La Déomachie

Personnages.
Zinédine Zidane, l’Homme-Dieu
Marco Materazzi, son archennemi
Gennaro Gattuso, hargneux joueur italien
David Trezeguet, le Roi
Gianluigi Buffon, légendaire gardien italien
Horacio Elizondo, arbitre international de football
Willy Sagnol, arrière latéral droit français
Lilian Thuram, défenseur de football et des grandes causes
Florent Malouda, milieu offensif français
Les autres joueurs de l’équipe de France
Les autres joueurs de l’équipe d’Italie

SCÈNE UNE

Berlin, à l’Olympiastadion, en finale de la Coupe du Monde FIFA Coca-Cola 2006. Ce duel au sommet oppose l’équipe de France, portée par un Zidane en état de grâce, à l’équipe d’Italie. À dix minutes de la fin des prolongations, elles n’arrivent pas à se départager. La France vient d’obtenir un corner.

Zidane, seul.

ZIDANE
Comme avant, l’Italie est des plus coriaces…
Je dois ôter la vie à mes chers Curiaces
Pour consacrer de juste un superbe parcours
Où j’ai galvanisé, par de poignants discours,
Une équipe enterrée avant d’entrer en lice :
Loin de nous résigner en pendus au supplice,
Nous avons balayé trois fameux favoris
Dont les Brésiliens, impuissants et marris,
Un peuple si pieux qui eut mon anathème…
On n’est jamais servi si bieng que par soi-même,
Ainsi ai-je au sommet crû mon niveau de jeu
Pour servir à la France un formidable adieu,
Honorer ce maillot qui m’a rendu insigne
En dédiant à tous un vibrant chant du cygne,
Raviver les émois des tournois de jadis
Que nous avons gâchés par nos péchés d’hybris.
Ma panenka déjà empreignit la finale
Mais un corner calma cette entame idéale ;
Pire encore, Patrick fut lâché par son corps,
Et pour contrecarrer nos plus pressants efforts
La claque de Buffon freina mon aristie !
Est-ce un signe que guette au bout de la partie
La défaite, pour clore un glorieux été
Et, au dernier soupir, rejoindre le Léthé ?
Non ! Avant de noyer dans l’oubli notre flamme
Je dois hausser la France à mon auguste fâme !
Le temps restant s’épuise, et avec lui mon feu.
Il en reste si peu…

S’approche Materazzi.

SCÈNE DEUX

Zidane, Materazzi.

Le corner de l’équipe de France est joué, durant lequel Materazzi tire le maillot de Zidane. Les deux joueurs se replacent côte-à-côte pendant la relance italienne.

 

ZIDANE
Toi ! Maudit boutefeu !
Tu veux, pour m’aduler, mon maillot en relique ?
Attends la fin du match pour former ta supplique.

MATERAZZI
Je le prendrai plus tard, sans te le quémander,
Me servant sans remords sur ton corps faisandé
Lorsque tu rendras l’âme, au terme de la lutte ;
Je convoite plutôt ta sœur, l’abjecte pute !
Je veux passer mes mains sous son doux kimono,
Recouvrir son bourgeon de foutre et de guano !
L’éplucher doucement comme une clémentine,
Introduire en son con ma gigantesque pine :
Me viennent à l’esprit des visions de porno !
Ton regard se durcit, deviens-tu parano ?
Je la vois, face à moi, se dressant toute nue,
Aussitôt je la fourre, arborant ta tenue !

Zidane prend quelques pas d’avance sur Materazzi. Il se retourne, et donne un violent coup de tête au thorax du joueur italien, qui tombe à terre.

MATERAZZI, hurlant de douleur
Quelle brutalité contre un si bon amant
Comme en témoignerait ta notable maman !
Dieu du football, ce geste ira te mettre en bière !
Tu te vois, grand messie, en porteur de lumière,
Quand ta perfection tient plus de Lucifer !

Approchent Gattuso, Buffon, Trezeguet et Elizondo, puis les autres joueurs en jeu.

SCÈNE TROIS

Tous.

GATTUSO, à Zidane
Serais-tu rattrapé par tes démons d’hier ?
Comment donc l’Homme-Dieu, meneur de jeu esthète,
Peut se laisser aller à pareil coup de tête ?

TREZEGUET
Serais-tu une dupe ? Il s’est fait insulter !
Sachant qui est Marco, tu ne peux occulter
Qu’il a le diable au corps, une âme intempérante,
Il est l’un des poisons d’une ligue mourante !

BUFFON
Ô David, grand buteur, cauchemar des gardiens !
Si en club tes malheurs seront aussi les miens,
Aujourd’hui ta révolte indiffère mon âme :
Si Marco vainc Zidane, il n’aura aucun blâme.
Qu’importe qui a tort, lui ou ton Potentat,
Je prendrai son parti contre cet attentat !
Pourquoi, en Série A, haïr nos adversaires
Qui vont de ville en ville ainsi que des corsaires ?
Hui ennemis jurés, demain amis fervents,
La Nation exclut ces liens contingents !
Le Calcio, décadent, brûle sa dernière aile
Quand l’équipe azzurra, elle, reste éternelle.
Le football est l’égal d’une religion,
Capable d’ordonner le peuple en légion
Qui chérit nos exploits ainsi que leur prunelle ;
N’y feraient rien la mort de la Ville Éternelle
Ou un minuit sans fin recouvrant le pays,
Pas plus que d’être encor par les Goths envahis ;
D’ailleurs, voyez céans, on leur rend la pareille…
Pour sauver cette foi que la triche ensommeille,
Je sers nos partisans d’efforts prométhéens.
On vous dérobera les Champs Élyséens
Pour qu’envers tout succède aux troubles une fête :
L’Italie en un jour ne sera pas défaite !

TREZEGUET
Voyez l’aimable saint ! On en est là, alors ?
Passons ; seul peut trancher l’arbitre sur nos sorts.

ELIZONDO, à part
Ainsi que Zeus soumis au choix de la Balance
Pour juger si Achille obtiendra sa vengeance,
Les dieux m’ont accablé d’un fardeau inhumain
En mettant le destin de ce match en ma main !
Zidane est en retrait, Materazzi à terre,
Je suis sollicité par maint contestataire,
Mais je n’ai pas toisé le mal de mes deux yeux
Et ne peux condamner l’acte peccamineux !
Malgré, en témoignage, un stade entier qui beugle,
Je ne peux me résoudre à punir à l’aveugle !
Quelle que soit l’issue, on va m’égratigner,
Peu importe mon choix, qu’aurai-je à y gagner ?
Maudite ingratitude échue à tout arbitre !
Quand verrai-je une muse entonner mon épître ?
La justice d’en-bas est pleine d’accidents,
Ainsi dois-je aujourd’hui gérer ce contretemps
En suppléant les Lois grâce à mon libre arbitre,
Car la Raison pourvoit à tout chef de pupitre
Plus de pouvoir qu’aux Lois et techniques soutiens.
Sans avoir vu la cause, à deux effets j’en viens :
Ou j’offre au dieu Danone une mort homérique,
Ou l’on m’accusera d’une sentence inique.
Pour feindre d’être à jour avant mon jugement
Il me faut consulter mon arbitre assistant.

Elizondo part voir l’arbitre assistant.

SCÈNE QUATRE

Buffon, les autres joueurs.

BUFFON, aux abords du terrain
Arbitres ! Soyez francs, un seul choix est possible,
N’acquittez pas à tort le meneur invincible !
(dévisageant le banc français) Quel est ce demeuré me lançant un juron ?
(aux Bleus) Taisez votre entraîneur qui brait comme un ânon !

LE CHŒUR DES TRICOLORES
Que le sort nous épargne une nuit ténébreuse ;
Notre héros mérite une fin plus heureuse !
Nous venions concourir en colosses déchus ;
Guidés par un sorcier, nous paraissions fichus
Et son présage absurde avait tout d’une farce,
Mais ainsi qu’une grâce altérant Paul de Tarse
Tu as soufflé en nous une extrême vigueur
Qui fit vite oublier notre froide langueur !
Nos concurrents railleurs trahirent leur bassesse
Puis cassèrent leurs dents sur notre forteresse ;
Des succès sans appel nous mirent hors de pair,
Nul ne semblait pouvoir nous pousser à l’impair !
Quel charme t’a tourné en brute de la sorte ?
Comment va-t-on, sans toi, franchir la grande porte ?
Tes divins coups de tête, hoir de Maradona,
Ravivent des frissons : ceux qu’un doublé donna,
Nous portant au sommet lorgné lustre après lustre !
Comment peut-on douter de ta bonté illustre,
De toi, être immuable, inaltéré, sans tort,
De la nature impure ainsi souffrant le sort,
Qui pour notre salut ta splendeur sacrifie ?

BUFFON
Faut-il que son moindre acte ainsi le glorifie ?
Aveuglés par l’amour et son renom trompeur,
Vous excusez un vice indigne d’un sauveur !
Regardez votre dieu, muet comme une tombe,
Il se sait déjà mort sans que l’arrêt ne tombe…
Par sa faute, on le voit se soumettre au Destin
Ainsi que le ferait un vain héros païen.
(à Zidane) Barbare, était-ce là ta seule alternative ?

Elizondo revient, carton rouge à la main.

SCÈNE CINQ

Les mêmes, Elizondo.

ELIZONDO
Il est temps de punir la prouesse fautive
Qui a probablement son aura affaibli ;
Que puisse son éclat tempérer mon oubli.

Elizondo présente le carton rouge à Zidane, le bras levé avec assurance.
Les joueurs de l’équipe de France se rameutent autour d’eux.

SAGNOL, en colère
Et pour l’Italien ?

THURAM
Vous épargnez ce meige,
Homme en noir, convaincu qu’il est blanc comme neige ?
Fixez-moi dans le blanc des yeux, écoutez tout :
Condamnez ce démon, connu tel le blanc loup !
Il causa de son gré cette noire colère
De Zizou, connaissant son âme atrabilaire ;
Je l’ai vu, tout le match, souffrir son noir dessein !
Pourquoi, au fomenteur, donnerait-on blanc-seing ?
Il l’a saigné à blanc !

MALOUDA
Va niquer ta grand-mère,
Sale enculé d’arbitre !

Impassible, Elizondo donne un carton jaune à Malouda.
Les Bleus perdent leurs nerfs.

ZIDANE, repoussant ses camarades
Amis, laissez-moi faire !
J’ai entendu des mots du rital ci-figé
Qui valent tous les maux que j’eus pu infliger !
Si le garant du jeu exempte toute injure,
Ce poison volatil pousse au vice à l’usure.
Je ne pus accepter un si flagrant mépris :
Il fallut le venger, peu importait le prix !
S’il n’est pas aujourd’hui puni pour son offense,
Je lui promets l’enfer s’il ose entrer en France.

ELIZONDO, irrité
Ces éternels enfants ! Footballeurs, c’est assez !
N’espérez pas de moi des cœurs solaciés !
Comment pourrais-je être apte à punir ces insultes ?
Acceptez mon verdict, agissez en adultes !
Voyez les yeux contrits de votre tout-puissant,
Allez-vous maintenir qu’il était innocent ?
Reconnaissez ce fait, soyez donc magnanimes !
(s’adoucissant) Zidane, il est trop tard, mais entends ces maximes :
Ta stature impliquait d’ignorer les méchants ;
S’ils tiennent des discours, s’ils font des jugements
Qui ternissent ta gloire et te fassent outrage,
Comment peut un tel crime être à ton avantage ?
Au lieu de t’indigner, ne fais point le surpris :
Laisse brasser de l’air, quels que soient leurs mépris,
Ce ne sont que des sons qui sortent de leur bouche.
Tu es tel ces farauds qu’un vain langage touche ;
S’il t’insulte, à quoi bon vers lui se retourner
Sachant qu’un coup de sang allait te condamner ?
Tu pouvais aspirer à ton ultime gloire,
Pourquoi trahir une âme à la teinte si noire ?
Quel manque de prudence en ces moments fâcheux !
Juge à présent l’issue : est-ce ce que tu veux ?

ZIDANE
Non ! Ce sort a flétri mes volontés ardentes
De ceindre mon cercueil d’écloses amarantes.
Nos racines m’ont oint par de si grands succès,
Les lâcher fait germer le chagrin en excès.
Ce saye azur empreint la joie en ma carrière,
Me frayant un chemin vers la plus haute sphère
Où siègent Platini, Cruijff et Maradona.
Vous m’avez écarté, d’un carton incarnat,
D’un retour triomphal, tel le fils de Pélée !
Si près du Roi Pelé, ma grandeur s’est fêlée
Et je m’excuse donc auprès des chérubins
Qui attendaient de moi toutes sortes de biengs,
Sans pardonner le bouc qui me fit rendre l’arme !
(aux Bleus) Il vous incombe, amis, d’essuyer votre larme
Car la soif d’un pays, ce soir, est de gagner !
Je souffrirais cent morts de vous voir résigner,
D’en vous effaçant tous affermir ma mémoire,
Puisque c’est de concert que vous fîtes ma gloire !
Si désormais notre Âge est nommé d’après moi,
Ce sport se joue à onze, et cela va de soi
Que nos titres, sans vous, ne seraient que chimères :
Aurais-je pu briller sans de nobles compères ?
Je suis, sans mes seconds, part du limon commun
Comme a pu le prouver mon péché trop humain…
Que chute un dieu du sport tel le dernier des rustres
Ne vous a pas ternis, mais rendus plus illustres,
Puisque étant si réduit je deviens l’un de vous !
Gardez nos descendants d’attendre un rendez-vous
D’un nouveau paraclet vêtant notre tunique,
Une aventure est belle autant qu’elle est unique.
Si près du dénouement vos pleurs doivent sécher,
Car comme bois cassant que la flamme a léché
S’embrase tout d’un coup quand cendre le ravive,
Retrouvez votre ardeur pour que l’espoir survive !

LE CHŒUR DES TRICOLORES
Ta peine est si bien dite, elle afflige nos cœurs !
Mais ton verbe enflammé unit nos âmes sœurs
Qui s’élèvent vers toi, par ton prisme illuminent
Notre masse insécable et le divin taquinent.
Si nous suivons tes pas en fidèle unité
La quantité devient céleste qualité !
Tu auras en présent le convoité trophée
De tes chers obligés, merveilleux coryphée !

BUFFON, à part
Ces dévots entêtés pourront le regretter,
Nul ne peut imiter son singulier doigté.
Son adieu larmoyant n’est qu’une piètre obole !
Cela les affranchit d’abhorrer leur idole
Dont ils n’attendaient rien, sinon de mettre au fond
Sa tête dont l’arrêt devrait me faire un nom !
Percer ma cage ouvrait l’accès à l’Élysée
Mais j’ai claqué la balle et l’ai neutralisée.
Qui aurait auguré qu’au seuil du Paradis
Il franchirait le Styx par ces travers hardis ?
Il pourra ruminer son tort au vestiaire
Passé l’huis infernal, déchu de sa lumière.
Pauvre ost abandonné !

THURAM, aux Tricolores
Cessons ce larmoiement :
Si cet événement nous a chauffés à blanc,
Ne détournons pas l’œil de notre bête noire
Qui n’attend que cela ! Oublions ce déboire,
Si vous broyez du noir, alors eux d’autant plus :
Ils guettent le sifflet, n’ayant plus de tonus !
Attaquons, et veillons à radoucir l’arbitre ;
Montrons-lui patte blanche.

LE CHŒUR DES TRICOLORES, haut
Allons quérir le titre !

ZIDANE, à part
Pardonnez-moi, mes pairs, car je ne savais pas
Ce que je faisais, face à ces pervers appâts…
Qu’un mouvement thymique ait ruiné mon rêve
Serait un moindre mal ; mais ici tout s’achève.

Zidane remet le brassard de capitaine à son gardien de but, et s’éloigne.
Se relève Materazzi.
Les autres joueurs et l’arbitre commencent à se replacer.

MATERAZZI
On doit une chandelle à mon pétri cortex
Qui causa le trépas de leur illustre apex !
Dans cet amas confus, assoiffé de vengeance,
Un dernier surhomme œuvre à vaincre notre engeance.
Ils ont beau s’affliger la parure d’un corps :
Don luciférien, je flaire leurs ichors…
Je le vois, allons-y !

Materazzi se tient à proximité de Trezeguet.
Zidane a quitté le terrain.

SCÈNE SIX

Materazzi, Trezeguet.

MATERAZZI
David, j’ai à te dire !

Trezeguet s’arrête et fait face à Materazzi.

TREZEGUET
Que te faut-il encor pour apaiser ton ire ?

MATERAZZI
Ô très saint, ô très haut, ô vrai Roi des Buteurs
Qui meurtrit mon pays ce jour où, en nos cœurs
Coula une douleur qui en chacun demeure :
Le goût âcre et piquant d’un vin bu avant l’heure !
Ton but, proprement dit, a le temps arrêté,
Seul Gregory Coupet aurait pu l’écarter…
Ton exil sur le banc n’est que pure injustice !
Nous craignons plus que tout ta profonde malice :
Là où Thierry Henry répète un récital
Reproduit à l’ennui jusqu’à être létal
(Course effrénée, et frappe ajustée au bon angle)
Tu revêts de dangers tous coins de ce rectangle
Dès que tu introduis les mètres décisifs !
Je n’ai jamais brisé tes assauts intrusifs
Ni saisi la science à travers tes errances
Dans nos dos, annonçant tes grandes fulgurances ;
Tu draines la défense avec tes maux appas,
Elle a beau tout tenter, tu emboîtes son pas !
Je crois justifier pareille prescience
Par un concours divin donnant l’omniscience ;
Ajoutons à cela des talents nonpareils
Pour manier la balle avecque tes orteils
Ainsi que le ferait un homme de la rue
Par un lâche recours à sa main bien pourvue,
Et on ne peut douter de l’esprit immanent
Qui t’anime, en écho à ton pair transcendant !
Les sélectionneurs, du haut de leur science,
N’ont jamais vu en toi l’active Providence !

TREZEGUET
Flagorneur serpentin, garde tes compliments.
Voudrais-tu m’endormir avec tes boniments ?
Tu étais moins prolixe en encensant Zidane,
Pourtant plus investi d’une céleste manne.
Dis-moi ce que tu veux.

MATERAZZI
Ta méfiance est d’or.
Par mon panégyrique, ardent goleador,
Je montre avoir compris d’où provient la menace
Mieux que ne l’aura fait ton entraîneur pugnace.
Ne pouvant l’emporter par le seul talent brut,
Je mise sur le crux fatal des tirs au but :
Cette cérémonie est réputée injuste
Puisqu’elle fait régner le fruste sur l’auguste,
Donc ce jeu vicieux, non moins qu’un bonneteur,
Doit pouvoir mettre aux fers ton instinct de buteur !
L’épreuve enchaînera ta nature retorse :
Nul plan tramé léans, seule compte la Force.
Sans tes déplacements provoquant le bazar,
Duper notre gardien tiendra tout du Hasard.
Une fois ton astuce à ce rite inclinée
Tu paraîtras bien nu devant la Destinée !
(après une pause) Pâmé par l’Homme-Dieu, j’acquis un don obscur :
Je vois dans le passé vos malheurs du futur
Qui l’imite à l’envers tel un miroir de glace,
Vos hauts faits préparant votre chute en disgrâce :
Après un coup de tête orienté vers le ciel,
On l’a mené vers moi, cible de votre fiel.
Ainsi j’ai bon espoir que le but de Zidane,
Rentré suite au rebond sur la barre en titane,
Ait son pendant malin lors de ton tir au but !
Je rirai de vous voir me nommer Belzébuth,
Car je suis de ces gens exaltés par la haine
Qui parera mon nom d’un sombre éclat pérenne !
Je poursuivrai ma fronde en singeant votre dieu
Par un deuxième but raflant le titre ! Adieu !

Materazzi va se replacer.

SCÈNE SEPT

Trezeguet, seul.

TREZEGUET
Pour me ravir l’honneur d’infirmer sa réplique
Il s’en va promptement ; lâcheté diabolique !
Mais voici le discours que j’aurais répondu :
Si, à tous les égards, le sacre nous est dû,
Jusqu’au coup de sifflet l’issue est incertaine
Et s’il faut un fautif, fiez-moi cette peine !
Car de tous les joueurs qui portent nos couleurs
Je serai le plus apte à souffrir ces malheurs,
N’ayant pas eu ma part dans ce bel odyssée.
Ceux qui ont vu la France en finale hissée
Par leur ténacité, leur esprit combatif,
Ne veulent pas gâcher ce labeur collectif ;
Si le regret advient, qu’ils m’accablent de blâmes
Pour expurger leur peine ainsi que des dictames !
Je serai portefaix des miens jusqu’à la mort
Pour qu’ils vivent en paix sans le moindre remord.
J’ai chéri ce maillot, d’abord choix stratégique,
Ainsi j’endosserai pour lui sa part tragique ;
Chacun soit averti de faire comme moi,
Car d’aimer sans parti est un trop grand émoi !
Si l’auspice dit vrai, ma longue repentance
M’enverra par-delà cette équipe de France
Et je voyagerai de pays en pays.
Tant mieux : le Monde vit de mes buts et mes ris,
Car les enjeux bientôt aviliront sa Coupe
Qui n’attirera plus les supporters en troupe :
Leur ferveur quittera cette institution
Et c’est par les joueurs qu’ils vivront leur passion !

— FIN —

Mes autres productions :

Delphine, la muse poétesse.

21 thoughts on “La Déomachie

  1. La tirade de Materrazi à Zidane et la conclusion de Trézéguet atteignent des sommets qui mériteraient à l’Oeuvre de figurer au programme du bac de français.

  2. Je pense, pour paraphraser l’un des derniers vers de la célèbre chanson de Roland, qu’après avoir lu ça on peut mourir tranquille.

  3. Peu importe le glas, mais dans tous les cas: cendres.
    Et pour ça l’Argentin, je tle dis: Va te pendre!

  4. En espérant que Thuram ne tombe jamais là-dessus, il va encore faire sa victime (ou bien il ne comprendra pas: il a beau porter des lunettes, c’est un n… un footballeur).

  5. C’était grandiose, merci. Chère Delphine, avez vous un site où il est possible de suivre vos productions littéraires ?

  6. Merci pour vos commentaires!

    Cette pièce clôt le triptyque des Bleus (qui parcourt leur double chute puis l’espoir renaissant). Je n’ai a priori pas d’autre idée (hormis peut-être une sur la cérémonie du Ballon d’Or 2013, dans un registre plus comique), mais si on veut m’en souffler…

    @Dranem: Mes productions littéraires non liées au football ne sont pas en ligne, elles servent la sphère privée :) tout ce que j’ai à vous proposer est donc sur horsjeu!

  7. Et on peut récupérer le texte et mettre en scène la pièce ? Je me vois déjà dans le rôle de Trézéguet !

  8. Ô vous, maudits Transalpins,
    Que vaut donc une coupe superficielle
    Lorsque l’on accède à la gloire immortelle
    D’avoir su botter le train d’un italien?

  9. Purée.

    Du rire aux larmes.

    Cette fin sur Trezeguet. Le plus bel hommage possible.

    Delphine, fais moi un enfant, nous l’appellerons David.

  10. Sophocle et SoFoot réunis ne sauraient à ce point emporter mon enthousiasme . (Daniel) Bravo !

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