Demain c’est loin, la prochaine finale encore plus

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Ne soyez pas aigris, c’était peut-être la dernière.

Une finale de perdue, dix de retrouvées. Ouais, mais vos gueules.

La défaite de l’équipe de France dimanche en finale de l’Euro 2016, de son Euro, du dernier Euro avec un pays organisateur est un drame. Ne pas s’en rendre compte est d’un naïveté confondante, voire même la preuve d’un début de sénilité, ou pour les plus jeunes, les restes d’une maturité qui tarde à venir. Génération pourrie par les succès de leur enfance, adultes à la mémoire si courte qu’elle ne commence qu’en 1998, vous êtes des butors mal dégrossis et dangereux pour la société.

Faut-il être si érudit pour vous rappeler qu’une finale est rare, qu’une finale se chérit, qu’une finale se gagne, qu’une finale est peut-être toujours la dernière. Faut-il vous rappeler combien de finales de Coupe du monde, d’Euro, l’équipe de France a jouées depuis 1930 et les premiers frémissements des compétitions internationales construites ? Sur 35 tournois, elle en a disputées 5. 1 fois sur 7. Et rien avant le 19e tournoi, l’Euro 1984. Statistiquement, il pourrait se produire à partir de 2016, une absence de finale dans les deux grands tournois internationaux de football jusqu’en 2056 (20 tournois tous les 2 ans = 40 ans). Si aucun autre événement majeur n’interrompt d’ici là la fluidité de leur tenue, annulation, boycott, guerre… Le seul argument recevable est celui que tout le monde retient ou que leur mémoire fébrile leur permet, c’est de dire que la France a joué 4 finales (si on enlève celle un peu plus éloignée de 1984) en 18 ans. D’après vous, il est où l’accident de l’histoire : entre 1930 et 1984 ? Entre 1984 et 1998 ? Entre 1998 et 2016 ?

Je vous laisse vous poser tranquillement et prendre le temps qu’il faut pour vous faire une idée de l’abîme potentiel dans lequel le résultat de dimanche peut nous projeter. Et que vous êtes beaux à parler de générations en construction, d’un groupe qui vit bien. Vous êtes au courant quand même qu’il y a un certain nombre de blessés qui vont revenir dans le groupe sans avoir vécu cette aventure et entre le retard de vie commune à combler et la jalousie de ceux qui vont maintenant en être exclus, ça va être drôle. Je me permets de porter à connaissance également les problèmes conjugaux qui sont venus pimenter la préparation de la demi-finale contre l’Allemagne. La titularisation de Sissoko aurait-elle si évidente que cela, si la femme de Cabaye n’avait pas pris le monde à témoin de la tromperie de son cher et tendre ? Je vous rappelle que personne n’est à l’abri d’une sex-tape, d’un chantage, de blessures, ou d’un bras d’honneur en mondovision.

Une finale est un équilibre fragile qu’il est possible de ne jamais retrouver. Une équipe qui arrive en finale, elle le doit au talent des joueurs, à la vie du groupe, à la motivation des titulaires et des remplaçants, à la poigne du staff, au poids des supporters et à cette putain de chance qui ne quitte jamais un pays vainqueur. Faut-il rappeler match par match des compétitions gagnées par la France, la providence qui a accompagné les victoires ? Il est où le schéma de jeu lors d’une séance de tirs aux buts ? Elle est où la tactique quand Thuram met un doublé ? Où est l’identité d’une équipe quand on est mené à la 93e minute d’une finale et que c’est Barthez qui réalise l’avant-dernière passe de l’égalisation ? Arrêtez de nous les briser avec vos petits dessins, la victoire finale ne tient pas au respect de la tactique, elle tient à la chance et à la force d’un groupe qui y croit plus que l’autre. L’époque est à l’éreintement des commentateurs avec des calculs qui se veulent scientifiques quand l’histoire des victoires est à la spontanéité du moment. Que Deschamps n’ait pas de schéma mais qu’il arrive en finale et qu’un poteau décide du sort du match est tout ce qu’on peut dire. Une équipe est arrivée en finale et le plus triste est d’avoir été surpris pendant 5 secondes par un joueur de seconde zone. Et c’est le sport, et c’est tout.

S’adapter à l’adversaire est aussi une qualité, laisser la balle à l’autre est aussi un plan de jeu, résister sans rompre face à l’Allemagne est un coup de dé qui a fonctionné cette fois, mais les Bleus pourraient rejouer 20 fois le match et l’Allemagne pourrait gagner à tous les coups, sauf ce soir là et c’est tant mieux. Eder peut refaire sa frappe 200 fois, elle ne rentrerait de cette manière qu’une fois. L’équipe de France sur le terrain venait quand même de battre l’Allemagne, un groupe en confiance, ce n’est pas négligeable, d’autant que les matchs de la phase finale ont montré de belles séquences. Être heureux quand cela tourne en notre faveur vaut autant qu’être accablé quand cela ne veut pas rentrer. On pourrait rejouer la finale avec un Pogba plus vieux de quelques années et placé là où il veut que cela ne suffirait sans doute pas. Et cela ne suffira sans doute pas dans les compétitions à venir. Et la France n’aura sans doute pas d’autres finales avant longtemps. Quand bien même. Pourrait-on être heureux de gagner une compétition organisée en Russie ? Au Qatar ? La chance. La providence. Le caractère imprévisible du sport. Le contexte. Tous ces éléments qui ne rentrent pas dans une équation, aussi belle soit-elle.

Trois jours après la finale, que reste-il ? Pour gagner une compétition il faut être en finale, si si, Deschamps et son équipe ont donc rempli le contrat. La défaite ne doit rien aux grands calculateurs qui voudraient galvauder ce sport et qui critiquent le jeu de cette équipe. Tout n’est que constats a posteriori et malgré la pertinence de certaines remarques, il n’est pas dit qu’un autre schéma aurait donné un meilleur résultat. Comme il n’est pas dit qu’une équipe peut gagner avec les meilleurs joueurs du monde à chaque poste avec le meilleur entraîneur qui a la meilleure tactique. Un jour sans, cela arrive. Et les palmarès de ces compétitions montrent combien le savant équilibre pour gagner est précaire et incertain. Il faut savoir apprécier ce beau parcours, il faut savoir rendre hommage à cette équipe qui est allée si loin grâce à beaucoup de choses et malgré beaucoup d’autres choses. Il faut avoir l’humilité de reconnaître qu’une finale d’un Euro est un superbe résultat et la clairvoyance pour dire qu’une défaite à ce stade est un drame. Que cette équipe nous donne d’autres émotions à ce niveau, vite, le temps passe si vite.

11 thoughts on “Demain c’est loin, la prochaine finale encore plus

  1. Ça fait plaisir de voir que quelqu’un réussit à verbaliser ce que je ressens ! Et de fort belle manière.

  2. Tout ça pour dire : on a été en finale !!^^

    Pour le reste, ça a été de salir mon équipe avant la compet’ / se plaindre constament du niveau des équipes et du spectacle « à la liguain » et ne même pas reconnaitre que l’on a balayé, écrasé, éliminé ces Allemands pour les Portugais et que par contre que peut-être que contre l’Italie on s’en prenait une…. J’espère que nous aurons grâce à 1998 toujours la meilleure équipe du monde sur le papier, mais des finales, il s’agirait de commencer à les envisager à l’avenir histoire de monter à 5 étoiles rapidos. non ?

  3. Comme l’a dit Evra : « On est fous ! » … Comprendre, on a tout pour remporter nos matches et bien jouer, mais on patauge dans le doute de nous-mêmes pendant 85 minutes, puis la victoire arrive, franche, libératrice, dans les cinq dernières. La glorieuse incertitude du sport existe encore sur la planète foot et je suis à la fois très heureux que ce soit le Portugal qui l’ait emporté, et que la France soit allée si loin dans cet Euro 2016, très étrange du début à la fin !

  4. Il manque juste le passage où on explique pourquoi un joueur qui a joué 8 minutes est le seul à enlever son chandail à la fin du match, mais sinon, c’est pouce bleu en l’air qui dit plus un en faisant un cœur avec les autres doigts. Merci, Frantz-Christophe, c’est très juste tout ça.

  5. Après 5 jours de pause je viens de revoir le but d’Eder. Je reviens dans 5 mois. ça donne quoi à la télé la pétanque ?

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