J’ai souvent dit que supporter Arsenal était un vrai sacerdoce. Ces dix ou douze dernières années en tous cas. Avant c’était chouette et encore avant, bah j’étais tout simplement trop jeune pour comprendre la règle du hors-jeu. Supporter mon Arsenal, c’est synonyme de frustration, d’espoirs déçus voire trahis, c’est toucher du doigt des trucs formidables avant de se viander de la plus pathétique des façons, en laissant des bouts de chair sur trente mètres de bitume. Supporter Arsenal, ça marque, durablement et pas de la plus agréable des façons. D’aucuns diront sûrement que c’est toujours mieux que jouer le ventre mou avec des tocards pas sûrs d’être footballeurs, que se battre pour le maintien, que supporter une petite équipe de League One ou de National en galère de thunes. Peut-être bien. Ou peut-être pas. Voir un tel potentiel, un tel idéal être gâché, année après année et toujours de la façon la plus triste qui soit, ça fait des choses sales dans un petit cœur de supporter. Mais là n’est pas le but de cette tribune.

J’ai pas connu la guerre ma bonne dame. Mais j’ai vu, durant toutes ces années, des atrocités. J’ai vu un Mickaël Silvestre de 36 ans être aligné face à Messi. J’ai vu une équipe de bambins avaler les huit banderilles d’un Man U déchaîné et sûr de son fait. J’ai vu des éliminations en huitième de la Ligue des Champions par grappes de cinq, que ce soit contre le Barca, le Bayern ou même le PSV Eindhoven. J’ai vu Bendtner nous enlever deux qualifications. J’ai vu Birmingham briser la jambe d’Eduardo, le mental de Gallas et les espoirs de titre d’une équipe fantastique, probablement celle que j’ai le plus apprécié. J’ai vu Drogba nous marcher dessus, inlassablement, encore et encore, saison après saison. J’ai vu Rory Delap faire trembler onze gaillards avec des talents de lanceur de javelot. J’ai vu Koscielny et Szczesny décider que finalement, non, la Coupe de la Ligue, c’était surfait, avant de l’offrir à Birmingham (encore) aux tous derniers instants d’une finale moisie. J’ai souffert Denilson, Andre Santos, Philippe Senderos, Justin Hoyte, Amaury Bischoff, Julio Baptista ou Park Chu Young. J’ai subi Lehmann puis Almunia et Fabianski. J’ai encaissé les blagues sur la santé de Diaby et de Rosicky. J’ai vu van Persie faire sa pute, Fabregas jouer le coup de l’appel du cœur, Hleb et Song se planter à Barcelone, Flamini faire une Flamini. J’ai souffert de ce stade, de ce micro-carnet de chèques quand Chelsea puis City dépensaient sans compter. Je nous ai vus être inconstants, trop jeunes, trop tendres, en manque de recrues, en manque de talent. Bref, cette équipe, ce club, a piétiné ma passion un nombre de fois que je ne saurais calculer. Mais j’étais là, je suis resté, je les suivais coûte que coûte, il le fallait et je ne pouvais pas faire autrement. Mon cerveau et mon cœur ne m’ont jamais laissé le choix.

Et pourtant. Pourtant, vous l’aurez constaté, voilà plus d’un mois que je n’ai rien écrit. Je vais vous dire même plus : voilà plus d’un mois que je n’ai pas regardé Arsenal jouer. Ce n’est jamais arrivé. Alors, cette situation est essentiellement due à un manque de temps, il faut bien l’admettre. Mais il y a autre chose. Ce n’est que le révélateur d’un malaise plus profond. Je crois que je ne peux plus les blairer. Depuis quelques semaines, je ressens comme une profonde lassitude. Ce qui leur arrive m’est presque égal. La déception de trop ? Probablement. Je ne sais pas. Perdre le titre face à Leicester m’a peut-être laissé plus de séquelles que ce que je pensais… L’usure de nous voir encore et toujours reproduire les mêmes erreurs, de nous voir présenter les mêmes lacunes, de vivre les mêmes défaites. « Tout change, rien ne change », répètent à l’envi les détracteurs de Wenger. Une partie de moi, celle qui se saoule pour oublier, se met régulièrement à le beugler aussi, ce slogan. Pourtant, Arsenal a toujours été, pour moi, cette équipe de losers. Je les aimais comme ça. Je me foutais (et je me fous toujours) des trophées et de la gloriole tant que ce coach, tant que ces petits gars sur le terrain se battaient pour des idées, pour un football. Arsenal, c’est un certain romantisme, celui pour lequel j’aurais pu accepter beaucoup. Pour lequel j’ai accepté beaucoup d’ailleurs. Parce que régulièrement, il y avait ces coups d’éclat, cette magie, ce jeu fluide et spontané, basé sur la liberté, la supériorité technique et un goût certain pour la beauté du geste.

Je ne reconnais plus cet Arsenal-là. Pressé par une fanbase névrosée ou conscient des faiblesses de son jeu, Wenger a rajouté du pragmatisme à sa recette. Et si l’année dernière, ou l’année d’avant, il y avait une forme d’équilibre, les dosages semblent complètement partis en couille. Arsenal ne gagne pas, ne gagne plus, c’est un fait. Mais surtout, Arsenal joue mal, terriblement mal. Cette équipe est méconnaissable. Et la blessure de Cazorla – élément essentiel – n’explique pas tout. Le style s’est envolé, les convictions aussi. Le pire, c’est que ces sacrifices n’apportent absolument rien en termes de résultats, car en dépit de ces quelques modifications qui ont fait du bien pendant un temps, Arsène et son équipe continuent de pêcher ailleurs. Dans ce pressing complètement navrant ; dans ce turn-over inexistant ou presque ; dans cette absence de caractère chronique. On a gagné moche pendant quelques rencontres. On se cachait derrière nos doigts. Maintenant, notre niveau de jeu pitoyable commence à nous coûter des points. On ne produit rien et on se cache derrière des stats d’une tristesse infinie comme la pseudo-invincibilité de Mustafi, le nombre de transversales de cet abruti de Xhaka ou les buts de Sanchez. Tiens, Sanchez. En tant que symbole de cette équipe malade, en voilà un qui l’ouvre beaucoup trop par rapport à ce qu’il apporte. Désolé, on va y aller au forceps : voilà des mois que le Chilien plombe l’équipe en jouant pour sa gueule. Je n’ai jamais réussi à l’apprécier réellement, notamment à cause de cette tendance à mettre d’abord la tête dans le guidon. Mais depuis quelques semaines, le mec pue l’arrogance et la supériorité alors que son positionnement, ses choix et son jeu de coffre à ballons forment un des problèmes majeurs de l’équipe. J’ai déjà vu ça, et je sais comment ça se finit.

Bien sûr, je pourrais m’attarder sur le niveau individuel de chacun, comme nous le faisons régulièrement dans l’Acad’. Évoquer la nullité de Ramsey depuis trois ans, parler de la débilité prévisible de Xhaka, des trous d’air défensifs de Mustafi ou Bellerin, des limites de Giroud, des absences d’Özil, du courant alternatif d’Iwobi ou de la médiocrité de Walcott. Mais au-delà de ça, il y a une lame de fond collective. Ça transpire le manque de confiance, le manque d’inspiration. Surtout plus personne ne semble concerné par ce qui se passe. Ils ont lâché, encore une fois. Et le fait qu’un mec comme Cech, connu pour son professionnalisme et son sérieux, soit contaminé par cet état d’esprit en dit long sur la faiblesse de ce vestiaire. On vient à nouveau de laisser passer le titre, alors que cette fois au moins, l’effectif tenait debout. Ça n’avait pas été le cas depuis longtemps. Mais nous revoilà au point de départ. Sans envie et, c’est une nouveauté, sans fond de jeu. Arsène semble démuni, il semble par-dessus tout n’avoir plus aucun impact sur la dynamique de son équipe, sur ses hommes, qui s’enfoncent dans la banalité. Wenger n’arrive plus à faire jouer le Wengerball ; quel point de rupture plus patent que celui-là ? Alors oui. Voilà, je me fais à l’idée. Il est très possible qu’on ait besoin de changement.

9 thoughts on “La Gunners Academy a perdu la foi

  1. Serait-ce un #WengerDémission qui ne dit pas son nom ?

    En tout cas, soutine, mais crois-moi, y’a des clubs encore plus difficile à supporter.

  2. Franchement, c’est bien écrit, c’est propre, et ça traduit ce que je ressens depuis pas mal de temps…

    Gardons la foi !!!
    Pour le maintien dans la course à l’Europe

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