L’interview de Guy Roux par france football, commenté par The Spooner

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En bonus pré-comité

 

Je serai peut-être le seul, mais il me semble que l’entretien avec Guy Roux ne ressemble à rien. Les questions extraites, essayons de saisir le fil conducteur de Patrick Dessault.

C’est long, mais je suis allé au bout. Quitte à en perdre en route.

 

 

« Avec une bonne bouteille de Chablis… »

Voici le seul extrait qui sert de titre à l’entretien accordé par Guy Roux. Pas de foot. Suspense. En allant plus loin, il serait facile de dire que le journaliste cherche à s’appuyer sur l’image de bon vivant d’un des plus grands entraîneurs et formateurs français des 50 dernières années.

Le chapô nous apprendra juste que Guy Roux ne taille pas ses confrères au grand dam de l’auteur. Mais que quand même, faut pas déconner, l’alcool fait passer les purges de la L1 organisées de mains de maîtres par les entraîneurs, thèse défendue par le journaliste.

 

Q1 : PD : « Guy, ne trouvez-vous pas qu’on s’ennuie à regarder la L1, et ne serait-ce pas, par conséquent, de la responsabilité de ceux qui la mettent en scène ? »

Cette première question apporte la lumière pour comprendre le titre et le chapô de l’article et résume parfaitement la finesse du point de vue qu’il faudra faire vomir à Guy Roux. Si on s’ennuie, c’est la faute des entraîneurs. T’en dis quoi mon p’tit vieux ??

Réponse de GR dit que non et que si la répartition était autre on risquerait de n’avoir que deux ou trois matchs regardables

Q2 :. PD : « N’est-ce pas déjà le cas ? »

Le journaliste perd déjà patience et ne comprend comment il n’a pas eu un interlocuteur plus consensuel dès la première question alors même que son argumentaire était sans faille et qu’il ne pouvait pas avoir une autre possibilité de réponse que celle : « bah ouais ma gueule, évidemment ce sont les entraîneurs, sinon qui d’autre ?? les joueurs ?? Non. Les dirigeants ?? Non. L’influence des médias qui fait que quand une meute crie à la nullité, tout le monde trouve tout nul. Il est toujours plus valorisant de faire valoir un sens critique bidon plutôt qu’une admiration qui signifie pour beaucoup naïveté.

Réponse de GR  : la L1 est homogène.

Q3 : PD : « Elle est tirée par le bas ! »

Par qui, par quoi, peu importe, l’idée est de dire que si la Ligue 1 est homogène, elle l’est pas le bas et puis c’est tout et donc que si elle est nulle, c’est la faute des entraîneurs et comme ça on retombe tranquillement sur la première question et on en parle plus car le journaliste est ici avant tout pour donner son avis et le faire confirmer par un entraîneur.

Réponse de GR revient sur Toulouse-Rennes qu’il a beaucoup aimé en ajoutant « pour une fois ».

 

Q4 : PD : « Vous voyez, vous êtes d’accord ».

Forcément il n’y a peu de chose aussi imparable que passer une couche de mauvaise foi sur une réponse qui se veut sincère. GR dit que pour une fois en voyant Toulouse, le match était bien, il ne dit pas que pour une fois en Ligue 1, le match était bien. Aveuglé par la volonté de faire cracher GR dans la soupe, le journaliste a oublié de penser aux deux interprétations possibles, au minimum, de la réponse de l’Auxerrois.

On remarquera au passage que l’essentiel pour le journaliste n’est pas de reconnaître qui a raison ou pas, qui donne une bonne information ou pas, mais bien sur que GR soit d’accord avec lui. On est bien parti.

Réponse de GR : Constat similaire mais cheminement différent, si le match est déplorable, il est inutile de charger les coaches.

 

Q5 : PD « Attendez vous dites que les entraîneurs ne sont pas responsables et donc pas coupables ? »

La défense à la Georgina Dufoix (les plus jeunes iront se renseigner), cela peut payer. Le journaliste a décidé de ne pas faire dans la demi-mesure, aujourd’hui c’est sans nuance. Soit les entraîneurs sont tous coupables et responsables, soit ils sont responsables et coupables. De manière insidieuse, par une démonstration par l’absurde en sous-entendant dans l’esprit de GR : « ah bon donc ils ne sont jamais responsables, jamais coupables, ce n’est jamais leur faute ». Il réussit à faire fléchir un peu GR qui comprend que cet autre extrême n’est pas plus tenable que celui du journaliste. Mais le journaliste ne le voit pas.

Réponse de GR « Ok je nuance. Le Nancy de Jean Fernandez était horrible ».

 

Q6 : PD : « Peut-être n’êtes-vous pas le mieux placé pour parler de lui. Quand il est parti de l’AJA, le club était toujours en L1 et venait de disputer la Ligue des champions. »

Bon, pas grand chose à dire si ce n’est ce lancement assez vulgaire sur une querelle entre deux hommes qui ont été heureux de se séparer.

Q7 : « Vous visez Jean Fernandez avec qui vous étiez en mauvais termes, car il ne voulait pas vous avoir dans les pattes, mais… »

Donc, quand on se dispute avec quelqu’un, on ne peut pas avoir un avis objectif. Mais le journaliste enfonce quand même le clou, parce que c’est marrant les règlements de compte à distance par voie de presse, ça fait vendre, alors on ne va pas se priver et on relance !

Réponse de GR : « le successeur de Fernandez montre qu’il est possible d’avoir du beau à Nancy. » Et c’est vrai.

Q8 : PD : «  Vous cataloguez, un homme, un technicien. »

Pas la peine de formuler une question, hein. Pas la peine de changer de sujet. Ca n’intéresse personne et il n’en ressort rien.

Réponse de GR :  « C’est vous qui cataloguez en prenant comme point de base que la L1 est barbante. L’ennui est subjectif ».

C’est intéressant hein le jeu du « c’est celui qui dit qui y est » ??

Q9 :. PD : « C’est à dire ? »

Le journaliste ne sent pas qu’il est un peu coincé et ce n’est pas en reconnaissant qu’il ne comprend pas les réponses de son interlocuteur que sa situation va s’arranger.

Réponse de GR : les deux immenses entraîneurs lors de Real-Manchester n’ont pas pu faire grand chose face au manque d’envie des joueurs espagnols.

Q10 :. PD : « Ah vous y venez ! ».

Splash !!!! Explosion de joie, arriver à la 10è question et enfin trouver la personne de son avis. Rappel du règlement : le journaliste n’a pas d’avis. Normalement. Quand on ne se fout pas de la gueule de son interlocuteur et des ses lecteurs.

 

GR : « Laissez-moi terminer ».

Stop violent. Essuie ta bave.

 

Q11 : « On commence à être d’accord. Et cet état d’esprit, vous ne pensez pas que c’est à l’entraîneur de le faire passer ? »

Il n’a plus que cela dans la bouche, dans la main, partout. C’est très énervant. J’espère au moins que les deux sont souls à ce niveau de l’entretien, pour qu’ils ne se rendent pas compte. Nous, on se demande ce qu’on regardera à la télé ce soir.

Q12 : « Mais qu’est-ce qui empêche de tout faire, bien jouer et vendre ? Nantes, en son temps, a toujours été pillé, mais le jeu restait une donnée fondamentale. »

Il faut comprendre que le « temps », c’est à peine quelques années. Mais c’est plus simple de le faire passer pour une vérité universelle, personne ne le contredira. Sauf Guy Roux, qui en effet circonscris le débat à Suaudeau et Denoueix, ce qui limite le « temps » de Nantes.

 

Q13 : PD : « En fait, tous les entraîneurs sont bons… »

Pas de question. On tente de passer par la fenêtre pour la deuxième tentative désespérée de raisonnement par l’absurde : « hein tu ne peux pas dire que les entraîneurs sont tous bons, donc tu es obligé de reconnaître qu’il y en a des nuls. Donc tu dois dire que certains entraîneurs sont responsables et coupables du mauvais de leurs équipes. Donc tu es d’accord avec moi. »

On n’a pas avancé depuis la 1ère question. C’est ouf.

 

Q14 : PD : « Quand on regarde les matchs, on s’interroge souvent sur le travail effectué en amont, durant la semaine. »

Bah, justement, si on te prend aux mots, ce serait sympa que tu t’interroges vraiment, genre avec un point d’interrogation, parce que là ce n’est pas le cas. Ce n’est pas non plus une surprise, on a bien compris l’arnaque depuis le début, mais quand même, à ce point…

Q15 : PD : « Donc globalement, le travail est bon. »

Non non, vous y avez cru. Mais non, pas de question. Juste histoire d’essayer de mettre l’interlocuteur dans une pseudo contradiction mesquine en appuyant ostensiblement sur une possible exagération de sa part. Et une remise en cause de sa réponse offrirait une petite fenêtre de tri pour le journaliste et grosse éructation de joie pour son égo et son seul avis défendu maladroitement depuis 15 questions.

 

Q16 : PD : « Il n’y a que peu de spectacle. »

Non non, vous y avez cru. Mais non, pas de question. Un constat. Subjectif. Sensé orienter l’entretien. Je crois que Guy Roux a décidé de ne pas craquer. On se croirait dans le film « Garde à vue » ou dans un reportage sur Guantanamo : « PUTAIN MAIS TU VAS LE DIRE QUE C’EST NUL ET QUE C’EST LA FAUTE DES CONS D’ENTRAINEURS, TOI QUI EN PLUS D’EN AVOIR ETE UN  FUT PRESIDENT DE L’UNECATEF PENDANT 14 ANS !».

 

Q17 : PD : « En réalité, les équipes sont « bien en place », comme on dit, une vraie plaie… »

Alors là moment spécial de l’entretien où l’âge du questionné se fait sentir et il fatigue de l’itw, car il ne comprend pas ce que demande le journaliste. Il ne s’agissait pas de critiquer l’expression en elle-même, mais le système tactique sous-entendu par cette expression.

GR rappelle avoir vécu un entraînement avec Denoueix et c’était est passionnant.

 

Q18 : PD : « Vous croyez que tous les entraîneurs le sont ? »

Devine mon grand, s’il a cité Denoueix, tu crois vraiment que c’est pour dire que Guy Lacombe est au niveau ?

Q19 : PD : « Autre expression : La culture de la gagne que tout un chacun maltraite. »

Oh bah oui !! Chic. Et la semaine prochaine, tu interviewes Alain Rey et tu lui poses des questions sur la formation à l’auxerroise qui a disparu ??!!

Q20 : PD : « Aujourd’hui, en L1, il y a des coaches que vous appréciez ? »

AAAHHH. Voilà on commence l’interview à la 20è question. France Football, c’est une question d’endurance et de patience. C’est pour les retraités.

Q21 : PD : « Et Frédéric Antonetti à Rennes ou Francis Gillot à Bordeaux ? »

Bah oui on va se passer tranquillement la liste de tous les entraîneurs qui existent. Et vous savez pourquoi il fait ça ?? Il est malin le bougre, pour essayer d’entendre Guy Roux dire : « ah non ces deux là sont chiants et d’ailleurs c’est leur faute si leurs équipes jouent mal ». Non mais sérieux, c’est gros et limite, je dirais que cela montre que tu ne fais confiance en la probité intellectuelle de GR.

Q22 : PD : « Et le jeu pratiqué par leurs équipes ? »

Genre morpion. Il s’accroche, jusqu’à la fin. Je ne vous dirai pas la dernière réponse de GR. Mais c’est un putain de Jean Moulin sur ce coup là. Bravo mon grand.

 

The Spooner

17 thoughts on “L’interview de Guy Roux par france football, commenté par The Spooner

  1. Ceci est un éclairage magnifique, même si souvent je n’aimerais pas être dans la tête du Spooner.

  2. ça doit faire 12 ans que je ne lis plus France Football, ça m’avait pris d’un coup et je me demandais récemment quelle était la raison

    merci @ the spooner de me rappeler pourquoi

  3. @pieronegro Parce que justement il n’y a plus bcp de questions à partir de là. Il faut être rigoureux : s’il n’y a pas de question, il n’y a pas de réponse.

    Et puis à la fin, j’étais fatigué.

  4. Ah oui, quand même… Merci de t’être infligé cela pour nous (ma remarque est aussi valable pour le cdvm, hein).

  5. A quoi ca sert de lire l’article et/ou son commentaire, puisque dans les deux cas on en ressort aussi con que l’on y est entré?

    Beau boulot malgré tout, mais il y a un je ne sais quoi qui m’emmerde.

  6. la question qu il convientde se poser est: Quand Guy Roux est parti, est ce que PD lui accrochait la jambe en pleurant et en le suppliant de dire des mechancetes sur ses collegues

  7. @the spooner: merci pour la 22. Putain mais les journaleux de l’equipe deviennent un peu plus ahurissants chaque jour…

  8. Monsieur le cuillère, bravo.

    @Thumla Skoura : Le je ne sais quoi qui te gênes c’est l’impression de tirer sur une ambulance avec une condescendance horrifiée laquelle part de haut vers le bas avec un léger biais. Ce qui fait qu’il s’agit d’une diagonale et non d’une verticale pure. Mais peut-on rester tout à fait clinique et distant face à un truc pareil ?

    L’autre truc qui te gênes c’est de savoir qu’un type a lu tout l’article pour pouvoir le retranscrire. Tu devines à la fois la souffrance et l’inutilité de celle-ci et tu penses à Carlos (le chanteur).

    Enfin le dernier truc qui te gênes c’est que tu comprends bien que l’article du journaliste est lui-même complètement inutile et pourtant c’est sûr il y a forcément du boulot derrière. Et tu sens bien derrière tout ça qu’au dernier jour, quand les trompettes de Jéricho sonneront le cha-cha-cha, tous les hommes ne pourront pas être sauvés. Et forcément pour l’humaniste que tu es c’est chaud.

    Pour t’enfoncer un peu plus dans la déprime sache que moi aussi j’ai lu dernièrement France Football. J’aimais bien avant. Là c’était pour le 4e ballon d’or de Messi. Il y a un mec dans le magazine, on a dû lui coller un flingue sur la tempe, il a été obligé de décrire les 91 buts de Lionel Messi (Lionel putain, quel rapport avec « Léo » ?) par écrit ! Je sais pas si tu imagines la somme de travail, le degré de prise de tête dans l’écriture pour un truc que personne ne lira jamais ? Je me suis arrêté au 5e but de la saison j’en pouvais déjà plus.

  9. @padls

    C’est une joie, Padls, (joypad LOL j’explique parce que bon), que de lire cela et merci.

    Une question technique. Le mec qui va de travers, ou diagonale , c’est moi, c’est ça?

    Enfin une question religieuse, mais dans ma tête je remplacerais bien les trompettes par des kazoos parce que je suis un membre illustre des Yosh Nerims, groupe auquel il faut s’abonner. http://www.facebook.com/theyoshnerims

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