Valenciennes-Nancy (0-1) : La Chardon à Cran Académie a bu un coup pour fêter ça.

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Un changement qui porte ses fruits à Nancy, on nous aurait menti ?

Nancy, an 1 après PC.

Plus c’est long, plus c’est bon, dit-on. Par ici pour les peine-à-jouir.

Dans le caboulot enfumé, les voix se sont tues au moment de l’entrée des deux inconnus, vite identifiés comme riches à la vue de leurs frusques moins loqueteuses que celles des clients. Seul un squelette de musique démantibulé reste flottant dans l’air comme un spectre maladroit. Des regards absents, maladroits, la plupart troubles, suivent pesamment la progression pénible des deux intrus vers le zinc. Ces derniers tentent d’ignorer l’accueil franchement hostile de la foule dense des buveurs. Le premier, grand, carré comme un athlète, affecte plus nettement de ne rien laisser transparaître de son trouble, fixant son regard dur vers l’arrière du bar constellé de bouteilles vides. Le second que chacun voit immédiatement comme l’assistant du grand, s’efforce de ne pas rouler des yeux craintifs dans tous les sens, cherchant désespérément un point immobile dans ce décor brumeux qui lui paraît onduler.

Alors que les murmures commencent à se répandre dans le troquet jusqu’à surplomber de nouveau la musique, Vincent Hognon et Faisan parviennent enfin au comptoir, où les attend un faciès patibulaire, complètement glabre, surmonté d’un crâne d’œuf tout aussi chauve. Le tenancier ne porte qu’un tricot de peau élimé malgré le froid, laissant apparaître des épaules noueuses et des bras démesurés à l’extrémité desquels pendent deux battoirs anormalement larges. Peu impressionné, Hognon allonge le menton vers le patron et d’une voix forcée dans les graves (seul Faisan peut le remarquer), demande avec un air supérieur :

« Qu’est-ce qu’on boit dans ce bouge ? »

Faisan sent son estomac se tordre comme si la mort en personne venait de le poignarder. Pourquoi entamer la discussion par une telle provocation ?

« Mon patron s’enquiert à vrai dire de la qualité des breuvages servis dans votre établissement, car la réputation de ce dernier l’a précédé jusqu’en Forêt…jusqu’à l’étranger, tente-t-il d’expliquer, empressé. Les divers autres trous à rats qui peuplent le bassin de Nancy nous semblent bien moins fréquentable que cette noble enseigne ».

Certains ricanent déjà, d’autres s’impatientent à entendre le patron répliquer. Finalement, ce dernier laisse tomber :

« Je sers de tout. Mais faut casquer.
-Nous avons tout ce qu’il faut, se hâte encore de répondre Faisan, avant que Hognon ne l’arrête.
-Mettez nous deux bières, qu’on en finisse. Et restez nous faire la conversation. Nous sommes deux touristes dans l’ignorance complète des us et coutumes de votre région. »

Sommé de se taire par le regard sans équivoque de Vincent, Faisan sort un peu de monnaie de la poche de son manteau de cuir râpeux et la pose avec discrétion sur le bar vermoulu. La bière frelatée servie dans des verres sales, le tenancier allonge son cou osseux vers Vincent d’un air de confidence et glisse à l’adresse des deux :

« Qu’est-ce que vous cherchez ? Des filles ? Des vitamines ? Je peux même vous trouver de vraies cigarettes.
-Non, mon brave, rien de tout ça, prononce Vincent sur le souffle. Nous cherchons un profil bien particulier de personnes.
-Des gugusses, alors. Personnellement je m’en fous. Chacun fait ce qu’il veut avec son cul, mais c’est plus cher.
-Cela n’a rien à voir avec le sexe, dit Vincent qui écarte l’idée d’un geste agacé de la main. Quoique. Écoutez, nous n’avons pas beaucoup de temps, alors voici ce que nous cherchons : des hommes, jeunes, valides physiquement et pas trop bêtes. Des hommes sains. »

Le patron fait mine de réfléchir, posant un pouce gigantesque sur ses lèvres. Puis brusquement, il lance le buste vers l’arrière et s’adresse à la foule massée n’attendant que son signal pour réagir :

« Ces riches messieurs ne cherchent pas des pouilleux, bande de tachons ! Ils n’en veulent pas non plus à vos gros culs pleins de bière, mais aux plus jeunes et vaillants d’entre vous. Alors, qui a envie de se faire quelques billets ? »

Dans un fracas d’exultation, l’assemblée des buveurs explose et se rue vers le malheureux Faisan, identifié comme le tiroir caisse du riche employeur. Vincent doit s’employer pour que son lieutenant ne soit pas déchiré en petits morceaux par le seul effet de l’enthousiasme de la foule hurlante. Après avoir encaissé quelques coups de poing et de genou précis comme des coups-francs de Platini, les soûlards refluent peu à peu, ce qui laisse à Vincent le temps de grimper sur le bar et de s’adresser à eux :

« Mes amis, je dois vous le dire, je n’ai pas besoin de vous tous ! La sélection sera rude. J’ai besoin d’hommes solides, oui, mais aussi des plus rapides d’entre vous. Des plus malins, des plus concernés et des plus DISCIPLINÉS surtout (du haut du bar, il adresse un coup de pied à la mâchoire d’un pauvre hère qui tente d’approcher Faisan en lui criant « Patrick, je t’ai reconnu ! Tu te souviens de moi ? », faisant voler quelques ratiches). Je vous sélectionnerai moi-même et je serai impitoyable. Chacun aura sa chance. Mais avant toute chose, je dois vous prévenir que le premier critère de ma sélection ne sera pas physique. »

À nouveau, le silence s’est fait dans le troquet. Maintenant toutes les paires d’yeux sont tournées vers Vincent, en attendant que sa parole tombe. Après un regard circulaire aux tristes pendards déguenillés qui se dressent péniblement devant lui, tentant de masquer son dépit et son appréhension, Hognon prononce avec autorité :

« Ceux qui partiront avec moi devront avoir une connaissance parfaite des règles du football ».

***

« Pourquoi ne l’avez-vous pas dit tout de suite ? demande le patron du bar en redressant une table à laquelle manque un pied. Cela m’aurait évité quelques désagréments.
-Si vous m’en aviez laissé le temps, j’aurais pu vous expliquer qu’un appel au public n’était pas sans risque. Le club payera pour les dégâts. Faisan, donnez-lui un coup de main pour le rangement et fichons le camp, voulez-vous ?
-Si vous m’aviez prévenu tout de suite, j’aurais aussi pu vous mettre sur la voie sans affoler ces abrutis. Les gens n’aiment pas le changement, ils ne sont pas prêts à l’accepter. Mais moi, j’accepte tout. Chacun doit faire ce qu’il veut. Et je connais du monde.
-Vous connaissez du monde qui sache encore jouer au foot ?
-Je pense bien, monsieur. Le tenancier fixe Vincent d’un air pénétré. C’est une référence, ici. On n’avait jamais vu un tel talent depuis au moins Alexis Busin, si vous voulez mon avis…la crème de la crème, y a pas mieux à des kilomètres à la ronde. Même dans votre château au milieu de la forêt, je suis sûr que vous n’avez pas mieux.
-Et ce talent, fait Vincent, maintenant réellement concerné par la discussion, il vit près d’ici ? Je pourrais le voir…mettons tout de suite ?
-Bien sûr, monsieur. Il suffirait que nous y allions ensemble.
-Alors allons-y maintenant, sainte merde. Je risque ma place dans ce trou à choper le typhus pendant que la pièce maîtresse de mon effectif se trouve peut-être sous mon nez, bon sang. Faisan, laissez tomber ce merdier, mission accomplie.
-Je dois juste vous prévenir, monsieur, fait le serveur soudain grave. C’est une petite communauté, ici. Ses parents ne la laisseront pas partir avec vous si facilement que ça.
-« La » ? interroge Hognon. Vous ne voulez pas dire que c’est…
-Une fille ? Eh quoi, vous n’avez rien contre les filles, monsieur, tout de même ? »


LES ALCOOLIQUES.


Au commencement était le 3-5-2.


LE MATCH en live retardé par la neige.

-5 Rha ce qu’on a la crotte au cul…ne cherchez pas un Lorrain qui fasse le fier, en ce moment. Ni en haut ni en bas de l’échelle sociale du football.

1 Allez, nos hôtes engagent malgré le peu d’envie.

3 Paf, Muratori emplafonne déjà un nordiste. Le gaillard est toutefois solide, il se relève.

7 Tout va très vite en Lorraine, avec une nouvelle exaction. Cette fois c’est Diagne qui tente de défigurer un Valenciennois à coup de crampons, tranquille.

13 Dalé obtient un corner, arme qu’il aimait à utiliser dans des temps anciens où l’on rêvait à la Ligain. C’est Diagne qui place sa tête, c’est à côté.

18 Beau tir de Koura à l’entrée de la surface, qui ne nous gratifie de rien d’autre que d’un troisième corner consécutif. Suite à ce dernier, le contre nordiste se met en place, mais Clément intervient, vous êtes gentil vous mordez le gazon. Jaune.

21 VINCENT TACKLE.

22 Cétout a le temps de contrôler un centre, prendre des nouvelles de sa mère à Velaine, poster trois vidéos sur Instablegramme et fumer un blunt, mais il préfère tenter une reprise de l’espace. C’est tout lui, ça.

27 Lang arrache facilement une jambe valenciennoise à son tour.

29 Jaune pour Badila qui aurait probablement été un rouge s’il avait chaussé un peu plus que du 34.

39 Quel but magnifique de Muratori ! Sur un centre exceptionnel de Robic depuis la ligne de touche côté droit, la tête croisée de Vincent en bout de course pique, rebondit et trompe le gardien valenciennois. Je ne sais pas si je vous ai déjà dit mais les buts de la tête, ce sont mes préférés. 0-1.

45 On est là à fêter notre avantage au score avec un début de légèreté comme on n’en a plus eu depuis des lustres, quand soudain Tobias Badila se jette comme le proto-débile qu’il est dans un tacle qui hurle « expulse moi, j’assume pas ». L’arbitre l’épargne de manière assez inexplicable.

Mi-temps.

46 Dalé engage et on rattaque ce match avec un tir spectaculairement nul de Clément.

52 Un deuxième ballon nous échappe, et le tir nordiste part. C’est écrasé, mais de mauvais augure.

58 Tiens ? Bassi croque une occasion seul aux 5 mètres 50 après un nouveau super centre de Robic en appuyant son tir comme un poussin.

59 Blam cette fois le même Bassi cogne comme un bœuf, tellement il a dû être agacé par mes vociférations derrière mon écran sur l’action précédente. Le gardien sort une belle allongée pour éviter le 0-2.

67 Koura rejoint le banc dont il ne devrait peut-être plus sortir, tandis que Nordin entre sur le terrain alors qu’il n’aurait jamais dû quitter Saint-Étienne.

68 Nordin me fait mentir directement avec une belle tête sur un nouveau centre de Robic l’indomptable. C’est capté.

70 Et voilà encore Nordin, pour un tir cette fois plus dans ses prérogatives, c’est-à-dire largement à côté.

71 VA tente de réagir avec un tir qui ne nous fait pas trop trembler. Et la réaction à la réaction vient de Cétout, qui tente une frappe à 43 mètres environ de distance du but adverse, frappe que nous qualifierons d’isocèle, car elle passe 43 mètres au dessus.

78 Nordin est tellement gourmand avec ses tirs éclatés des 25 mètres qu’on se demande s’il ne vient pas de Lyon, plutôt que de Saint-Étienne.

79 Bassi a le droit de goûter un repos bien mérité avant les autres, il et remplacé par un garçon dont on ne pensait même plus sérieusement qu’il soit dans note effectif : Serge N’Guessan.

82 Faute atroce sur Nordin qui pleure sa mère comme un petit péd…ok il a l’air d’avoir mal.

84 Lossemy Karaboué ne joue plus pour nous, mais il tire toujours à côté, en revanche.

87 Dalé sort pour donner un peu de temps de jeu à la légende vivante Youssouf Hadji.

91 Pourquoi a-t-on subitement cru que Nordin allait réussir cette volée qui s’annonçait fabuleuse, hien ? Pourquoi ? Parce que le centre de Robic était encore une fois parfait ? Peut-être.

93 Et il est encore là, le gros Tony, pour dévier un dernier ballon défensif en corner, corner sur lequel les nordistes sont à un cheveu de cul d’égaliser.

94 Une dernière occasion chaude pour Youssouf et on ferme boutique, c’est tout pour ce soir.

VIQUETOÂRE !


LES NOTES.

Ndy 3/5
Match sérieux, du moins aussi sérieux que ses nageoires fluo et son jogging à rayures le permettent.

Diagne 3/5
Pas encore un retour gagnant, mais au moins a-t-il fait acte de présence de manière non négligeable derrière. À bientôt 25 ans et en ayant connu 34 entraîneurs, il n’a en revanche toujours pas compris qu’il valait mieux ne pas s’acharner à relancer et laisser ce vrai travail à quelqu’un d’autre.

Lang 4/5
Eh bien ça marche plutôt pas mal, pour l’instant. Vu son physique, pas de problème à se faire respecter, déjà. Pour le placement on verra plus tard, mais il a un côté teigneux qui me plaît bien, et y a pas grand monde qui s’invite derrière lui, c’est tout de même le peu qu’on demande à ce genre de type.

Badila 3/5
Excepté cette frayeur en fin de première période qui lui a valu un torrent d’insultes indigne d’être retranscrit ici, il a plutôt assuré. Il reste quand même le maillon faible de notre défense (tant que Saint-Ruf n’est pas revenu de son prêt, oui).

Robic 5/5
Oh le match de papa. Toujours la tête levée, plutôt concerné par les simagrées de ses copains, des passes, des courses, petites foulées, crochet, passe, je me replace et je sers ce centre majestueux pour mon compère de l’autre aile (il a failli récidiver en deuxième mi-temps) et surtout je ne me roule pas par terre comme une tantouse. C’est ce Toto Robic-là qu’on veut tous les week-ends, putain

Cétout 3/5
Cet homme est si maladroit que l’on ne sent au final que de la pitié pour lui. Mais lorsque par miracle, probablement porté par l’esprit positif de ses camarades, il réalise un match très correct au milieu de terrain, cette pitié devient joie, et on se laisse à nouveau berner par son sourire enjôleur.

Clément 4/5
Il se serait retrouvé un modèle en la personne du nouveau coach adjoint de l’ASNL que cela ne nous étonnerait pas, tant il a semblé chercher à lui ressembler durant ce match, entre fautes de salope, replacement incisif et relance propre.

Bassi 4/5
L’ASNL n’avait pas dû avoir un joueur aussi régulier depuis Platini (jamais vu un match du Michou).

Muratori 5/5
Ah le beau Vincent, que j’ai aimé qu’il me fasse mentir, qu’il me renvoie mon scepticisme dans la gorge comme une grosse giclée de foutre graisseux quand j’ai levé un sourcil incrédule à la vue de ce poste d’ailier qui lui avait été confié. C’est sûr qu’il ne le fera pas toutes les semaines, de marquer son premier but en pro (c’est une blague, calme toi)…eh bien je pourrai dire que je l’ai vu en direct, merde en bois.

Koura 2/5
Premier de cordée des mecs à qui on a dégagé les toiles d’araignée derrière les genoux, il a assez bien rappelé pourquoi on voulait qu’il s’absente, en dépit d’une envie pour une fois criante.

Dalé 3/5
On a beau dire, le mec était là sur ce match. Son jeu de grosse tête en déviation nous fait gagner en verticalité, et c’est con à dire, mais pour remonter un bloc bas, rien de tel. Vivement les buts.

REMPLAÇANTS.

Nordin NN
Ah il est toujours là, lui. Merde.

Nguessan NN
Ah il est toujours là, lui. Ben on va peut-être voir ce qu’il vaut, un jour.

Hadji NN
L’homme.


NOTE ARTISTIQUE DE L’EQUIPE : 5/5.

Étions-nous ivre ? En pleine hallucination (la haine provoque parfois ce genre de réaction) ? À la merci d’un malin génie lorientais nous faisant croire que ça y était, c’était acquis, on allait s’en sortir, pour mieux venir nous abattre tel un glaive sournois son impitoyable sentence de mort sur le coin de la trogne peu de temps après ?

Apparemment, rien de tout ça. Épiphénomène heureux de cette authentique belle victoire, peut-être la première de notre saison, les concurrents directs pour le MAINTIEN EN LIGUE DEUX MAIS NON CE N’EST PAS TRISTE se sont pris dans le tapis comme de vulgaires nous, et nous laissent partir loin, loin, au moins cinq points loin devant eux.

On était fatigué puis un type est arrivé, portant doudoune matelassée et triple foyers, on a d’abord cru qu’il y avait tromperie sur la marchandise, qu’un énième ersatz se pointait avec force paroles et grands projets pour finalement se planter comme un busard, on lui a vu tourner la tête de notre Rousselot (fatigué lui aussi), puis il semblerait qu’il ait réussi quelque chose, à apaiser certaines craintes pour commencer. On ne va pas commencer à graffiter des « je crois en Untel » ou « Vincent est mort, vive Vincent » partout, mais pour le moment, on se détend la rondelle et on gobe des flocons tranquilou.

Marcel Picon.

4 thoughts on “Valenciennes-Nancy (0-1) : La Chardon à Cran Académie a bu un coup pour fêter ça.

  1. Hognon démission ! Sinon, j’aime beaucoup ce que vous faites, à chaque lecture j’apprends que Youssou Hadji est toujours en vie et ça me rassure.

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