Tomblaine, an 25 000 après PC.

L’épisode précédent est ici.

 

« Kyllyan-Génésio Lapin ! Aboie la voix de fer blanc de l’entraîneur mécanique.
-Présent.
-Veuillez parler distinctement, Kyllyan-Génésio Lapin.
-Présent ! hurle KGLZZ en guise de réponse.
-Veuillez interrompre votre séance et vous rendre sur-le-champ en salle de soufflerie. Exécution immédiate séance tenante. »
KGLZZ, sans prendre le temps de retirer sa chasuble, abandonne ballon, terrain et automates défensifs pour marcher d’un pas inquiet vers le minuscule cagibi redouté par lui et tous ses camarades du centre de formation Benoît Pedretti. Plus encore que la cabine anti-radiation, la salle de soufflerie a ceci d’inquiétant que personne de la connaissance de KGFZZ n’y est jamais entré. Seule sa sinistre réputation la précède, charriant de vagues menaces d’entraînement atrocement douloureux et de probables matchs sur le banc. À peine KGFZZ a-t-il le temps de se demander ce qui a bien pu pousser IMRSAF, son entraîneur, à déclencher le processus de soufflante qu’il se trouve assis sur un tabouret bancal dans le cagibi humide. Lui faisant face, un haut-parleur cabossé en fer blanc, monté sur un panneau de bois vermoulu d’où se met sans transition à sortir une voix crachouillante à fort volume :

« Écoute moi attentivement, KGLZZ. Penses-tu avoir tout donné ces derniers temps ? Tes bilans calorifiques ne semblent pas dire la même chose. Tu portes le ballon, mais pas tes couilles, mon petit KGL. Et cette mission du proprio-motricien, l’as tu réalisée ? On attend toujours tes rapports, mais tu t’es arrêté à une page et demie dans ton cahier, et tu ne racontes que des bêtises sur tes rêves de football d’une autre époque. Eh oui, j’ai des scouts pour tout, même pour savoir ce qui occupe ton esprit quand tu n’es pas sur le terrain, mon petit. Alors écoute moi bien. Tu dois sortir le football dématérialisé de ta tête. Autant dans ta mémoire que dans tes désirs de professionnalisation. Avec ce mental en fromage de tête, tu n’es pas prêt de foutre un pied devant les deux autres, mon vieux. Ce dont tu as besoin, c’est de te centrer sur le point médian de ton travail, être plus inclusif. Et puis te sortir les doigts du cavaco et de reprendre le boulot où tu l’as laissé, aussi. Ne crois pas ces rêves débiles que tu fais. Les rêves ne sont que des images. Toi, tu es un ZZ. Un rêveur, mais aussi un de ceux dont les efforts sont le moins récompensés. Les Zissou n’ont aucun avantage physique, et c’est bien pour ça que tu as choisi de l’être, avec ta carrure d’agrégatif et ton souffle de prix Goncourt. Laisse tomber. Écoute bien. Ce que je veux te dire, c’est que les registas quadri-rotulés comme toi doivent bien garder en tête qu’ils ne peuvent pas non plus espérer couvrir tout le terrain avec deux jeux de genoux à chaque jambe. Tu comprends, KGL ? Ta souplesse est une belle arme technique, mais pour le reste, tu es complètement liguedeux. Alors ressaisis-toi, ou je devrai t’envoyer en prêt en Trequartistie. On a formé les meilleurs là-bas. Des gugusses qui se faisaient soulever par une petite bise en revenaient costauds comme des trains de marchandises. Mais ça ne marche pas pour tous. Certains reviennent pizzaïolos, complètement cramés. Précédés par leur bide d’une bonne trentaine de secondes. Écoute bien et obéis, parce que tu sais que j’ai raison. Je suis ton entraîneur, et ce n’est pas parce que tu ne m’as jamais vu que je n’existe pas. Ne déconne pas avec moi. Je te fais confiance, mais tu dois oublier toute cette merde, tu comprends ? »

Abasourdi, KGLZZ sort du cagibi le dos voûté et marche lentement. Mesurant de son œil troublé la solitude qui est la sienne, il se laisse aller à vomir silencieusement son repas dans un coin des locaux de la FENGE. Jamais on ne lui a parlé ainsi. Qu’a-t-on voulu lui dire ? Sans savoir de quoi retourne cette expérience en tous points nouvelle et surtout atrocement inconfortable, il se traîne l’esprit lourd et le corps vidé vers les terrains d’entraînement. Au fur et à mesure de son cheminement empesé vers le gymnase, de fugaces intuitions parcourent son esprit en noir et blanc. Impressions troublées d’un football bruyant et rapide, où tous les joueurs semblent à armes égales ou presque, les maillots sobres, limpides. On en reconnaît le blason plus sûrement que les sponsors. Le ballon flotte sans entrave au-dessus des têtes, heurte parfois un crâne, ne cesse jamais de rouler. Qu’est-ce que l’entraîneur a bien pu vouloir dire ? En entrant dans le hangar où ses automates sans visage l’attendent, KGLZZ avise l’ancien panneau d’affichage des scores figé dans l’inaction depuis des années. Il arbore un score dérisoire de football d’avant, de football mort : 1-1.

TOUT ÊTRE VIVANT NAÎT ET MEURT SEUL, SURTOUT À NANCY.

LE MATCH EN LIVE DIFFÉRÉ DE SEULEMENT 6 JOURS.

18è Suite à une prise d’otage honteuse qui a privé Picon de l’exercice de son métier de journaliste et l’a gavé de substance hallucinogènes, les vingt premières minutes du match n’ont pu être couvertes. Au nom de toute l’équipe de la Chardon à Cran Académie, nous vous prions de croire qu’on se branle bien vigoureusement de la gêne occasionnée.

20eme ET VOILÀ UNE RAISON SUPPLEMENTAIRE DE S’EN FOUTRE CAR NANCY OUVRE LE SCORE PAR DEMBÉLÉ ! 1-0.

24ième Bassi semble taper n’importe comment un coup-franc, mais la balle commence à retomber et se dirige finalement vers le but de fort belle manière, mais pas trop quand même, faut pas exagérer. 6 mètres.

Trentesixième minute de jeu Yahia récupère un jaune pour sa collection à l’aide d’un fort esthétique et débilissime tacle par derrière.

Vingt-neufEME Cuffaut arrache tout le terrain laissant femmes et enfants périr dans les flammes que ses pas furieux ont allumé et assure le centre en retrait en bout de course pour Dembélé. La suite, vous la connaissez tous : après cet épique exploit, l’attaquant tape douze mètres à côté.

38ème Très belle occasion orchestrée par Amine Bassi, seul joueur capable d’allier football et esthétique, ce qui n’est pas loin d’être moqueur auprès de ses camarades qui peinent à saisir les aspects les plus rudimentaires du jeu lui-même. Robic aurait pu être à la conclusion si sa reprise claquée avait été cadrée, mais on ne va pas non plus lui faire l’affront de repasser à l’indicatif, ce joueur est avant tout un spectre.

XLVe Un n’importe quoi digne de Capharnaüm s’installe dans notre surface, mais l’on s’en sort heureusement sans trop de bobo, en tout cas avec notre cage inviolée.

Mi-temps. Conscients d’avoir probablement arraché des râles de souffrance à notre aimé redac-chef’ grâce à notre science bancale de la numérotation, nous reprendrons un chronométrage régulier dans la suite de cette chronique.

47 Relance toute pourrite de Chernik plein axe dans les pieds d’un adversaire, un tifo « coucher de soleil » apparaît. Mais ça cague en face, et la nuit se dissipe pour laisser quelques rayons d’espoir briller encore (je suis ivre, ok ?).

49 Robic enchaîne un vrai crochet qui élimine un adversaire et une frappe dans la course qui atteint presque sa cible. C’était…bien ? J’avoue ne pas piger dans le détail.

51 Et c’est un raté de l’espace dont nous gratifie Lens ! Le Cul Bordé de Nouilles est décrété plat national lorrain devant l’éternité, tandis que la spécialité nordiste du loupé impossible nous contemple du haut des siècles des siècles.

52 Sortie de la peur de Sergeï Chernik, sans reproche mais avec une sacrée dose de couilles.

54 Jaune pour Cuffaut pour une faute même pas méchante. Bouh.

57 Et revoilà cette brave Cuff’ pour un nouvel exploit (qui a tout l’air d’un grossier contre favorable, d’accord). Dembélé croque une nouvelle fois gourmandement l’offrande.

64 Lens est toujours nul, mais aucun Nancéien n’a l’air d’être décidé à en profiter, ne serait-ce que pour gagner un duel.

70 Cuffaut est décidément intenable, et après un échange de passes avec Robic, il viole sans pitié un défenseur à l’aide d’un grand pont puis transmet en retour à Robic. Le tir du gros est puissant, mais aussi en plein sur le gardien.

82 Nouvelle frappe nancéienne, de Ba. À côté, faut-il le préciser.

85 Alors non content d’avoir gâché quelques minutes avant, Ba se prend pour un Iniesta des hauts de Vandœuvre et tente un dribble devant ses 16 mètres pour sortir le ballon. Ledit ballon lui échappe donc et vient se nicher sur le cou-de-pied d’un Lensois qui avait l’heur de passer par là, cette situation se transformant en la sempiternelle grosse frappe de la mort qui vient se nicher dans le coin supérieur gauche du but, laissant Chernique impuissant. 1-1.

87 Dembélé prend un jaune défensif alors que tous les Lensois se ruent à l’abordage. On joue le nul chez nous bordel.

93 Fatigué de toutes ces conneries, Chernik s’en va en ballade hors de sa surface pour tenter de contrer une dernière attaque lensoise. Bien mal lui en prend car nom de dieu qu’il est lent lui aussi, et le ballon navigue une nouvelle fois dangereusement vers un autre pied nordiste, le but est grand ouvert comme le cul pourri des masculinistes de twitter devant la bite de Poutine, quand tout à coup, miracle ! Christine Delphy apparaît pour leur botter l’arrière train le même Chernik fait son retour au grand galop et arrête le ballon sur sa ligne, mort de rire face à sa propre folie. Il semblerait que de nouvelles histoires de croque-mitaine se préparent en Lorraine, car quand on a vu cet homme sourire, vos nuits ne sont plus les mêmes.

LES NOTES.

Chernik 3/5 Ça y est, l’uranium appauvri qu’il tirait à haute fréquence lors de son ancienne activité de conducteur de tank biélorusse a fini de lui ronger les boyaux de la tête, le voilà qui se lance dans des envolées lyriques abracadabrantes. À moins que ce ne soit le retour de qui-vous-savez de suspension qui le rende un peu marteau, allez savoir.

Cuffaut 4/5 Seul prototype humain à la hauteur de l’impact physique des nordistes, il a même écrasé de tout son poids ses adversaires et ses partenaires, avant de se rendre compte que personne n’arrivait à le suivre. Si seul.

Diagne 3/5 Toujours aussi effacé, mais personne ne vient jamais l’emmerder. C’est qu’il doit faire peur ou être vraiment trop fort, en fait.

Yahia 3/5 Lui enchaîne le fabuleux et le risible, ce qui nous donne des notes équilibrées mais en trompe l’œil. Bref, encore une recrue aux contours flous et à la délimitation hasardeuse.

Clément 3/5 La tête à son coup d’envoi fictif pour le derby de la Loire (ou du Rhône ou de la Saône, jamais compris s’ils avaient vraiment autre chose que des fleuves et des rivières là-bas), il a délivré une partie du même acabit. Et une belle passe décisive, il faut tout de même le préciser.

Ba 2/5 Ben oui, il a fait un bon match, mais que voulez vous c’est lui qui rend ce ballon comme un abruti en tentant de dribbler comme un gland un attaquant venu le presser, alors que tout ce qu’on attendait de lui à ce moment précis, c’est qu’il dégage d’un coup de pied de gueux dans la tribune opposée.

Abergel 3/5 Plus masochiste qu’un gardien biélorusse, il incarne avec Cuffaut la frange physico-demeurée de l’effectif, celle qui ne renâcle pas au moment d’aller au charbon, fait des fautes et se prend de gros taquets à longueur de temps. En ces temps de disette footballistique, on apprécie.

Bassi 3/5 Petit prince du bled aux dents démesurées et à la technique chaloupée, il est plutôt à l’aise dans ce système, dirait-on. Vincent l’aura-t-il vu ?

Robic 4/5 Gros et limité peut-être, mais avec son mental de mec du sud (d’aucuns diront que c’est lié à l’intelligence bornée de cet individu, mais nous ne nous complairons pas dans cet acharnement et nous contenterons de nous moquer exclusivement de son physique), il en arrive à faire des choses correctes, le bougre. Enfin, « arrivait », parce que là le verdict est tombé : trois semaines d’entorse.

Dembélé 3/5 Bon ben il marque et il court, qu’est-ce qu’on voulait de plus venant de lui ?

REMPLAÇANTS.

Écoutez, je crois qu’on en a assez vu pour aujourd’hui.

NOTE ARTISTIQUE DE L’ÉQUIPE : 2/5.

On a commencé sur les chapeaux de roue, paraît-il, mais figurez vous que j’étais occupé à me torcher la gueule pendant ce temps-là, et qu’avec les horaires du match dictés par la Ligue pour que PSG Sports puisse diffuser le match du BeIn Saint-Germain, on a tout raté de cette belle période.

Et donc ce qu’on a vu, c’est des mecs qu’on pouvait déjà à peine appeler des hommes à l’origine perdre peu à peu leurs couilles comme un Tarantino avançant en mode Weinstein vers sa future proie dans Planet Terror (il joue d’ailleurs parfaitement bien les prédateurs sexuels, pour un mec aussi proche d’un vrai violeur en série, mais je m’égare). Des petits courants d’air épais comme des portières de mobylettes à bout de souffle dès que la PEUR s’est saisie de leur nerfs de lapereaux dans les phares et en a fait une brocotte tout juste bonne à donner à bouffer aux porcs (pour ceux que le spectacle de mignons porcidés se tordant de douleurs satisfait).

On accuse tout, du côté de Nancy en ce moment : le mental, le physique, la technique, la tactique…on se satisfait de la pelouse et des animations en tribune qui oui, étaient particulièrement ok pour ces 50 ans. La pelouse et des dessins sur des bâches, d’aucuns diront peut-être qu’il s’agit de l’âme du foot, du vrai folklore footballistique enfin réalisé en une terre qui ne porte pas la balle qui se joue avec les pieds dans son cœur et bla bla bla Nabil Fekir et son maillot en drapeau c’était trop bien de chambrer, t’as vu. Vos gueules à tous. On s’en cogne de tout ce barda pour émotionnalistes. On veut du jeu, ou on retourne manger des cailloux.

N’oubliez pas de lire ce qu’en ont pensé nos adversaires, même si ça n’est pas beaucoup plus réjouissant

Marcel Picon.

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