Best of 2009 Chroniques d’une mort annoncée… Epilogue ?

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Notre footballologue nous expliquait calmement ce que sera la Super Ligue

Après les trois premières parties de l’analyse de notre footballologue, ici, ici, et . L’épilogue ?

Au revoir et merci pour tout…


Face au vent, Platini, président de l’UEFA, tente de sauver sa rente. Ayant convoqué l’ECA (Association Européenne des Clubs) en se dispensant d’en prévenir les représentants du Real Madrid, le président de l’UEFA fait renouveler les serments d’allégeance avant la croisade de « moralisation » du capitalisme footballistique. Cela fait sourire lorsque l’on sait que cette ECA n’est autre que l’ancêtre du G14, soit les 14 « plus grands clubs européens », qui menaçaient régulièrement l’UEFA de faire cession en organisant leur propre compétition si la Ligue des Champions n’était pas réformée à leur avantage. Pour quelles raisons ces clubs se refuseraient-t-ils à obtenir ce pour quoi ils ont toujours lutté ?

A première vue, certains ont encore intérêt à gagner du temps pour consolider leur position, à l’exemple des clubs français (vaste politique de rénovation des stades, et l’on comprend mieux le projet Euro 2016, ou comment le contribuable finance les futures franchises françaises dans leur guerre économique.) De plus, certaines « franchises » sont encore en gestation (Manchester City), quand d’autres pourraient bien céder aux OPA, jadis considérées comme hostiles (Arsenal et son investisseur russe Ushmanov), afin d’augmenter leur assise financière. Lorsque la Premier League envisage un salary cap, c’est sur la base du pourcentage du budget…donc les plus gros budgets continueront à offrir les plus gros salaires, s’assurant ainsi les meilleurs joueurs. Un projet de Super Ligue devra obligatoirement éviter les pourcentages et définir une grille salariale en euros pour finir de convaincre les moins fortunés des plus riches.

Le Bayern Munich incarne à lui seul la résistance au projet…ou du moins la nécessaire prudence avant de franchir le cap. La franchise bavaroise connaît des difficultés sportives qu’une ambitieuse politique de recrutements tournée sur l’Europe n’a su résoudre, il apparaît que la Bundesliga est le championnat le plus « instable »…d’où la récente réforme du championnat). Cet échec semble avoir provoqué un réflexe de rétractation, que l’agressivité du Real Madrid dans le dossier Ribéry n’a fait qu’encourager. Ouvert il y a encore 2 ans, fort du succès de la Coupe du Monde 2006, le Bayern s’est refermé sur son marché national.

Le transfert de Mario Gomez, espoir allemand transféré à prix d’or de Stuttgart pour 35 millions d’euros, et ce au même poste que l’international italien Luca Toni (recruté il y a…2 ans), illustre non pas l’absence de liquidités ni même d’ambition du club bavarois, mais plus simplement sa méfiance à l’égard de ce football « mondialisé » dans lequel équipes, capitaux et joueurs n’ont de valeur que celle de la finance. Le « cadeau » Robben accordé par le Real Madrid, s’il vise à calmer le géant bavarois en vue d’obtenir Ribéry l’an prochain, peut-être également perçu comme un message de paix d’un aristocrate à un autre, en vue de convaincre les Allemands qu’ils n’ont rien à craindre d’une Super Ligue, au nom d’une « solidarité de classe. »

Il reste pourtant un dernier écueil sur lequel les projets de Super Ligue ont toujours buté, véritable défi aux cabinets de consulting…ainsi qu’aux cabinets ministériels : le problème de la supra nationalité. Le système américain fonctionne sur le principe de franchises, véritables marques indifférentes à un quelconque encrage territorial. Ainsi, les Raiders, club de NFL, ont-ils été basés à Oakland puis Los Angeles avant de revenir à Oakland. Les clubs de football représentent une ville, parfois une catégorie sociale définie dans cette ville (Milan), voire des quartiers (Londres.) Toute l’entreprise marketing de ces dernières années vise à décrocher ces clubs de leur encrage géographique et social. Il y a 20 ans, il était difficile de trouver un maillot d’une équipe étrangère en France, quand aujourd’hui seuls les tuniques des « grands clubs » sont disponibles en boutique. Seuls étaient diffusés les grands matchs auxquels une équipe française prenait part, quand la Ligue des Champions fait office de messe médiatique incontournable. L’aristocratie footballistique s’est fabriquée clientèle auprès du supporter né dans la fin des années 1980.

En 1997, Robbie Fowler, enfant de Liverpool, fut sanctionné par l’UEFA pour avoir diffusé un message de soutien aux dockers licenciés suite à une grève (dont son père)…l’UEFA interdit tout message politique. Symbole de ce phénomène d’acculturation au profit d’une « culture mondiale » dépolitisée mais pas apolitique, le passage de dirigeants autrefois patrons locaux utilisant le football pour divertir l’ouvrier de sa condition (Peugeot avec Sochaux, famille GuichardCasino – pour Saint Etienne) à des financiers (Gillet à Liverpool, Glazer à Manchester United), ou à des groupes (Colony Capital au PSG), participe de cet arrachement géographico-social indispensable au fonctionnement d’une Super Ligue européenne. Grand seigneur, Wenger envisage encore la participation au championnat national le week end avec « une deuxième équipe. » En effet, il est tout à fait envisageable de considérer les championnats nationaux sur le modèle des championnats universitaires américains, qui déplacent des foules considérables et génèrent leur propre modèle économique. Décrocher les « grands clubs » du système national pour en faire des franchises n’anéantit pas pour autant la permanence d’un marché local.

Il y a une dizaine d’années, la mode était à ce que les « grands clubs » passent des partenariats avec des clubs de championnats moins huppés afin de prêter des joueurs (Manchester envoyait notamment des joueurs en Belgique, et signait un accord  avec le FC Nantes en 2005.) Ces projets n’ont jamais rien apporté mais l’idée de sous-traiter l’encrage national à des clubs filiaux offre une piste de travail. Dans cette optique, les plus beaux exemples de recomposition sociales et géographiques restent les créations de l’AFC Wimbledon ainsi que du Football Club United of Manchester. En 2002, le propriétaire du Wimbledon FC décide de déménager à Milton Keynes, le club devenant le Milton Keynes Dons FC. Les supporters furieux refusent leur soutien à ce qu’ils surnomment le « Franchise FC » et fondent l’AFC Wimbledon. Sur ce modèle, les supporters mancuniens furieux du rachat de leur club par Glazer en 2005, fondent le Football Club United of Manchester. Les statuts de ces clubs, notamment celui de Manchester, s’appliquent à prendre en tous points le contre-pied des seigneurs européens. Reconstituant un tissu local et donc un marché, tout laisse à penser que ces clubs pourraient à moyen long terme entrer sous tutelle de la franchise honnie désireuse de se racheter une virginité sur le plan local. Aussi cynique qu’elle soit, cette vision semble toujours plus en rapport avec la réalité du processus engagé que celle de Thiriez et Platini.

« Fair play financier », « DNCG européenne » face au « dopage financier »…autant d’idées vides n’ayant pour objet que de sauver la tête de l’UEFA et des ligues professionnelles. La récente intervention de la FIFA, interdisant Chelsea de recrutement jusqu’en 2011 suite au transfert d’un jeune joueur du RC Lens, si elle est appelé à faire jurisprudence (Rennes a déjà engagé une procédure contre Manchester City concernant Jérémy Hélan), n’en reste pas moins une tentative de briser l’oligarchie devenue trop remuante. Tout comme au niveau politique, les instances du football professionnel ont beau jeu d’en appeler à une moralisation d’un système libéral qu’elles ont, si ce n’est encouragé, du moins accompagné durant les dernières décennies, et qui a fait leur fortune au détriment d’autres championnats. Pérez ne fait qu’appliquer le dogme jusqu’au bout et dans un but précis : précipiter l’adoption d’une Super Ligue européenne, seule formule capable d’ « assainir les fondements financiers de notre football », comme le souhaite Platini. Car « notre football » est né au tournant des années 80, a opéré sa transition entre le milieu des années 90 et la première décennie 2000, pour devenir un spectacle aux enjeux économiques considérables…et s’apprête aujourd’hui à quitter la maison UEFA pour entrer dans l’ « âge de raison. »


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