On a vécu Udinese vs. Torino

 

Le 8 mars 2015 à 15h, Friulani et Piemontesi s’affrontaient en Serie A pour le compte de la 26ème journée. Au fait, quel est le point commun entre l’Udinese et le Torino ? Facile, ce sont deux clubs figurant au palmarès de la Coupe Mitropa, dont la dernière édition se tint en 1992. Compétition légendaire s’il en est, ladite Mitropa Cup ambitionnait naguère de réunir chaque année les meilleures équipes de Mitteleuropa. Si l’Udinese s’imposait en 1980, le Toro l’imitait onze ans plus tard. La belle époque.

Udine, ville de 100 000 habitants, trône au cœur de la plaine frioulane. Plus à l’Est en Serie A tu meurs, surtout depuis que la Triestina chère à Nereo Rocco a disparu du paysage. Le centre-ville d’Udine est ravissant et ressemble à ces villes italiennes de carte postale où le temps semble s’être arrêté à l’aube des années 60. En cette matinée dominicale de mars, les terrasses de la Piazza San Giacomo font gentiment le plein pour l’apéro ou l’expresso. Tout à l’heure il y a match et nombreuses sont les discussions qui y font allusion. Avant de gagner l’hyper-centre, on remarque un certain nombre de casernes militaires à l’abandon ou en reconversion, lesquelles font office de témoins de l’histoire. Le Friûl était jadis une terre de confins : vingt bornes plus à l’Est d’Udine, la Yougoslavie ; aujourd’hui la Slovénie.

De San Giacomo, il faut 45 minutes à pied pour rejoindre le Stadio Friuli, au nord de la ville, vers cette imposante chaîne alpine qui marque la frontière avec l’Autriche. Après avoir longuement terrassé au soleil, je me mets en branle, impatient d’aller humer l’atmosphère d’avant-match. Situé un peu dans un no man’s land, le stade est en travaux depuis plusieurs mois. Pas le plus chaleureux des contextes, mais on fait avec. Personnellement, j’apprécie plutôt ces enceintes intégrées à l’ensemble urbain, comme le Bentegodi de Vérone. Chantier oblige, seule la tribune latérale d’honneur est ouverte actuellement, pour une capacité approximative de 12 000 places. Qu’à cela ne tienne, seuls 8500 spectateurs prendront place dans les travées.

Je ressens une certaine mélancolie quand je vais voir du foot en Italie. Certes, la passion du calcio y subsiste dur comme fer dans les conversations, au bistrot, dans les familles ou au travail. Et à la télé. Précisément : beaucoup de tifosi ne sont plus aujourd’hui que des télétifosi. En même temps, tout est fait pour dégoûter les gens d’aller au stade. Arrivé aux grilles, il y a cette obligation ringarde de dégainer carte d’identité et billet nominatif. Voire, pire encore, sa tessera del tifoso (un fichage en bonne et due forme), trouvaille scélérate destinée à pseudo-lutter contre les supporters organisés. Ceux que l’on désigne avec dédain comme pseudo-supporters : les méchants qui crient et qui déploient des banderoles pas sympas. Ceux ayant définitivement rompu avec ce foot dénaturé et qu’on tente par tous les moyens de réduire au silence.

Et puis il y a les interdictions de déplacement en fonction du lieu de résidence. Une autre méga-saloperie. Ainsi pour ce match, j’apprends que les fans du Toro habitant dans le Piémont (la majorité évidemment) sont d’office interdits de stade. Du coup, seules quelques grappes de passionnés granata exilés sont gracieusement autorisés à entrer. Forcément triste et révoltant, ne serait-ce que pour une question de liberté individuelle. Dans pareil contexte, on comprend mieux ce hiatus entre la passion du foot en Italie et les faibles affluences au stade. Heureusement qu’il reste ces indécrottables fidèles, abonnés depuis des lustres, qui secrètement rêvent de mourir en tribune un soir de Coupe d’Europe. C’est ainsi que, passés les ignobles tourniquets, je gagne ma place et je m’installe parmi ces anciens, furlan jusqu’à la moelle, qui ne s’expriment et ne s’exclament qu’en dialecte. Un délice, surtout quand ça commence à chauffer.

Sportivement parlant, Udinese-Torino, ce sont deux dynamiques aux antipodes : côté locaux, on ne gagne plus à domicile depuis octobre et on enchaîne les défaites (trois consécutives) ; côté visiteurs, le Napoli vient d’y passer à la maison et on ne perd plus depuis douze rencontres. Logiquement, les ultras bianconeri ne sont pas très contents et réclament sans surprise ni fantaisie à leurs protégés de se sortir les doigts. Pour ce que j’ai vu de l’Udinese cette saison, c’est vraiment pas la kermesse. Stramaccioni (me) déçoit : son équipe n’a toujours pas d’identité de jeu, hormis un navrant « j’attends que ça se passe et dès que je peux je file la balle à Toto’ ». Quant au Torino, le 3-5-2 de Ventura fonctionne à merveille depuis plusieurs semaines, après des débuts compliqués. L’équipe turinoise joue bien, s’incruste de plus en plus vers le haut, est qualifiée en huitièmes de C3 et semble avoir fait le deuil de la paire Cerci/Immobile.

Comme souvent en matière de foot, la logique ne fut pas respectée. Je passe vite fait sur le match : 3-2 au final pour l’Udinese, qui dispose d’un Toro qui, selon son entraîneur, a raté l’approche mentale du match. L’ouverture du score intervient dès la 15ème : profitant d’un service d’Alexander Farnerud – ex-Strasbourgeois, assez régulièrement titulaire chez les granata – l’inévitable Fabio Quagliarella élève sa caboche et smashe le cuir au fond. 1-0 Toro, mais égalisation dans la foulée (17ème) de l’autre vedette : Antoine De Noël. Antonio Di Natale, pour la VO. Peu concentré en défense, le Torino encaissera deux autres buts (25ème et 49ème) avant de réduire la marque à la 70ème et de faire en vain le siège de Karnezis. Bilan : des visiteurs supérieurs footballistiquement mais trop relâchés mentalement face à des locaux vaillants, sans génie véritable autre que Toto’.

Dans les années 90, si Udinese-Torino avait été un match de Division 1, Téléfoot aurait pu balancer le thème de Goldfinger avec les tronches de Di Natale et Quagliarella en têtes d’affiche. Ca ne vous rappelle rien ?

 Outre le niveau technique remarquable des deux gus, c’est leur aura sur le terrain qui saute aux yeux. Lorsque Toto’ touche le ballon, c’est toute une équipe (pour le moins médiocre) qui se met un court instant à rayonner. Auteur de plus de 200 buts en Serie A, Di Natale demeure à 37 ans un grand joueur de football, doublé d’un niveau physique surprenant. Pas du genre à rester planté à attendre la baballe. Les courses en profondeur, les appels dans le vent pour des ballons qui n’arrivent jamais ou les chevauchées désespérées pour colmater une brèche défensive subitement révélée, ça le connaît encore.

Fabio Quagliarella a peut-être joué pour l’honnie Juventus et à beau revêtir la tunique adverse, ses deux saisons à Udine entre 2007 et 2009 ont marqué à vie les Frioulans. Au point d’être acclamé avant/après le match et même pendant, aux alentours de la 35ème minute : passe en profondeur pour Quagliarella, contrôle aérien, reprise enchaînée, poteau. Du grand art. A ce moment-là, le public se met à applaudir chaleureusement, tant pour saluer la prouesse technique que pour remercier le montant de Karnezis. Et bien-sûr aussi pour dire à Fabio qu’on l’aime vraiment bien.

Voilà, c’est fini. Je quitte le stade et prend congé d’une buvette où le petit noir est plus populaire que la bière. On est bien en Italie. En bon sympathisant du Toro, je laisse le mot de la fin à cet artiste anonyme qui, paraît-il, sévissait déjà du temps de la Coupe Mitropa :

Paolo Bartolucci

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4 thoughts on “On a vécu Udinese vs. Torino

  1. le texte est beau fait vivre une ambiance et une nostalgie qui colle à l’accent de merde de Joel Muller sa tenue, Molinarie, Pascal Praud c’est magnifique, c’est une sorte de madelaine de Proust en fait, quand on été sevré de match et d’image…

  2. Prise de balle aux 20 mètres, claquage. Le tout avant la 20ème.
    Cam iso sur Joel Muller avec Carlo à côté pour l’occasion.
    Doublé de Jocelyn Blanchard. Prunier Songo Dutuelle Huard Pouget.
    Et Pascal Praud avant de s’être fait tabasser par Nanard.
    C’est tellement bien cette vidéo que ca nuit au papier frioulan. Dommage.

  3. @Viorel : Tu penses bien que si j’avais trouvé une vidéo de 3 secondes avec juste le moment de l’affiche du jour (sans Praud si possible) je ne me serais pas encombré de ce Metz-Bordeaux. Surtout que je soutiens Strasbourg…

  4. Cher Paolo,

    « je m’installe parmi ces anciens, furlan jusqu’à la moelle »

    Ceci sera utilise contre toi lors de ton prochain proces stalinien lorsque tu oseras remettre les pieds du cote de la Meinau, ou ton absence commence a etre lourde. Meme si tu n’as pas mis de majuscule a furlan, c’est moche.

    Blourg a toi

    JPDarky

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