La Coupe du Monde parallèle de Barnabé la plume

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Sans transition, la conclusion qui remue le couteau dans la plaie béante du football français.

Précédemment, dans la Coupe du Monde Parallèle :

La révolution menée par les principaux médias est une réussite. Escalettes est évincé au profit d’un triumvirat composé d’Aulas, Diouf et Larqué ; Raymond Domenech est remplacé par Philippe Lucas ; le staff médical se compose désormais du binôme Douste-Blazy / Kouchner. Philippe Lucas prépare le quart de finale contre la Corée du Nord dans l’urgence.

Pénélope, la délicieuse stagiaire de l’Equipe, désespère de faire entendre aux journalistes la vague de contestation de leurs méthodes qui commence à s’organiser autour des sites et blogs alternatifs malgré la fermeture définitive des Cahiers du Football et la décapitation de Jérôme Latta obtenue par Denis Balbir.

Quelque part en Afrique du Sud, camp d’entraînement de l’Equipe de France…

Alors que Brice Hortefeux en personne vient d’expulser Raymond Domenech du staff et de lui interdire l’accès au territoire français, Philippe Lucas dirige son premier entraînement en piscine, d’une main de fer et entièrement nu, afin de montrer aux joueurs qu’il en a, lui. Malheureusement, sur son premier ballon, Lloris est victime d’un traumatisme crânien après avoir violemment heurté la transversale en tentant d’arrêter un tir de Govou. Tout en se recoiffant la mèche rebelle d’un geste désinvolte, Philippe Douste-Blazy, le nouveau médecin des Bleus, signale à Lucas que, les transversales des cages de waterpolo étant légèrement plus basses que celles des cages de foot, ce genre d’incident est difficile à éviter.

Pris d’une joie intense en réalisant qu’il serait titulaire, Steve Mandanda fait des bonds en l’air comme s’il venait d’apprendre que Francis Lalanne prenait sa retraite. Cependant, hélas, peu habitué à l’humidité ambiante que l’on trouve habituellement dans les piscines fermées ou les Zahia ouvertes, il glisse en arrière et se fracasse la nuque par terre. Il décédera quelques heures plus tard, sa dépouille accompagnée à jamais de ces mots émouvants de Bernard Kouchner, l’autre médecin de l’Equipe de France sans frontières:

« C’est une tragédie: ce garçon ne vivra pas la réélection de Sarkozy en 2012. »

Alors que Bernard-Henri Lévy voit en Mandanda « une victime de plus d’une violence aveugle et raciste, cette abyssale folie des hommes que je n’ai cessé de combattre tout au long d’une vie riche et tumultueuse aux côtés des plus grands », Alain Finkielkraut se contente d’un « bien fait pour sa gueule » sobre mais efficace, repris par l’AFP2 (l’Agence française des Philosophes de mes Deux).

N’ayant plus aucun gardien sous la main, mais fourmillant d’idées aussi brillantes qu’un discours mongoloïde cocaïnomane de Roselyne Bachelot, Philippe Lucas décide de rappeler Domenech au poste de gardien:

« Son jeu de main a fait ses preuves. Ses insuffisances en termes de prise de balle seront compensées par ses aptitudes à la prise de tête. »

Pendant ce temps, Pénélope, la stagiaire de l’Equipe, tente une énième fois de faire comprendre aux journalistes et autres cons ou sultans, que leurs méthodes sont de plus en plus contestées. Mais elle se voit répondre invariablement :

«La liberté de la presse, ma fille, la liberté de la presse ! Ca veut dire qu’on est libre de faire ce qu’on veut. Et on va pas se priver.»

Rien n’y fait, l’Equipe et France Football décident même de s’associer pour monter un dossier « spécial enquête » détaillant les responsabilités de Domenech dans la crise financière, la pauvreté en Afrique et le réchauffement climatique. Tel un Mitterrand à l’été 1943, seul Vincent Duluc commence à sentir le vent tourner et prend petit à petit ses distances avec le milieu. Il n’a pas tort car la résistance s’organise autour des médias, sites et blogs alternatifs : horsjeu, chez les girondins, psgmag, so foot, opiom , panenka et ainsi de suite, préparent leur coup en secret et décident d’entrer en contact avec Pénélope pour avoir une taupe à l’intérieur du système. Pénélope accepte sans hésiter et commence à livrer des informations stratégiques aux membres de la résistance. Ces derniers décident de ne pas passer à l’action tant que la France n’a pas joué son quart de finale.

Se rappelant soudain qu’il y avait un match à jouer, les principaux médias prédisent qu’il sera une formalité grâce à l’autorité et la rage de vaincre de Philippe Lucas. Après une entame correcte d’environ 14 secondes, l’Equipe de France encaisse 49 buts dont trois de Gignac qui, positionné en défense centrale par Lucas, s’est trompé de côté et a confondu les cages nord-coréennes avec celles de sa propre équipe.

A la pause, Lucas demande à Douste-Blazy son avis sur un éventuel changement de système pour passer du 4-2-3-1 brasse coulée au 4-4-2 nage libre. Ne comprenant pas la question, Douste-Blazy le fixe d’un regard bovin, la bouche légèrement ouverte. Puis il se reprend d’un réflexe :

« Je recommande 2 cachets le matin et 2 le soir, pendant 4 jours. »

Au coup de sifflet final, le score sera finalement flatteur pour l’Equipe de France avec seulement 124 buts encaissés et un but marqué, ou plus exactement offert par la FIFA pour récompenser la présence des français sur le terrain, alors qu’ils auraient pu faire grève.

Vérifiant une fois de plus la théorie du chaos ou « effet papillon », qui énonce qu’à chaque battement d’aile d’un papillon en Amazonie le Parti Socialiste français se découvre un nouveau candidat aux présidentielles, la large défaite française a des conséquences inattendues sur la politique intérieure de la Corée du Nord, que même Paco Rabanne n’aurait pu prédire. En effet, le charismatique chef de l’Etat, Kim Jong-il, tablant sur une défaite de son équipe nationale, avait prévu d’envoyer l’ensemble des joueurs à la mine, où un sérieux manque de main d’œuvre se fait sentir depuis le décès surprenant d’une quarantaine de prisonniers-mineurs sous le prétexte, quelque peu léger, qu’ils n’étaient pas nourris. Or, avec cette victoire, c’est tout juste s’il n’est pas obligé de récompenser les joueurs. Que faire ? Alors qu’il s’interroge à voix haute avec ses ministres, son portable sonne mais sans afficher l’identité de l’appelant, ce qui est toujours surprenant dans un pays transparent dans tous les domaines.

« Oui, bonjour, je m’appelle Jean-Michel Larkong le 1er, vous ne vous souvenez sans doute pas de moi, j’ai assisté à une de vos formations pour acquérir les méthodes de travail nord-coréennes… »

« Jean-Michel, évidemment que je me souviens ! Le meilleur élève que nous n’ayons jamais eu. Que puis-je pour toi ? »

« Alors voilà, je sais que vous avez besoin de main d’œuvre urgemment et je voulais vous proposer d’envoyer à la mine les joueurs de l’Equipe de France, plus Domenech. Ca vous tente ? »

« Et comment ! Mais pas Domenech, même sans faire exprès il risquerait de saboter la production…Mais Jean-Michel, je suis un peu surpris quand même, ce sont vos propres joueurs, qu’est-ce que vous avez contre eux ? »

« Rien d’efficace, jusqu’ici. Mais on croit en vous. »

Les principaux médias décident de ne pas révéler l’information de suite, afin de faire durer le plaisir en réclamant notamment un retour à la légalisation de la guillotine, dans le noble but de restaurer les valeurs et les traditions de la France, si galvaudées par les joueurs. Ces derniers se voient retirer leurs droits civiques. Domenech est achevé lorsque TF1 et M6 diffusent en direct Estelle Denis lui intimant froidement, comme un symbole inversé : « retire ta main d’là », avant de demander le divorce devant des millions de téléspectateurs qui assistent au spectacle d’un homme décomposé par le chagrin et abattu sur la place publique.

Mais lorsque le transfert des joueurs en Corée du Nord est annoncé, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de la tolérance citoyenne. La surprise est de taille pour Larqué & co : une vague d’indignation secoue le pays et la colère qui grondait au sein des masses explose enfin. Des milliers de manifestants solidaires sortent dans les rues pour exiger la démission collective des rédactions sportives concernées. Profitant de ce bel élan citoyen ainsi que des plans de bâtiments fournis par Pénélope, les médias alternatifs se coordonnent pour prendre simultanément d’assaut les rédactions de RMC, France Football, l’Equipe et TF1, dans ce qui sera plus tard connu dans les livres d’histoire comme la « Prise de la tour de TF1 » ou « Deuxième prise de la Bastille ».

Le résultat dépasse les espérances : la coalition des médias alternatifs résistants, massivement soutenue par la population, renverse totalement la république bananière des journalistes sportifs français tels qu’on les a connus jusque-là. Un nouvel optimisme se propage et l’espoir d’une nouvelle ère, celle de l’élégance, de la rigueur analytique alliée à un humour fin, du respect et du sens de la mesure, porte les résistants d’hier vers des lendemains qui chantent.

10 ans plus tard…

Dans une école de journalisme en plein cœur de Paris, l’enseignante raconte à ses étudiants :

« …Quant au journalisme sportif, on a observé les mêmes dérives mais apparues un peu plus tard, avec la création du journal l’Equipe en 1947, qui marque le véritable début de l’Ere Médiocre. Ere qui compte plusieurs branches, dont notamment le larquisme qui a causé des ravages intellectuels et moraux terribles, sans jamais être remboursé par la sécurité sociale. Heureusement, nous vivons aujourd’hui dans un système totalement différent… »

A quelques pas de là, sous le vieux Pont des Arts, se trouve un vieil homme usé et blafard. Il est seul et démuni, maladroitement affalé au milieu d’ordures sinistres, insensible aux effluves pestilentielles qui émanent de son urine séchée. Il git là en misérable déchet humain, oublié de tous, parfois pris en pitié par quelques passants qui jettent une pièce ou deux à cette malheureuse masse informe. Le soleil tape fort au-dessus de Paris mais ne le réchauffe guère. Il sent s’évaporer doucement ses dernières forces, les ultimes traces de vie. Puis il ferme les yeux, une dernière fois.

Il faudra moins d’une heure aux vautours charognards, humant leur proie depuis leurs hauteurs célestes, pour dépecer le cadavre pourrissant de celui qui fut Raymond Domenech.

15 thoughts on “La Coupe du Monde parallèle de Barnabé la plume

  1. Bon, Moké, t’as fini d’emmerder le Barnabé avec la Pénélope, espèce de pervers graveleux?

  2. Du coup, on sait qui a gagné finalement, ou pas ? parce que l’extra-sportif c’est bien joli, mais…

    Plus sérieusement, chapeau l’artiste. Je me permets juste une réserve sur la liste des sites « résistants »… Y’a du bon et du moins bon

  3. Et dire que je voulais changer d’air et me couper des blogs et des forums. Faut croire que la came est dure et très bonne… Excellent papier Barnabé, le meilleur sur le thème à mon sens.

  4. @eva

    J’ai aussi tenté la désintox, mais j’ai fais ma Lindsay Lohan.
    Que veux-tu « horsjeu.net » c’est plus fort que toi!
    Longue vie!

  5. Chère Eva Gene,

    Votre commentaire m’a beaucoup intéressé. Je suis très heureux que vous le considériez comme « le meilleur sur le thème » et j’aimerais vous voir développer deux points. Selon vous,
    -pourquoi est-ce le meilleur de la série plutôt qu’un autre épisode;
    -qu’est-ce que vous appelez « le thème », et quel est selon vous le thème de tout cette série?

    Bien à vous,

    Barnabé la plume

  6. Au lieu de faire des phrases compliquées tu ferais mieux de foutre une photo de Pénélope..

    Elle est bonne ? elle mérite ?

  7. Mais c’est pas trop réaliste dans cet épisode : on sait très bien que Mandanda est tellement fort qu’il arrête la mort, même la sienne.

  8. @la face b :

    C’est vrai que ça faisait un petit moment qu’on t’avait pas vu… Bien le bonjour !

    @Barnabé la plume :

    Euh… honnêtement ? Ben, c’est le meilleur parce que c’est celui que je me suis réellement donné la peine de lire. Bouh !

    Sinon, le thème ?
    T’es dur là. Ca va saouler.. mais très bien, allons-y c’est l’heure de l’apéro après tout.

    On va dire :

    L’utopie d’une révolution triomphante, menée par des mouvements alternatifs armés de leurs seuls claviers et petits bras pas musclés, dont les Cahiers auraient été les héros morts au combat.

    Et dont Pénélope aura été la Marianne/Mata Hari/princesse captive (gros fantasme ça aussi chez Moké, l’employée de bureau prisonnière et esseulée).

    Et dont Raydo aura été le roi bouffon, déchu, après avoir incarné la gauche fric caviar de connivence avec la droite fric Rolex…

  9. j’ai beaucoup aimé la fin du Raymondice. Dans un style digne de la bête à plume que tu es barnabé. Y aura-t-il une ligue 1 parallèle?

    @eva
    merci pour ton accueil.

  10. @Eva : tu as oublié qu’elle doit être docile..

    @side B : Tant que la photo de Penelope n’est pas divulguée (ainsi que son numéro de tel pour Moké en privé), le policier fera jouer toutes ses relations pour interdire un nouveau billet de Barnabé.

    Oui je sais c’est dur la face b, mais jamais autant que ma bite.

  11. C’est pas que j’aime être à contre courant mais je préférais nettement les premiers chapitres de l’aventure quand-même. Je suis pas super fan de l’introduction de tous ces personnages politiques. C’est vrai ça, quelle idée d’aller exhumer Douste-Blazy?

  12. merci Moké!
    A cause de cette dernière phrase, j’ai craché mon café de rire sur mon clavier, j’hésite à en faire une délation!!
    mais sinon que fais-tu de la liberté d’expression surtout si elle est bonne?

  13. Justement ! si Penelope est bonne, il aura toute la libérté qu’il veut. (désolé pour ton clavier et ton futur ex emploi si tu es au boulot)

    Moké est d’accord avec Nick ta génitrice, ce billet est bon mais ne vaut pas celui avec les consultants radio qui était à pleurer de rire. Mais la qualité de la plume est toujours là.

  14. @Moké : Certes le style est toujours aussi puissant.
    Je tiens d’ailleurs à te rappeler qu’il me semble que la première règle inventée par la fédération mondiale du « comme ma bite » est qu’on ne peux l’utiliser sur ces propres phrases.
    Ex : Nick dit : « Certes le style est toujours aussi puissant. Comme ma bite! » n’est pas valide.
    Oui, je sais, mais c’est vendredi et demain j’suis en vacances alors merde quoi.

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