Après une longue, trop longue absence, et plus d’une année de négociations, de chantages et de sévices auprès des auteurs, Superacad s’apprête à faire son retour. Pour vous, les fidèles de la première heure, pour vous aussi qui ne le connaissez pas encore, HorsJeu.net reprend le feuilleton depuis ses débuts. Avant la livraison des nouveaux épisodes – promis, juré, ils sont d’ailleurs déjà écrits, replongez-vous semaine après semaine dans les aventures du premier superhéros du football anal.

« Où… où suis-je ? »

 

Putain.

 

« Où suis-je », sans déconner. Si ça se trouve, cela fait vingt ans que je viens de passer dans le coma, et je ne suis pas foutu de prononcer autre chose que ça. Même Marc Lévy trouverait cela cliché, sans déconner. Ceci dit, la question n’en reste pas moins posée : je suis où, bordel ? Et je suis qui, d’ailleurs ?

Inspection du corps sous ce qui ressemble à une blouse d’hôpital : mâle, fin de la vingtaine, bon état, remarquablement membré au demeurant : si jamais je suis la réincarnation de je-ne-sais-quoi, il faudra avouer que Dieu le Père ne s’est pas foutu de ma gueule. Je m’assieds, constatant une mobilité intacte, à peine entravée par quelques tuyaux reliant mon corps à des machines essentiellement destinées à produire des bips rassurants. Pas d’inconscience de longue durée, donc. Mais pourquoi alors cette impression d’avoir pris une grosse muflée? Je n’ai quand même pas fait un coma éthylique en soirée, pas moi, pas cette lose d’étudiant dégénéré d’école de commerce ?

 

« Ah, voici notre mystérieuse petite sirène. Bien réveillé ?

Ouh, alors lui, je l’aime pas. Tête de con satisfait, vanne de merde, et surtout, il porte sous sa blouse d’infirmier un maillot du FC Barcelone avec un pantacourt de Chelsea. Tocard.

Attendez une minute, je sais voir sous les blouses, moi ? Oooh, j’ai hâte de rencontrer le reste du personnel soignant ici. Surtout soignante. Parce que là, le pantacourt Chelsea, je ne peux pas supporter, c’est viscéral. La quasi-gerbe. En mal d’explications sur ma situation, je m’efforce cependant de rester courtois avec Dugland.

– A moins que « mystérieuse petite sirène » soit mon nom de scène dans un cabaret gay où nous nous serions rencontrés, ce qui m’étonnerait tout de même un peu malgré mon amnésie, je ne saisis pas l’allusion. Pourriez-vous seulement me dire qui je suis et ce qui m’est arrivé ?

– Gay ? Oh non, pas de ça chez moi. Vous me prenez pour un Marseillais ou quoi ? Hurk, hurk, hurk ! Non, on vous a repêché dans la Seine, je crois. Enfin, pas exactement, on espérait que vous pourriez nous expliquer… Mais attendez un peu, on va d’abord faire les soins.

 

Peu enthousiaste à la perspective de laisser mes interrogations en suspens pour me faire laver la raie, je cède pourtant lorsque mon sans-gêne me demande la permission d’allumer la télévision installée au mur. Au demeurant, curieuse idée de croire que cet instrument pouvait m’aider à sortir de mon état végétatif ; je me demande si, dans le même esprit, l’hôpital place des chichas dans les chambres des cancéreux.

– Ouais, je vous demande ça parce que ya la conférence de presse de Zizou qui va commencer, là. Ca vous dérange pas qu’on regarde ?

– Ah, mais c’est vrai, branchez donc vite le poste, me surprends-je à rétorquer, en lieu et place du « va niquer ta mère, abruti » que tout homme sincère aurait répondu dans ma situation. J’ai hâte de découvrir comment il entend inaugurer son poste d’entraîneur au Real ! Mais comment se fait-il que je sache cette info, merde !?

 

Mon énergumène abandonne bien vite ses devoirs de frotte-légume pour trépigner devant le demi-dieu Volvic, à mesure que celui-ci ânonne ses platitudes. Je crois même apercevoir un début d’érection déformer son pantacourt Chelsea lorsque la légende vivante Adidas-Danone déclare que « gagner des matches est la seule chose qui importe » et qu’il aimerait « gagner le plus de titres possible. » Je tente d’entamer le dialogue, avant que mon comparse ne se souille en cas de question sur l’attribution du ballon d’or à Cristiano Ronaldo.

– Certes, Zidane était un très grand joueur, une légende. Je comprends qu’on puisse éprouver de la fierté à le voir occuper un poste si prestigieux, mais reconnaissez que ça ne va pas être de la tarte, pour parler vulgairement. Son charisme est indéniable, mais assez intérieur, si je puis dire : saura-t-il fédérer un vestiaire qui a eu raison de techniciens plus confirmés ? Qu’en est-il de ses qualités tactiques ?

– Non mais attends, ho, allô, quoi. C’est Zizou. Zizou, tu connais ? France 98, l’Euro 2000, « d’abord la jambe gauche », tout ça, tu viens vraiment d’une autre planète en fait ? Zizou au Real, c’est juste magique, vu comme il va remotiver les BBC, après ils vont tout te ravager : championnat, Clasico, Ligue des Champions… tout !

– Alors tout d’abord je vous prie de cesser de me tutoyer, et ensuite, je suis justement d’accord avec vous sur le fait que le Real est un grand club. Mais sans présumer la réussite ou non de Zidane, reconnaissez que virer Ancelotti comme un malpropre pour virer Benitez comme un malpropre pour placer Zidane au bout de 7 mois, cela paraît peu cohérent. Non ?

– Ha ha, Ancelotti ! Ah ouais, super, le mec n’a même pas été foutu de tenir au PSG. On a bien compris, on a pris Laurent Blanc à la place. Hé ouais, France 98, mon pote, c’est ça la gagne : Deschamps, Blanc, Zizou, ils nous ont fait rêver petits, ils nous font rêver maintenant : c’est ça les grands clubs : des grands joueurs, des grands coachs, et du glamour. Benitez, il a fait quoi Benitez avec sa tête de flan, hein ? Eh, tu sais comment on le surnomme avec les potes, Benitez ? Hollandouille ! Hurk hurk hurkglllllllllll…»

 

Son ricanement de poulpe frit s’étrangle dans une poigne que je ne me soupçonnais pas. Crispée sur son cou de demeuré, ma main a viré à un gris assez dégueulasse, les palpitations des veines ajoutant à la laideur de l’ensemble. Décontenancé, je lâche prise. Mes doigts reprennent un aspect normal, mon connard aussi :

– T’es pas humain, toi… T’es qui ?

– C’est ce que je te demande dès le début, ducon, m’écrié-je, privilégiant le recentrage de la discussion à la politesse.

– Mais je sais pas, moi, putain, on t’a amené avant-hier ! J’ai même pas eu le temps de prévenir les chefs que tu étais réveillé que tu t’es mis à me zlataner, là…

– Pardon ? PARDON ? T’AS DIT QUOI, LA, ENCULE !? JE T’AI FAIT QUOI !?

Grisonnant de plus belle, je m’efforce de ne pas gâcher ce moment où l’abruti était tout près de m’apporter des réponses cruciales. Peine perdue. Sautant du lit en arrachant les tuyaux, je le rattrape et le plaque au mur.

 

« Je vais te dire qui je suis, fils de pute, je suis celui qui aime le foot, je suis celui qui endigue le torrent de pisse qui sort de vos bouches quand vous en parlez, je suis celui qui réclame du ballon, du jeu, de la ferveur, pas VOS PUTAIN DE MUGISSEMENTS PATRIOTICO-MERDIQUES POMPES DANS DES TORCHE-CULS SUR LA VIE DES PEOPLE DU SPORT. » Vraiment, je ne sais pas où j’ai pêché tout ceci, mais ça semble produire son petit effet. Quant à savoir pour quelle raison j’ai cru bon d’accentuer le propos en me saisissant d’une bouteille d’oxygène pour l’insérer dans le fondement de mon contradicteur, voici un autre mystère qu’il me faudra éclaircir. Une chose est certaine en attendant, mieux vaut ne pas attendre ici qu’il reprenne ses esprits.

Dans ma fuite, j’ai le temps de bousculer deux infirmières, dont les blouses m’apparaissent d’une opacité désespérée. Une double-vue qui ne sert qu’à détecter les survêtements de cons, tu parles d’un super-pouvoir…

 

***

Notre héros saura-t-il retrouver son passé ? A-t-il vraiment dansé dans un cabaret gay ? D’où lui vient cette passion footballistique ? Pourquoi cette intromission d’une bouteille d’oxygène ? Saura-t-il triompher du footballistiquement correct ? Vous le saurez en retrouvant le prochain épisode de Superacad contre Menesis.

 

© Gervais Marvel Entertainment, Inc.

24 thoughts on “Prologue : L’éveil. Le con. Zizou.

  1. Oh le bon teaser !! Digne des plus grandes séries américaines, avec des ressorts scénaristiques qui peuvent faire durer le plaisir pendant des saisons…
    Oh oui, encoreeeee !!

  2. Encore un homme, bah tiens, NON A LA SOCIÉTÉ PATRIARCALE.
    Encore un parisien, bah tiens, NON A LA SOCIÉTÉ JACOBINE.

  3. C’est un poteau? Non ! C’est un ballon ? Non! C’est Superacad.
    Et on espère encore pour les épisodes futurs une franche rigolade.

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