le Croate n’est pas un titulaire à part entière, barré par la doublette Simone-Trezeguet. Mais il se révèle particulièrement important dans la rotation de l’effectif et pour ce qu’il apporte au jeu de l’équipe. Prso est un mec qui sait jouer pour les autres et se rendre important. En 1999-2000, c’est d’ailleurs lui qui marque le but du titre un soir d’avril contre Nancy. Rentré à la 75è à la place de Sagnol, il réussit à planter à la 92è, accrochant le nul 2-2 et officialisant le titre de champion. A l’époque, Monaco, c’était Barthez, Contreras, Christanval, Djetou, Costinha, Gallardo, Giuly, Marquez, Sagnol, Riise, Simone, Trezeguet et donc notre Prso qui joua tout de même 20 matchs cette saison-là.

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Au niveau individuel, la saison suivante de Prso est du même acabit (21 matchs, 4 buts) mais l’arrivée de Deschamps en 2001 le pousse sur le banc alors que Nonda est devenu le nouveau goleador sur la Principauté. Sur ce, Prso connait une très grosse blessure au mois de mars 2002. Il subit une opération mais les médecins sont circonspects quant à sa capacité à revenir au plus haut niveau. Mais comme d’habitude, Prso bosse et convainc. Il devient le parfait complément de Shabani Nonda, pour lequel il travaille sur le terrain.

En 2002-2003, Nonda marque 26 pions en D1 alors que Prso en met 12. Et puis vient cette mythique saison 2003-2004. Le secteur offensif a encore fière allure du côté de l’ASM avec Morientes, Giuly, Adebayor, Nonda et Prso. Bien entendu tout le monde se rappelle de l’apport indispensable de Morientes, des performances incroyables de Giuly et Rothen cette saison-là en Ligue des Champions mais Prso a également eu son rôle à jouer. Il plante tout d’abord lors de la phase de groupes contre l’AEK puis il met un mémorable quadruplé contre le Deportivo La Corogne, le jour de ses 29 ans. En huitièmes, les Monégasques jouent contre le Lokomotiv Moscou. A l’aller, les Moscovites l’emportent 2-1 à domicile. Au retour, Prso manque tout d’abord un péno avant de marquer le but de la qualification. Il plante encore un pion en demi contre Chelsea. Puis en finale contre Porto, lorsque Ludo Giuly sort sur blessure, c’est le Croate qui rentre après une vingtaine de minutes de jeu. Ce sera le dernier match de Prso sous les couleurs de Monaco.

Glasgow Rangers, Prso the legend

A la fin de la saison héroïque avec Monaco, le club ne propose pas de nouveau contrat à Prso, qui signe finalement en Ecosse aux Rangers. Bien entendu, son style de jeu très britannique plaît directement aux supporters d’Ibrox Park et comme l’explique @rangersfr : « Prso est une légende pour les supporters. Sa collaboration avec Nacho Novo en 2004 était exceptionnelle. »

En effet, lors de sa première saison en Ecosse, Prso et son compagnon d’attaque espagnol plantent 37 buts à eux deux et permettent aux Rangers d’être champion avec un point d’avance devant le Celtic. Ils gagneront aussi la League Cup cette saison-là. Prso restera en tout trois saisons en Ecosse, devant mettre un terme à sa carrière à cause de blessures récurrentes.

La fête2 pour son départ fut magnifique avec une haie d’honneur de ses coéquipiers et de nombreuses banderoles des supporters dont une « Dado Prso, Rangers ‘til he dies ». Finalement les supporters des Rangers n’auront eu qu’un seul regret : le fait que Prso signe trop tard dans sa carrière en Ecosse. Lors de sa dernière interview3 en tant que joueur des Rangers, Prso déclara: « En venant ici, j’ai découvert autre chose : les supporters. » A regarder comment il le dit dans un grand sourire, on comprend bien le lien qui unissait Prso et les fans des Rangers.

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Mais le fait qu’il ait signé aux Rangers lui a aussi causé des problèmes dans son pays natal. Anthony Banovac, supporter de l’Hadjuk, nous explique la banderole ci-dessus de la Torcida 1950 : « En Croatie, tous les nationalistes, et il y en a beaucoup, sont très catholiques. Historiquement, la Croatie a également d’excellentes relations avec le Vatican. En réalité, le Vatican a été le premier état à reconnaitre l’indépendance de la Croatie. Et quels sont les endroits où il y a le plus de nationalistes en Croatie ? Dans les tribunes de football. A cause de son histoire, le Celtic a beaucoup de supporters en Croatie. Alors voir un joueur croate catholique porter le maillot des Rangers, qui sont historiquement protestants, a énervé ces personnes. Donc Prso a été attaqué et insulté à de multiples reprises pour les méfaits qu’il a perpétré, d’une certaine manière, à l’encontre de l’image des Croates et de leurs valeurs. Prso avait aussi du sang serbe, donc cela poussait aussi les Croates à l’apprécier un peu moins. Je me rappelle avoir vu en Croatie un graffiti où « Dildo Prso » était peint en noir. »

Une relation compliquée avec la Croatie

Bien entendu, ses bonnes performances avec Monaco lui ont ouvert les portes de la sélection croate qu’il connaît pour la première fois à l’âge de 28 ans en 2003. Mais très vite, il se révèle indispensable en mettant les deux buts croates lors des barrages pour l’Euro 2004 contre les voisins slovènes.

Dado Prso sera élu meilleur joueur de Croatie en 2003, 2004 et 2005 ; se plaçant juste derrière la légende Davor Suker au palmarès. Malgré son apport, la Croatie ne réussira pas de grandes performances, que ce soit en 2004 au Portugal ou en 2006 en Allemagne.

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Runar Nordvik, spécialiste du football des Balkans, assure qu’il n’a jamais eu la reconnaissance qu’il méritait dans son pays : « Les réactions ont toujours été mitigées le concernant. La plupart des gens ont reconnu ses capacités et son importance pour l’équipe nationale à l’époque, mais il y avait aussi quelques haters qui ne l’aimaient pas à cause de ses supposées origines serbes. Globalement, Prso n’a jamais été totalement accepté, ni n’a eu la reconnaissance qu’il aurait mérité à mon avis. Il était par exemple brillant en 2006 pendant la Coupe du Monde. »

 

Dado Prso a su tout au long de sa vie de footballeur convaincre de nombreux sceptiques et surmonter de nombreux problèmes pour finalement gagner des titres en France et en Ecosse, jouer une finale de Ligue des Champions et revêtir le maillot de son équipe nationale. L’adversité a aussi été un moteur pour Prso comme il l’a rappelé de manière très symbolique dans sa dernière interview en tant que joueur des Rangers. A la question d’un journaliste évoquant ses performances et sa carrière, Prso a souligné quel avait été pour lui son plus grand succès :

« Vous avez eu une carrière remarquable alors que vous jouiez en France dans une division mineure avant d’être découvert par Monaco. Est-ce que vous êtes contents de la manière dont votre carrière s’est bâtie ?

– Non. Ce dont je peux être le plus fier, c’est qu’à 27 ans, certains m’ont dit que je ne pourrais plus jouer au football, que c’était fini pour moi, que je ne pourrais plus revenir. Et après, pendant encore 5-6 ans, j’ai réussi à prouver et à continuer à jouer. C’est mon plus grand succès. »

Tristan Trasca

 

1 Article concernant Prso dans le Herald Scotland : http://www.heraldscotland.com/sport/spl/aberdeen/dado-cool-exclusive-interview-dado-prso-on-bombs-gambling-and-the-pressure-at-rangers-striker-s-battling-character-was-forged-on-a-long-and-grinding-road-to-the-top-which-took-in-war-torn-croatia-and-a-desperate-spell-in-france-s-lower-leagues-finds-na-1.68891

2 Le tour d’honneur de Prso à Ibrox : https://www.youtube.com/watch?v=uXsz2FDu174

3 La dernière interview de Dado en tant que Rangers : https://www.youtube.com/watch?v=7cLPSBHGwWg

5 thoughts on “La Balkans Acad’ évoque le parcours trop peu connu de Dado Prso

  1. Encore une fois très bon. N’empêche que le mec à catogan qui joue les garagistes, ça fait un peu film porno.

  2. Ma mère « connaissait » les parents de la femme à Dado, ils étaient clients dans sa banque, dans une p’tite ville en Haute-Normandie (car sa femme est d’ici), et d’après eux il était un beau-fils charmant.
    Je pense que mon apport permet d’apporter un peu plus de profondeur à cet article. :-)

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