La Tuicacadémie vous emmène en voyage entre les 40’s, Cluj et Giurgiu.

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Et en plus l’alcool est pas cher

Cette semaine, on vous emmène en voyage entre les 40’s, Cluj et Giurgiu.

 

Vous connaissez sans doute tous l’histoire d’Eduard Streltsov, le Pelé Blanc de l’URSS dont la carrière avait été brisée par le KGB. La Roumanie a également eu son Streltsov, en l’occurrence Titus Ozon. Un mec qui a claqué 158 pions en 270 matchs de championnat. A l’instar d’un Gigi Meroni, le style d’Ozon se caractérisait par une aisance incroyable balle au pied et une facilité déconcertante à éliminer ses adversaires en un contre un.

Les ennuis d’Ozon commencèrent d’ailleurs à cause de ses qualités footballistiques. A l’occasion d’une tournée en URSS avec l’équipe de Roumanie, il eut le toupet de marquer à chaque match puis lors de la réception du Dinamo Tbilissi à Bucarest, le jeune homme se permit d’enchaîner les petits ponts face aux défenseurs soviétiques. L’attitude du joueur est vécue comme une provocation envers les « grands peuples soviétiques ». C’est le début des problèmes pour Ozon, qui devient un ennemi du Parti. Il explique dans ses mémoires : « Ils se plaignaient que je sympathisais avec la Garde, parce que j’ai commencé le football à Unirea Tricolor (l’ancien Dinamo). J’ai été expulsé à Delta (NDLR : sorte de Camargue de Roumanie) pour couper les roseaux. J’ai été séquestré dans une maison gardée par un membre de la Securitate. Une nuit, je me suis enfui par la fenêtre. Je suis venu rapidement dans la capitale, où j’ai signé avec le Progresul. La milice m’a recherché pendant des jours. Elle a pillé toutes les maisons où elle me soupçonnait d’être. »

 

 

Pour clarifier la situation, Titus avait rompu son contrat avec Unirea de manière guère amicale, du coup les autorités l’ont séquestré parce qu’ils le soupçonnaient de vouloir signer dans une autre équipe que le Dinamo qui allait naitre (en mai 1948). La persécution continua comme le raconte  Angelo Niculescu, ancien coéquipier d’Ozon au Dinamo et aussi ancien selectionneur de la Nationala: « Je me souviens que, lors d’une inspection faite au club, le ministre de l’intérieur Muresan a trouvé Ozon jouant au tennis de table. Titus a beau avoir expliqué au ministre qu’à cette heure-là ils étaient libres, Muresan est resté inflexible. En guise de punition, Ozon a du faire quelques jours de détention dans une unité. On l’avait visité là-bas, avec quelques collègues. »

Ozon a finalement joué au Dinamo jusqu’en 1955, puis, n’ayant plus trop le niveau au Progresul et au Rapid. L’écrivain George Mihalache raconte une autre anecdote sur son transfert du Progresul au Rapid : « A un moment donné, l’équipe du Progresul revenait d’un tournoi de préparation en Albanie et la douane a attrapé Titus Ozon avec un sac rempli de boutons d’ivoire. Il a été immédiatement suspendu, les autorités pensant qu’il en faisait le commerce. Un jour, Ozon est allé sur Calea Victoriei (grande rue de Bucarest) où il savait que Gheorghe Gheorghiu-Dej (ndlr secrétaire du parti, ancien président, premier ministre et tout le toutim) avait l’habitude de se promener et il lui pria de lui pardonner. Dej lui répondit: « Eh bien, camarade Ozon, vous allez jouer à nouveau, mais je veux que vous veniez chez nous, au Rapid ». »

La vie de Titus Ozon est une simple histoire roumaine, méconnue du reste du monde. Dommage pour un joueur dont Gustav Sebes, le célèbre entraîneur de la Hongrie dans les années 50, disait qu’il avait largement sa place dans son équipe… Une équipe qui comptait des Puskas, Czibor et Kocsis.

 

« C’est l’histoire d’une société tombe et qui au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer… »

Passons à l’actualité : c’est d’ailleurs par le derby de la ville la plus magyare de Roumanie qu’on va commencer pour cette nouvelle journée de championnat. L’Universitate Cluj recevait le CFR. Le match s’est joué dans une ambiance très bizarre. En effet, les joueurs de l’U ne sont plus payés depuis 4 mois et la menace pèse sur l’avenir du club. En face, Paulo Sergio avait décidé de faire tourner pour reposer ses joueurs clés avant le match de coupe contre le Dinamo la semaine prochaine.

Le match s’est joué sur un faux rythme. L’U a ouvert le score sur péno à la 20è suite à une faute de main dans la surface. Sans réelle volonté de part et d’autre, le match a continué sans grand entrain jusqu’aux remplacements du coach du CFR. L’entrée de Rui Pedro et l’expulsion de Krumov ont été décisives. Finalement dans les 20 dernières minutes, Rui Pedro plante un but de 30m puis Bjelanovic dévie une frappe d’un coéquiper. Le CFR gagne ce derby 1-2.

Mais l’évènement du match se déroule dans les vestiaires. A la fin du match, quelques supporters de l’U (le club le plus populaire de Cluj) se pointent dans les vestiaires des joueurs avec un sac contenant 6600 lei, soit 1650€. La somme a été récoltée par les supporters pour soutenir les joueurs. Quand on sait que le salaire médian roumain se situe à 340€ par mois… L’U pourrait suivre le tragique exemple du Poli Timisoara, second en 2011 et contraint de descendre pour défaut de paiement.

 

 

Le président de la Ligue Roumaine de Football a tiré la sonnette d’alarme en expliquant que l’U Cluj n’est pas le seul club dans cette situation citant 4-5 clubs de LigaI, 10-15 de LigaII et 30 de divisions inférieures. Voici la triste situation des championnats de football du Sud-Est de l’Europe, au moment où on apprend que l’Etat serbe va combler les dettes de l’Etoile Rouge (60M€) et du Partizan (30M€).

Il est aisé de faire le parallèle avec un des films plébiscités de la nouvelle vague roumaine de ces dernières années : la Mort de Dante Lazarescu de Cristi Puiu. Dans cette comédie ironique, on suit lors d’une longue nuit la lente agonie d’un vieillard, emmené d’un hôpital à l’autre dans la capitale roumaine ; sans que personne hormis une infirmière ne se soucie vraiment de son état. Le football roumain et plus largement la société roumaine se situent également dans cette situation : depuis quelques années, tout le monde sait que tout va de mal en pis au pays, notamment bien poussé par la désastreuse gouvernance Basescu. Mais qui s’en soucie vraiment, qui se lève ? Les intérêts individuels de quelques personnes bien en place demeurent et seules quelques initiatives individuelles comme celle des supporters de l’U rappellent la capacité du peuple roumain à se solidariser. Rappellons tout de même qu’il y a moins de 25 ans, la Roumanie était un pays en révolution. A n’en pas douter, si le football roumain et la société roumaine ne cessent de transmettre leurs maux d’un hôpital à l’autre, ils se réveilleront un jour dans un coma dont ils ne reviendront jamais.

 

L’affiche du week-end : Astra Giurgiu (3è) – Pandurii Targu Jiu (2è)

Commençons par parler de l’Astra. Le club était historiquement affilié à la ville de Ploiesti, depuis 78 ans mais le président du club Ioan Niculae a souhaité transférer le club dans sa ville natale Giurgiu (au sud de Bucarest, proche de la frontière bulgare) et du coup depuis septembre, le club est officiellement affilié à la ville de Giurgiu. Ah la Roumanie !

Cette affiche mettait aux prises les deux seules équipes qui réussissent à peu près à suivre le rythme soutenu du Steaua Bucarest. Et on a eu le droit à un spectacle de très bonne qualité. Le Pandurii se présentait avec son 4-3-3 habituel où seul le buteur Lemnaru était absent. En face, l’Astra se présentait en 4-5-1 avec une belle doublette sino-nigériane au milieu Seto-Yahaya.

Pendant la première mi-temps, le Pandurii essayait comme à l’accoutumée de mettre le pied sur le ballon, sans être vraiment dangereux. Au contraire, les joueurs de l’Astra se montraient plus entreprenants, voulant  réellement faire mal à la défense adverse. D’ailleurs à la 10è, Budescu (le meneur de jeu local) trouvait Seto dans la surface qui trompait Mingote d’une tête plongeante dans les 6 mètres (1-0). La domination des joueurs de l’Astra continuait avec notamment les excellents Budescu et Distefano. Mais les nombreuses tentatives ne trouvaient pas le cadre. Le manque de réussite des joueurs locaux se faisait payer à la 42è. Cristea centrait superbement pour Maxim, auteur d’un superbe appel en diagonale, qui coupait la trajectoire et marquait au premier poteau (1-1). La mi-temps était sifflée sur ce score flatteur pour le Pandurii.

Mais la deuxième mi-temps allait vite tourner en faveur des locaux. En l’espace de 9 minutes, l’Astra plantait 3 buts et tuait tout suspense. C’est tout d’abord l’athlétique défenseur Muresan qui marquait de la tête sur corner puis Budescu gratifiait l’assistance d’un coup-franc digne de Platini des 20m. Puis finalement le buteur nigérian Fatai faisait un double contact dans la surface et marquait d’un petit extérieur à la Romario. 4-1. La messe était dite et le reste du match n’avait pas grand intérêt.

L’Astra est une belle petite équipe joueuse, avec un bon gardien en la personne de Silviu Lung Jr (FM star) et l’excellent Valerica Gaman en défenseur et capitaine (ancien grand espoir du Craiova). Au milieu, la doublette Yahaya-Seto est très complémentaire avec le très élégant Seto à la mène (déjà 5 ans au club !). Finalement devant, Distefano et Budescu ont fait montre de qualités techniques et de vitesse au-dessus de la moyenne.

En face le Pandurii a encore une fois démontré sa fragilité. L’absence d’un vrai milieu défensif se fait ressentir dès que le milieu des adversaires est bien en place. Sur ce match, il y a eu quelques fulgurances de Radut et Nistor mais seul Maxim a joué à son niveau. Le jeune international roumain a toutes les qualités pour devenir le nouveau Torje.

Au final, l’Astra passe devant le Pandurii au classement. Mais le Steaua peut dormir sur ses deux oreilles.

 

Allez, c’est tout pour cette semaine. La revedere.

Tristan Trasca, avec la mémoire encyclopédique de Jean-Nic Surdu Mutu

 

Si vous voulez voir les pions du match (et constater que les médias roumains sont en avance) : http://www.digisport.ro/Sport/FOTBAL/Competitii/Liga+1/LIVE+TEXT+VIDEO+Astra+-+Pandurii+IN+DIRECT+la+Digi+Sport+1

 

Si vous voulez venir discuter football et Roumanie : http://www.facebook.com/Tuicacademie

 

4 thoughts on “La Tuicacadémie vous emmène en voyage entre les 40’s, Cluj et Giurgiu.

  1. Très bon encore une fois. Le geste des supporters de l’U est quand même assez fou.

  2. Merci les fidèles.

    On essaye de raconter les histoires intéressantes du foot roumain…

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