« Le football vaut mieux que ça », on va finir par comprendre ce titre mystérieux du livre sorti il y a déjà 2 ans. On va finir par comprendre que le « ça », c’est lui, c’est Thiriez et que dans un mot si inoffensif que « ça », il a mis toute sa personne, qu’il ne se considère pas beaucoup plus que « ça ». Dans cette envolée, il nous a peine caché sa véritable valeur, celle d’un « ça » quelconque, impersonnel et sans intérêt. L’an prochain seuls deux clubs descendront de Ligue 1 en Ligne 2 et seuls deux clubs monteront de Ligue 2 en Ligue 1. Pourquoi pas. Mais pourquoi ? Pour rassurer les investisseurs, la belle affaire pour le beau chiffre d’affaires. Président de la Ligue Professionnelle de Football, il dirige les destinées des clubs de Ligue 1, Ligue 2 et une bonne partie du National, parce que oui, les clubs professionnels ne sont pas uniquement les clubs français européens, ni les clubs de Ligue 1. Tuer l’ascenseur entre les divisions, tuer l’ascenseur sportif, tuer la méritocratie du sport n’est pas une grosse affaire finalement, tout le monde s’en fout, à commencer par les plus puissants. Sécuriser quant à la possible mésaventure d’une année, d’un mauvais recrutement, d’un mauvais staff, de mauvais résultats. Mais sécuriser qui ?

Les clubs déjà riches d’un investisseur si possible riche. La répétition du terme riche est importante, demandez à Lens. Un gros investisseur très vite pauvre, et hop une descente. C’est sans doute ce qui fait réagir M. Moustache, pourfendeur des injustices des entrepreneurs ambitieux qui savent prendre des risques comme Mamadov. Alors comment ne pas effrayer, comment développer le produit Ligue 1, seul digne d’intérêt pour la LFP ? Facile. On empêche les clubs de descendre. Le message en substance est : « Messieurs les oligarques russes, messieurs les blanchisseurs d’argent de ce lointain Est, messieurs les nouveaux riches tortionnaires chinois, messieurs les propriétaires pétroliers, messieurs les banquiers suisses, messieurs les Libano-Canadiens. Vous voulez vous offrir un club de football, ce merveilleux sport universel qui se vend bien dans le monde entier ? Vous voulez diversifier votre fortune, ressentir cette excitation de l’incertitude du résultat, vous qui avez tout gagné et qui le voulez encore, venez vous offrir un club bon marché dans un championnat en devenir. Vous pourrez librement gérer ce club sans la pression médiatique d’autres pays européens, il nous reste quelques jeunes à fort potentiel et surtout, surtout, vous ne souffrirez plus d’une possible relégation. Investissement sans risque de perte, une sorte de rente, et nous avons de très bonnes écoles pour vos enfants. Pour les impôts, on s’arrangera, il suffira de ne pas trop faire de bénéfices visibles. »

Thiriez soit loué. Le pire c’est que cette mesure n’est pas un diktat de Moustache mais la conclusion d’une série d’accords de toutes les parties clubs (UCPF) et instances (LFP en attendant l’aval de la FFF), à la suite d’un rapport sur l’amélioration de la compétitivité du foot français rédigé par Pierre Dréossi et Frédéric de Saint-Sernin, deux anciens dirigeants de Rennes, connus pour leur succès. Améliorer la compétitivité du sport français donc, cela veut dire quoi ? Si on parle de sport français, c’est en comparaison aux sports à l’étranger, cela concerne essentiellement les clubs qui jouent les coupes d’Europe ou qui ont la prétention de le faire à moyen terme, soit une dizaine de clubs sur les quarante des deux divisions d’élite. On peut toujours prévoir une ou deux surprises tous les 5 ans, mais cela paraît faible quand même comme espoir.

La recherche de la stabilité a ses effets pervers et M. Moustache ne voit guère plus loin que le bout de ses lunettes. Admettons qu’il ait raison. Les clubs régulièrement qualifiés jusqu’à maintenant seront toujours là, normalement, tant par leur présence sportive immuable que par la solidité de leurs investisseurs. Les autres de Ligue 1, habitué aux accessits ou aux exploits ponctuels pourraient en effet devenir des cibles intéressantes pour des investisseurs. Du fait de leur nombre limité, de leur potentiel sportif et financier, ils pourraient même se voir un peu surévalués lors de l’achat, en raison du faible risque de catastrophe d’une rétrogradation. Encore faut-il des résultats, le merchandising et l’attrait des médias ne peuvent permettre à eux seuls un retour sur investissement, cela ne se fera donc pas sans résultat sportif, mais tout le monde n’est pas Rennes. Mais tout le monde ne pourra pas être le PSG.

Et après ?
Après on fait quoi ? On densifie la présence de clubs financièrement supérieurs à ceux qui n’intéressent personne comme Metz, à ceux qui font l’ascenseur comme Lens, à ceux qui ne reverront jamais l’élite comme Boulogne-sur-Mer, Istres, Arles-Avignon, Gueugnon… Parce que le problème, c’est qu’il va devenir très risqué d’investir dans des clubs de Ligue 2 s’ils ne peuvent pas monter rapidement. Pour que le sport français devienne vraiment compétitif la formule à 2 descentes/2 montées va surtout conduire les investisseurs à se reporter sur des sports avec un potentiel économique plus intéressant et en aucun cas garantir la pérennité financière des clubs professionnels de football. Sans même parler de l’intérêt sportif évidemment plus grand de 3 descentes/3 montées. Le football est un marché très mature, le modèle peut très bien s’écrouler quand tous les abus, financiers et médicaux, seront découverts. Investir en 2015 dans le football, dans un club qui ne peut pas être le plus grand, risque d’être un sport dangereux. Autant aller pourrir d’autres sports, le rugby est déjà bien entamé, le volley peut être le sport rentable du XXIè siècle (FIVB : 220 nations contre 209 seulement pour la FIFA et 193 pour l’ONU), seul sport encore plus universel que le foot. Sécuriser l’investissement, c’est une chose, garantir un retour sur investissement, c’est différent et pourtant, le réel intérêt pour un investisseur se situe dans la seconde catégorie.

Le mieux, dans la logique thiriezienne serait encore de garantir à tout le monde une place bien attribuée que ce soit dans un groupe d’élite et un groupe d’un peu moins élite, c’est à dire, oui mesdames messieurs, une ligue fermée. Au moins, tout le monde peut avoir son investisseur puisqu’on élimine le facteur risque. Même les clubs du Nord et de l’Est de la France pourraient en bénéficier. Gros investissement : ligue 1, moyen investissement : ligue 2, faible investissement : national. Mais tout le monde a son investissement. Et on franchise.

Prochaine étape ?


Frantz-Christophe Van Dustgroski

 

8 thoughts on “Parlons peu, parlons thune

  1. C’est prévu, mais il faut d’abord que le Red Star et le PFC monte en ligue 1, rapport aux derby des grandes capitales européennes des grands pays de foot.

    Et aussi que le Gazelec descende.

  2. Ce qui est mauvais c’est que le rugby c’est inspiré du foot pour se professionnaliser il y a 15 ans en allant plus loin dans cette logique de montée descente limité, et là, le foot veut rattraper ces conneries :/

  3. J’aime beaucoup ce parrallèle avec le rugby, ce sport noble qui ne se fait pas acheter mais où les équipes nationales ont des sponsors sur leurs maillots.

    Certains voient les poils de cul des autres mais pas la poutre qu’ils ont dans le fion.

  4. @Porthos : le seul sport dont la fédé est plus pourris qu’au rugby c’est la boxe hein^^
    D’ailleurs au rugby des président rêve de ligue fermé comme dans l’hémisphère sud.

  5. Qu’ils la fassent, la ligue fermée, pour les ados sans attaches, et laissez nous nos clubs monter ou descendre si ils le méritent.
    Championnat à 18, 3 montées/descentes, pas de coupe moustache, une Coupe des Vainqueurs de Coupes. (oh, ça a existé ça !)

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