L’Académie française note Allemagne – France (2-2)

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Et s’en trouve bien surprise

Au siège de la Fédé il y a 15 jours, je trouvai aisément les mallettes qui m’étaient destinées, et tombai nez à nez avec Pierre Ménès qui, à défaut d’avoir lui aussi ses mallettes, récolta 16,90€ auprès de l’hôtesse d’accueil, pour son Astrée à lui. Je vis aussi la Coupe du Monde 1998 de mes propres yeux et en fus ému. Toutefois, malgré mon passage aux Archives, je ne parvins pas à trouver un seul plan de jeu offensif de Deschamps.

Je le dis d’entrée : après l’insertion ratée de gifs dans la précédente académie, je vais me cantonner aux blagues potaches, à l’humour vache, aux rimes à l’arrache. Pour rappel, le groupe de DD souffre de nombreuses absences (Pogba, Kanté, Lemar, Mendy…). Le Benoît Costil du riche est forfait (adducteurs).

La compo :

Deschamps est fidèle à lui-même. Face à plus fort que soi, une seule idée le guide : la P-R-U-D-E-N-C-E. Je croyais qu’un jour je me ferai à sa pusillanimité, mais en fait pas du tout. Un 4-3-3 donc, soit assumer qu’on va jouer plus bas et essayer de contrer. On voudrait surtout pas mettre le pied sur le ballon : n’oubliez pas que dans l’esprit de La Dèche, la demi-finale à l’Euro était une réussite. En réalité, les Allemands nous ont roulé dessus à l’Euro comme les Panzer sur la France en 1940 (une métaphore pleine d’originalité et de contre-vérité historique sur la prétendue puissance des Panzer allemands, mais c’est un autre débat).

Le derrière :

La charnière Umtatane-Vartiti prend place devant Mandanda. On espère que Varane a grandi depuis 2014 et qu’il ne pleurera pas s’il se prend un coup d’épaule. Kurzawa, le défenseur habitué à se cacher les yeux quand il y a trop de soleil à Stockholm, est remplacé par Digne. Jallet profite toujours de l’hécatombe généralisée et capitalise pour sa retraite.

Le milieu :

Un milieu à 3, avec un pur défensif (Matuidi), et deux relayeurs dont un habitué à jouer sentinelle au PSG (Rabiot). Notre milieu est déjà pas hyper créatif quand on a la possession, et quand il est sous pression, donc Deschamps mise sur la projection. A la relance, Tolisso va devoir sortir un sacré match pour bonifier les ballons grattés. J’aimerais voir ce que ça donnerait un Kanté-Tolisso-Pogba, La Pioche étant typiquement le joueur capable de contenir deux morts-de-faim accrochés à ses mollets pour garder le ballon et le ressortir proprement.

Le devant :

Griezmann sur le banc, DD titularise Lacagette. Encore dans un 4-3-3 qui, a priori, ne va pas du tout l’aider à s’exprimer. Mbappé retrouve le flanc droit de notre attaque pour trancher dans le vif lors des contres. A gauche, Martial joue gros et va devoir prouver qu’il a davantage sa place que Coman. Pour moi c’est un peu bonnet blanc et blanc bonnet (ou Monsieur Lapin et Lapin Monsieur), si vous voyez ce que je veux dire.

En face :

J’ai regardé le milieu allemand, j’ai eu peur. J’ai regardé sur les ailes, j’ai eu peur. Varane a regardé Hummels, il a eu peur.

(I had you curiosity, but now I have your attention. The game please.)

Le match :

D’entrée, Tolisso savate un Allemand. C’est beau. On joue bas dans ces premières minutes, c’est flagrant. Seul Lacazette presse dans les 40 mètres adverses, les autres essaient de couper les lignes. Mandanda fait un premier arrêt après un centre en retrait de Plattenhardt. Le bloc français remonte un peu. Super contrôle orienté de Tolisso, qui écarte vers Mbappé dont le centre ne donne rien (5e). Quelques instants après, Martial porte le ballon jusqu’à une belle combinaison entre Jallet et Tolisso dans l’espace côté droit. Le centre redressé de Jallet parvient à Matuidi : la frappe du pantin désarticulé termine dans le petit filet. A noter qu’à la 47e seconde de la 7e minute, Margotton parle d’Emre Can et de Liverpool. Quel bel homme.

On garde le ballon, l’Allemagne défend. C’est peu commun et assez agréable à regarder. Rabiot dégomme à l’épaule Gundogan à l’entrée de notre surface. Coup-franc pour la France. Soit… Ce côté agressif et viril n’est pas déplaisant, surtout venant du prince chétif. Vartiti et Umtatane essayent de prendre les espaces devant eux et  de participer à la relance. A noter que les Allemands obtiennent à peu près le même coup-franc que pendant le quart de finale de la CDM 2014, ce que le M. Stats pourries de TF1 ne manque pas de signaler tout en se rappelant au bon souvenir de Varane. Peu commun je vous dis.

(« Messieurs, un petit mot pour vous dire que ces formes hexagonales du filet allemand sont un hommage direct aux alvéoles connectées de M. Aulas ».) 

Après une belle action de Lacazette qui récupère le ballon aux 40m, l’Ahou-qu’il-est-passé-mon-opinel crochète et Trapp détourne en corner (18e). Le temps pour M. Stats de dire que Varane doit se sentir mieux car cette fois-ci, il ne s’est pas fait défoncer l’épaule sur le coup-franc. On a moins le ballon : Matuidi conclut que, quand il en a un, il vaut mieux saloper son contrôle.

Survient une énorme occasion de contre. Martial a le ballon, un 2-contre-1 est à jouer avec Mbappé. Le temps d’écouter Echoes et Controlling Crowds, de cuisiner un osso bucco et un currywurst,  et de lire l’intégrale des Rougon-Macquart, Martial donne enfin son ballon à Mbappé. Hors-jeu évidemment (28e). Je me demandais si le QI de Martial était supérieyr à celui de Coman. Apparemment ça se vaut.

(Le cerveau de Martial a dû subir le même choc que ce bon vieux Jack, je vois pas d’autre explication.)

Mise à part l’impression que Mbappé est partout, ce qui est beau pour son âge, ou inquiétant pour les autres c’est selon, je trouve Digne très actif et je ne trouve pas Rabiot du tout. Un arrêt de Trapp (31e) sur une frappe de Mbappé après sa 14256e feinte de frappe/crochet dans la surface précède un superbe but français. Une action collective de toute beauté. Mbappé côté droit, remet aux abords de la surface vers Tolisso, qui recentre le jeu vers Matuidi. Ce dernier écarte joliment vers Digne qui, magnifiquement, centre de volée vers Martial, lequel double-contacte et enrhume Zule jusqu’au gardien, avant de décaler pour Lacazette qui marque dans le but vide (0-1, 34e). Juste beau. Deschamps n’en revient pas. Tu m’étonnes.

La fin de 1re mi-temps est allemande, mais les champions 2014 gâchent : alors que Matuidi salope une passe vers Tolisso dans nos 30 mètres, Werner récupère, tergiverse, puis frappe mollement dans les bras de Mandanda. Sur une récupération de Martial, un nouveau contre français s’enclenche. Lacazette et Mbappé font le même appel puis Mbappé rate sa frappe (43e). Une frappe détournée de Khedira et le corner qui suit closent ces 45 premières minutes. Une première mi-temps étonnante, en espérant qu’on continue à attaquer, à jouer, sinon on va se prendre des vagues allemandes façon Anschluss et ne pas en garder de bons souvenirs. Car ce coup-ci, contrairement à l’Euro, les vagues se transformeront en buts (prédiction, “tu peux fav”).

Le match reprend. Une raison suffisante pour que Jallet dribble Draxler (50e). Comme quoi tout arrive. Deux minutes plus tard, Draxler dribble Jallet façon Mancini/Réveillère (à peu près hein). C’est plus logique déjà. Il remet pour Rüdiger dont la frappe termine à côté. La France recule. Pourtant, c’est en contre que la bande à DD se fait piéger. L’Échalas timoré est battu au duel, Özil donne en profondeur pour Werner qui glisse le ballon sous les jambes de Mandanda (1-1, 56e). Si l’alignement de notre défense n’est pas optimal, peut-on en vouloir à Jallet d’être battu en vitesse par un minot de 21 ans ? Je ne crois pas. Peut-on en vouloir à Varane d’être si loin ? Oui. Peut-on en vouloir à Rabiot d’avoir une tête de connard et de faire le frêle face aux Allemands ? Oui.

(Putain! Elle a changé Véronique Rabiot. Ca expliquerait pourquoi le parisien n’a opposé aucune résistance aux Allemands…)

La partie suit un schéma beaucoup plus attendu, avec une Allemagne qui a le ballon, et sa charnière centrale au-delà de la ligne médiane. A la 63e, Nzonzi remplace Matuidi et Pavard entre pour Jallet. Le milieu se redessine avec Nzonzi en sentinelle et Rabiot qui retrouve son poste préférentiel de relayeur à gauche. Cela n’empêche pas Draxlaaaaa de nous faire une petite misère, le temps pour Lacazette de le faucher aux 25m. Le coup-franc de Kroos s’écrase sur notre transversale (70e). On constate au ralenti que l’envolée de Mandanda, quoique jolie, n’a servi qu’à toucher le ballon après le fracas sur la barre.

AHOU-qu’il-fait-du-bien-celui-là ! Et le doublé de Lacazetttttte ! Une belle passe de Mbappé, qui profite de la montée hasardeuse de Rüdiger et de l’alignement foiré des Allemands, vers Lacazette qui marque après une petite feinte de frappe. C’est joli, et on reprend l’avantage (1-2, 72e). D’autres changements surviennent, avec la sortie du double buteur pour Griezmann (74e) puis l’entrée de Tupac à la place du remplaçant naturel de Mendy à la CDM (81e). Le gangster de Fréjus se distingue rapidement, en reculant jusque dans son propre but à la 85e, laissant tout le loisir aux Allemands de centrer. Mandanda capte puis relâche, mais Varane veille. Pendant que Sandro Wagner défonce Pavard pour lui montrer ce qu’est le très haut niveau de la fourberie et de la saloperie, Martial, décidément très actif, oblige Trapp à s’interposer (86e).

Un nième contre français est initié deux minutes plus tard par Griezmann qui talonne pour Mbappé, lequel lance Martial. L’occasion du 3-1 au bout du pied, Martial, habitué à ne pas mettre le but de trop à Manchester, envoie une douceur flashée à 2 km/h dans les bras du gardien teuton. Cette finition foireuse permet aux Allemands de pousser pendant les arrêts de jeu. Alors que se jouent les dernières secondes, une merveille d’extérieur dÖzil atteint Götze, le revenant, qui dévie magnifiquement sans contrôle – et sans adversité, Tupac étant derrière le mic’ pendant l’action – vers Stingel qui ne se fait pas prier pour égaliser (2-2, 93e).

Le débrief :

Un match plaisant à regarder, sans nul doute. Je m’attendais à bien pire, je dois l’avouer. Certains joueurs ont compris que, faute d’une bonne performance ce soir, leur place à la Coupe du Monde serait fortement compromise (Lacazette, Martial). Plusieurs belles combinaisons, plusieurs contres salopés, une charnière plutôt solide et des côtés toujours perfectibles : voilà pour la France de ce soir. Pour celle de 2018, on souhaite ardemment un retour de Mendy à gauche, et celui de Pogba-Kanté au milieu. Deschamps aura-t-il les bollocks de nous sortir mon Kanté-Tolisso-Pogba ? Rendez-vous en 2018 pour les réponses, et pour encore plus de Scarlett.

Les notes :

Mandanda (2+/5) : Une bonne parade en début de match, une belle envolée, certes, mais pas d’arrêt décisif. Je dis pas que les deux frappes sur les deux buts étaient faciles à stopper. Je dis qu’elles étaient stopables.

Digne (3+/5) : Très actif, il a mieux contenu son côté que son compère du flanc droit. Son centre sans contrôle/de volée sur le premier but français est superbe. Il répond toujours présent quand il joue et, compte-tenu des récentes performances de Kurzawa en sélection, pour moi, il n’y a plus de débat sur la doublure de Mendy. Remplacé par La Barbiche (81e), qui gère aussi bien Götze sur le but que l’OL son community manager.

Umtatane (4/5) : Une bonne intervention d’entrée (1e), qui ne fut pas la seule (72e notamment). Il a gagné ses duels face à Werner. Des efforts dans la relance, occasionnant parfois du déchet et du danger, notamment sur cette passe foireuse dans nos 30 mètres (77e). Mais globalement très solide.

Vartiti © (3+/5) : De bonnes interventions également (38e, 67e), et une volonté réjouissante d’attaquer les espaces devant lui plutôt que de décaler systématiquement vers Jallet. Son quasi csc sur un centre vicieux allemand (61e) et son retard sur le 1er but allemand lui donnent une moins bonne note que son compère.

Jallet (2-/5) : Celui dont le crâne chauve a amélioré l’image qu’on se faisait de lui auparavant a morflé toute la soirée sur son côté, face à Draxler et Plattenhardt. Il est fautif sur le 1er but. A sa décharge, il n’a pas été aidé par le repli défensif de ses camarades. Remplacé par Pavard (64e), qui n’a pas fait beaucoup mieux, mais qui s’est un peu illustré devant (73e notamment).

Rabiot (1/5) : Je ne l’ai pas vu, très honnêtement. A-t-il récupéré beaucoup de ballons ? A-t-il transmis ces ballons vers ses deux compères pour relancer ? Le Prince Malingre du Val-de-Marne Prince ne répond plus en ce moment, et passe pour un vulgaire babtou fragile. La seule fois où je l’ai remarqué, c’est sur l’égalisation allemande (1-1) où il tend la jambe pour récupérer le ballon mais ne récupère que de l’azote dans l’air. Si tu veux jouer au Mondial, bouge-toi le cul coco.

Matuidi (3+/5) : Du Matuidi dans le texte. Un pressing efficace jusqu’à ce que son énergie s’amenuise et le fasse ressembler au premier Florent Balmont venu. Un plus pour sa très belle transversale vers Digne pour l’ouverture du score. Inhabituel. Remplacé à la 64e par Steven Nzonzi, qui a posé ses outils sur la table en disant aux Allemands que maintenant, la sentinelle, c’était lui, et que physiquement ça allait être autre chose que La Comtesse Véronique.

Tolisso (3/5) : En-deçà de ses dernières prestations très abouties, Toto n’en continue pas moins de convaincre qu’il peut être le 2e ex-Lyonnais titulaire au Mondial, à condition bien sûr que DD joue avec un seul milieu défensif (donc non, malheureusement). S’il a orienté le jeu en début de partie, il a décliné physiquement tout au long du match et à ce jeu-là, Marathon-Man est toujours au-dessus, quand bien même il se serait Balmonisé.  

Martial (4+/5): Après son coup de Mou’ de l’an passé, Anthony savait qu’il jouait très gros ce soir. Si son premier contre du match m’a laissé craindre le pire, le reste de la partie fut un plaisir. Hyperactif (13e, 32e, 55e, 58e, 87e, 89e), il régale sur le 1er but (33e). Comme Coman, il est rapide et percutant, mais il donne et participe davantage à la construction du jeu. Donc c’est mieux. Attention aux replis défensifs toutefois.

Mbappé (3+5) : Détonateur de l’équipe pendant une bonne partie du match, il est passeur décisif sur le 2e but de Lacazette. Quelques mauvais choix en début de match ne ternissent pas l’image d’ensemble : à droite comme à gauche (il a souvent permuté avec Martial), il fait mal. Sauf incident, titulaire il sera au Mondial. Manque un but pour élever la note.

Alexandre le Grand (4+/5) : Ahou-se-of-cards n’a qu’à aller se rhabiller (c’est de circonstance) : niveau retournement de situation, Lacazette a fait fermer des bouches. Toujours dans le rythme, bien positionné, il a enfin remarqué en Bleu. Et deux fois, triplant ainsi son total de buts en sélection. Pas la note parfaite car je l’ai trouvé moins présent dans le jeu que ses collègues, bien que son poste l’exige un peu moins. Remplacé par Griezmann à la 75e, juste venu faire un footing avant le derby madrilène.

 

Vous pouvez me retrouver sur Twitter où, sous couvert de causticité, je me livre à des analyses d’une profondeur inégalée.

Didier Décampe

3 thoughts on “L’Académie française note Allemagne – France (2-2)

    1. A défaut d’insérer des gifs correctement et de ne pas polluer la banque d’images du site, je me suis dit qu’il fallait compenser par des bases musicales solides. C’est pas dit que la prochaine fois je mentionne Dick Rivers par contre.

  1. Beau. Déçu que vous n’ayez pas fait un parallèle avec un trou dans la ligne Siegfried à la 72e.

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