Rendez-vous en terrains connus : la supercoupe du Burkina Faso

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Au plus près du terrain (mais pas trop)

Et non, pour une fois, ce n’est pas Tristan qui est parti en vadrouille là où nul autre ne s’est aventuré avant lui… C’est Morgan « un fidèle lecteur depuis des années » (et nous avons décidé de le croire) qui nous envoie cette jolie carte postale pour nous narrer une affiche d’un prestige certain : la Supercoupe du Burkina Faso. Eh ouais.

Il y a 8 ans, je voyais pour la première fois un match dans un stade. Un bon match de Ligue 1 à Marcel Picot : Nancy – Bordeaux, résultat 0 – 0. Autant dire qu’à partir de là, j’ai jamais été très difficile quant au football, mais, si on m’avait dit qu’un jour que ce souvenir me paraîtrait plus excitant que si j’avais vu une finale de Ligue des Champions à Anfield, ça m’aurait paru aussi crédible que Macron voulant diminuer le chômage tout en supprimant les contrats aidés (et voilà pour le quota de propos extrêmement subversifs et engagés).
Rien que pour vous, chers lecteurs, la narration de la Supercoupe du Burkina Faso. Ô combien vous pourrez vous sentir privilégiés, sachant qu’à ma connaissance, seul le site de la rtb a fait un papier dessus jusqu’à présent.

Avant de passer aux choses sérieuses, soyez-prévenus, j’espère pouvoir faire d’autres articles, mais quand personne dans ta ville ne sait si l’équipe locale est en D2, D3, ou a tout simplement disparu, tu sens que les choses vont être ardues. De plus, vous pourrez déplorer le manque d’informations, mais déjà que je dois trouver une route bitumée pour que ma 2G veuille bien me charger une page internet en 10 minutes, je vais pas aller explorer les tréfonds du darknet pour vous trouver une la biographie de chaque joueur.

Le football au Burkina Faso

Le pays des hommes intègres ne pourra que difficilement se targuer d’être un pays de football. Même si, sur les deux dernières éditions de la CAN, le pays est arrivé respectivement 2e et 3e, le palmarès du pays est toujours vide.
Ici, comme dans les autres pays d’Afrique subsaharienne où j’ai pu vivre, on aime se prétendre un amoureux du football. Dans ce pays particulièrement, il m’a été donné de constater un réel engouement pour l’équipe nationale. Si le fait de faire rejouer le match de qualification pour le mondial entre le Sénégal et l’Afrique du Sud revient dans toutes les discussions comme un scandale, personne ne se leurre sur l’excès de confiance qui a mené à la défaite contre les Sud-Africains, privant ainsi le pays de tout espoir d’une première qualification.
Côté club, le constat est tout autre. Dans la rue, les maillots de Ronaldo, Messi, ou encore Pitroipa sont légions. Pas de faux espoirs amis rennais, ils sont rarement à l’effigie du club. De plus, à part pour les susnommés, on les porte surtout car l’offre est nombreuse et qu’ils sont relativement peu chers, entre 1000 et 3500 F selon la qualité (1 euros = 650 Francs CFA).
Ainsi, une discussion avec un amoureux du ballon rond aboutira généralement à la même conclusion : « Le Real Madrid et le Barca, c’est trop fort. Moi j’adore le PSG car y’a Neymar. Zidane c’est le meilleur entraîneur du monde ».

Sans surprise, quand on a la même conception du foot que le petit Enzo, on ne suit pas le football local. Il faut dire que rien n’est fait pour encourager l’engouement populaire. Seules les équipes des villes d’Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont en première division. Si vous allez-voir du côté de Wikipédia, ne vous-y trompez pas ; même les équipes comme la Sonabel (la société d’éléctricité nationale) ou l’union sportive des forces armées jouent dans la capitale. Enfin, toutes ou presque se partagent le même stade, le dénommé stade du 4 août.
C’est dans ce contexte que j’ai eu l’honneur d’assister à la 24e édition de la Supercoupe dans le stade régional de Kaya, capitale de la région du Centre-Nord et de la province du Sanmatenga, haut-lieu du néant footballistique. Le match opposera l’étoile filante de Ouagadougou (EFO), club le plus titré du pays et ayant sorti des joueurs comme Charles Kaboré et Bakary Koné (c’est tout en fait), et le Rail Club de Kadiogo, club de la région de Ouagadougou, qui est monté en puissance ces dernières années, remportant notamment les deux dernières éditions du championnat.
L’avant-match

Dimanche, 14 heures 40, je me dirige vers le stade, proche de mon logement (un château immense avec une dizaine de laquais cela va de soi, conforme à l’image de l’expatrié que s’en font les altermondialistes du 16e parisien et du 7e lyonnais). J’ai appris seulement la veille par le hasard d’une discussion la tenue de ce match. Aucune affiche dans la ville, aucun annonciateur. Et pourtant, la queue devant l’enceinte est énorme. J’apprends qu’il a été décidé au dernier moment que le match serait gratuit, au lieu d’un prix oscillant entre 500 et 1000 F. Décision logique s’ils ne voulaient pas jouer sans public, car la région n’est pas des plus riches et l’on préfèrera souvent acheter un sac de niébé plutôt que d’aller voir deux équipes d’une autre région.
Contexte sécuritaire oblige, une fouille à l’entrée est effectué par deux militaires alors que leurs camarades surveillent, fusil à la main, que rien ne viendra perturber ce grand moment de sport. Il est peu dire que la rigueur n’est pas de mise, j’ai pu rentrer avec des ciseaux que j’avais oubliés dans mon sac.

Cette première étape passée, je vois que les plus aisés et ceux ayant des connaissances vont s’installer dans les tribunes (200 places à vue de nez), tandis que le reste du public n’aura qu’à se démerder. Les plus ponctuels occupent les quelques rangées de chaises métalliques qu’on a placé sous des tentes. Pour les autres, nous n’avons plus qu’à nous agglutiner sur le grillage qui entoure le terrain, profitant du doux soleil à 40°.

L’entraînement d’avant-match

 

Le match aura 45 minutes de retard, la faute, je l’apprendrais plus tard, au préfet qui avait sûrement bien mieux à faire de son dimanche. En attendant, nous profitons d’un petit concert de musique traditionnelle qui laisse tout le monde indifférent. Vient ensuite une sorte de Madonna locale au rabais. Tout le monde se précipite à tel point que l’on commence à crier sur ceux qui nous barrent la vue.
En attendant, ce sont les vendeurs d’eau, de crédit téléphonique et d’arachides qui font fortunes. Petits veinards d’enfants de 5 ans qui s’enrichissent sur le dos du public. Un autre vendeur, lui, ne fait pas fortune. Muni d’un vuvuzuela, à la mode ici depuis la CAN du Gabon, il n’aura de cesse de casser les couilles à tout le monde mais, à en croire son heureuse absence ensuite, aura été exécuté légitimement à la mi-temps.

Le stade

Ici, il est de coutume que pour le 11 décembre, on favorise une région différente chaque année en investissements dans les infrastructures. En 2016, c’était celle de Kaya, aussi se voit-elle dotée d’un stade flambant neuf. Bon, les travaux avaient en réalité été entamés il y a longtemps puis abandonnés. Mais là, c’est parti, on met les moyens. Au moins le temps que les politiciens aient finit de manger. Du coup, on se retrouve avec un stade inachevé. Pour me positionner là où j’étais, il fallait par exemple sauter à plusieurs reprises au-dessus de fossés.
Quant au terrain, c’est un synthétique comme il en existe peu. Le choix est légitime eut égard au climat et au cruel manque d’accès à l’eau. Mais l’absence d’entretien fait que la poussière le rend peu praticable, à tel point que beaucoup de joueurs passeront une partie du match le cul par terre.

 

Une conception du stade proche de celle du château-fort.

Le match

Le temps qu’une partie du public finisse de faire la prière, que les remplaçants s’installent sur les chaises en fer qu’on a posé là pour l’occasion, et on entend enfin le coup de sifflet qui marque le début de la rencontre.
Il ne faudra pas longtemps pour constater une opposition de style radicale. D’un côté, l’EFO, jouant en bleu, est constitué de gaillards de près d’un mètre 90. De l’autre côté, les joueurs du RCK, en orange, ressemblent à des joueurs de foot.
La première mi-temps débute, et le RCK a la possession. Même si la reprise est lente, on sent qu’ils ont plus de capacités. Ça joue globalement sur les ailes avec des passes courtes. Le trio offensif est plutôt intéressant, mais se montre maladroit devant le but. 2 ou 3 occasions seront à mettre à leur actif, et surtout à celui du numéro 11, que le public appellera plusieurs fois Messi au gré de ses dribles réussis.
L’équipe de l’EFO se sera montrée bien moins ambitieuse dans le jeu. On récupère la balle dans les pieds de l’adversaire, on fait une passe en arrière à un défenseur libre, et ce dernier dégage la balle en priant très fort que l’un des attaquants puisse gagner son duel au physique et partir en un contre un contre le gardien. C’est moche et ça n’aboutit aucunement.
Après la pause, le match reprend avec de nouvelles intentions pour l’EFO, qui semble se rappeler un minimum ce qu’est le football. Après deux coups francs obtenus et qui partiront bien au-delà des cages, les mauvaises habitudes sont vite de retour, et le RCK se reprend. On repart donc sur un schéma semblable à la première mi-temps. Les occasions sont extrêmement rares, l’EFO laisse complètement le ballon et mise tout sur des contres dégueulasses, alors que le RCK ne parvient pas jamais à trouver la possibilité d’un tir cadré à l’approche des cages adverses.
L’arbitre siffle la fin du match, les tirs au but finiront à 5 contre 3 au profit de l’EFO et au détriment du football.

L’ambiance

L’ambiance était, sans doute pour les raisons évoquées en introduction, assez morne. On éclate de rire sur les fautes violentes, on reproche à un joueur de pas tirer quand il a pas tiré, et on dit « Oh Messi, Leo Messi ! » quand le 11 du RCK fait quelques beaux gestes. Sinon, on regarde en parlant de tout et rien. L’exception à cette règle de mon côté du terrain est un type malpoli qui gueule sur tout le monde, mais qui s’avèrera en fait faire partie du staff de l’EFO.
Dans les gradins, quelques supporters, probablement les proches des joueurs, font semblant de s’exciter sur l’arbitrage de temps en temps. Sinon, calme plat. Le speaker, lui, ne risque pas de raviver la flamme. Lors de ses quelques interventions en français, je comprends qu’il ne commente à aucun moment le match mais s’affaire à sucer tous les dignitaires présents, les sponsors, et les journalistes. Car, le saviez-vous, cette Supercoupe et aussi appelée la coupe des journalistes. Personne ne saura me dire pourquoi, mais la conséquence est là, ils sont presque 80 dans le stade, et aucun ne pondra un article sur le match. Mais nul ne doute qu’ils ont bien mangé, contrairement aux producteurs de la région dont les cultures ont été catastrophiques à cause des pluies tardives, mais ça non plus ça ne les intéresse pas.
A la fin du match, personne ne reste pour la remise du prix. On ouvre même les grilles, laissant la possibilité au public de voir les joueurs, mais rares sont ceux qui daignent en profiter.

La police n’a pas besoin d’intervenir pour empêcher l’invasion du terrain

Points divers

Les gardiens ne servent absolument à rien. A mon avis c’est toujours le plus grand de l’équipe qu’on place là arbitrairement.
Les coups de pieds arrêtés n’ont pas l’air d’être le fort du joueur burkinabé. En outre, il est assez surprenant de constater le n’importe quoi que devient la surface de réparation pendant un corner.
A défaut de commenter le match, la présence d’un blanc sur ce côté du terrain a amené un sujet de conversation intarissable.
Heureusement que le match a fini juste avant la venue de la nuit, il n’y a pas d’éclairage dans le stade. Et de toute façon, l’électricité était encore coupée ce jour-là.

 

Morgan

3 thoughts on “Rendez-vous en terrains connus : la supercoupe du Burkina Faso

  1. Le meilleur club c’est l’ASFA Yennenga, tu peux pas test. J’allais les voir au stade municipal de Ouagadougou, il y avait presque 40 personnes en tribune à chaque fois !

  2. Ah ba évidemment si on change mon pseudo j’ai vachement moins l’air d’un mec qui commentait ya encore 5 ans.

    Il me semble yennenga c’est quand même le 2nd club le plus titre désormais !

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