Je revendique le statut de consommateur passif et me mets à la disposition des multinationales magnifiques que sont devenus les grands clubs riches

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« Ce qui ne me plaît pas c’est que l’on soit tous dépendant du sort. L’UEFA devrait considérer s’il ne faut pas penser à des têtes de série ou autre chose du genre», a déclaré Rummenigge après la qualification du Bayern aux dépens de la Juventus (4-2) après prolongation. «Sur certains huitièmes, j’ai failli éteindre la télévision. Et ce soir (mercredi), une équipe est éliminée alors qu’elle était finaliste l’an dernier», a-t-il souligné en référence à la Juve. «Cette situation n’est plus acceptable. J’en ai assez du sort»

Ah mais oui. Ah mais arrêtons tout, mettons-nous autour d’une table et décidons d’un truc vraiment sérieux : une compétition bien fléchée. On maximise tout ce qu’il faut pour satisfaire les intérêts économiques de chacun, on va se faire plaisir et pisser sur les autres, on est entre riches, il faut savoir partager les richesses. Entre nous.

Entre eux. Oui entre eux car entendez bien que l’annonce de Rummenigge est sans doute l’une des plus scandaleuses de l’histoire des déclaration scandaleuses du sport : détruire le sport et entériner définitivement le spectacle. On se fait un championnat comme le catch WWF aux USA. Oui oui évidemment, nous regarderons, nous paierons, nous pleurerons, mais nous saurons d’une chose, nous saurons qu’une année proche, nous aussi nous gagnerons, car c’est la dure loi du spectacle : il en faut pour tous les goûts.

En pleine débandade de la FIFA, en plein milieu d’enquête sur la corruption généralisée, d’achat de compétition sportive, dans lesquelles l’Allemagne a une place d’honneur du fait de la Coupe du monde 2006, Karl Bloody Heinz Fucking Rummenigge vient tranquillement poser son haleine poisseuse et éventée de l’Oktoberfist en demandant d’arrêter le tirage au sort parce qu’une équipe a failli se faire éliminer. Pas n’importe laquelle, la finaliste de l’an dernier. De là à dire qu’il n’est pas envisageable que les grosses équipes aient une compétition où aucune n’est éliminée, il n’y qu’un pas. Non en fait non, c’est bien cela. Et pourquoi pas en fait ? Quelles différences avec la compétition qu’on nous sert à longueur d’année deux jours par semaine ?

Les équipes sont à 90 % les mêmes à chaque début de saison. Les qualifications en Ligue des champions assurent un gain confortable aux participants. Sauf accident majeur on retrouve les mêmes matchs ou les mêmes non-matchs tous les ans. Arsenal se fait sortir en 1/8e, Paris et Chelsea s’affrontent, le Real, le Bayern et le Barca ne s’affrontent jamais avant les ½. Il existe bien sûr des accidents de l’histoire mais globalement bon, on est à l’abri des surprises. Sauf une. Une de taille. Une qui m’intrigue de plus en plus. Nous n’avons plus un même vainqueur deux années de suite. Etrange. Tout le monde parle d’une domination sans partage de Barcelone depuis bientôt 10 ans, mais l’équipe a toujours été incapable de confirmer deux années de suite. Mais a su laisser élégamment sa place au Real, à Chelsea, à United, au Bayern et aux deux Milan. Et il y a quelques comètes comme le Borussia, la Juve (qui n’a jamais vraiment aimé cette compétition), Liverpool…

A quoi sert ce beau roulement ?
A ne pas complétement ennuyer les spectateurs, à faire fonctionner à pleins tubes mais entre ces clubs les gros transferts dont tout le monde est content : toute la chaîne de la profession palpe et le joueur ne part généralement pas chez un concurrent direct du championnat national (autre chose qui a disparu depuis une quinzaine d’années). C’est quand même plus agréable d’éliminer la seule chose gênante du sport : ses fameux aléas, surprises et tout ce qui rend, normalement, la chose imprévisible. Il est encore prématuré de parler des pressions sur les paris, mais évidemment, maintenir l’illusion de la surprise permet aussi aux plus désespérés de placer des paris risqués. Oui il est possible de voir tout cela dans la déclaration de Rummenigge.

En protégeant la Juventus, le boss du Bayern se protège ainsi. Si on préserve les finalistes des éditions précédentes, on aura plus tendance à protéger les vainqueurs. La logique de sa déclaration est étrange d’ailleurs : il se plaint de l’élimination de l’équipe que son Bayern a sorti. Facile de penser qu’il aurait été content si la Juve s’était qualifiée ? Bah non, et c’est là où il est malin, parce que son grand Bayern, récent vainqueur, multi-finaliste, en aurait été la victime. Voilà donc où il veut en venir : la Ligue des champions est une compétition de rentiers et la sécularité des clubs qui atteignent la phase d’élimination directe ne peut pas être remise en cause. Pire : certains clubs ne peuvent plus être éliminés. On est au-delà des pires projets évoqués ou inventés depuis 20 ans.

Plus fort encore. Evoquer la Juventus comme victime de ce système inepte, c’est nier publiquement sa subjectivité de dirigeant du Bayern en prenant la défense des grands contre les moyens grands. Personne ne s’étonne que Rummenigge n’ait pas cité Arsenal par exemple. En faisant cela, il gagne le droit qu’on écoute son avis alors que sa principale préoccupation était la possible élimination de son Bayern qui se sauve à la 91e minute du match retour.

Ce qu’il y a de gênant dans la traduction en français et qui ne change rien au sens de la phrase de Rummenigge, c’est qu’à la première lecture au lieu de « j’en ai assez du sort », j’ai lu « j’en ai assez du sport ». Sans enjeu sportif, juste un spectacle, un loisir captif pour faire passer le temps d’existences tristes et pouvoir vendre ce dont personne n’a vraiment besoin. Le sport comme simple support publicitaire. Voilà ce qu’ils veulent.

14 thoughts on “Le désaccord de Munich

  1.  » parce qu’une équipe a failli se faire éliminer. Pas n’importe laquelle, la finaliste de l’an dernier. »

    Alors en l’occurence, le finaliste de l’an dernier (la Juve) s’est fait éliminer. Mais on a compris, Frantz-Christophe. Quel bel homme scandalisé vous êtes.

        1. Je n’ai jamais eu besoin de CV. Je ne suis pas demandeur.

  2. Et il y a quelques comètes comme le Borussia, la Juve (qui n’a jamais vraiment aimé cette compétition), Liverpool…
    Ce déni tellement Français de na pas cité Porto qui non seulement a baisé tout le monde il y a moins de 15 ans mais en plus a été la victime du privilège des grands l’an dernier (car la non expulsion de Neueur, les 7 cartons jaunes distribués au « petit » alors que le Bayern prenait l’eau et privant l’effectif pléthorique Portista de 4 joueurs pour le retour, mais toujours avec Neueur sauvant des buts comme on (qui est un con) dit…
    Mais je suis d’accord, c’est l’ouverture vers les ligues fermés, Finalement est ce que Platini malgré tous ses défauts, n’était pas le dernier rempart à cette volonté des gros?

  3. Frantz Christopher, ce Don Quichotte de l’alter-foot 2.0, défenseur arrogant de la vox populi contre l’establishment, oublie de préciser le contexte dans lequel Rummenigge a évoqué l’hypothèse de créer cette « Superligue » dont il rêve : c’était durant un colloque autour du fair-play financier à Milan.
    C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup. Ça veut dire qu’il est très riche, heureux d’être là malgré tout. Et pour quelles raison étrange, les gens qui pensent autrement et qui tiennent à leurs rêves ça vous dérange ?

  4. Sinon on fait comme au tennis ATP, on met les têtes de série dans des tableaux opposés pour qu’ils s’affrontent en finale.
    Mais on fait bien attention à faire jouer les matchs en 2 fois (ou 4, ou 8) pour être sûr qu’il n’y ait pas vraiment de surprise non plus.
    Bonne idée non?

  5. Quel plan machiavélique pour envahir le marché US. Il ne reste plus qu’à jouer les matches à 00H00

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