Salut les bots russes (et les autres),

La première fois que j’ai vu jouer Arsenal, j’avais huit ans, j’avais découvert le football quelques mois auparavant avec la Coupe du Monde en France et je réalisais seulement que ce sport se pratiquait en club. Autant vous dire que, lorsque le paternel lança le match à la télé (pour les plus jeunes, ça peut paraître dingue, mais à l’époque les matches de Ligue des Champions étaient diffusés en clair), rien ne me prédestinait à tomber amoureux du club qui fit, sous mes yeux, honteusement expulser Tony Vairelles.

La dernière fois, c’était de manière plutôt improbable, sortie de Horsjeuaides oblige. Pendant que Gwen Tagrenmer, Tristan Bourrepif, Fernando Nandrolonas et Capitaine Raï découvraient Gaston-Gérard pour un alléchant Dijon-Guingamp (qui a rigolé ?), le Père Fidalbion et moi-même, à quelques encablures de là, tentions désespérément de regarder Arsenal-Burnley à la terrasse d’un fast-food. La 3G capricieuse aidant, nous fûmes bien en peine de voir le récital d’Aubacazette, Kolasinac rentrer une lourde ou encore découvrir qu’Iwobi dispose finalement d’un pied, mais qu’il n’utilise juste pas le bon depuis toutes ces années.

Entre ces deux événements personnels dont vous n’avez probablement rien à carrer, il s’est donc passé vingt ans. Durant cette période, le club que j’ai fini par aimer n’a connu qu’un seul entraîneur. Arsène Wenger était déjà le manager d’Arsenal quand j’apprenais mes tables de multiplication, Arsène Wenger l’était encore quand je suis arrivé à la fac et enfin Arsène Wenger était toujours manager d’Arsenal quand j’ai rejoint la grande famille de la Gunners Academy.

Comment résumer un règne de vingt-deux ans à la tête d’un club de foot sans tomber dans les clichés ou dans l’excès d’emphase ? J’ai eu beau prendre trois mois pour me poser la question, je suis toujours incapable d’y répondre. Et ce d’autant plus que je risquerais d’être aussi impartial que Yaël Braun-Pivet pour juger un conseiller du Président. 

Parce que je me suis construit en tant qu’amateur de football avec son Arsenal. Les premières années, j’étais attiré par la colonie française et Dennis Bergkamp, à qui il ne manqua qu’une Ligue des Champions (merci encore Thierry pour ces face-à-face croqués, merci encore Manuel pour ce tir à côté flashé à 12 km/h que tu as eu la délicatesse de faire entrer dans notre cage, merci encore Jens pour cette sortie à la Schumachier – c’est comme Schumacher, mais version Leader Price). Par la suite, à dix-sept dix-huit ans, je me suis pris d’affection pour les Baby Gunners, ces gamins à peine plus âgés que moi qui pratiquaient un football Ô combien bandant. Enfin, l’ado attardé que je suis encore a rarement autant pris son pied devant du foot que lorsque la CÖR était alignée sur le terrain (ne me faites pas l’affront de me demander de qui je parle).

Mais au-delà du manager, ce que j’ai le plus appris à aimer chez Tonton ces dernières années, c’est l’humain derrière la doudoune mal zippée. Ce n’est pas un hasard si le passage qui m’a le plus marqué dans l’excellent Invincibles d’Amy Lawrence est celui dans lequel on apprend que, outre l’entraînement et la diététique, Wenger a également révolutionné le rapport des joueurs au club, en reprenant parfois sèchement les joueurs qui oubliaient de saluer les femmes de ménage en arrivant. Beaucoup de gens ont tendance à oublier cela, mais Tonton n’a, hormis peut-être sur la dernière saison, jamais perdu le vestiaire en vingt-deux ans et certains joueurs ont débarqué à Londres pour être sous ses ordres. Enfin, au vu du bazar ambiant au sein du club, on se demande de plus en plus s’il n’a pas servi de bouc-émissaire vis-à-vis du board sur pas mal de points, notamment en ce qui concerne les différents mercatos (mercati ?).

Pour ne pas tomber dans l’hagiographie, nous n’occulterons pas (et nous n’avons jamais occulté dans ces colonnes) les défauts du bonhomme, et particulièrement son entêtement. Entêtement à ne jamais changer de système ou presque, entêtement à maintenir coûte que coûte son onze-type, quitte à cramer certains joueurs (coucou Jack Wilshere) et enfin ces dernières années, son entêtement à rester à son poste, quand bien même les résultats ne suivaient plus depuis quelques temps. Et vous savez quoi ? On s’en cogne. Parce que c’est encore trop tôt pour analyser son passage froidement. Trois mois après, j’ai encore du mal à réaliser qu’au prochain match, ce ne sera pas lui qui prendra place sur le banc d’Arsenal. On verra donc quand son départ sera digéré.


ZE COLLECTIVE HOMMAGE :


Pardonnez-moi pour le poncif, mais on ne reste pas vingt-deux ans à la tête d’un club sans que chaque supporter pris individuellement n’ait quelque chose à partager. C’est pourquoi nos lecteurs ont été mis à contribution. L’exercice consistait à résumer en un tweet ce qu’ils pensaient d’Arsène, ce qu’on trouvait d’autant plus intéressant que les participants sont âgés de dix-neuf à quarante-deux ans et ont forcément. Voici ceux qui m’ont le plus marqué, trolls inclus (NB : j’ai dû faire des choix, pour ne pas que l’article soit plus long que l’intégrale de Proust. Vous trouverez l’ensemble des publications ici).

 

 

Voilà, maintenant, il faut tourner la page. Après le bourbier parisien, Unai Emery s’offre un nouveau défi. Sur le plan du jeu, c’était l’un des meilleurs choix possibles et n’oublions pas qu’il a remporté plus de Coupes d’Europe qu’Arsenal. Bonne chance à lui et si jamais il arrive à rapatrier la nouvelle recrue de Villarreal…

 

Johny Kreuz

 

 

6 thoughts on “La Gunners Academy rend hommage à Tonton.

    1. J’avoue que je me pose aussi la question. Je dirais bien Cazorla – Ozil mais je sèche sur le R, Reyes ne me semble pas convaincant.

  1. T’imagines dans 22 ans quand un type (et/ou une typesse) va écrire la même chose pour le départ d’Emery ?

  2. Première acad de la gunner academy que je lis, et je tombe sur ça : De l’amour. Propre. Pur. Beau.

    J’aime beaucoup. Tu as touché mon coeur de glace…

  3. Arsène c’est le football qui séduit, qui gagne, et qui finit par mourir avec ses idées. La France, quoi

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