Soumissionnaire

A bientôt un mois des tragiques événements de Charlie, il est temps de sortir la tête du sable et de retrouver l’humeur noire. Parce que les choses de la vie sont ce qu’elles sont, tout le monde est bien enterré et la seule question qui me reste est purement sexuelle : quelles étaient les positions préférées de Jeannette pour être passée d’Eric Judor à Charb en quelques semaines à l’automne 2013 ?

Indirectement liée à ces événements, la sortie du livre de Houellebecq n’a pas été discutée dans les milieux du sport qui pourtant pourraient parfaitement illustrer plusieurs hypothèses, HY-PO-THE-SES, du livre. Sans revenir sur l’épisode trop commenté de l’équipe de hand du Qatar, parfois sans aucune comparaison avec ce qui se passe dans d’autres sports (notamment le rugby où l’équipe nationale ne veut pas dire grand chose tant les naturalisés sont nombreux), le paradigme du sport européen change.

En 2022, un parti religieux gagne l’élection présidentielle après un deuxième tour opposant le Front national et le parti islamique. De quel côté est le football ? Si le cadre du football est probant, c’est parce qu’il illustre au final une prise de pouvoir progressive mais constante depuis que les pétrodollars doivent être blanchis dans ce qui ne fait pas mal aux législations occidentales et tout ce qui fait du bien à l’égo des zombis fan de foot que nous sommes.

Trois grands acteurs investissent le marché visible du foot : Qatar Airways, Etihad et Fly Emirates. Trois compagnies aériennes qui bien sur font des commandes de plusieurs milliards chaque année au consortium européen Airbus. Des compagnies détenues par le Gouvernement du Qatar, par le fils du fondateur des EAU et frère du président actuel, et le fils de l’ancien dirigeant de Dubaï et oncle de l’actuel. Le sportif est donc dirigé directement par le politique dans une prise de pouvoir de velours de symboles populaires. Pensez bien que les achats de club, prenons le PSG au hasard, font plaisir bien évidemment à leurs supporters avec l’arrivée de grands joueurs et de titres impossibles à gagner régulièrement (City, PSG), le symbole se renforce, l’image du pays aussi. Qui viendra se plaindre du naming de plusieurs stades après rénovation voire construction d’une nouvelle enceinte dans un quartier qui n’est pas celui de l’équipe et en occultant plusieurs dizaines d’années d’histoire (Highbury -> Emirates). Qui viendra se plaindre de l’apport massif de liquidités par le sponsoring des clubs les plus médiatiques : Chelsea, Milan, Real, Barça, City, PSG, Arsenal… France, Angleterre, Espagne, Italie, l’Allemagne est absente. Pour le moment, seul Hambourg est Fly.

Le livre de Houellebecq dans tout ça ? Ce n’est pas une fiction, c’est une anticipation qui n’a de raciste que les préjugés qu’on y met et l’aveuglément de dire que notre société, dans son modèle actuel, est séculaire alors qu’elle a à peine 70 ans. Manque de recul, manque d’objectivité, manque de courage et peur du changement. On préfère rester le plus longtemps dans un statu quo qui convient très bien à nos grands dirigeants qui ne dirigent plus rien. Leurs institutions sont des paniers percés où la corruption est monnaie courante, où les décisions les plus iniques sont prises avec des arguments toujours plus grossièrement construits. Le pouvoir factice et l’incompétence sont une vérité chez ceux qui décident. Et le football et ses instances actuelles font preuve chaque jour d’une inventivité sans borne pour essayer de garder ce petit pouvoir politique, seul élément tangible qu’il leur reste. Peu de monde regretterait la fin de ce jeu de dupes et la mise à l’écart d’un modèle qui a fait sont temps et n’est plus adapté au clientélisme exacerbé de la plus grande machine à blanchir l’argent de ceux qui en ont trop. La question n’est plus de savoir quand ce sera trop visible pour être inacceptable mais plutôt quelles seront les nouvelles règles et valeurs qui régiront ce sport.

Sommes-nous si loin des propos de Houellebecq et des valeurs de l’Islam ? Au final, le football est toujours dirigé de manière patriarcale avec le sexe polygamique comme timbale et de pseudos valeurs pour ceux qui n’ont pas accès au sexe. Les footballeurs masqués ne diront pas le contraire. Quant à l’intérêt sportif, seuls ceux qui achètent des maillots et croient béatement à la performance sportive, humaine, sont encore dupes. Le football pourrait donc être le laboratoire populaire d’un nouvel ordre pas si lointain. Toute victoire sportive ne précède-elle pas une récupération politique. ?

Frantz-Christophe Van Dustgroski