La Coupe du Monde parallèle de Barnabé la plume

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Barnabé had a dream: le nul contre le Mexique

Après la première victoire (lire ici) Barnabé nous raconte le deuxième match de l’Equipe de France : match nul contre le Mexique

Il est 23h30 ce mercredi 16 juin 2010. Sur une terrasse tout en verdure donnant sur l’océan indien de l’Hôtel Pezula de Knysna, Raymond Domenech, seul et debout face à l’océan agité, au propre comme au figuré, scrute le ciel étoilé avec intensité. En retrait, Alain Boghossian et Pierre Mankowski gardent un silence qui n’est pas sans rappeler le vœux le plus cher de millions de français lorsqu’ils entendent la voix de Christian Jeanpierre.

Boghossian est le premier à oser rompre le silence de la réflexion domenechienne :

« Raymond, il serait peut-être temps de… »

Aussi vif qu’un Thierry Henry au pic de sa forme, Domenech lui fait signe de la main pour ordonner le silence. Au bout de cinq bonnes minutes qui paraissent une éternité, Raymond, le visage profondément inquiet, se retourne vers son fidèle adjoint Mankowski et son moins fidèle adjoint Boghossian (il espérait le poste avant que ces gâteux de la Fédé ne cèdent sous la pression de la vox populi en nommant Blanc) :

« Les gars, ça s’annonce plus difficile que prévu. »

« Quoi ? De quoi tu parles ? T’as décidé enfin la compo de demain ou pas ? », s’interroge Mankowski.

« Non, pas encore, j’ai toute la journée de demain quand même, mais c’est pas la question…En observant le ciel, j’ai repéré plein de signaux positifs pour demain. Il y a même un risque qu’on batte le Mexique. »

Mankowski et Boghossian se regardent d’un air incrédule et lâchent de concert :

« En quoi c’est une mauvaise nouvelle ? C’est vachement bien ! »

Raymond lève le doigt de façon professorale et articule lentement :

« N’oubliez jamais la stratégie, les gars. La stratégie. Le plan. J’ai tout prévu. On a gagné 1-0 contre l’Uruguay en jouant mal. Bien, on avance, mais masqués, contrairement à Larqué, qui ne cesse de reculer mais à visage découvert. Ce soir, l’Afrique du Sud et l’Uruguay viennent de faire match nul. Donc si on gagne demain… »

Mankowski et Boghossian réalisent soudain la portée de ce que vient de leur révéler Domenech et hochent la tête d’un air entendu :

« Ah oui, mince, on a zappé un peu le Plan… »

«  Je vous explique : la configuration stellaire actuelle indique sans aucun doute possible que l’Equipe de France a l’Ascendant dans le Sagittaire sur une orbite de Zamman, ce qui veut dire qu’on a des flèches devant prêtes à partir dans le dos des défenseurs sur une bonne vieille passe – autant dire que nous avons toutes les chances de perforer dans la profondeur et de la mettre au fond. Comme on le sait, ça ne suffit pas. Parfois, une passe dans le bon timing qui te permet de la mettre au fond se paye cash. Donc le Mexique risquerait de marquer au moins une fois. Cependant, la configuration stellaire du Mexique montre que Jupiter est fâcheusement placé dans un axe Saturne-Uranus très resserrant. Autrement dit, le Mexique a une bonne défense mais elle sera écartée par Jupiter, au niveau des cuisses, puisqu’ils n’ont pas un bon jeu de tête. Or, vous n’êtes pas sans ignorer que les mexicains sont placés sous le signe de la Vierge. Etre Vierge dans une configuration Uranus montre clairement que le Mexique ne peut pas nous entuber. C’est simple : on va gagner. »

Eblouis par la fulgurance du raisonnement, les deux adjoints en restent bouche bée, dans une posture similaire à celle de Lionel Jospin lors d’un autre premier tour, quoiqu’à élimination directe celui-là.

Inébranlable tel un Ribéry, Raymond poursuit :

« Bref, on risque de se qualifier dès demain et ça foutrait tout en l’air. Je vois déjà l’enflammade générale, la question du jour de l’Equipe « voyez-vous l’Equipe de France en finale », etc. Et derrière on perd lamentablement en huitième contre l’Argentine. Il faut tout faire pour un nul piteux, les gars, alors mobilisez-vous, j’attends vos idées. »

Mankowski se lance :

« Ben…disons qu’il y a quand même un truc infaillible qui a bien fait ses preuves… »

Comprenant d’emblée où Mankowski veut en venir, le sélectionneur s’écrie :

« Pierre, tu es un génie, je ne sais pas comment je n’y ai pas pensé avant ! »

Raymond se saisit promptement de son téléphone et cherche « connard numéro 6 » dans son répertoire. Quelques secondes plus tard, Vincent Duluc décroche :

« Raymond ? Bonsoir, quelle bonne surprise ! »

« Oui, salut Vincent. Je t’appelais juste pour te dire deux choses : d’abord il n’y a absolument aucun problème entre Malouda et moi et ça je te le dis cash. Ensuite, Anelka est en confiance et très impliqué. Je ne me moque pas, je suis sérieux. Bonne nuit. »

Le lendemain matin, l’Equipe titre : « Domenech-Malouda : le clash se confirme ». En page 2 l’Equipe se demande : « Anelka s’en moque-t-il ? ».

La polémique est lancée et Duluc balance en jubilant sur twitter : « les joueurs m’ont confié que les critiques les touchaient de l’intérieur », mais sans que l’on sache très bien s’il voulait dire que les joueurs étaient touchés de l’intérieur ou s’il mettait en avant sa capacité à avoir des sources à l’intérieur du groupe.

Voyant cela, Pierre Ménès devient tout rouge de jalousie. Il fronce très fort les sourcils et, pendant que de la fumée lui sort des narines manquant d’embraser quelques poils au passage,   pond sans hésitation sur son blog : « Je peux vous dire que j’ai eu Henry au téléphone et qu’il m’a confié que le groupe était très très touché par les critiques », mais en oubliant de préciser que ledit coup de téléphone datait de fin juin 2002.

Hervé Penot twitte lui aussi : « tient, fais commemme moins froid aujourd’hui ».

Sur RMC, Luis Fernandez reçoit quelques anciens champions du monde :

« Alors salut Bixente qu’on salue avec sa qualité son regard et qui est là il est présent alors on va parler de cette comment te dire euh Equipe de France et des jouors et de ces jouors offensivement défensivement et Bixente qu’on connaît comment te dire sa qualité son talent et son palmarès et alors Liza quess tu penses que euh il faudrait qu’on fait pour battre le Mexique et éventuellement pourquoi pas aller certainement peut-être loin dans c’te Coupe du Monde.. ? »

« Bonjour Luis, ben je pense –et on l’a prouvé en 98 puisque j’ai eu la chance, comme chacun le sait, de faire partie de ces grands joueurs qui ont remporté la Coupe de Monde- que le plus important c’est de trouver une bonne assise défensive et de construire à partir de là. Et bon, je crois qu’à partir de là, quand j’étais moi latéral gauche en Equipe de France en 98, on avait une défense à quatre avec Thuram, Desailly, Blanc et donc moi bien sûr, on avait les automatismes, on ne prenait pas de but. »

« Et comment tu vois ce match contre le Mexique alors ? »

« Ah ça, oui…ben je pense qu’il faut une bonne défense. Mais en 98 on avait aussi un solide milieu avec Deschamps et Petit, donc le milieu est très important. Après c’est sûr, il faudra que c’te Equipe de France elle retrouve son efficacité offensive, donc les attaquants c’est crucial aussi. »

« Alors y a Manu Petit qui nous a rejoint et qui est là salut Manu qu’on connaît sa qualité son comment te dire talent alors Manu il analysera ses impressions qu’est-ce qu’il a pu ressentir Manu alors vas-y lance-toi »

« Bonjour Luis, en voyant jouer cette Equipe de France, je me dis que ben au jour d’aujourd’hui c’est la catastrophe, il n’y a pas d’organisation, de schéma de jeu, c’est une équipe sans âme. Et au jour d’aujourd’hui,  je pense qu’il faut insuffler un nouveau souffle à cette équipe et apporter du changement dans la physionomie de jouer. »

« Alors y a Franck Lebœuf qui nous a rejoint aussi salut Franck dont on connaît sa qualité son talent alors Franck toi que t’as a observé attentivement comment te dire ces mexicains quess tu penses de ces jouors leur qualité leur talent s’ils peuvent menacer les Bleus et comment ils nous voyent ? »

« Ouais salut Luis, ben écoute, ces mexicains on les connaît, c’est un football physique, de qualité, typiquement sud-américain, c’est des joueurs qu’ont un jeu très similaire à celui de l’Uruguay, mais ils sont quand même plus petits. »

Pendant ce temps-là, après avoir dirigé un entraînement intense d’une heure le matin, Raymond Domenech  prend Florent Malouda à part, tout en notant une forte tension sur le visage de son joueur.

« Dis, Florent, ça va ? T’as pas l’air bien ? »

« Oui, oui ça va », lâche péniblement Malouda, sans desserrer les dents.

Non loin de là, Franck Ribéry observe la scène avec un petit rire de cachotier, qu’il croit cacher à l’aide de sa main. Patrice Evra observe le rire cachotier de Ribéry et son regard fait des aller-retours de plus en plus inquiets entre Malouda et Ribéry.

Domenech poursuit :

« Bon écoute, j’ai pas beaucoup de temps, je dois aller chercher Toulalan, il est parti ce matin faire le tour de l’Afrique à la nage, je dois m’assurer qu’il est de retour à temps pour le match. Il faut que tu saches : j’ai encore relancé l’histoire du clash entre toi et moi. T’inquiète c’est une tactique. Bref, comme c’est toi qui t’y colles à la conf de presse tout à l’heure, il faut que tu démentes mais pas trop. Ok ? »

Visiblement à la peine, Malouda réussit tout juste à lâcher :

« Ok coach »

Raymond part chercher Toulalan, mais ne peut s’empêcher de remarquer qu’il avait rarement vu un Noir devenir aussi pâle, à part la haine livide qu’il avait cru déceler dans le regard de Patrick Vieira au lendemain de l’annonce des 23.

Florent Malouda arrive en conférence de presse en marchant bizarrement, légèrement sur la pointe des pieds. Il réussit à faire ce que le coach lui avait demandé puis se lève brusquement dans un accès de panique totale, un peu comme s’il venait d’apprendre que Pierre Ménès allait écrire sa biographie.

Au même moment, persuadé que quelque chose ne va pas, Patrice Evra va voir Ribéry :

« Francky, t’aurais pas fait une connerie encore… ? »

« Ah moi rien, juré, craché mon pote… », assure Ribéry tout en éclatant de rire.

Pressentant le désastre, Evra soupire :

« Oh non… »

« Hihihi, j’ai mis un laxatif pour chevaux dans le café de Florent tout à l’heure ! »

« Oh mais merde, Francky, on avait dit pas les jours de match, pas les jours de match… »

« Et qui c’est maintenant qui va jouer à gauche ? Nanananère… »

Plus tard ce soir-là, les joueurs pénètrent sur la pelouse. En cabine, Christian Jeanpierre est paniqué : Jean-Michel Larqué n’est toujours pas arrivé.

« Bon sang mais qu’est-ce qu’il fout, qu’est-ce qu’il fout… »

Alors que commence l’hymne mexicain, Larqué déboule dans la cabine :

« Désolé…non mais je vous jure…quel con ce chauffeur, il s’est trompé de chemin, on a failli se perdre. Je lui avais pourtant bien dit qu’il fallait prendre à gauche, à gauche. On sent bien qu’on est en Afrique, ici, hein. »

Christian Jeanpierre ouvre les micros à nouveau et après avoir donné la composition de l’Equipe, demande à Arsène Wenger :

« Alors, Arsène, on note pas mal de changements ce soir de la part de Raymond Domenech, notamment du côté du secteur offensif puisque Ribéry débutera dans l’axe en soutien de Gignac, tandis qu’Anelka prend le couloir droit et surprise, Thierry Henry le côté gauche ! »

Au moment où il prononce le nom de Henry, Christian Jeanpierre sent une intense chaleur irradier son corps tandis que lentement, suavement, un plaisir sensuel l’envahit.

Il poursuit néanmoins :

« C’est assez radical comme changement, non Arsène ? »

« … »

« Alors, votre avis Arsène, sachant que Florent Malouda n’est bizarrement même pas sur la feuille de match ? »

Wenger finit par concéder :

« Oui c’est un autre visage du secteur offensif de l’Equipe de France. Après il faut voir. »

Christian Jeanpierre tente un rapide calcul mental mais il échoue. Néanmoins, il demeure persuadé qu’il vient d’assister à une de ces rares occasions où Wenger lâche autant de mots à la suite : cette fois, c’est bel et bien une érection qu’il sent venir.

Pierre Ménès, qui avait réclamé la veille sur Canal + « des changements radicaux en attaque » balance sur son blog :

« Oui mais quand on sait l’importance d’avoir de la stabilité et des automatismes, on peut se demander s’il est bien judicieux de tout chambouler d’un match à l’autre. »

La première mi-temps est marquée par une jeu pitoyable de l’Equipe de France et par seulement 47 arrêts décisifs de Lloris, puisque poteaux et transversales ne sont pas comptabilisés.

Larqué  a peur, a peur, a peur. Heu- REU-se-ment, Heu- REU-se-ment , Heu- REU-se-ment, Hugo Lloris est en grand forme ce soir. Christian Jeanpierre demande à Wenger :

« Arsène, quels changements on pourrait envisager en 2e mi-temps pour avoir une chance de remporter ce match ? Après tout, Domenech a l’habitude de faire rentrer des joueurs en 2e période. »

D’une froideur implacable et sans pitié, Wenger le bâche en direct :

« Oui, tous les entraîneurs ont cette habitude. C’est très rare de faire entrer des joueurs en première période, à moins d’y être forcé par les circonstances. »

Bien que maintenue durant toute la première période et revigorée à chaque fois que Thierry Henry touchait un ballon, c’est-à-dire rarement, l’excitation de Christian retombe d’un coup.

En deuxième période, l’Equipe de France joue un peu mieux mais cela inquiète Larqué un peu plus :

« Il y a danger, il y a danger, il ya DANGER…attention Abidal, attention Eric Abidal, attention il y a danger…et but pour le Mexique ! Je vous l’avais dit, je l’avais vu venir, malheureusement, on pouvait le voir de suite… aïe, aïe, aïe, que ça va être dur maintenant, mais QUE ça va être dur… »

Vers la 75e minute, Christian Jeanpierre meuble :

« Tiens, Arsène et Jean-Michel, une statistique intéressante : Toulalan est le joueur ayant le plus couru pour l’instant, mais il reste en dessous de sa moyenne avec Lyon, puisqu’il n’a parcouru pour le moment que 147 km. »

A la 89e minute et alors que le score est toujours de 1-0 en faveur du Mexique, Larqué lâche :

« Le pire, c’est qu’on ne voit pas du tout cette Equipe de France capable de marquer ».

45 secondes plus tard, Valbuena, entré à la place d’Anelka, place une frappe de 20 mètres dans la lucarne droite du gardien mexicain.

Score final 1-1. Les médias se font plaisir et balancent pêle-mêle :

« Au bord du gouffre », « Au bord du précipice », « Valbuena : le sauveur », « Le scandale Malouda », « Tout près de la sortie », « Un mince espoir ».

De retour à l’Hôtel, Domenech, large sourire aux lèvres, réunit tous ses joueurs :

« Bravo les gars. Tout se déroule comme prévu. Vous êtes des guerriers, n’écoutez pas tout ce qui se dit à l’extérieur, ils vous descendent tous, un par un. Moi je dis bravo et maintenant, l’Afrique du Sud, on va leur marcher dessus.  Au fait, où est passé Toulalan ? »

« Il est parti faire un footing vite fait jusqu’à Johannesburg, aller-retour, coach. », s’empresse de répondre Gourcuff.

« Ah bon, ok. Je suppose qu’il récupérera après le Mondial si jamais il arrive à se fatiguer. Bon, maintenant, au lit et récup’ ! »

Satisfait du devoir accompli, Domenech part se soulager aux toilettes. Mais c’est fermé à clé.

« Oh purée, mais t’es toujours pas sorti Florent… ? »

Barnabé la plume

18 thoughts on “La Coupe du Monde parallèle de Barnabé la plume

  1. Du grand art..!
    J’entendais la voix de JML dans ma tête lors de ma lecture. C’est beau.

  2. C’est bon ça coco, c’est très très bon :)

    Une vision des plus réalistes ou presque et un cynisme comme il se doit.

    Mention spéciale pour le sous entendu porno des constellations, qu’un Moké n’aurait pas renié !

  3. Merci Barnabé.
    Je trouvais cette coupe du monde pénible à cause de cette diarrhée médiatique.
    Maintenant ça va me faire rire.

  4. Super ! Ca fait du bien de lire de la prose aussi bien écrite (même quand c’est Luis qui parle).

  5. Aïe aïe aïe que c’est drôle, mais QUE c’est drôle ! Félicitations la plume. Le sort des bleus parallèles est-il lié à celui des vrais ? Ce serait dommage de ne pas les suivre jusqu’en finale.

  6. Vert solitaire dit :
    17/06/2010 à 13:13
    Aïe aïe aïe que c’est drôle, mais QUE c’est drôle ! Félicitations la plume. Le sort des bleus parallèles est-il lié à celui des vrais ? Ce serait dommage de ne pas les suivre jusqu’en finale.

    ____

    Mystère, mystère, ces bleus-là iront-ils en finale…?

  7. Moké croyait être l’idole de « copule avec ta maman », grosse deception…un peu comme quand Eva tarde à envoyer ses photos, mais pas autant c’est vrai.

    On peut être de la police et avoir un coeur qui a envie de cul.

  8. Encore un super article. Le monde du foot est toujours aussi réaliste et drôle.
    bravo et merci Barnabe

  9. @Moké

    D’accord. Mais si Barnabé La Plume c’est Les Claypool alors Jean Tigana c’est Vernon Reid et Lili Mess, un mix entre Jim Morrison et Gérard Le Normand. Reste à trouver un bonne moissoneuse batteuse lieuse, Sheila E., tiens…

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