Alors que les fidèles du CFC découvrent à peine la footballogie, Roazh Takouer, druide footballistique et fondateur de la Breizhou Académie, s’opposa déjà avec une certaine véhémence aux analyses du seul disciple de cette science du foot (voire par exemple ici). L’opposition s’arrêta là. Du moins en ce qui concerna le grand défenseur de la cause rouge et noire car le footballogue refit parler de lui sur ces pages, s’en prenant par exemple au comité.

Des mois passèrent, et il était donc largement temps de passer enfin de la théorie à l’étude pratique, puisque la footballogie nous fait plonger au cœur du Stade Rennais FC cette semaine, avec cette parution au titre digne d’un Faîtes entrer l’accusé :

« Rennes : Antonetti, le faux coupable. »
Alors qui ? Pierre Dréossi ? François Pinault ? Les forces obscures ? La Brigade Loire ? Frédéric Thiriez ? Geoffroy Garétier sort de sa veste en cuir une enveloppe qui nous révèle qu’en fait, ben c’est le club. Un coup de bol que Badinter soit passé avant, sinon, c’était chaud pour notre gueule.

Geoffroy ne semble d’ailleurs pas en être tout à fait sûr puisqu’il nous écrit avant de poser sa problématique et ses couilles sur la table :
« Concernant l’ancien milieu de terrain du SC Bastia, le couloir de la mort aura trois matches de long. »
Une histoire de longueur et de couloir qui en fera sûrement saliver plus d’un, mais Elie Baup peut doublement le confirmer : « Pôle emploi, c’est pas la mort ».

 

Passons donc sur la forme pour nous attaquer au fond. Car dès le paragraphe suivant, nous entrons dans le vif du sujet, même s’il n’est que moyennement consentant.
« Le calvaire d’Antonetti a commencé samedi soir à Toulouse. Pour une épreuve, c’en était une ! La dernière défaite du TFC lors d’une 6e journée de L1 remontait au 10 septembre 2005, face au Mans au Stadium (0-2). »
Rendez-vous compte ! Rennes était en passe de réaliser un exploit que plus personne ne parvint à accomplir depuis le grand MUC de Yohann Hautcoeur, James Fanchone ou Laurent Bonnard. Ajoutons à cela que Rennes n’avait encore jamais gagné depuis le début de saison un match avec une température ambiante de 23°, et il semblait bien que c’était joué d’avance.

« L’égalisation tardive d’Ahamada (2-2), alors que Rennes a mené deux fois au score, aura un double effet : prolonger leur série rose et le roman noir breton. La réception de Lille, le 28 septembre, avant un déplacement à Sochaux, le 6 octobre, n’y devraient dès lors rien changer. »
Ah merde, ce coup-ci, ça semble vraiment joué d’avance. Un dernier espoir subsiste en voyant l’utilisation du conditionnel. Notons au passage que Geoffroy avait magnifiquement deviné la victoire rennaise face à Lille. Ah non, tiens.
Alors, et si ?

Et si rien du tout, parce que c’est le moment où Geoffroy nous sort sa grosse problématique, même si le titre a déjà répondu à sa question.
« Pour autant, le passif est-il partiellement, totalement imputable au double finaliste de la Coupe de la Ligue (Bastia 1995, Nice 2006) ? »
Vu que c’est un faux coupable, on sait déjà que le passif ne lui est pas totalement imputable. Ce qui n’est pas sale. Reste donc à voir, si on peut être faux coupable, mais responsable dans le passif du club de la ville d’Edmond Hervé.

A cette question, Geoffroy ne répond pas réellement. À sa problématique non plus en fait, on ne sait pas trop finalement si on peut considérer Toto comme vrai responsable mais pas coupable. On retiendra surtout que c’est la faute du club.
Pour cela, on passe au plat de résistance. Rien à voir avec le four ou Jean Moulin. Non, les faits. Rien que les faits (interprétés par Jojo Garett’, fils unique).

Signalons au passage qu’ils sont au nombre de 7, preuve qu’il s’agit d’une étude s’approchant au maximum de Dieu, et donc de la perfection.

 

« 1/ Sur les dix dernières saisons, le Stade Rennais s’est en moyenne classé 7,3e en L1, ce qui en fait le 5e club français à l’indice de performance. »
7,3e de L1, soit 5e club français. On pourrait croire que c’est les 2,3 clubs étrangers de ligue 1 qui foutent la merde, mais en fait non.

« 2/ Les entraineurs passent (huit depuis 1998), la moyenne reste. Sur trois saisons complètes, Le Guen a fini 8e ; Bölöni, 7e ; Antonetti, 7e. Ce n’est donc pas une question d’hommes. »
On ne sait pas si le footballogue considère que Guy David ou Pierre Dréossi n’était pas un entraîneur, mais ce n’est pas important dans la mesure où aucun n’est resté trois ans.

« 3/Rennes n’est jamais monté sur le podium. Read my lips : ja-mais. En 55 saisons précédentes en Ligue 1, Rennes est le seul des 28 clubs français les plus assidus en L1 à être dans ce cas de figure. Meilleure performance ? 4e en 1949, 1965, 2005 et 2007. Au cas d’espèce, terme usuel en la matière, je préfère cette métaphore bien connue des sociologues : « plafond de verre » ».
On notera que la footballogie s’adresse aux gens parfaitement bilingues. Mais aussi aux sociologues. Pas trop non plus, parce que n’importe quel type capable d’un minimum de sémantique rétorquera que ça ne signifie pas du tout la même chose, mais c’est là l’oeuvre de l’article.

« 4/ Hormis le FC Nantes, dont l’identité bretonne est sujet à débat, aucun club breton n’a jamais été sur le podium en D1/L1. Particularisme. »
On attend quand même de savoir quel(s) club(s) picard(s), quel(s) club(s) limousin(s) et quel(s) club(s) auvergnat(s) sont un jour montés sur le podium. Mais bon Geoffroy a l’air sûr de son coup.

« 5/ Au XXIe siècle, le déclin nantais a étrangement coïncidé avec la montée en puissance de Rennes… Aux deux 4e places des rouges-et-noirs (2005, 2007) firent écho, les mêmes saisons, les 17e et 20e places des Canaris. Vases communicants. »
Hé oui,deuxième grande révélation du jour. Découvrant que les Rennais jouaient mieux qu’eux, les Nantais ont décidé que c’était pas du jeu et ont arrêté de jouer au football.

« 6/Hors Coupe Intertoto et tours préliminaires, le club n’a jamais remporté un match de Coupe d’Europe. Avant 1998 ni après. Avant Antonetti ni avec : 18 matches, 0-7-11. »
Read his lips again. « Ja-mais »

« 7/Sur les dix dernières saisons, Rennes a remporté deux des trois Coupes Gambardella de son histoire (après 1973) : en 2003 avec la promotion Gourcuff-Briand, en 2008 avec la promotion M’Vila-Brahimi. »
Alors là, non seulement on pas compris le rapport avec le sujet, mais en plus ça n’est nullement utile à la suite du raisonnement. On va dire que c’était tout de même important de le préciser et qu’on va ajouter que Rennes a été champion de France des réserves en 2007 et que les galettes-saucisse y sont généralement bonnes.

« Synthèse ? »
Oui, s’il vous plaît Geoffroy. On ne sait toujours pas qui est le vrai coupable.

«  En général dirigé par des hommes politiques, des hommes d’appareil, des hommes de réseaux, Rennes, avant et après Pinault, a négligé l’essentiel : la mise en place d’un management sportif pérenne, soutenu, indépendant. »
C’est donc, la faute des dirigeants si on vous suit bien ?

« La création d’un grand club, les exemples étrangers abondent en la matière, passe inévitablement par l’émergence de grands dirigeants, qu’on les nomme ici managers (Ferguson, Cruyff) ou bien là, présidents (Bernabeu, Berlusconi). Ceux-là voient grand et loin, bâtissent des équipes et des stades. »
Purée de pommes de terre de Saint Malo ! Le Stade Rennais n’a pas l’envergure de Manchester, de Barcelone, de Madrid ou du Milan ? Vous êtes vraiment sûr ?

« (…)Les entraineurs passent, les profils changent, la tradition reste : par méconnaissance ontologique du foot, les décideurs du Stade Rennais ont entravé, entravent, entraveront, systématiquement, le chemin de ceux qui pourraient faire entrer le club dans une autre dimension. »
On est passé directement à la conclusion parce que le passage sur les entraîneurs n’était pas indispensable. Remarquez, le reste non plus en fait.

« Le plafond de verre finira bien par leur tomber sur la tête. »
On s’en fout. On n’est pas gaulois, on est breton. S’il nous tombe sur la tête, ben, il va casser et puis c’est tout. Aucun verre ne résiste aux bretons, c’est bien connu.

« Et François Pinault par se lasser de considérer son club comme une vestale intouchable plutôt que comme une danseuse pour qui rien n’est trop beau. »
Oui mais puisque le vrai coupable, c’est la direction qui ne sait pas où trouver son Sir Alex Berlusconi, c’est un peu l’arroseur arrosé qui se plaint de la pluie dans sa décapotable, non ?

Là non plus, pas de réelles réponses, mais une prophétie qui nous rassurera guère puisque l’on y peut y voir qu’on a pas encore tout à fait vécu les heures les plus sombres de notre histoire.
« Lequel club reprendra un jour l’ascenseur, dans le mauvais sens. C’est dans l’air… »
Christophe Hondelatte en intro, Yves Calvi en conclusion. La démonstration est claire. Le club est foutu. C’est dans ses gênes en quelques sortes. Euthanasie directe donc.

 

Qu’on se rassure donc, le verdict du docteur n’est pas sans appel contrairement à un forfait free mobile. Revenons donc à l’étude des faits pour cette fois-ci soutenir la théorie opposée.

1/Avec sa progression dans la hiérarchie nationale (5e club français à l’indice de performance durant ses dix dernières années), le Stade Rennais connaît une mutation qui fait dorénavant de lui un candidat naturel à l’Europe alors qu’elle n’est qu’anecdotique, qu’une cerise sur le kouign amann dans l’histoire du club (2 participations à l’ancienne C2 avant l’arrivée de Pinault et une qualification en intertoto).

2/ La stabilité du club dans la hiérarchie nationale se traduit localement par une stabilité des postes. Au club depuis 13 ans, Pierre Dréossi incarne cette période de gestion. Pour la première fois, le coach en place a démarré une 4e saison, ce, parce que le technicien a su survivre aux conflits internes (contrairement à Le Guen ou à Guy Lacombe), parce qu’il n’a pas cédé aux appels du pied de l’extérieur (contrairement à Bölöni ou à Guy Lacombe), et parce qu’il ne s’est pas encore mis toute la presse à dos (contrairement à Guy Lacombe).

3/ Rennes est le seul des 28 clubs français les plus assidus en L1 à n’être jamais monté sur un autre podium que celui de ligue 2. A l’expression « plafond de verre », je préfère celle bien connue des ornithologues et des amateurs de flipper, de « cas d’espèce ».

4/ Sachant que les Normands et les Sarthois pourrissent avec les Nantais, les Trégorois et les Mayennais à l’étage d’en dessous, Rennes devient de facto le principal club du Grand Ouest français et non plus seulement de la Haute Bretagne. À l’heure où nous écrivons, Le Cotentin est sur le point d’être totalement conquis par les Rouges et Noirs alors que le Vannetais à déjà été repris aux Ligériens. Là aussi, position géographique inhabituelle pour ce club peu habitué à être au devant de la scène et qui pourrait donc s’étendre jusqu’en Anjou si ça se trouve.

5/ Vu l’état dans lequel se trouvent Nantes et Laval, voire Guingamp, Rennes a ce don de savoir tuer ses ennemis et ce talent de savoir utiliser le temps pour lui. Lentement mais sûrement, pendant que les trop pressés s’effondrent au risque de ne peut-être jamais remonter. Grenoble, Lens, Nantes, Auxerre… Les exemples d’ambitieux qui se ramassent les dents ne manquent pas.

6/ Avant l’ère Pinault, le Stade Rennais n’avait jamais franchi un tour de qualification dans n’importe quelle compétition européenne. De la plus moyenne (coupe des coupes en 65 et en 72) à la plus petite (coupe intertoto en 1996). Depuis, le club a su tenir l’affiche à domicile face à des grands noms (Atletico Madrid, Juventus de Zizou….) voire même s’imposer (Etoile Rouge de Belgrade, Osasuna alors 5e de Liga, Aston Villa…). La lente progression rennaise se perçoit donc aussi de manière microscopique à l’échelle européenne.

7/Le club a déjà remporté deux fois plus de coupes gambardella ce siècle, que le précédent. Outre que cela révèle un projet de formation, il est intéressant de voir qu’un certain sens de la gagne commence à prendre forme dans « les gênes naissantes » du Stade Rennais post-fin du monde (oui parce que c’est pour bientôt, c’est les Mayas qui l’ont dit).

Synthèse : Se trouvant dans une situation unique dans son histoire, étant lui-même un objet unique dans l’histoire du football hexaganal au point d’en devenir l’unique emblème de la lose-et-noir, et fort d’une progression lente mais constante (et aussi unique) qui s’étend sur plus de 30 ans, le stade rennais traverse une période de mutation naturelle (unique) qui amènera, on l’espère tous, à un résultat x, même si c’est interdit aux mineurs. Et comme j’ai bien mangé tout à l’heure et qu’on s’approche à grands pas de l’apéro, je suis de bonne humeur. J’en déduis de facto que x sera en effet positif.

A l’inverse, si le déjeuner ne m’avait pas rassasié, que le médecin m’avait prescrit d’arrêter toutes consommations alcoolisées et que ma druidesse m’avait enfin claqué la porte au nez, j’aurais été de méchante humeur, et j’aurais forcément vu x comme < ( la tête à Toto/2)

En conclusion, je recommanderai donc à l’éminent footballogue d’écrire ses analyses après un bon déjeuner et peu avant l’apéro. A quoi ça tient une étude scientifique dans le foot…

 

Roazh Takouer

6 thoughts on “Roazh Takouer répond au footballogue

  1. Quel talent !!! pis je me faisais du souci, pas d’acad’ depuis 5 journées, une noyade dans un fut de chouchen est si vite arrivée de nos jours.

  2. tout ça pour nous empêcher d’avoir un centre de formation !

    un scandale !

    comment ça aucun lien et monomanie ?

  3. J’ai eu la même réflexion pour la 4. on peut même ajouter que l’aquitaine à part bordeaux y’a rien, l’alsace à part strasbourg…
    ça fait beaucoup de particularisme.

  4. Et une bonne galette-saucisse ranger bien au fond du ptit rectum du jojo! Notre druide a tous m’a tellement manqué, il vient d’ensoleiller mon apéro comme le reflet d’un spot de bar a travers un verre de Chouchen!

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