Best of 2009: Chroniques d’une mort annoncée, 1ère partie

1

Notre footballologue explique l’avenir du football moderne. En cinq parties.


“L’enchaînement presque quotidien des transferts mirobolants au moment où le football européen fait face à de dangereux défis financiers m’interpelle. Cet engrenage pose de façon aigüe la question du fair-play financier et de l’équilibre de nos compétitions. L’UEFA travaille d’arrache pied avec les clubs pour mettre en place un système et des règles qui permettront de commencer sur des bases transparentes et solides l’assainissement des fondements financiers de notre football“.

Michel Platini, Président de l’UEFA.

Commençons à nous arracher le pied…


Les années 90 : l’ère oligarchique


Consulter les annales du football, c’est voir défiler devant soi nombre de grandes équipes, avec leurs couleurs, leur style, leurs grandes figures, leurs dates de règne. Le Real de Puskas et Di Stefano, l’Inter d’Helenio Herrera, le Bayern de Beckenbauer, l’AJAX de Cruyff, le Milan de Sacchi,… Ces grandes équipes, si elles ont contribué à l’histoire du football, ont surtout donné naissance au concept de « grand club. » Il n’est pas question d’évoquer l’hégémonie d’un club sur le plan national, mais plutôt d’envisager ce que l’on entend désormais par « grand club » : attirer les meilleurs joueurs, gagner les compétitions nationales, sortir des poules de ligue des champions chaque année. Deux choses semblent avoir participé à la naissance de ces franchises que sont aujourd’hui les « grands clubs » : la libéralisation des contrats de joueurs sous l’effet de l’arrêt Bosman ainsi que les multiples réformes de la ligue des champions garantissant une représentation européenne quasi permanente aux clubs des pays les plus riches. L’argent fut le critère déterminant d’où la formation d’une véritable ploutocratie footballistique européenne.

La banalisation des transferts de joueurs, l’internationalisation des mouvements couplée à l’envolée des tarifs (indemnités + salaires) participent de ce phénomène de concentration de la valeur sur un nombre limité de clubs. Les premières victimes de ce système furent les clubs des pays de l’est ainsi que les clubs formateurs des pays riches. Ainsi, est-il inimaginable de voir le Steaua Bucarest ou l’Etoile Rouge Belgrade, vainqueurs en 1986 et 1991, rééditer leur exploit, tandis que Auxerre (quart de finaliste en 1997) ou Nantes (demi finaliste en 1996), éprouvent les pires difficultés dans leurs compétitions nationales ; sans parler de ce monument néerlandais qu’est l’AJAX.

Ainsi, il apparaît qu’au tournant du XXIème siècle, le football européen a connu une mutation profonde ayant donné naissance à un véritable oligopole composé de « grands clubs », entités économico sportives, membres permanents d’une Ligue des Champions devenue un mini championnat européen des clubs.

Dans ce processus, l’UEFA, présidée par le Suédois Lennart Johansson entre 1990 et 2007, a joué un rôle moteur, répondant à la pression de ces clubs par d’incessantes nouvelles formules garantissant toujours plus d’argent : mini championnat à partir de 1993, intégration du second, du troisième et aujourd’hui du quatrième des grands championnats à partir de 2001. L’utilisation de l’indice UEFA, calculé sur la performance des représentants de chaque pays, n’a fait que renforcer l’oligarchie en place, poussant les participants à toujours plus d’investissements afin de préserver ses « places. » Ainsi, les institutions nationales ont-elles restructuré leur compétition, rebaptisée « ligue » sur le modèle économico-sportif mis en place en Angleterre dès 1992 (Ligue 1 en France depuis 2002), réintégré des clubs rétrogradés administrativement pour dettes (Espagne, 1995 à 1997) ou durci les conditions d’entrée parmi l’élite (2 clubs rétrogradés en Allemagne depuis 2009 et un match de barrage entre le 16ème de la Bundesliga et le 3ème de la deuxième division.)

L’oligopole apparu ces dernières années a donc largement été validé par les instances européennes mais aussi nationales. Pourtant, la récente campagne de recrutement de Florentino Perez, poussant à l’extrême ce modèle, est présentée comme « impérialiste » par le Barcelonais Laporta, provoque les foudres d’un Bayern « esmeraldisé » par Ribéry, tandis que Frédéric Thiriez (président de la ligue française) et Michel Platini (successeur de Johansson à la présidence de l’UEFA), envisagent une charte de « fair play » financier…


Demain, la 2ème partie vous fournira les explications de la saturation du modèle actuel.

1 thought on “Best of 2009: Chroniques d’une mort annoncée, 1ère partie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.