Le contexte

Le Real Madrid est entré dans sa période Galactique il y a quelques mois et vient de gagner la Ligue des Champions en éclatant Valence (3-0). Casillas, 19 ans, s’installe progressivement dans les buts alors que Figo (28 ans), Roberto Carlos (27 ans), Raul (23 ans) et les autres sont en pleine santé. Décisifs en Europe, Anelka et Redondo sont partis au PSG et au Milan AC. Figo vient d’arriver en provenance de Barcelone alors que Makélélé a quitté le Celta pour remplacer Redondo.

Côté Boca, vainqueur de Palmeiras aux penalties en finale de Libertadores, Walter Samuel parti à la Roma est l’une des principales pertes avec Arruabarrena qui a lui rejoint Villarreal. Recrue majeure : l’attaquant Marcelo Delgado en provenance du Racing. Au milieu de joueurs dans la force de l’âge, un ancien (Basualdo 37 ans) et deux jeunes (Battaglia 20 ans et Riquelme 22 ans).

Le match se dispute fin novembre à Tokyo, et toutes les recrues sont déjà intégrées au système de jeu de leur équipe et semblent être de très bonnes affaires. Chaque équipe est en tête de son championnat.

 

Les équipes

Le Real qui a gagné la LDC avec un trident Anelka-Raul-Morientes évolue de manière plus conservatrice sur le papier avec un 4-2-3-1. Devant Casillas, le duo Karanka-Hierro occupe l’axe alors que Roberto Carlos et Geremi sont sur les côtés. Helguera et Makélélé sont à la récupération, derrière un trio (de gauche à droite) McManaman-Guti-Figo en soutien de Raul. Pour Boca, c’est un 4-3-1-2 bien équilibré avec Cordoba dans les buts, Ibarra et Matellan sur les côtés et Bermudez-Traverso en défense centrale. Serna fait office de pur récupérateur alors que Battaglia et le vétéran Basualdo sont dans un rôle hybride et ont pour mission de relier défense et attaque. Riquelme fait office de meneur de jeu derrière le duo Palermo-Delgado.

 

Le match

Tout se joue dans le premier quart d’heure. Après deux minutes, une passe en profondeur de Basualdo prend la défense madrilène à revers. Sur le côté gauche, Delgado récupère, attend l’arrivée de Palermo et délivre un centre au millimètre dans la course de son compère qui pousse la balle dans le but d’un plat du pied aérien à bout portant. Une poignée de secondes plus tard, Riquelme récupère et transmet à Delgado qui réussit une ouverture parfaite de près de 40m pour Palermo, une nouvelle fois dans le dos d’une défense absente. En bout de course, il croise un tir du gauche en déséquilibre et trompe Casillas. A peine l’engagement fait, Roberto Carlos perce sur son aile et tire sur la barre. Il réduit l’écart à la 12e d’une volée du gauche sous la barre après un renvoi approximatif d’Ibarra. Le Real se procurera quelques occasions, notamment sur corner, sans réussir à égaliser, tandis que Boca va gérer son avantage et obtenir quelques contres dangereux en fin de partie mais les négociera moyennement.

 

La tactique

Les buts viennent d’erreurs plus ou moins importantes, mais exploitées magnifiquement. Les deux passes décisives de Delgado et la frappe de Roberto Carlos sont des actions de classe, même si elles doivent leur important à des manquements individuels et collectifs. Même si Boca n’a pas dominé la partie, le succès des Argentins est parfaitement logique. Parce qu’ils n’avaient pas à faire le jeu une fois devant au score bien sûr, mais aussi et surtout car ils ont parfaitement neutralisé les armes madrilènes grâce à une tactique au point.

Roberto Carlos, bien trop libre de ses mouvements sur son aile, n’a quasiment plus existé après son but. La faute au travail de Battaglia, dont le rôle de milieu complet se transforme en un rôle de milieu défensif droit. En travaillant dans la zone préférentielle du Real, il coupe la connexion entre le Brésilien et son ailier, le plus souvent McManaman, se concentrant toujours sur le porteur de balle pendant qu’Ibarra marque le joueur libre. De l’autre côté, même si les montées de Geremi se font plus rares et moins dangereuses, Basualdo effectue un travail similaire en duo avec Matellan.

Deuxième attaquant, Delgado tourne autour de Palermo, pur numéro 9. Rapide mais aussi très technique, il pose un sérieux problème à la défense du Real en dézonant totalement dans la latéralité, et en venant apporter le surnombre sur les ailes. Roberto Carlos souvent à l’offensive, il va le plus souvent attendre dans l’axe pour venir se projeter côté droit et profiter des trous défensifs. Dans ses replacements, il croise souvent Riquelme, meneur dont l’intelligence tactique est alors à son paroxysme. Sans trop courir, JRR va s’appliquer à toujours proposer une solution par le jeu à terre à ses coéquipiers, en multipliant les zones d’action pour empêcher que les lignes de passes soient coupées. Surtout, en restant assez bas pour un milieu dit offensif, il oblige Makélélé et Helguera à sortir de leur position pour venir le chercher, ou Guti à reculer. Evoluer entre les lignes, une solution toujours efficace, surtout quand les récupérateurs n’ont pas de grandes qualités offensives (Helguera a disputé la finale de LDC en tant que libéro). Trop unidimensionnels, ils ne parviennent pas à se situer.

Si le jeu de Boca est fluide, c’est aussi grâce à Martin Palermo. Plus que jamais, ce n’est pas tant ce qu’il va effectivement faire que ce qu’il pourrait faire qui va influer sur la partie. Joueur de surface, il inscrit deux buts rapides qui obligent la défense à rester très attentive à chacun de ses mouvements. Mais sa qualité première reste le jeu de tête, et Hierro ne peut prendre le risque de le quitter au risque que Karanka soit battu dans le domaine aérien. En quelques rares occasions, Boca Juniors utilisera cet atout pour remonter le terrain autrement que par des passes dans les pieds, une stratégie efficace à la fois à court terme, Palermo gagnant ses duels, et à long terme, la défense madrilène n’osant pas le laisser seul. L’ancrage est donc à la fois au sol via Riquelme et dans les airs via Palermo, si bien qu’il n’y a que rarement besoin de balancer le ballon devant au petit bonheur la chance en espérant une issue heureuse.

Pour Madrid, le problème est simple : impossible d’avoir du temps pour s’organiser en phase offensive. Luis Figo se balade un peu partout sur le front de l’attaque mais ne parvient pas à trouver ses partenaires, notamment un McManaman effacé. Guti est complètement muselé par Serna dans une opposition classique entre un milieu offensif central qui ne bouge que très peu, et un milieu récupérateur qui veut pourrir son match. Seul devant, Raul ne bénéficie pas de quelconques fausses pistes offensives. Son gabarit ne lui permet pas de rivaliser physiquement avec Bermudez notamment, et les rares débordements du Real ne débouchent que sur des centres approximatifs. L’entrée en jeu de Savio à la place de McManaman peu après l’heure de jeu va dynamiser le côté gauche, mais tout sera rapidement annihilé par Del Bosque lui-même dix minutes plus tard. En faisant entrer Morientes à la place de Makélélé il va totalement déstabiliser l’édifice, Madrid se montrant dès lors incapable de récupérer la balle au milieu de terrain et d’approcher le but de Cordoba.

 

Le futur

Avec Raul (pichichi) et Figo (ballon d’or 2000) en fers de lance, le Real gagnera facilement une Liga alors championnat référence en Europe mais sera sorti en demi-finale de LDC par le Bayern. Le groupe ne changera que très peu, mais sera bientôt renforcé par Zidane puis Ronaldo. La fin de cycle sera vraiment effective en 2003 avec le départ du mythique capitaine Fernando Hierro ainsi que de Claude Makélélé, et les Guti, Raul et Helguera vont progressivement perdre en importance.

Sur sa lancée, Boca remportera le tournoi d’ouverture du championnat devant River Plate, puis une nouvelle Libertadores malgré un parcours assez chaotique avec une nouvelle victoire aux penalties en finale face à Cruz Azul. La défaite en finale de la Coupe Intercontinentale 2001 face au Bayern (1-0 après prolongations) marquera la fin d’un cycle avec le départ du coach Carlos Bianchi dans la foulée de ceux de Palermo, Ibarra, Bermudez, Cordoba et Basualdo. Deux ans plus tard, le magicien, de retour au club, gagnera une nouvelle Libertadores avec de nouvelles têtes (Tevez, Schiavi, Rodriguez, Burdisso devenu titulaire) en écrasant tout le monde. Des joueurs présents lors de la finale 2000, aucun ne fera véritablement carrière en Europe. En tout cas pas à la mesure de leur talent, et de la démonstration effectuée ce jour-là.

 

Les images

 

L’apprenti footballologue.

8 thoughts on “Match de légende Real Madrid-Boca Juniors 2000 (coupe intercontinentale)

  1. super cette retrospective !! chapeau l’apprenti !
    tu vas nous en faire d’autres ? je peux proposer ? j’suis fan en tout cas.

  2. Il y en a une autre de prévue, j’ai le match mais je l’ai pas encore visionné. Malgré tout ça prend énormément de temps donc pas sûr qu’il y en ait des dizaines, surtout que ça ne déchaîne pas l’enthousiasme des foules (ouais malgré tout ça motive plus quand tu sais que des gens ont aimé).

    Le souci avec megaupload qui est down c’est que ça devient très compliqué de trouver des matches téléchargeables sur le net. J’avais une bonne base de donnée mais j’ai tout perdu en même temps que mon DD, et comme tout est hébergé sur MU à moins que les gens réuploadent ailleurs je suis coincé.

  3. moi aussi je lirais.
    C’est con, car la fin des années 90 et le debut des années 2000 (les meilleures années pour moi) nous avaient gratifié de superbes matchs, avec de vraies oppositions de style.

    j’ai eu ma période no life durant laquelle je telechargais de vieux matchs, je peux te donner la liste par mail si tu le souhaites, si yen a qui t’interesse.

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