Metz – Marseille : La Metz Que Un Club Académie donne son huitième cours.

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Pauvre Toutoune.

L’amphithéâtre Carlo MOLINARI était animé. Cela faisait plusieurs cours que le vénéré très respecté professeur Legrasaully avaient dû reporter au dernier moment. Les rumeurs parlaient de problèmes de santé, d’autres d’un souci familial, les plus mauvaises langues évoquaient même la prison. Mais il était de retour, et le voilà qui faisait son entrée…

Son regard froid glaçant balaya la pièce. Immédiatement un voile de silence tomba dans l’immense salle. Les étudiants étaient immédiatement mal à l’aise, ne sachant plus trop comment s’asseoir. Seul un avait oublié le caractère impitoyable et le verbe acide du professeur. Cette personne c’était François. François était, avant ce jour, ce que l’on pouvait un « bon-vivant ». Il avait un sourire qui pouvait changer le ton d’une soirée. Avant ce jour, François, s’appelait en effet François. Parce qu’à la fin de ce cours, François allait arrêter de s’appeler François…


– Bien commençons tout de suite le cours. Nous avons beaucoup de retard dans le programme et, bien que j’en sois le responsable, vous vous doutez que ce n’est malheureusement pas moi qui vais en payer le prix. Metz qui affronte Marseille. Un match qui est déjà entré dans la légende…


– … de la nullité !


Oui. Et j’assume. Je sais que beaucoup d’entre vous ne seront pas d’accord. Alors, si vous avez un peu ouvert vos livres d’histoires, vous savez que la situation du FC Metz à cette époque était tout sauf évidente. 17e du classement, le petit lézard de l’Est allait affronter le dauphin de cette ligue. Marseille sortait clairement les tripes. Un nouvel état d’esprit. Un milieu récupérateur enfin performant. Un vrai attaquant. Des défenseurs … Des types devant le goal. Et un goal qui avait enfin commencé à manger des branches de céleri.

L’affaire s’annonçait corsée. Et notre équipe en carton-pâte avait désespérément plus besoin de points qu’une coccinelle monochrome (oui, il m’arrive de sortir de jolie métaphore). Mais un souvenir avait laissé des traces à cette équipe de Marseille. Celles d’une victoire encore plus improbable que ce match nul. C’était sur un coup franc. Il y avait ce mec avec la moitié du corps en vrac qui s’était blessé une fois rien qu’en enlevant sa chasuble. Et ce souvenir rendait tous les rêves possibles dans les têtes des Messins. Comme un symbole. Le début d’une reconquête de cette dignité perdue il y a deux ans de cela avec le record de défaites en Ligue 1.

Ouais, ben permettez moi de faire ma « poucave » et de griller tout de suite le suspens : On a été nul, hein ?

Il y a eu certes de bonnes choses. On a démontré des capacités, il y a eu des éclats individuels, mais avec un plan de jeu aussi naze que les piles du vibro d’une nymphomane monomaniaque (bon parfois elles sont très sale aussi mes métaphores), et aussi peu d’esprit collectif qu’une bande de pigeon se battant sur une miette de pain (voir très nulle), on a très vite compris qu’on ne gagnerait pas ce match.

Et pour ceux qui aurait la comprenote lente : le match nul était inespéré au vu du déroulé du match.

De légers murmures s’élevaient de manière éparses à différents endroits de l’amphi. Le professeur remarqua une perturbation dans l’habituelle silence de plomb de ses cours.

– Oui ? Des questions ? Des remarques constructives ?

Silence.

– Soit, commençons donc par l’absence d’évolution dans le plan de jeu…
– Moi professeur ! Je ne suis pas d’accord.

Montée d’angoisse générale. Interrompre le professeur n’avait jusque-là jamais été tenté.

– Et vous vous appelez ?
– François, monsieur. François Dati. Et j’ai vu le match quand j’étais petit, et je me rappelle d’un bon match.
– …
– Je… On… Enfin, oui quoi. On a bien joué. Un nul. Contre Marseille… C’était… Enfin… Cool.

Le professeur prit une grande inspiration. Il aurait pu excuser qu’on lui coupe la parole. Il aurait pu pardonner à l’innocence de la jeunesse d’avoir pris son cours pour une zone d’échange et de débat. Il aurait même pu oublier son absence de syntaxe s’il y avait eu une seule phrase intelligente. Rien qu’une. Une preuve que l’espèce de mollusque avec ses cheveux bouclés non peignés était… un être humain. Alors peut être qu’il aurait eu du remord à détruire l’intégralité de sa vie. Si seulement il avait démontré qu’il était… humain.

Le professeur lança alors une sentence froide et implacable qui paralysa toute la salle :

– Je t’interdis de bouger.
– … Mais… Mons…
– TU FERMES TA GUEULE TOUTOUNE !!

Le rugissement fit basculer tous les étudiant vers l’arrière. Le dernier mot résonna dans tous les esprits pendant de longues secondes : Toutoune

– Si je te vois bouger, ne serait-ce que d’un millimètre cet espèce de réservoir fécale que tu appelles ton « corps » je te jure que je te tranche la jugulaire avec mes dents. Tu as compris toutoune ? A présent, tu ne parleras que si je te le dis, toutoune. Et rien qu’à ce moment-là.

Le professeur Legrasaully commença à gravir les marches jusqu’à François. Ce dernier était complètement bloqué.

A seulement quelques centimètres de lui, il se pencha. Le pauvre étudiant vit alors au fond des pupilles de son professeur toute l’étendue de sa haine et un froid inimaginable s’empara de toute son âme. Il n’avait plus de corps, plus de tête… Il était moins qu’une chiure de mouche, moins qu’un atome de chiure de mouche, moins qu’un boson de chiure de mouche. Il… Il était… Il était…

– Qu’est ce que tu as trouvé beau dans ce match ?
– …
– RÉPONDS PLUS VITE !
– On a failli gagner !
– ET EST-CE QU’ON A GAGNE TOUTOUNE ?
– Non.
– ALORS QU’EST-CE QUE TU AS AIME DANS CE MATCH ?
– On a retrouvé de la possession en début de deuxième mi-temps.
– COMBIEN DE POSSESSION TOTALE ?
– …

SLAP !!!

La tête de François s’envola vers la gauche. La gifle fut si violente que sa tête partit sur l’épaule de son camarade.

– JE T’AI DIT DE RÉPONDRE PLUS VITE !
– Pardon.
– COMBIEN DE POSSESSION ?
– Je ne sais pas Monsieur.
– ET POURQUOI NE SAIS-TU PAS ?
– Parce que je n’ai pas regardé les stats avant.
– ET POURQUOI N’AS-TU PAS REGARDE LES STATS ?
– Parce que je suis fainéant.
– ET POURQUOI ES-TU FAINÉANT ?
– Parce que…

SLAP !!

La deuxième gifle lui fit entrevoir une porte, avec du lierre. Une belle porte blanche, avec un gentil moustachu qui lui fit signe d’approcher…


Mais il fut vite décollé du sol et quand il retrouva la vue, il se retrouva à nouveau plongé dans la profondeur froide et abyssale des pupilles du professeur Legrasaully.

– POURQUOI ES-TU FAINÉANT ?
– Parce que cela excuse mes échecs.
– ET POURQUOI CONNAIS-TU DES ÉCHECS ?
– Parce que je suis nul.
– ET POURQUOI DIABLE ES-TU NUL ?
– Parce que… Parce que…

La main du professeur se leva à nouveau…

– PARCE QUE JE SUIS CON ! VOILA !
– ET POURQUOI ES-TU CON ?

François était en larmes. Il ne comprenait pas où voulait en venir son professeur… La main se leva encore une fois, et le professeur lui posa la question une dernière fois en hurlant à dix centimètres de son visage :

– POURQUOI ES-TU CON ?
– … PARCE QUE JE SUIS TOUTOUUUUUUNE !!

Et voilà. La main vengeresse s’abaissa et elle laissa toutoune s’effondrer sur sa table. Satisfait, le professeur Legrasaully retourna à son bureau sous le regard terrifié de tous les étudiants…

– … Bon. Voilà les stats au fait : En possession, c’est 31% que l’on a eu. En centre, c’est 10 sur tout le match. Seulement 271 passes contre 582. Un seul corner. On a passé 70% de notre temps dans nos 25 mètres à envoyer de grosses sacoches devant comme des gros bœufs. Ridicule ! Et l’autre vient me parler de beau match…

On a eu une seule stratégie, jouer en 4-3-3 et tenter de les prendre de vitesse par des contres. Mais quand l’adversaire est déjà à 8 tirs en face. Quand tu vois que ton équipe est incapable de sortir de ses 25 mètres depuis 30 minutes… Tu te poses forcément des questions. Je ne sais pas, tu tentes autre chose. Mais là, non. Rien. Le but messin était aussi beau qu’inespéré avec N’guette et Centonze qui se sont bien trouvés.

N’guette qui d’ailleurs, avec Udol, a été le joueur le plus intéressant sur ce match pour moi. Maïga a encore été solide, même en étant si peu aidé par Fofana. Mais s’il veut continuer à jouer à ce poste, il faut qu’il apprenne à être plus tranchant dans ses passes offensives. Boye s’est un peu distingué parfois aussi et Oukidja, a fait ce qu’il a pu. Le reste, zéro.

Diallo, avec quelques gestes de grandes classes, n’avait pas envie de donner le ballon. Et il en a perdu un nombre incroyable au milieu de terrain. Traoré c’était un festival de placement aberrant. Centonze se faisait constamment bouffer sur son côté. D’ailleurs, les adversaires l’ont vite compris et ont arrêté de venir taquiner Udol, incroyable sur ce match. Angban invisible, et Fofana, j’en peux plus de lui.

Pour le reste, je vous laisse voir les images d’archives. Et on passe à la conclusion.

Déjà, cette équipe aura toujours tout mon soutien. Toujours. Et c’est cet amour qui me permet de les fusiller lorsqu’ils le méritent. Cette année, ils ont vécu des choses pas évidentes. Entre leur coach au chevet de sa femme, et l’accident de voiture de deux de leurs joueurs (force et courage à toi Cabit). On ne peut que louer leur combativité.

Mais là, si on veut rester en Ligue 1, il faut montrer autre chose. Un nouveau visage. Alors je ne saurais par où commencer, je n’ai pas envie de balancer des conclusions hâtives comme toutoune…

Des pleurs déchirant se firent entendre au fond de la salle.

Je veux juste le meilleur pour ce club. Et c’est ce que veut tout supporter. Un peu comme un enfant un peu stupide qui imagine son père comme Superman. On veut le voir aller loin, réaliser des exploits, ne pas voir se briser cette illusion… Parce qu’un jour elle se brisera. Et ce sera définitif. Pensez à cela pour vos propres vies… Si un jour vous avez des enfants…



Le cours est terminé.

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