Mon réveillon de noël

Plus le temps passe, plus je déteste le 24 décembre. Détester est un bien grand mot quand même, mais disons que je n’avais vraiment pas le cœur à faire la fête. Puis qu’est-ce qu’on célèbre en fait ? La naissance d’un mec qui a été crucifié et qui est à la fois Dieu fait homme et le fils de Dieu, au point de parler à son lui-même de père quand il est en train d’agoniser ? Voilà quelque chose de bien complexe et de bien mystérieux que même une palette de Philippe Doucet ne peut appréhender.
Soyons de bonne foi, on célèbre la famille. On se retrouve entre frères et sœurs, parents et enfants autour d’un sapin (pourquoi d’ailleurs un sapin ? Tout le monde sait maintenant que le père noël est une récupération de St Nicolas de coca-cola mais le sapin, on n’en parle jamais) et on se donne des cadeaux tous plus pourris les uns que les autres… Super.
Bien que l’ennui que me provoquait cette perspective m’envahissait déjà, je me motivais pour jouer le jeu un minimum. J’avais quelques cadeaux à acheter. Et puis j’avais promis à ma mère que j’irais chez le coiffeur pour les fêtes. Ça promettait une rude et longue journée. Surtout que les distributeurs automatiques ne voulaient pas m’accorder un minimum de crédit bien que c’était noël. J’avais réussi à mettre de côté 20 euros qui me permettraient sûrement de combiner coiffeur et clopes, donc l’essentiel. Ma nouvelle coupe de cheveux serait clairement mon cadeau de noël à ma mère. Restaient à trouver ceux pour ma sœur, son mari et ses 3 enfants.
Sur la route qui menait à la tondeuse crânienne, j’avais déjà trouvé quelques idées. Sur le chemin d’exhibition de ma nouvelle coiffure, je tentais de les mettre en œuvre. Je me suis arrêté à la Fnac, j’ai trouvé 5 cadeaux qui correspondaient grossomodo à ce que je pouvais offrir de moins pire quand on a ni temps ni argent, mais j’ai eu la désagréable d’apprendre une fois à la caisse, et ce après 10 minutes d’attente, que le magasin de Pinault n’acceptait plus les chèques depuis octobre dernier. Monde de noël de merde. Comment je peux faire des cadeaux maintenant si même ce droit à m’endetter davantage m’est refusé? J’allais encore passer pour un crevard.
Il ne me restait plus qu’une seule solution, celle de me servir dans ma chambre et de dire adieu à quelques uns de mes biens. J’ai donc cédé mes 2 clés USB, après les avoir remplis de films torrentement acquis ou de musique illégalement téléchargés, 2 cds suffisamment pas terribles pour pouvoir convenir aux goûts de chiottes de ma nièce, et 2 bds, dont un vieil album de Spirou que j’avais acheté l’an dernier. Très clairement, mes cadeaux étaient super nuls, mais l’avantage c’est que les enfants de ma sœur ne sont pas encore assez poliment hypocrites pour me faire croire que c’était bieng.
De mon côté, les cadeaux reçus étaient nuls à chier. J’ai eu 2 pulls, alors que je n’ai plus que 2 pantalons mettables, et un décapsuleur alors que j’ai toujours un briquet sur moi. Ce qui était un peu rassurant quand même, parce que ça tendait à prouver que ma famille ne prenait pas plus de temps à me regarder que je ne lui en accordais moi-même.
Heureusement, le dîner était bon. Puis finalement, j’ai récupéré mon album de Spirou abandonné sur la table du salon pendant plusieurs jours.

Mon réveillon du 1er de l’an

Pas franchement convaincu par cette expérience de groupe, j’ai décidé de ne pas m’embêter à aller voir des gens pour le premier de l’an. Ayant récupéré un peu d’argent, j’ai tout claqué le soir même en faisant des courses au super marché pour manger quand même autre chose que des pâtes à la carbonara sans lardons et sans œuf. Je n’ai pas pu résister en voyant le coffret Mad Max à 12 euros. Ma mère délaissant les lieux pour aller boire du champagne avec ses amis, j’avais tout le confort et la place nécessaire pour me souhaiter une bonne année.
J’ai commencé ma gigateuf ‘alone in the world pour la nouvelle année’ en prenant un bain moussant avec une bonne Bd en 3 tomes, en fond sonore une excellente playlist qui retraçait 40 ans de rock, deux bougies comme lumière, un verre de whisky, une canette de bière et un pétard que je m’étais soigneusement conservé depuis plusieurs semaines. J’étais tellement bien que j’avais épuisé l’eau chaude avant d’attaquer le 3e tome. Mais j’avais trouvé la combine depuis longtemps en laissant une bouilloire dans la salle de bains. Ce n’est pas super efficace comme méthode, un peu risqué façon Claude François peut-être, mais j’étais tellement bien que je me disais que pendant que je vivais ça, je pouvais mourir tranquille.
Ayant toutefois survécu (ce qui mine de rien promettait déjà une bonne année ; enfin je crois), j’ai ensuite dégusté toutes sortes de gourmandises, accompagnées de vins blancs, devant Mad Max qui est un film en fait bien plus mauvais que ce que mes souvenirs m’avaient laissé espérer. Ma consolation était toutefois vite trouvée en gardant en tête la possibilité immédiate d’aller sur TF1 et de voir Arthur me souhaiter une bonne année. Comme une façon de se rappeler que l’on peut être plus misérable encore.
A minuit, je me suis souhaité une bonne année. J’avais au moins réussi déjà à passer une bonne soirée, même si mon film était pourri. Je me suis couché en regardant Mad Max 2 et en finissant le reste de pétard que j’avais laissé dans le cendrier de la salle de bains. Je n’ai pas tenu jusqu’à la fin du film. C’était un peu dommage parce qu’il était quand même vachement mieux que le premier. Mais j’avais encore 364 jours pour regarder l’heure restante.
Bonne année, mon con.

Dimanche

RAS.
Ah si, au moment de l’apéro j’ai regardé Kaamelot sur 6ter et je me suis demandé comment les mecs qui s’occupaient de la programmation de la chaîne avaient réussi à ne pas respecter l’ordre chronologique de la série en les diffusant très approximativement alors que n’importe quel site de streaming de masse y arrive aisément. Ça m’a un peu énervé. Au début. J’ai finalement trouvé très rassurant de trouver bien plus tocards que moi et de me dire qu’en plus ils étaient bien mieux payés. Cette nouvelle année commence fort.

Lundi

Pour ne pas faire comme les années précédentes et dans l’espoir que celle-ci soit un peu meilleure, je me suis décidé à tenir quelques bonnes résolutions pendant au moins un mois. Parmi lesquelles on trouve le choix délibéré de ne pas se masturber dès qu’on ne trouve rien de mieux à faire, soit un peu beaucoup trop souvent.
Oh, je ne me fais pas beaucoup d’illusions. Je sais bien que même dans le cas où une femme me choisissait, je continuerais à m’astiquer sous la douche ou à mon lieu de travail façon Lester Burnham. Disons que la motivation principale reste de ne pas en faire une habitude. Voire un réflexe. Mais à chaque fois un vrai plaisir.
Expérience pour l’instant moyennement concluante. J’ai rêve de porn tellement fort que ça m’a réveillé. J’étais dans un curieux état. J’avais largement préféré mon rêve du 1er janvier, lorsque mon père rentra dans ma chambre en me disant : « ça pue le shit, garçon ! » ; et que je lui répondais alors : « quoi ? Hein ? Pourquoi, tu veux méfu ? ». Ce qu’il confirma, en me disant qu’il avait en plus apporté tout ce qu’il faut.
Pauvre papa. Lui qui n’aura jamais fumé de toute sa vie.

Mardi

J’ai encore rêvé de porn. Mais cette fois-ci d’une autre actrice. Je commençais à trouver ça rigolo, me disant que chaque nuit, je reverrai peut-être un de ces nombreux films que j’ai vu partiellement plus de 10 fois. Toutefois, je n’avais pas plus cédé à la tentation en cette matinée que la veille. J’en étais presque fier de moi.
Je surfais sur cette impression de surpuissance pour envoyer des vœux à plein de gens. Par exemple à tous les abonnés d’horsjeu.net à qui je dois bien ça, parce que c’est quand même grâce à eux que je peux accompagner le whisky de maman d’un pétard et d’une bière le 31 décembre. Vous qui me lisez, soyez cools, abonnez-vous, j’aimerais bien découvrir l’héroïne cette année.
Après cette journée de dure labeur (je tiens d’ailleurs à remercier les 3 personnes qui ont répondu à la trentaine de mails de vœux que j’ai envoyée depuis le 1er janvier), je n’ai pas eu la force de lutter contre la volonté de ma mère qui tenait à regarder « Un jour un destin » spécial Philippe Noiret. Le programme était très mauvais. Pas un mot sur ‘Grosse Fatigue’, qui était le film dont il fallait parler dans les années 90 puisque Philou y joue son propre rôle avec le recul et la classe qui caractérise un bon acteur.
Rien à voir par exemple avec Pascal Elbé, dont l’interview clôturait l’émission. Assis à la droite du père Delahousse et à la gauche de Bruno Putzulu, la différence de classe avec ce dernier était d’ailleurs saisissante. On voyait le premier évoquer sa rencontre avec Noiret pour essayer de mieux parler de lui alors que le 2e n’arrivait pas à terminer sa phrase. Lancé, j’ai regardé dans la foulée ‘Coup de torchon’ de Tavernier, mais je n’ai pas bien compris où l’auteur voulait en venir. Disons que j’ai quand même été content de voir Gérard Hernandez à l’écran dans autre chose que le programme court à la con de M6. Lui qui avait été si brillant dans son rôle du Grand Schtroumph et qui émerveilla un replay de cette phrase : « enlève ta langue que je pète ! »

Mercredi

En allant acheter mes clopes de bon matin, vers midi, j’ai croisé mon voisin raciste qui m’informa que « deux bougnoules » avaient attaqué Charlie Hebdo. « Bravo, ai-je répondu. Surtout si c’est une répétition avant d’attaquer canal +, l’Equipe, RMC ou BFM TV ». ça lui a cloué le bec à ce gros con.
N’empêche qu’en regardant quelques heures plus tard les internets et en apprenant la mort de 12 personnes, je me suis senti très con.

Jeudi

J’ai pas très bien dormi. Je ne me suis pas masturbé, ça aurait été vraiment indécent, mais je n’avais même plus l’impression de fierté matinale que j’avais en ce début de semaine.
Je n’arrivais même pas à me sentir « Charlie ». Il faut dire que c’était le surnom de mon oncle trisomique. Pas facile dans ces conditions d’adhérer au mouvement.
J’ai proposé à Padls ce dessin mais il ne l’a pas trouvé très drôle.

charpie-hebdo

C’était sans réelle prétention de toute façon. Le coup de génie est celui de l’auteur de cette image.

Pendant que les bons Français s’unissent dans les larmes, les bougies et le slogan pourri sans doute trouvé par un employé d’agence de com ; je m’interroge. Comment un mec de mon âge peut tuer Cabu ? Il n’avait pas la télé ? Il a déjà tiré un trait sur son passé de téléspectateur de récré A2 ? L’assassiner le lendemain de la mort de Framboisier reste quoi qu’on en dise un acte très difficilement compréhensible.
Je ne suis même pas sûr qu’eux-mêmes comprennent. « On a vengé le prophète Mahomet. On a tué Charlie ! » auraient-ils hurlé, alors que c’est l’évidence même qu’ils l’ont rendu immortel.
Et si au final, tout ça ne partait pas d’une bonne intention très maladroitement exécutée ? Je m’explique avant que vous vous indigniez. Mourir en martyr donne l’accès direct au paradis. Or, quand on exécute des mecs à la kalash alors que leurs seules armes en face sont des crayons et des feutres, comment pourrait-on leur refuser le statut de martyr ? Finalement, les tuer n’était-il pas le meilleur moyen qu’ils pensaient avoir trouvé pour sauver les âmes de ces caricaturistes, et leur permettre d’accéder au paradis pour enculer des vierges ?
Je m’y connais mal en théologie djihadiste, mais je pense que la question mérite d’être posée.

Vendredi

Bon, je n’ai pas tenu une nuit de plus… Laissez-moi tranquille, s’il vous plaît.

7 thoughts on “La semaine du rédac-chef (et ses réveillons)

  1. – Arsène, les frères Kouachi sont en négociations avec le GIGN, quelles peuvent être leurs revendications ?
    – Oui.

    Je n’ai pas peur de le dire, Monsieur Kouachi vous êtes un salaud !

    Elles étaient à Charlie Hebdo ou elles étaient pas à Charlie Hebdo ces places ?

    Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille ! Enfin pas comme Cabu, mais… quel pied, oh putain quel pied !

    Excusez moi mais n’y avait-il rien de mieux qu’un islamiste tunisien pour perpétrer ce genre d’attentat ?

    Nous allons tenter d’interroger Monsieur Cabu après cet attentat, aaaaaah, on m’annonce qu’il n’est pas disponible, ce sont les aléas du direct…

    Frédéric, vu du terrain, quelles sont vos impressions ?

  2. Le seule compte rendu sur Charlie Hebdo qui m’ait fait rire, tu mérites bien mes 2€ par mois pour tes clopes et ton pète annuel ! Par contre je ne te filerai jamais plus, pas envie que tu passes à la coke et que tu n’arrives même plus à taper sur un clavier…

  3. Tiens ? L’image de Depardiou a disparu… C’était quoi déjà les discours sur la liberté d’expression ?

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