Paris SGEL / SC Macron (2-0) – La Porte de Saint-Cloud Académie sort du bois.

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Enfermé depuis trois mois dans une loge transdimensionnelle (ce n’est pas sale), l’agent spécial Georges Trottais commence à trouver le temps long, d’autant que le Picon en vient à cruellement manquer.

Georges rouvrit les yeux. Enveloppé d’une étrange sensation de torpeur, son regard se perdit fixement dans les plis et replis rouges qui lui faisaient face. Son esprit se trouvait comme perdu dans une brume électrique tandis qu’il baissait enfin les yeux et suivait le tracé en zigzag qui courait jusqu’à ses pieds. Lentement, il sembla prendre conscience des objets qui l’entouraient, sans paraître comprendre leur nature : les rideaux rouges, le carrelage noir et blanc, la statue démembrée dans un coin de la pièce, le fauteuil où il était assis, le lampadaire allumé derrière lui.

Sur la table de chevet à ses côtés, il reconnut soudain une forme familière. Un grand récipient rempli d’un liquide sombre, aux doux reflets orangés, trônait fièrement à portée de sa main. Il étendit celle-ci, s’empara avidement de la pinte, ses papilles s’éveillant à l’idée de porter le breuvage à ses lèvres. Mais lorsqu’il tenta d’en faire ainsi, jetant sa tête en arrière pour faire couler le Picon directement dans sa gorge, aucune goutte ne vint perler sur sa langue douloureusement aride. Ressentant une frustration inhabituelle, il observa l’objet qu’il tenait entre ses doigts, et constata que le liquide qu’il contenait était devenu aussi dur que le roc. Georges avait beau l’agiter en tous sens, le Picon s’obstinait à demeurer au fond de la pinte.

Dépité, le malheureux reposa le verre sur la table, dans un claquement qui résonna quelques instants dans la chambre. Une présence le poussa tout à coup à tourner la tête. Deux fauteuils se trouvaient à sa gauche, à la perpendiculaire de celui où il demeurait assis. Sur le siège le plus proche était installé un petit homme en costume rouge, aux airs de smicard empâté.

 

PSGEL

 

Après un instant passé à le toiser, le nain finit par rouler les yeux dans la pièce, semblant la couver du regard, avant de fixer de nouveau Georges. Il ouvrit la bouche. De celle-ci sortirent des sons étranges, comme passés au travers d’un magnétophone. Curieusement, Georges semblait comprendre ce langage :

« Je suis le bras. Et on me reconnaît à ce bruit. »

L’étrange personnage porta alors la main à sa bouche, et hulula en tapotant celle-ci de sa paume, singeant le cri du hibou. Reprenant sa posture initiale, fixement, il poursuivit :

« Les bières à la grenadine sont de saison. Mais votre cocktail préféré sera bientôt de nouveau à la mode. »

À ces mots, Georges baissa les yeux, et porta la main au badge qui luisait faiblement à sa boutonnière. Sous la tour Eiffel qui y trônait, on apercevait une petite étoile rouge, le tout cerclé de ces mots : Paris Saint-Germain-en-Laye.

Les souvenirs de Georges se bousculaient dans son cerveau comme autant d’élus dans un hémicycle, sans qu’aucune logique puisse en être déduite. Levant à nouveau les yeux vers son interlocuteur, il constata qu’une créature étrange était apparue sur le fauteuil voisin de celui du nain. Encadré de longs cheveux blonds, son visage androgyne était tourné vers lui, dans un sourire bienveillant, et elle le fixait, accoudée à son siège. Le petit homme en rouge reprit la parole :

« Lorsque tu me verras à nouveau, ce ne sera plus moi. »

Il tourna un instant la tête vers la créature assise à sa gauche, puis regarda à nouveau Georges. Il leva alors les mains, les frotta lentement l’une contre l’autre et, arborant un sourire d’une satisfaction presque sadique, il ajouta :

« Mais ça te coûtera très cher. »

Ayant parlé, il reposa ses mains sur les accoudoirs. Après un instant à fixer Georges, il se leva. Un air de jazz s’éleva doucement dans la pièce. Le nain esquissa un pas de danse maladroit, puis se jeta à terre et entama une série de pompes claquées qui sembla ne jamais se terminer.

Détournant son regard, Georges le porta sur l’androgyne du second fauteuil, qui l’observait toujours. Dans un sourire, la créature se leva, s’avança vers lui et se pencha à son oreille. Son souffle chaud fit frémir son échine lorsqu’il lui dit dans un murmure presque inaudible :

« Le match commence dans quinze minutes. »

Il s’éloigna alors, sans le quitter des yeux, et retourna s’asseoir à sa place, tandis que le nain effectuait des exercices d’échauffement autour de la pièce dans l’espoir d’impressionner son coach-statue. La créature blonde plaça soudain ses mains, paumes ouvertes, dans une position étrange, et dit :

 

PSGEL

 

« Vous m’avez attendu durant 25 mercatos, et vous devrez encore m’attendre… Mais maintenant… »

En prononçant ces derniers mots, l’androgyne ferma ses poings, et son visage se tordit dans une grimace terrifiante. Défiguré, son visage aux traits légers devint celui d’un homme affreux, arborant de longs cheveux blancs et de grosses lunettes noires.

 

PSGEL

 

Il brandit une touillette maculée de traces de café, et présenta sa mâchoire éraillée d’un air de défi. Lorsque le monstre ouvrit grand la bouche pour hurler à sa face des inepties avec l’accent du Sud-Ouest, Georges ferma les yeux et plaqua ses mains sur ses oreilles d’une telle force qu’il crut que son crâne allait éclater. Terrifié, il hurla pour ne plus avoir à entendre son tortionnaire :

« NOOOON, PAS LE 3-5-2 !!!!! »

Il n’y eut plus un bruit. Dans ce silence de mort où ne résonnait que le vacarme de son cœur battant la chamade, Georges ouvrit grand les yeux. Au-dessus de lui, un luminaire l’aveuglait de son jaune blafard. Il se trouvait soudain allongé sur un comptoir. Une tireuse à bière gouttait à intervalle régulier sur son poitrail. En se redressant, il distingua le son étouffé d’une clameur. Une fois debout et descendu du zinc, il se dirigea vers l’origine du bruit, dans la pièce attenante. Cinq hommes se trouvaient assis face à un grand écran de télévision. Plusieurs verres de bière, vides ou entamés, traînaient sur les tables éparses. Georges, ayant vu un verre au teint brunâtre abandonné sur l’une d’elles, tendit les deux mains vers le sésame, se saisit fermement de la pinte, et engloutit le quart de litre qui s’y trouvait d’un seul trait.

Personne ne sembla le remarquer avaler le Picon. Tous avaient les yeux rivés sur l’écran, où un jeune homme au visage poupon effectuait quelques jongles avec son ballon devant d’immenses tribunes garnies d’énergumènes en délire. Sur le maillot bleu-violet de l’androgyne s’étalaient ces lettres : « Neymar Jr ». En baissant les yeux, Georges se retrouva à observer le même nom sur les épaules de l’homme auquel il venait de dérober son breuvage. Il étendit les doigts et effleura les lettres imprimées sur le tricot flambant neuf. L’homme était trop obnubilé par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux et ne se retourna pas.

Un coup de sifflet retentit. Georges sursauta et leva les yeux vers l’écran. Il se trouva soudain inondé de vert, et plusieurs silhouettes bleues et blanches y gesticulaient entre des lignes de craie. À la vue de cette étrange chorégraphie, des mots revinrent peu à peu, pêle-mêle : contre-attaque, possession, Macron, coup franc, Pastore, frappe cadrée, une-deux, Marco, le belvédère, Cavanini, l’aïoli, la cuillère, la cagole, Dani, le Lavandou… L’esprit de Georges demeurait encombré de ces concepts obscurs alors que les personnages bicolores allaient et venaient sur la pelouse. Il porta les mains à ses tempes et ferma un instant les yeux, tentant de rassembler ses esprits.

Dans la pénombre de son cerveau, il distingua des visages, des notes en gras, des blagues lourdingues… Le nain rouge lui apparut à nouveau, et lui fit voir une feuille sur le comptoir du café. En rouvrant les yeux, Georges chercha la feuille en question. Elle se trouvait bien là, sur le zinc, à côté d’un stylo noir. S’armant de ce dernier, il entreprit de coucher les mots et les chiffres que lui suggérait son esprit sur le papier :

 


 

Sainte-Aréole (3+/5) : Tranquille comme Baptiste.

Dani Daniels Alves (4/5) : Un excellent apport à l’équipe des pornstars de PSGEL. Un centre décisif pour l’ouverture du score d’Eddy à la clé.

Marquis & T-Sylvain (remplacé par Prunelle Quimperlé à la pause) (3+/5) : Ça fonctionne toujours.

Levain Kourzaoua (3/5) : Sérieux. À voir s’il n’y aura pas de nouveau un relâchement après le conseil de classe du premier trimestre.

MARCO ! (4/5) : Le pitchoun nous a encore régalé de ses ouvertures lumineuses dans le dos de la défense et de ses sorties de balle de funambule.

Thiago La Motte-Picquet (3/5) : J’ai pas envie d’en parler. Laissez-moi un peu de temps. C’est trop tôt. Je ne suis pas prêt.

Adrien Rambo (4/5) : En mode boxeur cet après-midi. Une vraie belle capacité de projection, plusieurs occasions franches à la clé, dont un poteau. On aurait dit le brave Blaise, la technique en plus.

Ange de Marie (3/5) : Pas dégueulasse. Il a quand même raté deux lobs assez immanquables.

Javière Pastor (4/5) : Il me fait beau aux yeux avec ses une-deux en pleine surface. +1 pour le but de renard à dix minutes du terme.

Eddy Cavani (4/5) : Il manque, mais il réussit aussi, et très bellement. La petite feinte de frappe pour ouvrir le score sur le centre de Dani est de toute bôté, tout comme le air-marquage de la défense macroniste. Une passe dé en prime en fin de match.

(Remplacé par Gonzague de Guédèche, sous le tendre regard de ses gentils parents (sans doute))

 


 

Une fois écrites ces notes dans lesquelles il ne décelait aucun sens, Georges releva la tête, posa le crayon et écouta les cris de joie provenant de la pièce d’à côté.

« Unai, » marmonna-t-il sans saisir le sens de ses propres paroles. « Georges. Liguain. Internationale. » Ce dernier mot, perdu dans un premier temps dans le non-sens que lui inspiraient les autres, finit par éveiller en lui le souvenir d’un lieu familier. « Colonel-Fabien, » s’écria-t-il enfin. Animé soudain d’une volonté indicible, il se leva, fonça droit à la porte du café et se retrouva dans la rue…

 

À suivre…

 

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