Auxerre – Metz (0-0) : La Metz Que Un Club Académie donne son troisième cours

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« Bonjour, la séance d’aujourd’hui aura pour thème la gestion et l’organisation d’un club de football professionnel. Je préfère être direct avec vous et ne pas prendre de raccourci :  ce sera la séance la plus technique de ce cours. C’est pourquoi je conseille à tous les ramollos du citron et autres ectoplasmes de la réflexion de rassembler leurs affaires, quitter cet amphithéâtre et retourner chez leurs pécores de parents voir s’il ne reste pas un peu de mousse de canard au fond du placard… Oh oui… de la mousse de canard… Hmmm ! Je sais à quel point vous aimez la mousse de canard ! »

Silence dans l’amphithéâtre Carlo MOLINARI. Les élèves, circonspects, regardaient fixement leur professeur, de peur que celui-ci ne s’adresse directement à lui. Les yeux sombres du professeur Legrasaully semblaient pourtant tous les fixer en même temps. Après un silence, aussi long qu’inquiétant…

« Personne ? Pourtant, chaque année, la moitié de l’amphithéâtre s’en va… Je constate qu’à défaut de posséder une origine génétique variée, vous avez appris à vous draper d’un certain orgueil, et ça c’est bien. Vos bouseux de parents concupiscent de consanguinité peuvent être fier de chacun d’entre vous. Dans ce cas, nous pouvons à présent commencer ce cours… Ah, mais avant je tenais à vous donner une dernière information : à savoir que l’intégralité de cette séance ne comptera pas pour le partiel. Bien, maintenant que ceci est dit, je vai… »

Un énorme bruit s’éleva de l’amphithéâtre. La moitié des élèves s’étaient tout à coup levé d’un seul bond. Rapidement, ceux-ci rassemblèrent leurs affaires et sortir de la salle au plus vite, évitant soigneusement de croiser le regard du professeur Legrasaully. Ce dernier s’attendant bien évidemment à cette scène, attendit patiemment la fin de ce spectacle. Il en profita pour sortir de sa poche un petit cachet vert opale et bu une gorgée d’eau en attendant que les derniers sortent de la salle. Lorsque le denier élève sortit, une éclipse de sourire ironique s’afficha un instant sur le visage barbu du professeur avant de disparaître aussitôt. Il attrapa alors la télécommande et alluma l’énorme rétroprojecteur au plafond :

« La mousse de canard… Haha ! Elle est bonne celle-ci. Bon, pour ceux qui restent, je peux maintenant commencer mon cours… Soyez attentif parce que cette séance constituera 50 % du sujet du partiel… »


« Commençons par la ville… Auxerre… Auxerre… Beaucoup de choses à dire. Alors, pour introduire, disons que l’une des spécialités est la gougère. Cette espèce de pâte à choux rabougrie et difforme qu’on a sodomisé avec du fromage tiède. Examinons cela… »


« Selon la page Wikipédia de la ville, l’une des plus grandes célébrités de la ville est l’actrice Océane Loison dont la filmographie consiste en une pub pour McDonald’s et une apparition dans un épisode de Joséphine, ange gardien. »


« Du coup, lorsque l’on évoque les « vraies » personnalités célèbres d’Auxerre, on parle souvent du Docteur Petiot, médecin de génie dont la passion pour les « mikado de membres humains » fut malheureusement incomprise à son époque… Mais bien avant vous parler de lui, j’ai préféré évoquer, avec vous, un autre personnage. Si célèbre qu’il fera des tournées en bus à travers tout l’Yonne pendant des années, telle une véritable rockstar, j’ai nommé : Emile Louis. Né àPontigny, à 20 km d’Auxerre, et mort en 2013 à… Toudoudoum : Nancy ! Certains spécialistes déclareront en outre, que l’architecture de la ville misérable et son esthétisme affligeant seront les principaux facteurs de l’arrêt de son cœur.


« Haha ! J’ai mis quatorze secondes sur ce montage, mais après cela, j’ai ri sept minutes toutes les deux heures rien qu’en n’y repensant ! Je suis trop un bâtard… Haha ! »

Hilare et s’essuyant doucement une larme du coin de l’œil, le professeur Legrasaully reprit :

« Pour en finir avec les célébrités auxerroises. Je voudrais conclure avec un peu de sérieux, parce qu’on ne peut bien évidemment parler de cette ville sans citer la célèbre Elisabeth Chabin, artiste peintre et professeur d’art plastique née en 1944. Sa fiche sera disponible sur le portail de la fac. Elle est issue du mouvement dit de la « Nouvelle Figuration », qui est une forme de dilution de l’objet dans un ensemble en jouant sur la forme des traits et notamment des couleurs… Vous pouvez noter, ce n’est pas des conneries… Et d’ailleurs, je ne résiste pas à vous présenter l’une de ses œuvres les plus récentes qui a pour titre : Enfin « Libre », de 2017. »









(Vous n’êtes pas prêt).













(Et à présent, vous savez que je ne mens pas…)















(Franchement, j’avais menti la dernière fois avec l’ours ?)













(Pfiou… On se prépare…)















(Attention…)












« MOUHAHAHAHAHAHA !! JE SUIS UN GROS BATARD !! UN… BON… GROS… BATARD !! »

Le professeur Legrasaully fut pris d’une soudaine et sévère quinte de toux… Il se calma enfin peu à peu, s’essuyant les larmes au fur et au mesure. Péniblement, au prix d’une abnégation terrible, s’interdisant de lever à nouveau les yeux vers l’écran, il appuya sur le bouton « suivant » de sa télécommande.

« Bon, bon, bon… Tâchons de retrouver un peu de sérieux… Oui, du sérieux… A présent, nous allons donc nous intéresser à cette fameuse confrontation entre l’AJ Auxerre et le FC Metz. Ce… duel, et je parle bien de « duel » notez bien ce mot, vous comprendrez plus tard pourquoi, opposant le leader de son championnat au quinzième. »

Le professeur Legrasaully allait et venait le long de l’estrade, soudainement un peu plus agité.

« Un match que j’ai envie à décrire à l’aide de l’image d’un mort de faim qui lèche des galets. Pas du tout nutritif, mais ça cale une zone dans notre cerveau qui était en train de nous rendre fou. Et c’est ainsi que j’ai vécu mon match, avec « Auxerre, l’affamé » qui a léché son « FC Metz de galet » comme jamais juste pour grappiller un point. Et pour ce faire, le coach adverse a sorti de son chapeau un dispositif tout pété, rien que pour nous… Le fameux : 5-2-3 ! »

Le professeur agitait ses bras de manières nerveuses, visiblement agacé par la réminiscence de ce souvenir :

« Avouez que c’est bizarre ! Et je vous rassure, sur le terrain, c’était pareil. Mais ne vous inquiétez pas, votre professeur vous explique comment ça marche… En gros, vous découpez votre terrain en deux et vous chargez 8 de vos mecs de rester derrière cette ligne, les trois autres peuvent la franchir mais tout seul… Stratégie aussi connue sous le nom du « bus devant le but », « parcage à la Correa », ou encore du « Joue-la comme Emile ! » …



(Wow, c’est le Saint Graal des montages Paint moisis…)


« Après, le FC Metz non plus n’est pas non plus innocent à cette purge. L’équipe de Hognon a joué comme d’habitude, avec le ballon, en avançant par petits pas. Et entrechat de Boulaya par-ci, pas chassé de Gakpa par-là, sans jamais essayer de forcer un bloc auxerrois qui refusait de monter sur le porteur du ballon. Alors le match s’est surtout joué façon touche pipi dans les 30 à 50 mètres adverses. Auxerre, bien content de chopper un point contre Metz, s’est contenté de fulgurance en contre et de quelques frappes plus désespérées qu’audacieuses. Et Metz, bien content du point gratos sans se fatiguer, a accepté de ne pas prendre de risque. Bref, un match ridicule. Bref un match à oublier. Bref, à l’image de ce match : un bon gros bref de 90 minutes… Rien du tout à se mettre sous la dent alors que je ne sais pas vous, mais moi je crève toujours la dalle d’un vrai bon duel… »

« Alors je pose tout de suite la première question : Comment en sommes-nous arrivé là ? La réponse est simple, mais elle entraîne une nouvelle question, plus ardue celle-ci… La réponse au comment est : Auxerre a enchaîné les défaites, et n’est plus très loin de la 18e place. Alors un point contre Metz, c’est bon à prendre. Simple donc. Mais forcément, on est amené alors à se demander : Pourquoi ? Pourquoi Auxerre flotte jusqu’aux dernières places alors que Metz reste leader ? Pourquoi un tel écart entre ces deux clubs ? »

« En effet, lorsque l’on regarde de plus près, les deux ont beaucoup de points communs… A commencer par le nombre de joueurs ayant évolués sous les deux couleurs tel que Lejeune, Mandjeck, Obraniak, Baticle, Maoulida et bien d’autres. Autre similarité : les deux équipes sont détentrices de leur propre stade (seulement six clubs pros en France sont dans ce cas). Et les deux se sont affrontés de nombreuses fois en Ligue 1 – on se souviendra notamment de ce duel à trois pour la tête du championnat 95/96 entre le PSG, Auxerre et Metz. Alors comment expliquer qu’aujourd’hui, il existe une telle différence au classement entre nos deux clubs ? Et là, je vous le demande à vous… C’est notre troisième séance aujourd’hui, c’est donc soit que vous devez commencer à réfléchir comme moi, soit que j’ai échoué dans ma tâche de professeur. Alors ? Quelqu’un a une idée expliquant cet écart ? »

Le professeur interrogea sa classe du regard. Estelle, une brune courageuse au deuxième rang leva la main :

« Le climat, monsieur ? »

Silence générale.

Ses amies la regardèrent… interdites et effrayées. D’ailleurs : suffocation unanime de la part de tous les autres élèves de l’amphithéâtre. Plus personne n’avait osé parler dans ce cours depuis Rémi Valls, lapidé au dernier cours avec une pomme. Tous se souvenait de cet incident… Estelle aussi. Mais elle tenait tellement à se démarquer, à briller devant ce professeur si impressionnant…

« – … Quel est votre nom, madame ?
– Morano, Estelle Morano, monsieur.
– …
– … »

Toujours le même silence.

« – Madame Morano ?
– Oui, monsieur ?
– Je vais vous demander de ne pas bouger le temps que je retire ma chaussure et que je vise votre front… Merci. »

Le professeur Legrasaully se pencha alors calmement et commença à défaire le lacet de ses chaussures. Au début, Estelle eu ce fameux petit rire du « non, c’est une blague… ». Mais lorsqu’elle se tourna vers ses amies et qu’elle vit leurs visages livides… Elle comprit enfin… Mais elle avait du mal à bouger… C’est seulement lorsqu’elle vit la chaussette grenat du professeur apparaître tandis qu’il commençait à ôter sa chaussure, qu’enfin, elle se décida à courir…

Sans même ramasser ses affaires, elle se lança à cœur perdu dans un sprint pour remonter quatre à quatre les marches de l’amphithéâtre… Parvenant enfin tout en haut, il ne lui restait que quelques mètres pour atteindre la porte de sortie. C’est à ce moment qu’elle décida de se retourner pour voir le professeur… Celui-ci avait sa chaussure, taille 44, talon en cuir renforcé, à bout pointu, à la main. Il était en train de la viser, sa main se dirigeant vers l’arrière de la tête pour prendre de l’élan… Estelle réagit vite cette fois-ci… Tentant le tout pour le tout, elle se projeta contre la porte afin de l’ouvrir avec son corps. Le projectile… de forme oblongue, fabrication italienne, avec de petits trous sur le devant afin de permettre au pied de respirer… atteignit Estelle dans le dos. Cette dernière, déjà lancée, fut projetée avec la chaussure contre la porte… Les deux finirent à l’extérieur dans un violent bruit de chute. Le retour de la porte se fit entendre. Clac. Le cours pouvait reprendre…

« Bien… pour moi, le budget est une option sérieuse et envisageable. C’est même bien sûr le premier facteur qui discrimine au classement. Mais en examinant de près les résultats des clubs selon cet item, j’ai pu vérifier qu’au fond, celui-ci n’est pas forcément déterminant. En effet, même si avoir plus d’argent offre logiquement plus de possibilité de succès, c’est surtout qu’il efface les échecs ainsi que les risques infructueux commis par le staff. Ainsi, si je devais le dire plus simplement, plus vous injectez de l’argent, moins vous perdez, mais ce n’est pas pour autant que vous gagnerez. »

Le professeur Legrasaully, mi-chaussé, mi-chaussette, se dirigea jusqu’à la télécommande du rétroprojecteur, et reprit :

« Donc ce qui détermine selon moi la véritable clé de la réussite ou de l’échec d’un projet. C’est l’efficacité de l’utilisation des moyens mis à dispositions. C’est pourquoi, selon mon analyse toujours, le principal responsable de la victoire ou non d’un club : c’est son propriétaire. C’est de lui que découle toute la pyramide fonctionnelle du club, toute l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de cette machine complexe qu’est un club de Football. Ainsi, je vous propose plutôt d’examiner cet écart au classement à l’aide d’un… DUEL !!! Un VRAI cette fois-ci ! Un duel ÉPIQUE !!! Le combat des cerveaux du club !! VOUS ETES PRÊTS ?? C’est parti pour le DUEEEEEEL DEEEE PROOOOPRIO DE CLUB !! »

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** musique de Pirates des Caraïbes **

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«  Premier point ! Les patronymes !! Bernard Serin contre Zhou Yunjie, alias, « James Zhou » !! … Euh… Ouais, allez : Point pour Serin ! C’était facile ça ! … James quoi… Non sérieusement ! Allez « zhou » ! La suite ! »


« Deuxième point ! La fortune personnelle !! Bon, il y en a un qui gère son bizz en Belgique ! Millionnaire certes, bshatek ! … Mais l’autre en face est milliardaire et se paye des pages dans ForbesPoint Zhou ! »


« Troisième point ! Le côté sexy !! … OUAAAAAIS !! … Hummm.. Alors… Euh… c’est très personnel forcément… Mais pour moi… ben le côté viril : ça me parle ! Et bon… d’un côté on a un homme, un vrai : belle moustache, belle crinière, un regard sévère, mais qui devient très vite taquin lorsqu’il sourit. On sent qu’il peut nous faire peur comme nous attendrir à tout moment. Et en face, on a la tête du mec qui chante Gangnamstyle… Alors point Serin. »


Il avait d’autres diapositives encore… Mais le professeur Legrasaully sentit soudainement son corps défaillir… Ses forces l’abandonnaient… Il luttait de toutes ses forces pour empêcher ses jambes de se dérober sous lui…

« Qu’est ce qu’il était en train de faire ?

C’était quoi ce duel ?

C’était quoi cette idée de merde ?

Il était professeur, quoi ! Professeur de faculté !

Maître de conférence titulaire de l’Université de Lorraine !

Regardant une dernière fois ses élèves, se dirigeant vers la sortie, il lança :

Le cours est terminé… »

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