Il fut un temps où l’homme la personne non genrée pour avancer devait revenir sur ses pas ; où le triomphe se faisait à reculons. Ou plutôt, il fallait tourner sur soi-même, prendre une large boucle pour reprendre le chemin là où il avait été laissé, faire cercle pour mieux prolonger son parcours.

Le premier succès obtenu ne se suffisait pas à lui-même. Pour se voir couronné, il fallait que celui-ci soit confirmé ; que même, selon l’expression consacrée, les mêmes soient pris pour recommencer. Chaque mâche retour avait son mâche aller – ou l’inverse, on ne saurait plus dire.

Les belligérants, dans leur fuite en avant effrénée, étaient forcés de ralentir leur course. Dans la fureur du combat, le ciel décidait d’une pause. À l’impatience du mecton (non genré) assoiffé de lauriers et de chants de louanges répondait le tranquille passage du temps.

Un temps pour rassembler ses forces, et dans les ténèbres les lier. Un temps pour panser ses plaies ; un temps pour ronger son frein. Un temps pour oublier que l’on a d’abord perdu ; un temps pour s’effrayer de pouvoir encore perdre.

Et le combattant à terre au terme de la première rencontre pouvait encore, quinze, trente, cent-quatre-vingt jours plus tard, devenir le héros de l’ultime affrontement, le roi du score accumulé, l’empereur du but à l’extérieur.

Domicile / extérieur, aller / retour, en veux-tu / en voilà, il y avait dans ce va-et-vient matriciel (coucou profezeur Zigmonde) quelque chose de la remise en question, du nécessaire retour sur la portée de ses propres actes, un rien de « était-il juste de marquer ces quatre buts ? », un soupçon de « ai-je vraiment le droit de bander ? ».

En un mot comme un cent, il y avait, au bout de ce long voyage intérieur,  de cette introspection contrainte par le passage du temps, la possibilité malheureuse de l’insertion non désirée d’un objet oblongue, aussi appelé « remontada de ses grands morts de chiens de la casse », dans un orifice quelconque (on ne genre pas) de notre délicate anatomie.

Ce genre de sévices, il est des équipes (non genrées) qui aiment les pratiquer. Il en est d’autres qui aiment les subir. À répétition. Encore et toujours. Analnuellement. Paris-Saint-Germain-en-Laye est de celleux-là.

Mais quand des mesures sanitaires viennent abroger la règle de ce tragique retour, quand le va se passe du vient, quand le domicile féminin et l’extérieur masculin fusionnent sur terrain neutre (quel bonheur pour la cause non-binaire), PSGEL (c’est son petit surnom) sait sauter sur l’occasion (il faut préciser tout de même que cette dernière est majeure et consentante).

Et tandis que les sages équipes pleuraient le monde passé, leurs traditions remontatrices et leurs habitudes retouristes, regrettaient le confort bourgeois de leur domicile et sanglotaient sur leurs privilèges perdus dans la tourmente épidémique ; tandis qu’elles regardaient l’air mauvais leur dernier investissement sportif, contemplant l’insondable abysse de leur profondeur de banc rendue à l’inutilité la plus crasse par le verdict net et tranchant du match à élimination directe ; tandis qu’elles recouvraient de sel fin les pages de nos affligeants journaux en arguant de la suprême équité du sacro-saint aller-retour, regrettant même qu’on ne soit pas passé directement à la qualification au meilleur de 7 mâches comme dans les plaie-hoffes des Amériques, en plus quand y a plus de mâches y a plus de droits télé c’est mathématique ; tandis que toutes ces pitoyables têtes de série, désignées ad vitam au prorata du palmarès et du portefeuilles, faisaient retentir les sirènes éreintantes de leur ouin-ouin quotidien en se plaignant de ne pas pouvoir être qualifiées directement pour les demi-finales sans être dérangés par le bas-peuple du fouteballe, sans feu et sans aveu, sans naming et sans trophées, lumpenprolétariat aux shorts sales et aux logos criards ; tandis que tous ces richards se répandaient en pleurnicheries, PSGEL ROUE-ARRIÉRAIT DES MÈRES DE BOURGEOIS.ES ET SE LA DONNAIT À FOND JUSQU’EN FINALE MA GUEULE.

Bon à la fin t’as vu ils ont quand même perdu mais chut.

PSGEL est mort, vive PSGEL,

La bise trotskanale,

Georges Trottais

3 thoughts on “Ode à l’élimination directe

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