Vous savez, on se lasse des mondanités bien plus vite qu’on ne le pense. Le strass, les paillettes, la Premier League et les marrons de hooligans danois ne divertissent finalement que de façon superficielle.

Comme tout le monde le sait, il y a deux types d’hommes ; et moi je suis plutôt du côté de ceux qui creusent (grande gueule et corps de lâche n’étant pas nécessairement une combinaison idéale). Donc j’ai creusé. J’ai même creusé un peu trop loin.

Je m’étais laissé croire que l’Essex Senior League valait son pesant de cacahuètes sans gluten à force de me rendre à des matches du Clapton FC, les yeux légèrement embués de la brume de l’ivresse. Ne me rendant pas compte de la qualité de jeu nauséabonde, je me suis pointé à un East Bengal FC – Wadham Lodge FC, pensant de façon déraisonnée que je pourrais possiblement passer un bon moment. Et pour la première fois de ma vie, je me suis demandé « bordel mais qu’est-ce que je fous là » en plein milieu d’un match.

Conséquence de cela, je me suis dit que creuser c’était bien, trop creuser peut-être un peu moins. Je suis donc remonté de quelques divisions pour assouvir mon désir addictif d’ajouter un nouveau stade à mon escarcelle, décidant que la Vanarama National League (5ème échelon) serait d’une souffrance visuelle déjà largement suffisante. Plusieurs options s’offraient à moi. Pour une raison qui m’est encore inconnue, j’ai jeté mon dévolu sur Sutton United (adversaire d’Arsenal en FA Cup la saison passée).

 

DU MÉTRO AU STADE : 3/5

Après une bonne heure de Thameslink en pleine heure de pointe, je sors de la gare de Sutton, lointaine banlieue du sud-ouest londonien (imaginez habiter à Montreuil et devoir radiner jusqu’à Étampes, ça vous donnera une idée du trajet). La gare est calme, simplement deux voies, une pour les trains en direction de Londres, l’autre pour Gatwick et le sud. Autour, les arbres et une brève entrevue de quelques pavillons d’une banalité attendrissante. En sortant, on a du mal à imaginer qu’on se trouve encore dans une des plus grandes métropoles de ce bas monde. Évidemment, toute banlieue résidentielle perd le côté grouillant et oppressant des centres-villes, mais on aurait pu être dans un bled paumé du Cheshire qu’il aurait été compliqué de voir la différence.

Les maisons sont à un étage, la brique est rouge, les fenêtres sont en arc. Je ne suis rentré nulle part mais les escaliers sont probablement tapis de moquette. C’est prévisible, terriblement prévisible mais pas désagréable pour autant. Sur la route menant au stade, un pub, quoi d’autre. Alors qu’un gamin de 16 piges rondelet aux joues rougies par le froid guide les voitures vers le minuscule parking, je me décide enfin à rentrer.

 

LA GUEULE DU TRUC 2+/5

Évidemment, quand on se trouve dans un stade de moins de 5000 places, les possibilités en termes de créativité restent relativement limitées. Contrairement à la tradition de la Perfide Albion, les quatre tribunes ne sont pas complètement séparées. Les cages de tôles aux gradins sales sont reliées par d’autres gradins, encore plus sales, qu’on pourrait appeler quart-virage s’il ne nous restait pas une once d’honnêteté intellectuelle.

Cela étant, le tout ne manque pas de charme. C’est désuet, oui, sale aussi, laid certainement. Mais en dehors du froid, c’est plutôt confortable. On notera quand même que pour s’installer dans la seule tribune assise il fallait raquer un supplément de £2 (sur une place qui en coûte déjà £15) pour le privilège de poser son cul sur du plastique froid en compagnie de septuagénaires armés de clap clap.

J’aurais pu mettre 3/5 mais je ne pardonne pas les sursauts de capitalisme sauvage.

23 secondes avant de me prendre une frappe d’échauffement dans la mouille.

 

L’AMBIANCE 4/5

Évaluer l’ambiance est parfois ce qu’il y a de plus difficile. C’est facteur d’un certain nombre de choses : la taille du stade, la culture locale (la nature désorganisée des tribunes anglaises n’étant pas prompte à provoquer de l’animation 90 minutes durant), l’attachement que les gens ont pour leur club. Et dans cas précis, on peut même se demander si la plupart de ces gens ne supportent pas un club mieux loti dans les divisions du football britannique.

Disons que si j’ai décidé de mettre 4 c’est parce que j’ai été agréablement surpris. Déjà par la présence de supporters visiteurs relativement nombreux (j’en ai compté 82) ayant fait les deux grosses heures de trajet depuis Douvres. Sans être en folie furieuse, ils y ont mis du cœur.

De l’autre côté, une quarantaine de gamins, eux, s’y donnaient à cœur joie. Et quand je dis gamins, je pèse mes mots. Je serais très franchement étonné si un seul d’entre eux dépassait les 16 bougies. Potes de lycées, camarades d’un club de foot, amis d’enfance, peut-être. Mais quoi qu’il en soit, ça dégobillait les chants et les scènes de liesses sur les buts étaient intenses, authentiques et la joie était palpable. Peut-être s’échauffaient-ils la voix avant d’aller à Selhurst Park le week-end. Peut-être est-ce la seule activité rompant avec la routine ennuyeuse d’une banlieue de classe moyenne un mardi soir. Peu importe.

Un point bonus parce que le parcage et le kop ont échangé de tribunes à la mi-temps, putain que c’était mignon.

 

LE MATCH : NN/5

Je suis capable d’évaluer la qualité d’un match de football, aussi mauvais soit-il. Seulement voilà, je n’ai pas les armes quand il s’agit d’une kermesse. Loin de moi l’idée de dire que ce n’était pas divertissant, tellement certaines scènes ont provoqué chez moi des fous rires sincères (et des regards assassins de la part de mes voisins visiblement vexés de mon snobisme franchouillard).

MAIS PUTAIN, MAIS NON, LE KICK AND RUSH TRADITIONNEL, CE N’EST PAS DU FOOTBALL. Et je refuserai de le considérer comme tel. Il y a des séquences de plusieurs dizaines de seconde où le ballon ne touche pas le sol et personne n’en a vraiment possession. Les milieux ne touchent quasiment pas la balle en phase de relance. C’est terrible.

Enfin bon, au moins, le scénario était sympathique. Douvres menait à la mi-temps avant de voir Sutton repasser devant à 15 minutes de la fin. Seulement voilà sur un oubli défensif burlesque, les leaders du championnat égaliseront. A la fameuse 96e minute.

 

LE POINT GUIDE DU ROUTARD : 3+/5

Et le graillon dans tout ça ? Bonne question, très bonne question même. La première chose qui a ici attiré mon attention est le fait que dans le stade, à côté des gogues préfabriquées, il y avait un camion à bouffe. Généralement, on voit ce genre de véhicules aux alentours des stades, l’intérieur étant généralement réservé à des stands en dur. Pas ici. J’ai eu beau chercher j’ai toujours aucune idée de comment il peut rentrer et sortir son camtard de l’enceinte vu l’étroitesse des portes de sorties de celle-ci. Mais le mystère fait toute la beauté de la chose.

Ensuite, je me suis simplement repait d’un burger, d’une simplicité enfantine puisque la viande et le pain étaient surgelés et les oignons trop cuits. Mais une chose, un simple détail a sublimé l’expérience : un glorieux bar à sauces. Non pas une, ni deux, ni trois, ni même quatre et pas cinq non plus mais bien six choix de sauces différents en libre service.

On sous-estime en ce bas monde où l’on considère tout comme acquis l’importance de l’existence de ce genre de systèmes. Tout est possible. Tout est imaginable. Tous les mélanges ont vocation à devenir réalité, y compris l’improbable mais non moins délicieux mariage de la moutarde à la HP Brown sauce. Quelle volupté.

Et cela a l’avantage de nous rappeler qu’un homme n’est jamais vraiment libre avant de pouvoir choisir lui-même les sauces et condiments de ses burgers.

Là-dessus, je n’en dirai pas plus. Est-ce que je recommande l’expérience ? Pas forcément. Disons qu’il faut avoir le goût du football amateur. On n’est pas ici dans l’expérimentation de la ferveur, du beau football et de cultures centenaires mais c’est une certaine manière de s’immiscer dans le quotidien d’une petite communauté autour de 4-4-2 désuets. Auquel cas, allez y faire un tour.

La bise, ah non chez nous c’est 4,

Laezh Dour

4 thoughts on “J’ai testé pour vous : Gander Green Lane

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