Tu me manques, Football.

J’en suis, comme une bonne partie de mes compatriotes, à 15 jours de confinement. J’ai failli dire tous, mais ça ne marche pas. Si j’ai bien compris les consignes du gouvernement, nous sommes effectivement tous appelés à rester chez nous sauf les médecins, les infirmiers, les aide-soignants, les pharmaciens, les agriculteurs, les boulangers, les maraîchers, les bouchers, les caissiers, les routiers, les buralistes, les livreurs, les ouvriers du BTP… Enfin, pour résumer brièvement, tous ces cons qui font un métier vraiment utile alors qu’ils auraient pu choisir une carrière bien plus rémunératrice dans la comm’ s’ils avaient bien travaillé à l’école.

Et au bout donc de ces quinze jours, je me rends compte à quel point tu me manques, Football.


J’ai pourtant terminé mercredi dernier mon pack de Leffe (oui, j’ai arrêté la 8.6, je me suis considérablement embourgeoisé depuis que je gagne le SMIC ; parfois, j’ai même l’impression d’être devenu riche). Je pensais en racheter un bien vite, mais j’avais un peu la flemme d’aller faire des courses jeudi. Il faut dire que c’est devenu très désagréable, voire un peu anxiogène. Et puis, il me restait une demi-caisse de cidre, alors devant cette non-urgence, je me suis rapidement résolu à rester loin de tout lieu de contamination.

Je pensais qu’au bout de la troisième bouteille, je retrouverai la motivation de me rendre à l’Hyper U… Ben, même pas. Je suis d’abord allé faire la sieste et par la suite, je me suis surpris à me dire que les bouteilles restantes, plus celles de whisky, plus celles de vodka, plus celles de rhum, plus le cubi de rosé, plus le cubi de blanc (liste non-exhaustive) allaient bien suffire pour le week-end.

Mais il y a bien pire. Je me suis surpris à être très économe et à connaître quelques jours de sevrage. Bon, pas les nuits, il ne faut quand même pas déconner. Il n’empêche que je n’ai pas vidé une seule bouteille depuis jeudi dernier. Triste constat. Toutes ces années passées sur horsjeu.net n’ont même pas fait de moi un véritable alcoolique. Je ne prévois de racheter des bières que demain, tellement elles me manquent peu. Ton absence les rend sans saveur.


La fumette en est à peu près au même point. Il me reste un gros pet’ de beuh que j’ai soigneusement  rangé dans ma boite à teushi (je me suis considérablement embourgeoisé depuis que je gagne le SMIC). J’attends une grande occasion pour le craquer. La fin du confinement par exemple. Ou encore la réception d’une lettre d’une charmante ex à qui je manquerais un peu et qui viendrait s’enquérir de vraies nouvelles. La fin du confinement donc.

J’en avais déjà la certitude, mais la preuve est faite. Je ne me connais que deux réelles addictions : le café et la clope. Bon, je m’astique toujours un peu le manche en surfant sur la toile interdite aux mineurs. Cela dit, je le fais sans grande conviction et sans profonde jouissance. Un peu par habitude, beaucoup pour me rassurer. Le fait de ne plus pouvoir arpenter les rues et savourer des yeux les plus ravissantes créations de Dieu dans leur plus naturelle élégance ou dans le seul bref aperçu de leurs formes les plus parfaites diminue grandement le plaisir solitaire comme l’inspiration nécessaire à le rendre très agréable. Je me contente donc de mes les vider, par simple précaution d’hygiène, et pour ne pas perdre de vue qu’il est essentiel de bien se laver les mains en cette triste période.

Deux réelles addictions donc. Mais pour ce qui est de la première, les temps ont bien changé. J’ai remplacé les 2 ou 3 cafetières que je buvais quotidiennement, dès mon réveil vers midi du matin jusqu’à mon coucher un peu plus tôt dans la matinée, par 4 ou 5 expressos (je me suis considérablement embourgeoisé depuis que je gagne le SMIC ), le dernier en sortant de la sieste, vers 15h30/16h.


La clope reste donc ma dernière certitude. Je demeure fidèle aux roulées. Il m’arrive pourtant d’acheter des vraies blondes ( je me suis considérablement embourgeoisé depuis que je gagne le SMIC ), surtout pour rouler des spliffs. Au début, je me laisse tenter par l’une d’entre elle, sans y ajouter le moindre ingrédient. Mais dès la troisième, j’éprouve une sorte d’écoeurement pour ces tiges cylindriques au point que je n’en reconsume que lorsque je n’ai pas envie de lâcher une autre tige, plus longue encore et bien plus épaisse. Toutefois, je crains que j’arrêterai de fumer avant la fin de l’année civile. Oh, rien à voir avec une bonne résolution prise un soir où je finis plus bourré que les autres. Non. Ce n’est pas non plus que je m’inquiète pour ma santé. Ça, je m’en bats toujours les couilles. Le tarif prohibitif joue peut-être un petit peu. Mais c’est surtout autre chose. Comme l’on peut pressentir au fond de soi qu’une histoire d’amour touche à sa fin et que tous nos efforts pour raviver la flamme demeurent vains, je devine que ma fierté de fumeur se range peu à peu derrière moi. Les apéros ont disparu de ma vie, et je ne connais aux cigarettes aucun meilleur moment. Certains me proposent d’en faire par skype, mais je redoute qu’il ne s’agit que d’une étape vers une virtualisation plus forte encore. A ce rythme, nous finirons devant des écrans à entretenir des discussions banals et à simuler des cuites en nous envoyant des smileys animés qui boiront à notre place. Horrible évolution.

Les temps sont troubles. Et sources d’une légère angoisse qui me rappelle davantage… que tu me manques, Football.

Troisième week-end d’affilée sans toi. Sans ma dose rouge-et-noire dominicale, post-sieste de 15h ou pré-apéro de 17h. Je tente de compenser ce vide que tu laisses en m’abreuvant de matches cultes. Mais l’intérêt perd de sa superbe sans l’intenable suspense du direct. J’ai beau m’attaquer à la vodka ou au rhum pour essayer d’oublier le score final, ça ne prend pas. Je n’arrive pas à retrouver la joie et l’érection qui a craqué mon slip lors de l’égalisation de Mbaye Niang contre le PSG en août dernier par exemple. Impossible non plus de me laisser surprendre par le soupirail trouvé il y a bien des saisons maintenant par le mythique coup-franc de Julien Féret peu avant la mi-temps, contre… le PSG, tiens. Inutile de parler de la dernière finale de coupe de France contre… le PSG, putain. Ou du dernier derbreizh en date. De toute façon, ça ne va pas très bien. Je n’ai même plus envie de haïr de toutes mes fibres et de tout mon chibre ces fils de pute de collabos du FC Nantes.


Ah, comme j’aimerais parvenir à me convaincre que j’ignore encore le score final, d’être comme l’un de nos excellents ministres capables de me mentir à moi-même. Il est bien normal qu’ils nous gouvernent finalement. Leur supériorité ne fait plus l’ombre d’un doute me concernant. Quelle fierté nous pourrons tirer prochaînement d’être dirigés par une élite aussi à l’aise quand il s’agit de réécrire l’histoire !

Il n’empêche que tu me manques, Football. Pas plus tard que sur les coups de midi, en attendant que mes paupiettes de porc cuisent au four (j’ai beau m’être embourgeoisé depuis que je touche le SMIC, je n’allais pas pour autant devenir une de ces insupportables tapettes vegans), je me suis étonné à lever la patte droite comme si j’allais réceptionner une transversale benjamin-bourrigesque ou à donner un coup de pied dans le vide pour confirmer que je tirerais mieux un pénalty que Mbaye Niang.

Ah ! Qu’il me tarde de pouvoir contempler de nouveau une course de Faitout Maoussa, notre nouvelle coqueluche, improbable pour qui se souvient de ses débuts en Rouge-et-noir ; une passe bluffante de Del Castillo ; un dribble breizhilien de Raphinha ; une montée  poilue de Damien da Silva ; une faute de Joris Gnagnon ; un tir en 6m d’Amari Traoré… Tu me manques tellement, Football, que je donnerais cher, là, tout de suite, pour entendre de nouveau un commentateur s’extasier devant la maturité d’Eduardo Camavinga avant de rappeler qu’il n’a encore que 17 printemps. Si ça se trouve, j’éprouverai même une forme de soulagement en voyant la bouille de Pierre Ménès lors du prochain CFC que je regarderai lors d’un apéro entre amis. Bon… Peut-être pas quand même. La tristesse me fait dire n’importe quoi.

Mais il est vrai que me manques, Football. Enormément. Je ne sais plus vibrer sans mon téléphone. Je ne sais plus me réjouir pour des choses aussi futiles qu’un but sur fond d’I just can’t get enough.  Je ne sais plus communier avec mes frères depuis ton départ de ma vie. Je reste là, seul, à lire des livres plutôt que Onze Mondial, à écouter de la musique plutôt que Daniel Riolo.

Si le confinement me permet de réaliser que mes addictions corporelles peuvent s’estomper, il n’en est rien pour les douces drogues de mon âme. Et toi, opium du peuple postmoderne, tu en es la plus verte des incarnations.

Tu nous manques, Football. Reviens-nous vite.

Roazh Takouer

8 thoughts on “Tu me manques, Football.

  1. Mais carrément ! On verra si tu t’embourgeoises pas toi, dès que tu toucheras le SMIC. Je t’imagine déjà mettre du Coca Zéro dans du Jack Da, mon salaud.

    Attends que je me rapproche encore un peu du salaire médian, et j’adhère direct à En Marche.

  2. Oh ! Soyez pas trop jaloux, il fallait bien qu’il y en ait un d’entre nous qui réussisse un jour à avoir un début de carrière quelque part et à gagner du coup un vrai salaire.
    Promis, si un jour, je m’approche du salaire moyen, je penserai à embaucher l’un d’entre vous pour faire le ménage (c’est à dire aller jeter les cadavres de Leffe et repasser mes maillots SRFC).

  3. J’avoue qu’avec ton embourgeoisement dû au SMIC j’ai eu peur que tu te sois mis à faire du sport pendant le confinement! Tout n’est pas perdu! BA

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