Fatigué par son Mondial russe, Georges en avait un peu marre de la Mère Patrie soviétique, et a choisi pour ses vacances une autre Terre promise. Direction Jérusalem, son mur, son tombeau, sa pierre, ses pélerins, son houmous et son stade de foot, évidemment.

Salut les cocos,

Et oui, on reprend à peine l’année qu’on repart déjà en vacances, pas de repos pour les braves défenseurs du footballétariat mondial. Cette année, on opte pour le Proche-Orient et pour sa chasse gardée ricaine : Israël, carrefour des religions, et sa Jérusalem terrestre, terre trois fois sainte pour laquelle tout ce que ce monde compte de religieux abrutis s’est battu avec acharnement, que ce soit à coups de pluies de grenouilles, d’épées croisées ou de pierres palestiniennes.

Avant de crier au boycott de l’État sioniste d’Israël et de sa colonisation illégale et pourtant impunie, il me faut vous rappeler les idéaux profondément socialistes qui ont accompagné la naissance de ce pays, dans des circonstances qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ici. Il suffit de se pencher sur le fonctionnement communautaire et autogestionnaire d’un kibboutz pour saisir l’esprit pionnier qui a animé les pères et mères de cette nation, dont l’histoire ne commence pas en 1948. Des valeurs noyées aujourd’hui dans un marasme d’ultra-orthodoxie religieuse fortement teintée de racisme, de xénophobie, d’homophobie et de ségrégation d’État portée par le mégalomane Netanyahou et ses partisans vociférants, le tout sous l’oeil bienveillant de Trumpounet.

Passons au sport, si vous le voulez bien. Comme dans toutes les parties civilisées de ce monde (sauf chez quelques infâmes adeptes du baseball ou d’autres sports chiants), ici, le football (le vrai, celui qui se joue avec les pieds) est roi. Trois organisations sportives bientôt centenaires se partagent les différentes équipes du pays :

  • L’union internationale Maccabi, créée en 1921 en Tchécoslovaquie lors du XIIe congrès juif international, et qui organise tous les quatre ans les Maccabiades (sorte d’Horsjeuïades sans anal et sans prépuces), et qui regroupe aujourd’hui près de 400 000 membres dans le monde autour de la promotion de la culture juive blablabla.
  • L’alliance Beitar, créée en 1923 en Lettonie, mouvement de jeunesse destiné à préparer physiquement et mentalement le peuple juif à reprendre possession de la terre d’Israël, et ce des deux côtés du Jourdain, organisation affiliée au parti sioniste révisionniste Hérout, ancêtre du parti au pouvoir aujourd’hui et dont les orientations politiques ne sont plus à présenter, qui comprend notamment dans ses rangs le Beitar Jérusalem, dont les virulents supporters feraient passer les Bad Gones pour des enfants de choeur.
  • Enfin, Hapoël, littéralement « l’ouvrier », fondé en 1926, petit frère du grand syndicat israélien Histadrout, et lié aux grandes organisations sportives travaillistes internationales, défenseur des classes ouvrières.

Inutile de vous dire que j’ai vite choisi mon camp.

 

Si c’est pas beau, ça.

 

Parmi les dizaines de clubs, omnisports ou non, affiliés à Hapoël, on trouve le petit club hiérosolymitain (j’ai moi aussi claqué un neurone en découvrant ce gentilé) de l’Hapoël Katamon, propriété de ses fans depuis 2007 et la scission avec l’ancêtre Hapoël Jérusalem (à cause d’une mésentente à propos du rachat du club, un truc dans le genre, la même merde que partout ailleurs, en gros). Maillot rayé rouge et noir, faucille et marteau stylisés sur le cœur, drapeaux antifas, t-shirts gay-friendly et banderoles « Refugees Welcome » : la panoplie complète pour un bon après-midi de fouteballe en deuxième division israélienne.

 


ALLER AU STADE : 2+/5


 

Pour rallier le Teddy Stadium (du nom de l’ancien maire de Jérusalem Teddy Kollek), il faut s’éloigner de la vieille ville, centre religieux où foisonnent les pèlerins et autres pièges à touristes hors de prix, et monter dans un bus (attention au shabbat quand même, on se fait vite prendre par la tombée du jour) pour un périple d’une quinzaine de minutes en direction du Sud de la ville, en bordure du quartier populaire de Katamon (quartier d’origine de l’Hapoël Jérusalem, créé en 1926 et dont est issu le nouvel Hapoël Katamon si vous avez bien suivi), un coin pas dépourvu de belles réussites architecturales.

 

On n’est pas loin de l’immeuble le plus oppressant de l’humanité.

 

Là, il suffit de suivre le flot de maillots rouges et noirs (l’équipe importe peu, j’ai vu du Zlatan époque Milan (social-traître !) et du Pogboum de Manchèsteure, c’est vous dire), de traverser le périphérique local et de tâcher de ne pas se faire écraser chemin faisant par un chauffard du coin, ce qui n’est pas une espèce en voie de disparition dans cette partie du monde. Mais au soleil couchant, même le bitume et les pots d’échappement ont quelque chose de beau, d’où le bonus que j’attribue plus à l’atmosphère exotique de l’arène, perdue entre les ficus géants et les HLM dégarnis, qu’à la réalité de son emplacement, lequel ressemble plus à une aire d’autoroute décharnée qu’à un sympathique centre urbain. Après avoir survécu à ce périple banlieusard, nous voici enfin devant l’engin, qui se dresse fièrement sur son parking, dans les derniers rayons du soir :

 

Coucou Teddy.

 


LA GUEULE DU TRUC : 4/5


 

Vu de l’extérieur, on est d’accord, ça ressemble à un stade typique des années 90, comme on peut en voir partout en France et ailleurs. Et bien, bingo, c’est exactement la date de construction du bazar, dites donc. L’enceinte de 30 000 places (après quelques agrandissements qui ont vu sa capacité initiale doubler) accueille depuis 1992 tout ce qui ressemble de près ou de loin à du fouteballe à Jérusalem : les cousins germains de l’Hapoël Jérusalem et de l’Hapoël Katamon, ces fafs du Beitar (le seul club qui évolue en première division dans le tas), le Nordia (club lui aussi créé et dirigé par des supporters ayant fait scission des groupes de fachos du Beitar historique), et même occasionnellement l’équipe nationale.

 

Pas mal, non ? C’est pas français.

 

Une fois acheté le billet à cinquante shekels (soit une douzaine de boules, tout de même, ça fait cher la pizza discount israélienne), on passe un rapide contrôle avant de pénétrer l’unique tribune ouverte pour ce mâche, amplement suffisante pour accueillir le gros millier de spectateurs présents, locaux et visiteurs confondus. L’intérieur de l’enceinte, léché par le soleil de fin d’après-midi, dévoile une architecture simple et efficace, les quatre tribunes couvertes de sièges aux couleurs chamarrées encerclant le carré vert d’un seul tenant. La froideur du béton gris répond à la chaleur du soleil rouge. L’herbe fraîchement arrosée est là, tout près, au pied des gradins. On peut presque caresser les cheveux gominés des joueurs lorsqu’ils sortent du tunnel pour ce choc de haut de tableau… Le moment idéal pour faire le point sur l’ambiance, après un interlude photographique souhaitant rendre grâce à la singulière beauté du siège vide.

 

 

 

 


L’AMBIANCE : 4-/5


 

Fichtre, que ça fait du bien de voir qu’il y a encore quelques ambiances authentiquement agréables dans le fouteballe circusse ! Cela tient peut-être au fait qu’ils sont propriétaires et fondateurs de ce club, mais les ultras de l’Hapoël Katamon ne sont pas les derniers lorsqu’il s’agit de pousser leur équipe de bras cassés à coup de tambours, de slogans plus ou moins compréhensibles par une oreille non avertie (qui a dit non circoncise ?), et d’oriflammes rouges et noirs fendant l’air chaud de septembre.

 

Ca s’amuse sec.

 

Malgré un public relativement restreint, contenu dans une seule et unique tribune, le stade a longtemps résonné des chants du kop, faisant entrapercevoir les capacités acoustiques de l’enceinte. Nous retiendrons la hargne du capo à nous faire gueuler quoi qu’il arrive, avec sa dégaine d’ex-taulard chauve et barbu tout droit sorti d’une série Netflix sur la Camorra napolitaine. On se serait crus à Bauer, dites donc.

 

Ça s’entend pas, mais là, ça chante.

 

Le public était mixte, composite (même si, comme souvent, les premiers rangs étaient occupés de facto par les habituels mâles blancs cisgenrés), mais tout cela n’a pas empêché quelques insultes putophobes de jaillir des gradins en direction des copains d’en face, impliquant notamment quelques sous-entendus sur le secteur d’activités de leurs génitrices (ce qu’on pourrait résumer en hébreu par « ben zona« , pour ceux que ça intéresse). Petit malus donc pour cet accroc à une ambiance qui, outre cela, aura été formidable compte tenu des moyens humains en présence, avec une mention spéciale pour des supporters visiteurs qui ne furent pas en reste depuis leur coin de tribune, aidés en cela par la victoire (spoiler alert) de leurs protégés verts et blancs.

 


LE MÂCHE : 1/5


 

Soutenir une équipe aussi longtemps et aussi passionnément relevait de l’exploit au vu de ce qui nous fut proposé sur la pelouse ce soir-là. L’Hapoël Katamon, leader de deuxième division après quatre journées, accueillait pourtant les camarades de l’Hapoël Kfar Saba (petite bourgade d’implantation juive des environs de Tel-Aviv), deuxièmes du championnat et encore invaincus tout comme eux, dans un duel de haut de tableau qui nous laissait espérer une belle rencontre. Le ton était donné dès l’entame avec le traditionnel coup dans les burnes de bienvenue : du match de district comme on les aime. La première période s’égrena sans grand enthousiasme de part et d’autre, si ce n’est une dizaine de minutes d’occupation de la moitié adverse par Katamon, sans grand danger pour autant, et une ou deux fulgurances de jeu en triangle chez les visiteurs, vélléités offensives arrêtées in extremis sur la ligne par le gardien ou sa défense. Score nul et vierge à la pause, assez logique vu le fouillis tactique proposé des deux côtés.

 

Zéro à zéro, tout le monde est vainqueur : c’est le socialisme réel.

 

Au retour des vestiaires, les visiteurs repartent tambour battant et plantes sur une frappe lointaine consécutive à un centre mal repoussé (0-1). Kfar Saba maintient la pression, face à une équipe locale qui perd pied dans tous les secteurs du jeu. Tandis que les ailiers rouges et noirs sont muselés et que l’avant-centre se perd dans la poche du Philippe Mexès d’en face, le milieu accumule les mauvaises passes, mettant en constante difficulté une défense aux abois, et un gardien qui ne nous rassure que sur le fait que le houmous nourrit bien son homme.

 

60e minute : Philippe Ben Mexès joue déjà la montre.

 

Aucune espèce de révolte ne semble animer les joueurs locaux, qui se mangent un nouveau but sur un contre rondement mené à cinq minutes du terme (0-2). Il fallait cela pour réveiller Katamon, joueurs et supporters confondus, qui pousseront ensemble jusqu’à claquer un goal de raccroc sur corner (1-2), et s’offrir quelques minutes additionnelles aussi endiablées dans les tribunes qu’inintéressantes sur le terrain. Deux buts à un, score final, victoire des verts et blancs qui leur permet de prendre la tête du championnat en doublant leurs hôtes du jour. Mais si c’était bien là ce que cette ligue peut nous offrir de meilleur, je ne préfère même pas imaginer le niveau des autres équipes.

 


LE POINT GUIDE DU ROUTARD : HOUMOUS/5


 

C’est pas vraiment à côté du stade (où y avait pas grand chose à se mettre sous la dent à part de vieux hot-dog rassis, faut bien se l’avouer), mais je vous conseille le houmous aux noix de pin (oui oui, aux noix de pin) du restau Lina, dans le vieux Jérusalem. Un régal, les enfants. Et évitez la bière, c’est tellement hors de prix par ici qu’ils préfèrent servir des quarts de pinte (on appelle ça un galopin par chez moi) pour vous éviter de casser votre livret A à chaque fois que vous voulez vous descendre une blonde (on parle toujours de la bière, hein). Le paradis des végétariens et des anciens alcooliques, ce bled.

 

 

Des bisous,

Georges Trottais

1 thought on “J’ai testé pour vous : le Teddy Stadium

  1. Je ne pensais pas qu’un match de D2 israélienne m’intéresserait, bravo, et bien le cours d’histoire des différents noms, je ne m’étais jamais posé la question.

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