Alors que Gretzky et les Oilers d’Edmonton faisaient le bonheur du Canada en enchaînant les Coupes Stanley dans les 80’s, une autre bande de gars en shorts et maillots écrivait une des plus belles pages de l’histoire du sport canadien. De Vancouver à Irapuato, voici l’histoire des pionniers du soccer canadien.

Vancouver, là où tout a débuté

L’essence de toute aventure footballistique : des hommes ; joueurs, entraîneurs, dirigeants, supporters… Dans notre épopée, quatre noms ressortent. Bob Lenarduzzi est le premier. Issu d’une famille italienne immigrée, Bob attrape le virus du ballon de son paternel. Sa passion et son talent le mènent en Angleterre à l’âge de 15 ans. A Reading, en 3è division, il apprend le métier et joue 67 matchs en équipe première malgré son jeune âge. Mais à 18 ans, Lenarduzzi décide de rentrer au pays, chez lui à Vancouver.

Les Vancouver Whitecaps, c’est le début de l’aventure commune. La North Association Soccer League est en pleine expansion au début des années 70 et une franchise est créée en 1973 du côté de Vancouver, à l’ouest du Canada. L’équipe est principalement composée de joueurs canadiens avec les Chris Bennett, Brian Budd, Glen Johnson, Sam Lenarduzzi (grand frère de Bob), Buzz Parsons et bien entendu Bob Lenarduzzi. C’est là que Bob jouera avec deux de nos autres héros : Bruce Wilson et Dale Mitchell. Wilson et Lenarduzzi joueront 4 saisons ensemble à Vancouver de 1974 à 1977 – Wilson partant à Chicago en 1978 – alors que Dale arrivera en 1977 à l’âge de 19 ans.

Les premières saisons furent sans grand résultat jusqu’à l’arrivée du dernier grand homme de notre épopée : Tony Waiters. Waiters était un entraîneur anglais lambda, squattant le banc de Plymouth dans une division mineure anglaise. Mais en 1977, il signe à Vancouver et ramène dans ses bagages quelques joueurs britanniques.

Les résultats furent exponentiels chaque année jusqu’au sacre de 1979. Cette saison-là, les Whitecaps gagnent tout d’abord leur conférence devant les LA Aztecs (où jouait Cruyff à l’époque), les Seattle Sounders  et Portland Timbers. Lors des play-offs, Vancouver bat Dallas puis les LA Aztecs et enfin les New York Cosmos. Si Pelé était déjà reparti depuis deux ans, il y avait malgré tout dans cette équipe des Carlos Alberto, Beckenbauer, Neeskens, Chinaglia et compagnie.

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La demi-finale contre le Cosmos reste un des plus grands matchs de l’histoire de la NASL. Les Canadiens jouaient contre les grands favoris de la saison, les Harlem Globe Trotters du soccer. Lors du match aller, Vancouver l’emporte 2-0 à domicile. La fin du match fut particulièrement chaude avec l’expulsion de deux défenseurs du Cosmos dont Carlos Alberto pour avoir jeté son maillot sur l’arbitre et craché sur un assistant. Le retour est légendaire. Cela aura duré plus de 3h… Les 90 premières minutes terminent sur un 2-2 avec un doublé de Chinaglia pour le Cosmos mais les règles de la NASL réclament un vainqueur. Au bout d’une prolongation, toujours pas de vainqueur. La séance de pénos en mode hockey – le tireur part du milieu et a 5 secondes pour marquer- donne la victoire au Cosmos. Chaque équipe a gagné son match à domicile. Un autre match de 30 minutes commence alors, une sorte de belle. Là encore, pas de but malgré quelques belles occasions et vient une autre séance de penalty shootouts, décisive. Beckenbauer manque et les Whitecaps l’emportent !

Pour la finale, l’équipe de Tony Waiters bat les Tampa Bay Rowdies 2-1. Dans ce match, la plus grande partie du stade était pour Tampa Bay, le match se déroulant sur terrain neutre à New York… Face à l’équipe du buteur argentin Oscar Fabbiani, l’Anglais Trevor Whymark marqua un doublé.

L’équipe victorieuse était composée de: Phil Parkes, Buzz Parsons, John Craven, Roger Kenyon, Bob Lenarduzzi , Carl Valentine, Alan Ball, Ray Lewington, Willie Johnston, Trevor Whymark et Kevin Hector. Dans cet ensemble très britannique, seuls Parsons et Lenarduzzi étaient canadiens – Valentine sera naturalisé par la suite. Phi Parkes et Alan Ball feront partie de l’équipe All-Stars de la saison et Ball sera MVP des play-offs.

A leur retour à Vancouver, 100 000 personnes attendaient les héros pour les fêter, comme jamais le soccer ne fut fêté dans cette partie du pays. Les pionniers avaient déjà réussi à faire évoluer les mentalités à l’Ouest. Il était temps de conquérir le reste du pays.

L’épopée en équipe nationale

Après ces résultats probants à la tête de Vancouver, Waiters est propulsé à la tête de l’équipe nationale du Canada en 1981. L’équipe nationale du Canada n’a jamais eu aucun résultat significatif en football.

Cette génération de joueurs montre des progrès dès la fin des 70’s avec une 4è place dans le championnat du CONCACAF au Mexique en 1977. En 1981, le Canada n’est qu’à une victoire d’une place parmi les deux premiers et donc d’une qualification pour le Mondial en Espagne. Malheureusement, les Canadiens ne peuvent faire mieux qu’un nul 2-2 face à Cuba lors de leur dernier match. Encore une 4è place mais les espoirs commencent à naître au pays concernant le soccer.

La première grande épopée du football canadien se déroulera chez les voisins américains en 1984 aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Qualifié avec le Costa Rica pour représenter la CONCACAF, le Canada se retrouve dans un groupe compliqué avec le Cameroun, la Yougoslavie et l’Iraq.  Après un nul 1-1 contre l’Iraq et une défaite 1-0 contre les Yougoslaves de Mecha Bazdarevic, les Canadiens retrouvent les Camerounais pour un match décisif. Celui qui remporte ce match passera au prochain tour. Dans cette formation camerounaise, beaucoup ont disputé la Coupe du Monde 1982 en Espagne où ils ont été invaincus. Les Milla, Bell et Bahoken sont sur le terrain. Mais le Canada réussit à créer la surprise en gagnant 3-1 avec notamment un doublé de Dale Mitchell.

Lors du quart de finale, le Canada se retrouve face au grand Brésil de Dunga. Les Canadiens mènent au score, encore par Mitchell, puis doublent la mise. But refusé de manière incompréhensible. Finalement les Brésiliens égaliseront et gagneront aux pénos. Malgré tout, cette aventure américaine créera un sentiment de confiance dans le groupe de joueurs et un intérêt pour le soccer au pays. Bien entendu, lors de cet été, Lenarduzzi, Mitchell et Wilson étaient titulaires sous la coupe de Tony Waiters.

Les Canadiens entament donc le championnat de CONCACAF 1985 en confiance. Lors du premier tour, ils passent sans encombre Haïti et le Guatemala avec 3 victoires et un nul (et 4 pions pour Mitchell). Au second tour, le Canada se retrouve face au Honduras et  au Costa Rica. Comme le Mexique était l’hôte du Mundial 1986, seule la première place permettait de se qualifier. Le Canada débute par un nul à domicile contre le Costa Rica 1-1. Malheureusement Dale Mitchell est blessé pour ce tournoi et le Canada doit se trouver un autre buteur. Le costume du sauveur sera endossé par George Pakos. Auteur du but décisif au Honduras (victoire 1-0), Pakos reste muet au Costa Rica (0-0). Le dernier match contre le Honduras est le plus important de l’histoire du football canadien.

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Le Canada ne doit pas perdre pour voir le Mexique. Tony Waiters décide de jouer ce match décisif dans un stade champêtre de 13 000 places dans le Newfoundland à l’extrême est du pays. Le match est magnifique. Pakos ouvre le score mais le Honduras joue superbement et égalise. Les visiteurs mènent la vie dure aux Canadiens mais finalement Igor Vrablic double la mise. Le Canada l’emporte 2-1 et va jouer sa première Coupe du Monde !

Le Mondial au Mexique en apothéose

C’est le rêve de quelques mecs qui se concrétise avec cette première participation à un Mondial : une paire de gars qui ont décidé de jouer au soccer parce que c’était leur passion et qui ont commencé cette aventure une dizaine d’années avant à Vancouver.

Lors de cette compétition au Mexique, le Canada n’est pas épargné et doit jouer contre la France, l’URSS et la Hongrie. Lors du match inaugural, le Canada rencontre les champions d’Europe en titre la France. Alors que tout le monde s’attendait à ce que le Canada prenne une pilule face aux Platini, Papin, Giresse, Tigana, Rocheteau et compagnie, les Canadiens tiennent jusqu’à la 79è minute et un but de Papin. Cette défaite 1-0 est une petite victoire pour le Canada, salué après le match par Platoche.

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Debouts de gauche à droite : Bruce Wilson, Ian Bridge, Dale Mitchell, Randy Samuel, Bob Lenarduzzi, Gerry Gray

Accroupis de gauche à droite : Carl Valentine, David Norman, Tino Lettieri, Randy Ragan, Paul James

Lors des deux autres matchs, le Canada perdra sur le même score 2-0. Tombés contre la Hongrie, le Canada ne peut résister face aux Blokhine, Belanov et autres stars soviétiques. Le seul regret de cette aventure mexicaine sera de ne pas avoir marqué le moindre but.

Bob aura été titulaire à chaque match tout comme Bruce Wilson, capitaine. Dale Mitchell ne jouera que contre les Soviets. A ces trois, il est bon d’ajouter les noms de Mike Sweeney, Ian Bridge, Paul James, Gerry Gray et Igor Vrablic qui étaient tous titulaires aux JO et pendant ce Mondial.

 

Le Canada n’a jamais réédité l’exploit d’une qualification pour une Coupe du Monde. Aujourd’hui, Lenarduzzi, Waiters, Wilson et Mitchell sont toujours ensemble : au Hall of Fame du soccer canadien.

Tristan Trasca

 

Si t’as la flemme de lire, voici un documentaire d’une télé canadienne sur l’histoire complète avec des témoignages de nos héros: http://www.youtube.com/watch?v=7vmfmvg4z6Y

Un article sur la finale de Soccer Bowl 1979: http://www.funwhileitlasted.net/2013/03/30/september-8-1979-soccer-bowl-79-vancouver-whitecaps-vs-tampa-bay-rowdies/

La première partie de la demi Cosmos – Whitecaps: http://www.youtube.com/watch?v=Tm2WkDW7stc

La seconde partie de la demi Cosmos – Whitecaps: http://www.youtube.com/watch?v=ZPO1bfdgiiM

Une rétro du site de la fédé canadienne sur cette période avec un tribute aux joueurs: http://www.canadasoccer.com/canadian-soccer-timeline-from-1983-to-1986-p150670

France – Canada au Mexique en 1986 avec Papin qui croque: http://www.youtube.com/watch?v=YX179_nvNVE

6 thoughts on “De Vancouver à Irapuato, l’histoire des pionniers du soccer canadien

  1. Excellent article, on commence a avoir la bite rude. Un grand merci a Tristan!

    A noter que Igor Vrablic, l’auteur du but de la qualification pour le Mexique sera plus tard radié a vie pour avoir arrangé un match lors d’un tournoi a Singapour peu apres la Coupe du Monde 86. Triste histoire…

  2. Gourcuff a joué à Montréal et il est en train de monter un partenariat avec la Fédé canadienne.Je me souviens aussi de Radzinski qui plantait souvent avec Anderlecht et qui a du finir sa carrière en Angleterre comme un symbole de Luc Nilis.

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