Superacad, ép. 14 : Le mentor. Le zoo. Les retrouvailles.

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Solidarité avec les dromadaires.

Résumé des épisodes précédents : Superacad et Sophie sont emmenés en mission à Marseille. Le plan se déroule à merveille mais, une fois les cibles de l’opération dûment empalées, notre héros aperçoit une lueur à l’attrait irrépressible. En haut de la colline, un homme l’attend…

Pas de doute, c’est bien lui. Son austère manteau laisse entrevoir son éternel survêtement, et l’air matois qui perce derrière ses lunettes de professeur d’EPS hors d’âge n’appartient qu’à lui. La question n’en demeure pas moins : mais qu’est-ce qu’il fout là ?

– Monsieur Bielsa, répétai-je comme un idiot. Mais que faites-vous ici, je vous croyais…

L’homme m’interrompt d’un signe de la main puis, d’un geste, m’invite à me retourner pour admirer le paysage. Nous nous asseyons côte à côte. La nuit est presque tombée désormais, et la rade de Marseille se pare de ses lueurs. Au milieu de la ville, le Stade Vélodrome forme une tache blanche, un mastodonte que je jurerais endormi, mais bien vivant. Des coups sourds et réguliers se font entendre. C’est l’ermite qui, devinant mes pensées, frappe son cœur du plat de la main. Sans me regarder, il dit :

– Respire cette ville. Sens battre le cœur du football sur ses places, dans son stade.

– L’Orange Vélodrome ? Avec douze publicités au mètre carré, il est au bord de l’infarctus, ce cœur, non ?

– Ahhhh… voici LA question. Qui sommes-nous pour chasser les marchands du temple ? Vous aimeriez être un prophète ? Votre pureté crucifiée pour racheter les péchés du foot business ?

– … vous savez qui je suis, je suppose ? Vu mes pratiques, j’ai du mal à me percevoir comme icône religieuse.

– Nous sommes juste des humains. Des humains qui aimons le football. Il faut faire avec nos contradictions. Oui, nous nous compromettons. Nos équipements sont fabriqués à vil prix par des ouvriers exploités, nous alimentons avec complaisance la machine publicitaire qui fait croire au peuple que rien ne vaut hors de la consommation… est-ce que ces compromissions en valent la peine, si elles sont le prix à payer pour le plaisir de rendre une équipe meilleure, pour voir un stade en folie hurler de joie quand les tiens marquent un but ? Vois cette ville, toujours au bord de l’explosion… une ou deux fois par semaine, son équipe lui permet de se ranger derrière une même bannière… est-ce qu’il faudrait priver le peuple de cette bannière, au motif qu’elle est recouverte de logos de plus en plus vulgaires ?

– Vous défendez le football-business alors ? Vous ?

– Si ce n’était que du football-business, tout le monde m’aurait déjà oublié ici. Je ne me serais pas matérialisé dans cette ville, je ne t’aurais pas appelé, nous ne serions pas en train de nous parler malgré nos langages différents.

– Tiens, c’est vrai, ça, vous parlez français finalement…

– Pas la peine. Nous parlons tous les deux le même football, n’est-ce pas ?

– Et justement, pourquoi m’avez-vous appelé ? Pour me dire d’arrêter d’enculer des gens ?

– Tu as un pouvoir. J’ai perçu ce pouvoir. Mais il est nourri par la haine, et la haine est le carburant de ton ennemi. C’est pour cela que je t’ai fait surplomber la ville, pour que tu sentes tout le bien qui peut émaner du football, tout ce qu’il apporte malgré ses dérives. Nourris-toi de cette énergie bienveillante, elle existe ici, mais tu la trouveras aussi partout où l’on joue au football, pourvu que tu saches la trouver. Il te faudra cette énergie pour vaincre ton ennemi.

– Ménésis… vous le connaissez ?

– Lui, ou d’autres de par le monde… ils sont multiples, ils sont vils, ils sont mesquins. Mais ils ne sont pas tout le football. Ils le font souffrir, mais ce sont nos actions, nos paroles qui le maintiennent en vie, quoi qu’ils fassent si nous restons nous-mêmes, ils ne pourront pas le tuer.

– Mais alors… vous êtes en train de me dire que vaincre Ménésis ne changerait pas grand-chose, finalement ? Je pourrais refuser de le combattre sans que le football ne s’en porte ni mieux, ni moins bien ?

– Qui sait… mais c’est souvent sur le chemin où l’on cherche à le fuir, que l’on rencontre son destin.

– Ah ok, donc vous aussi vous mettez des citations de Kung-Fu Panda dans vos discours. D’accord. Génial. En gros, je ne suis pas plus avancé. Je ne sais ni qui je suis, ni à quoi je sers, et là je sens confusément que la seule chose dont je sois capable, éradiquer les toxiques du foot, ne changera peut-être rien à l’histoire. Non, vraiment, génial.

– Nous avons un point commun, Superacad, nous sommes posés dans un monde que nous trouvons laid, et qui nous voit comme des anomalies. Tu ne sais pas qui tu es ? La belle affaire. Avance donc, fais ce que tu dois, et tu le découvriras.


Il rabat la capuche sur sa tête, comme pour clore la conversation. Je me lève sans un mot ; moi qui croyais à la Révélation, me voici lesté d’une caisse de questions existentielles supplémentaires. Alors que j’entame la descente, avec mille précautions pour ne pas me casser la gueule dans le noir, Marcelo Bielsa me rappelle.

Psst…

– Oui ?

– Buena suerte… Y ponlo en el culo a todos, a estos cabrones.


***

Allô, Carmelus ? Qu’est-ce que tu viens me faire chier, il est 2h du matin, là ?

– Ben… c’est Superacad, Eddy, il est pas là, avec nous.

– Et qu’est-ce que tu veux que ça me foute ? Je vais pas faire Paris-Marseille en pleine nuit pour vous aider à le retrouver, non ? Et pourquoi il est pas avec vous, d’abord ?

– Ben… je sais pas, il a fini la mission, en enculant tout le monde, normal, comme prévu, quoi, et pis là je sais pas quoi, il a vu comme qui dirait une lumière mistique, là, et pis il a monté au sémaphore en nous plantant là à la Baie des Singes. Alors nous on est partis pour pas que les condés nous chopent et là on l’attend.

– Attends attends attends, qu’est-ce que tu me parles de tes singes et de tes sémaphores, là, j’y comprends rien. Vous vous êtes enfuis où, d’abord ?

En guise de réponse, un pet sonore retentit dans le smartphone du directeur.

C’est toi Sophie ? Je t’avais pourtant dit de faire gaffe aux restaurants, chez ces sauvages.

– Ben non Eddy, t’es con, hé, c’est Muzo.

– C’est qui Muzo ?

– C’est un dromadaire, précise alors la voix lasse de Sophie.

– Un dromadaire ?

– Un dromadaire, Eddy. Un putain de dromadaire qui n’arrête pas de péter depuis une demi-heure et…

– Attends, repasse-moi le téléphone, Sophie, j’esplique au chef. Ben ouais Eddy, t’es rigolo, j’allais pas remmener Sophie à la gare avec tous les flics qu’il y a là-bas, alors moi je savais pas quoi faire, hein, alors j’ai pris la Méhari et je suis remonté au zoo. Pour Muzo c’est pas sa faute s’il a des gaz, j’ai vu le vétérinaire du zoo il m’a dit que c’était rien, juste quelques problèmes digestifs mais rien de grave, alors il m’a dit qu’il pouvait lui donner des médicaments mais moi, comme c’est pas grave j’ai pas voulu, je le soigne à la phytothérapie et à l’homéopathie, je veux dire, j’avais peur que Muzo il ait une tumeur gastrudodénale, là, mais non, juste il ne fait que péter, c’est pas grave, alors moi je me dis que les médecines douces ça lui suffit, parce que tous ces labos, là, j’ai pas forcément confiance même que…

– STOP. Au zoo… quel zoo ? ton zoo ? mais c’est pas à 50 bornes de Marseille, ça ? Comment vous voulez qu’il vous y retrouve, Superacad, si tu lui as pas dit où vous alliez.

– Beuh…

– Et putain, les zoos n’ont pas d’enclos dans votre pays de sauvages, là, que vos dromadaires entrent dans les bureaux pour péter aux narines de ma copine ?

– Mais on n’est pas dans le bureau, là, on est chez Muzo.

– Je… Vous me téléphonez en pleine nuit depuis l’enclos du dromadaire ?

– Ben oui, comme ça on n’a pas croisé le veilleur de nuit et comme ça, si les flics y viennent perquiz, hében y nous trouveront jamais là. Malin, hein ?


L’Éditeur se fendit d’un long soupir. Avant de répondre, il se saisit d’un Kleenex posé sur sa table de chevet et y griffonna : « penser reparler à Cifert tests QI avant embauche académiciens ».

Eddy… non Carmelus, c’est bon, tu me laisses parler maintenant. Eddy, t’es là ? Carmelus, tu lâches ce téléphone, tu nous laisses trouver une solution, tu vas niquer ton chameau ET TU NOUS FOUS LA PAIX !

– Beuh… comment tu sais pour Muzo et moi ?

– CASSE-TOI ! Bon, Eddy.

– Oui Sophie. État de la situation ?

– Guy perdu dans la nature, sans téléphone, nous confinés dans un zoo à 50 km de là.

– Probabilité que les flics vous retrouvent ?

– Oh, ben tu me connais, je ne suis pas pessimiste par nature, m’enfin, vu que Baasz nous a promenés toute la journée dans une Méhari portant un gros logo d’hippopotame avec « Zoo de La Barben » écrit en orange, je pense qu’il y a un tout petit risque qu’ils fassent le rapprochement.

– OK, ya grave urgence, donc. Bon, écoute, il est 2h du mat’… qu’est-ce qu’on a comme foot en ce moment… de la MLS. Ok, c’est du hardcore mais faut ce qui faut. Écoute ce que tu vas faire…


***

– Carmelus, t’as un PC portable ici ?

– Ici ? Ben non Sophie, t’es bête ou quoi, c’est l’enclos de Muzo, qu’est-ce que tu veux qui foute d’un port… aaaah, au zoo tu veux dire. Oui oui, on en a un.

– Bon, tu vas me le chercher fissa, on a un moyen de faire revenir Guy ici.

Sophie s’assit dans la paille, et entreprit brièvement de faire le point sur sa vie. Celle-ci consistait présentement à partager l’enclos d’un dromadaire flatulent et d’un camarade certes humain mais à peine plus supportable. La policière en venait à regretter le bon vieux temps où elle moisissait dans son placard administratif. Traquer du monstre sodomite en échange de perspectives de carrières lui avait paru, sur le coup, un choix bien senti.  Après quelques semaines d’équipées aux côtés dudit monstre, l’hypothèse de lendemains radieux paraissait déjà bien plus improbable. Surtout, l’ultimatum de sa hiérarchie n’allait pas manquer de tomber sous peu. Il lui faudrait soit trahir ses nouveaux amis en livrant Superacad à la justice, soit assumer de devenir hors-la-loi et d’accompagner ces branques jusqu’au bout d’une croisade dont personne, à part l’Éditeur, ne semblait comprendre le sens.

Baasz mit un terme à ses réflexions sans issue en apportant le précieux ordinateur. Place à l’action.

On fait quoi, là ?, demanda l’académicien.

– Tu commences par virer le dromadaire qui est en train de baver sur le clavier. Ensuite je trouve un lien pour le match de MLS. Allez hop, Montréal contre Los Angeles en ce moment, c’est parfait. Et là, c’est toi qui interviens. T’as vu Jurassic Park, la scène où ils nourrissent le vélociraptor ?

– Ben oui.

– Eh ben le raptor, c’est Superacad, et toi t’es la vache. Tu vas te mettre à l’écran devant le match, et tu vas commenter tous les lives des médias, tu vas bombarder les réseaux sociaux de tweets sur le match, avec à chaque fois des messages si idiots que ça va forcément attirer son super-flair sur nous… enfin, sur toi en l’occurrence.

– Attends, je vais pas être le seul à twitter des imbécillités, comment on va être sûrs que c’est moi qui vais l’attirer.

– Ah, il va falloir mettre le paquet sur les messages d’abrutis, c’est sûr. Mais je te fais une entière confiance pour ça. Allez, fonce, on n’a pas la nuit devant nous.

– Euh… juste un truc…

– Oui Carmelus ?

– Ben… on sait qu’il se contrôle pas toujours, Superacad, alors si j’arrive à l’attirer, il va venir ici et il va vouloir me… me…

– Oh, c’est bon, j’ai fait la même tactique au siège de Horsjeu et il ne m’a pas agressée pour autant. Tiens, la preuve, c’est que j’ai réussi à passer la journée assise dans ta putain de Méhari tape-cul. Allez, hop, au boulot.

Seulement éclairée par l’éclat vert du portable, cette nuit dans l’enclos prenait des airs de Nativité. Assis en tailleur, PC sur ses genoux et smartphone en main, Carmelus Baasz regardait le match de soccer tout en distillant sur les réseaux ses saillies les plus lamentables possibles sur le sujet. Tâche ardue, mais il ressentait derrière lui la présence encourageante de Sophie à sa gauche, et du dromadaire à sa droite.


***

Du diable si je sais quoi faire maintenant. Il fait nuit noire, le vent s’est levé et je me gèle dans les Calanques, les habits déchirés. Regagner le centre-ville n’est pas une option : un rapide coup d’œil derrière la colline m’a fait apercevoir les gyrophares sur les lieux de mes exploits vespéraux. A la seconde où je fréquenterai de nouveau un lieu  civilisé, la police me serrera pour de bon.

Désemparé, je m’assieds au pied d’un pin martyrisé par les embruns salés, attendant seulement que quelque chose se passe.  Après tout, l’Editeur a plus d’une fois déployé des trésors d’ingéniosité pour me sauver la mise, je ne l’imagine pas me perdre en plein milieu de son histoire.

« Kel domage que Zlatan soit pas resté au PSG à la place 2 ce nul de Cavani, il auré continuer à zlataner la Ligue 1 avec Mbappé et Neymar. »


Ce… truc vient de me passer dans l’esprit. Comme une voix dans la tête, mais dont j’aurais pu lire les fautes d’orthographe.  Ma première réaction est l’abattement. Moi qui aspirais simplement à quelques minutes de vide, la dernière chose que j’espérais est que mes superpouvoirs se remissent  à détecter tous les tweets imbéciles émis sur la planète foot. Fermant les yeux, je m’apprête à endurer le déferlement de sottise qui me portera à sodomiser des idiots anonymes par paquets de seize.

« Ils ont tout compris les Ricains, avec leur ligues fermées. Que des clubs sérieux, du spectacle en permanence et pas des équipes de merde comme Dijon ou Amiens.« 

Un deuxième trait d’esprit tout aussi affligeant que le premier vient de passer. Ce ne peut qu’être un message. Je repense aux provocations de Sophie, lors de sa première visite chez nous. A force de les exercer, mes pouvoirs se sont affinés depuis, et me permettent désormais de mieux distinguer la stupidité vraie du troll volontaire.

« Excellent, les shows avec les mascottes et les pompom girls. Et les kisscams aussi, trop mimi de voir les amoureux pendant le match. C sa kon veut ché nous !« 

Le doute n’est plus permis. Sophie et Carmelus cherchent à entrer en contact avec moi par le biais de ces tweets stupides. Je redresse la tête et m’assieds en tailleur, prenant une profonde inspiration  et tâchant d’ouvrir au maximum mon esprit comme dans tout bon cliché sur la méditation. J’aimerais que Sophie m’entende penser « je suis là, je vous entends, continuez à me parler. »

« Enfin, la preuve que les Américains ne connaissent quand même pas grand chose au foot, c’est qu’ils préfèrent le foot féminin.« 

En me concentrant, je parviens lors de chaque message à identifier mentalement une zone d’émission de plus en plus restreinte, de la même manière que les experts localisent les appels téléphoniques dans les séries policières. Me réjouissant d’obtenir une chance de revoir mes camarades, je m’inquiète cependant de l’effet de leurs messages sur ma santé, et par conséquent sur la leur. Bien qu’émis par des alliés, ces messages navrants me causent ces tressaillements trop familiers. Je prie pour que, la sagesse de Sophie aidant, ils ne commettent pas d’erreur de dosage : trop mièvres, leurs tweets n’aiguillonneraient pas suffisamment mes pouvoirs. Trop pimentés, ils se traduiraient par une fureur sodomite que je sais trop bien, hélas ! être incapable de maîtriser. J’imagine aisément que mes acolytes, où qu’ils soient, partagent en ce moment la même inquiétude. Cette pensée contribue à me rassurer, sachant Sophie et Carmelus suffisamment au fait des risques encourus par leur anatomie pour conserver une certaine prudence.

« Parce que bon, le foot féminin, c’est bien pour les grosses dondons trop moches pour aller en boîte le samedi soir, mais championnes du monde ou pas face à une équipe masculine ça vaut que dalle ».

« RHAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! » Après avoir fait voler en éclats la porte de l’enclos, sans même me demander comment j’ai pu atterrir là en une fraction de seconde, je me rue sur Baasz, toujours assis devant son ordinateur portable. Implorant sa mère, l’académicien se recroqueville dans la paille, pendant que Sophie, juchée sur mes épaules difformes, se livre à une dérisoire tentative de me calmer.

– LAISSE-MOI SOPHIE, JE VAIS ME LE FAIRE CE CONNARD, J’EN PEUX PLUS DE LUI !

– Domine-toi, Guy, putain, c’est grâce à lui que t’es revenu. Il a fait ça pour qu’on te retrouve !

– J’EN AI RIEN A FOUTRE, IL EST ALLE TROP LOIN. JE VAIS LUI EXPLOSER LE CUL, ON VA VOIR S’IL RESSEMBLE PAS A UNE GROSSE DONDON.

– Mais arrête Guy, il est des nôtres, putain, arrête, tu vas me bless…

Au comble de la fureur, je me redresse, arrache d’une seule main Sophie de mon dos et l’envoie valser dans le fond de l’enclos. Un curieux « breuleueleueuarg » revient en écho, ce qui me tire de mon état second. Même possédé par la haine, je sais qu’une femme qui fait un vol plané de deux mètres, à l’atterrissage ça fait « boum », « crac » ou « aïe », mais certainement pas « breuleueleueuarg ». C’est alors que, du recoin sombre où j’ai envoyé Sophie, émerge un dromadaire. L’incongruité de l’apparition me désarçonne instantanément, et permet à mon esprit de libérer enfin les questions qu’il aurait dû se poser depuis quelques secondes, à savoir : comment ai-je pu passer en un instant des calanques de Marseille à un abri sentant la bouse ? Que fout ce dromadaire ici ? Et surtout, putain de merde, est-ce que je n’ai pas blessé Sophie dans le feu de l’action ?

À mon grand soulagement,  je peux percevoir le gémissement de mon amie derrière le chameau. Me précipitant vers elle, je la trouve sur la paille, sonnée mais consciente après sa chute miraculeusement amortie par l’animal. Visiblement contrarié d’avoir été tiré de son sommeil, celui-ci quitte l’enclos non sans nous avoir gratifié d’un pet retentissant.

Heu… ça va, Sophie ?

– J’en ai marre, Guy. J’en ai vraiment marre.

Elle se relève péniblement, tandis que je m’efforce, pour m’excuser autant que faire se peut, de retrouver son téléphone en train de sonner sous la paille. Lui tendant l’objet, je vois son visage se renfrogner encore un peu plus. Sans prendre l’appel, elle replace l’appareil dans sa poche et avise notre camarade marseillais, toujours prostré.

– Carmelus. Oh, Carmelus !, crie-t-elle en lui donnant un petit coup de pied dans les côtes.

Il… il est parti ?

– C’est fini Carmelus, ne crains rien pour ton cul et écoute-moi plutôt. Comment on sort de là maintenant ?

– C’t-à-dire ?

– C’est-à-dire maintenant. Ca m’étonne même que les flics n’aient pas déjà débarqué au zoo.

– Ah, parce qu’on est au zoo, donc, là, déduis-je, toujours un peu déboussolé.

Non, on est au ballet national, chacun sait qu’ils ont de la paille qui pue la merde dans les loges. Le dromadaire c’était parce qu’ils jouent Aïda. Mais putain Guy, t’y mets pas, non plus, merde ! Donc, oui, on est dans ce putain de zoo, et oui, faut s’attendre à ce que les flics arrivent d’un instant à l’autre. Alors vous deux, les mecs, vu que vous commencez sérieusement à me brouter les seins, je vous laisse le choix : soit vous trouvez un moyen pour qu’on se casse d’ici en vitesse, soit je vous balance à la police, j’en ai plus rien à foutre.


Sa tirade achevée, Sophie s’écroule en sanglots, nous laissant tous deux interdits. Je m’approche pour tenter un réconfort, mais elle me repousse d’un geste. Faute de mieux, je flanque une grande claque sur l’omoplate de Carmelus.

Bon, tu l’as entendue ? Comment on se casse. Et me parle pas de Méhari, hein.

L’académicien reste muet, comme perdu devant l’enchaînement des événements. Pourtant, les lueurs bleues qui apparaissent à quelques centaines de mètres confirment la prédiction de Sophie. Il faut faire vite, aussi lui collé-je une paire de claques bien senties histoire d’accélérer sa réflexion.

Ah , heu… oui, vite, suivez-moi.

Prenant Sophie par le bras, je m’élance à la suite de Carmelus, qui nous mène à travers les allées du zoo vers une zone technique. Déverrouillant la rampe d’accès à un petit camion, il nous y fait entrer et referme la porte aussi sec. De l’extérieur, il nous adresse ses dernières consignes.

Ya un transfert de capybaras au zoo de Vincennes demain, vous ferez le trajet avec eux. Demain, 7h, vous vous cachez sous la paille, je fais moi-même monter les bestioles et vous êtes tranquilles pour remonter à Paris. Allez, je vais me cacher, les condés y sont là, faites pas un bruit.

Dans l’obscurité, je devine Sophie toujours au bord des larmes. Cette fois, elle se laisse faire lorsque je la prends par l’épaule. Je tente d’alléger l’ambiance.

Tu sais ce que c’est un capybara, toi ? C’est bien brésilien ça, non ?

– Oui mais je m’en fous. J’en ai marre, Guy. J’en ai marre de passer encore une journée sous la paille demain avec des animaux qui puent. J’en ai marre de tes enculades incontrôlables. J’en ai marre de l’Editeur qui nous manipule sans qu’on sache où il veut en venir. Je veux que ça finisse.

Sur ce, elle prend son téléphone et écoute le message reçu tout à l’heure, montant suffisamment le volume pour que je n’en perde rien.

Lieutenant Taillandier, divisionnaire Durand à l’appareil. Qu’est-ce que j’apprends, là ? Vous vous trouvez à Marseille comme par hasard quand votre protégé s’offre une petite séance de sodomie au soleil ? Vous vous foutez de moi ? Je vous prends pas en traître, jusqu’à preuve du contraire on vous considère désormais comme suspecte, donc pour vous la chose est simple : soit vous me livrez ce taré immédiatement et on pourra éventuellement arranger le coup, soit on vous chope et on vous traite comme sa complice. J’attends.

***

Sophie va-t-elle craquer et livrer Superacad ? Sera-t-elle sacrifiée sur l’autel de l’Alterfoot ? Huit heures de trajet avec des capybaras, c’est tenable ? Vous le saurez en retrouvant le prochain épisode de Superacad contre Menesis.

Rappel des épisodes précédents : prologue (l’infirmier)ép. 1 (le pub et la vidéo)ép. 2 (les flics et les clowns)ép. 3 (le lieutenant Taillandier et le chien)ép. 4 (Horsjeu Média, l’Editeur, les gnomes numériques) ép. 5 (Les Gnomes, le Cérébranle, le premier combat avec l’Ennemi)ép. 6 (l’institut médico-légal) – ép. 7 (l’interrogatoire et les scientifiques)ép.8 (le flash-back par les agents du nettoiement)ép.9 (l’infiltration de Sophie et la tragédie de Pieryvandré) – ép.10 (les soupçons de Louis Cifert, la relation entre Sophie et l’Editeur) – ép.11 (Noirmoutier à vélo et le cuistre du Super U) – ép.12 (La route et l’incident radiophonique) – ép.13 (La mission marseillaise).

7 thoughts on “Superacad, ép. 14 : Le mentor. Le zoo. Les retrouvailles.

        1. le fait qu’il soit présent quand on l’attend te disculpe effectivement pas mal.

  1. C’est bien rythmé, un épisode il encule, un épisode il encule pas, un épisode il encule, un épisode il encule pas. Le lecteur a le temps de respirer après une bonne enculade et d’apprécier l’enculade suivante encore plus fort.

  2. Toutes ces enculades… ça doit plaire à Monsieur Lapin, je ne serais pas étonné si on apprend in fine que c’est bel et bien lui qui tire les ficelles !

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