Sur les traces de l’esthète Vucinic, la Balkans Acad’ au Monténégro,

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Même s’il porte des slips kangourous

Après le Kosovo, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, la Balkans Académie file au Monténégro à la découverte d’un petit pays amoureux de sport.

Longtemps membre d’un groupe d’états – que ce soit dans la fédération de Yougoslavie ou dans la communauté d’Etats de Serbie-et-Monténégro, le Monténégro devient indépendant en 2006, ce qui en fait un des plus jeunes états du continent européen. Aujourd’hui le Monténégro est principalement connu pour être la Riviera de l’ex-Yougoslavie ; une destination touristique en vogue avec la baie de Kotor en premier lieu.

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Les bouches de Kotor, un des délices des Balkans

Mais en y regardant de plus près, et malgré une population très restreinte (660 000 habitants en 2011), le Monténégro est avant tout un grand pays de sport. Ainsi la sélection féminine de hand a gagné la médaille d’argent aux Jeux de Londres avant de remporter le championnat d’Europe en fin d’année à Belgrade (ce qui m’avait permis de découvrir le grandiose mais terrifiant hymne1 du Monténégro). En waterpolo, le MNE a remporté le championnat d’Europe en 2008 puis la ligue mondiale en 2009. Pas mal pour un pays qui a autant d’habitants que Lyon, non ?

Un championnat qui souffre mais sort quelques pépites

Pour parler de ballon rond, j’ai fait appel à Ivica Madzarovic, éditeur du site Cg-fudbal.com. Pour commencer, il tient à préciser que « le peuple monténégrin est naturellement doué pour le sport. » Le championnat du Monténégro « Prva Crnogoska Liga »  ne compte que 12 équipes mais Ivica l’estime « au niveau des ligues de Bosnie et d’Albanie. Nous avons de gros problèmes avec les infrastructures, les stades sont souvent vieux et les clubs ont de gros problèmes financiers. Il arrive souvent que les joueurs ne soient pas payés pendant 4-5 mois. C’est dommage parce que nous avons vraiment d’excellentes équipes de jeunes mais avec le manque d’infrastructures et de finances, la plupart de ces jeunes perdent leur talent et arrêtent. »

Aujourd’hui à la lutte pour le titre, Sutjeska Niksic et le Buducnost Podgorica restent les deux étendards du football monténégrin, ayant réalisés des performances à l’époque yougoslave. Ivica tient également à mettre en avant le FK Zeta, « qui est resté le seul club à ne pas descendre du temps de la ligue de Serbie-et-Monténégro2. Ils ont également été les premiers champions du Monténégro (en 2007) et donc les premiers représentants du pays en Ligue des Champions.3»

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Boljevic, next big thing du Monténégro

Pour Ivica, deux joueurs sont au-dessus du lot cette saison : il s’agit de Blazo Igumanovic, défenseur du FK Rudar et Aleksandar Boljevic4, ailier du FK Zeta. Selon Ivica, le premier est « un grand talent, très technique. Il pourrait très bien évoluer en Europe de l’Ouest, aux Pays-Bas ou en Belgique. Le second (17 ans) a déjà signé au PSV Eindhoven pour la saison prochaine. »

Sutjeska, berceau de Vucinic

Cette saison, un club mène la danse : le FK Sutjeska Niksic. Comptant toujours deux points d’avance à un match du terme du championnat, ce club atypique pourrait connaître à nouveau les sommets, après avoir remporté le championnat de Yougoslavie en 1976 et la coupe Tito en 1980. « Honnêtement, cela serait une énorme surprise, car ils ont quasiment été relégués la saison dernière, explique Ivica Madzarovic. De plus, les joueurs n’ont pratiquement pas été payés durant les 6 premiers mois de la saison donc leurs excellents résultats sont difficiles à expliquer. »

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Dragan Radojicic, le maître

Pour Rajko Pekic, l’administrateur du site Internet du club, « l’arrivée de Dragan Radojicic, le meilleur coach du Monténégro et un des meilleurs de la région, est la raison principale de ce succès. L’organisation est complètement différente cette saison, même si les finances ne sont pas au vert ». En ce qui concerne l’équipe, Pekic met surtout en avant « un véritable collectif. Certes il y a quelques individualités comme Darko Karadzic (NDLBA : dans l’équipe-type de l’Euro U17 en 2006), Darko Isidorovic ou encore les anciens Djordjije Cetkovic et Dejan Ognjanovic, passé par le Partizan. Mais c’est avant tout un collectif parfaitement huilé qui permet d’avoir ces résultats. » Ivica ajoute à cette liste « Djordje Susnjar, qui a marqué 9 fois jusqu’à cet hiver avant d’être transféré au FK Vojvodina Novi Sad ».

L’équipe actuelle compte une demie-douzaine de joueurs sélectionnés en équipe U21 du Monténégro et un bon nombre dans les catégories inférieures. La formation est la force et le secret de ce club. Ivica explique : « de tous temps, Sutjeska a eu une réelle tradition de club formateur. Même à l’époque de l’ex-Yougoslavie, ils étaient reconnus pour cela. Ils apportent une attention particulière aux jeunes et ont un excellent réseau. De plus de nombreux anciens joueurs viennent aider à la fin de leur carrière pour former ces jeunes pousses. »

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Vucinic, mon esthète

Si Andrija Delibasic est un des grands noms formés par le Sutjeska, le beau et nonchalant Mirko Vucinic est la grande star passée par les classes de jeunes du club. La légende veut qu’à 17 ans, alors qu’il voyageait avec son équipe de Niksic vers Belgrade pour un match, l’avion fut affecté par des turbulences. Alors que tout le monde perdait son sang-froid, Vucinic est resté indifférent à la situation jouant avec une balle de tennis. A 17 ans, il était déjà trop grand pour son club formateur, extravagant mais leader dans l’âme. Si bien que Pantaleo Corvini, le balkanophile (qui a également découvert Valeri Bojinov à 14 ans, Berbatov alors qu’il jouait au CSKA Sofia et fait venir Jovetic à la Fiorentina) fit signer Vucinic à Lecce à tout juste 17 ans. La carrière italienne du premier buteur de l’histoire du Monténégro le mena jusqu’à la Juve et le titre de champion d’Italie, tout en gardant toujours un œil attentionné pour son club formateur.

La sélection, direction Brésil

Si le championnat du Monténégro reste anonyme, la sélection amène beaucoup d’attention sur le pays grâce à ses bonnes performances dans les qualifications au Mondial 2014, où elle est en tête avec deux points d’avance sur l’Angleterre.

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Le passé et le futur du Monténégro sur un cliché : Savicevic et son héritier Jovetic

Ivica Madzarovic aime à rappeler que le Monténégro a toujours enfanté de grands footballeurs. « On peut considérer Dejan Savicevic (NDLBA: actuel président de le Fédération et 2è au Ballon d’Or 1991) comme le meilleur joueur monténégrin de tous les temps mais Pedrag Mijatovic n’est pas très loin. Ils ont tous deux gagné la Ligue des Champions. On peut également évoquer Zeljko Petrovic (Sevilla, RKS, PSV), Zoran Filipovic  (Red Star, Bruges, Benfica, Boavista), Vojin Lazarevic  et Dragan Dzajic qui formèrent une des meilleures attaques en Europe (Nancy, Red Star), Refik Sabanadzovic (Red Star, Olympiakos, AEK), Zoran Batrovic (Partizan, La Corogne), Budimir Vujacic (Partizan, Sporting) et Anto Drobnjak qui joua en France pour Bastia et Lens. »

Le Monténégro ne dispute, à l’heure actuelle, que sa 3è campagne de qualifications pour une compétition internationale. Après avoir terminé avant-dernier de son groupe en 2010 (avec une seule victoire en 10 matchs), le Monténégro a fait meilleure figure lors des qualifs pour l’Euro 2012. Dans un groupe réunissant l’Angleterre, la Bulgarie, la Suisse et le Pays de Galles, les coéquipiers de Branko Boskovic ont su accrocher la deuxième place. Malheureusement, ils échoueront lors des barrages contre la République Tchèque.

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Debouts, de gauche à droite : Vucinic, Bozovic, Pekovic, Basa, Vukcevic, Volkov

Accroupis, de gauche à droite : Kasalica, Jovetic, Savic, Pavicevic, Zverotic

Aujourd’hui, une belle génération se met en place. Derrière les tauliers Mirko Vucinic, Stevan Jovetic, Simon Vukcevic ou Marko Basa, une nouvelle génération de jeunes talents arrive avec « Stefan Savic (défenseur de 22 ans de la Fiorentina), Luka Djordjevic (attaquant de 18 ans du Zenith), Marko Bakic (milieu offensif de 19 ans du Torino), Aleksandar Boljevic (Zeta-PSV), Andrija Kaludjerovic (milieu de 20 ans du Rudar). »

Ivica décrit le sentiment ambiant quand il s’agit d’évoquer la sélection nationale : « Le football est le sport le plus populaire au Monténégro. Cette qualification pour la Coupe du Monde est un rêve pour le pays entier. Chaque habitant espère que l’on va la décrocher. Nous y pensons chaque jour. Nous sommes un petit pays et si nous nous qualifions, ce sera sans doute le plus grand exploit international des 20 dernières années. »

Il reste 4 matchs à Vucinic et sa bande pour aller au Brésil mais il ne fait aucun doute que cela se jouera en octobre en Angleterre. Puisque le Monténégro est toujours invaincu contre les potes de Rooney, le rêve reste permis et Sutjeska pourra alors se vanter d’avoir fourni au Monténégro son premier capitaine lors d’une phase finale de Coupe du Monde.

Un grand merci à Ivica Mazdarovic de CG-fudbal.com et Rajko Pekic, administrateur du site Internet du Sutjeska Niksic.

Tristan Trasca

 

1 L’hymne du Monténégro : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=GPtPjMdtofk

2 Jusqu’en 2003, les clubs monténégrins faisaient partie de la Ligue Yougoslave, puis de 2003 à 2006, les clubs monténégrins participent au championnat de Serbie-et-Monténégro avant la première édition du championnat du Monténégro en 2006

3 Après avoir éliminé Kaunas, le FK Zeta se fera sortir par les Rangers

4 Admirez le talent de Boljevic: http://www.youtube.com/watch?v=70xRMltdLBI

4 thoughts on “Sur les traces de l’esthète Vucinic, la Balkans Acad’ au Monténégro,

  1. Mais pourquoi es-tu si agréable à lire? Comme d’hab’, très intéressant!
    Et ça me ferait tellement plaisir si le Monténégro envoyait la Three Lions en barrage!

  2. Kraj Bistrice navijamo, i samo nju mi bodrimo, i srce nase samo za nju kuca jer SUTJESKA JE SAMPION!!! ale aleeeeeeee ’88

  3. Superbe article.

    J’ai vu quelques matchs du Monténégro sur ces derniers mois (Belgique, Ukraine, Angleterre) et je l’ai trouvée très solide.

    Elle marque peu (5 buts contre les 4 « vrais » adversaires des éliminatoires, désolé pour Saint-Marin), mais finit toujours par obtenir un bon nul ou une victoire bien construite.

  4. Bel article. C’est toujours aussi surprenant de voir une telle qualité des joueurs et un tel manque de moyens et que malgré tout et bien ça fonctionne quand même.

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