Antipasto : Les joueurs du Calcio que l’on a aimé détester.

« Moi aussi je suis un gros fils de p** sur le terrain et j’en suis fier. » Tirée de l’autobiographie « Io Giorgio », cette petite phrase résume bien l’état d’esprit de Chiellini quand il est sur le terrain. Grand leader, combattant génial mais également vicieux et fourbe, le défenseur juventino a souvent rendu fou les tifosi adverses. Mais combien l’aurait voulu dans leur équipe ? Chiello est l’archétype parfait du joueur que nous adorons détester … mais que nous aimerions avoir dans notre équipe.
Bien souvent, les joueurs similaires à Chiellini évoluent en tant que défenseurs ou milieux récupérateurs. Des postes où le côté obscur est fréquemment nécessaire pour reprendre la possession du ballon, marquer son territoire ou faire dégoupiller son adversaire. Dans la panoplie de ces esthètes du coup tordu : fautes tactiques, intimidations physiques, simulations, trash talks … L’éventail est large pour arriver à leur fin. Quand notre équipe préférée affronte un Chiellini ou un Verratti, même si on le déteste, nous nous mettons à envier l’adversaire et nous aimerions avoir dans nos rangs un type de cette envergure sous nos couleurs. Parce que si la détestation est présente, un sentiment de fascination pointe rapidement à la porte.
Giorgio Chiellini
Tous les tifosi italiens (ou italophiles) se souviennent de cette action. Finale de l’Euro 2020, l’Angleterre et l’Italie sont aux coudes à coudes. Le temps additionnel s’écoule et la prolongation se dessine. Soudain, sur un ballon récupéré par les Three Lions, Saka est alerté sur le côté droit. Chiello anticipe et couvre la balle mais, de façon assez inexplicable, il juge mal le rebond. Le jeune talent anglais profite de cette rare erreur. S’il récupère la balle, il a un boulevard pour filer sur le côté droit de l’attaque. Mais l’expérimenté défenseur italien le chope par le col du maillot et le met à terre. Une faute tactique indispensable à ce moment du match logiquement sanctionnée d’un carton jaune. Même si la faute est commise au niveau de la ligne médiane, que Bonucci et Di Lorenzo semblent capables de couvrir, personne ne sait ce que Saka aurait fait si le Turinois ne l’avait pas empêché de filer au but. Finalement, l’Italie remporte le tournoi aux tirs au but à cause de l’échec du jeune Gunner. Voici un instantané de la carrière de Chiellini. Immense guerrier, souvent affublé d’un sparadrap autour de son crâne dégarni mais capable de ce genre de faute pour gagner un match, un titre ou une coupe. Au cours de sa carrière, le Pisan a eu recours à des procédés litigieux comme en 2015 contre Monaco quand il glisse au bout de 40 secondes et empêche Moutinho de filer au but en se jetant comme un mort de faim sur le ballon. L’arbitre se contente du carton jaune. Victorieuse à l’aller, la Juve préserve le nul et file vers le dernier carré de la Champion’s League.
Zlatan Ibrahimovi?
« Que manque-t-il à la Suède pour gagner l’Euro ? Dix Zlatan » Le Suédois est très sûr de lui, certains diront arrogant. Il l’était déjà à ses débuts. En 1999, le jeune joueur de 18 ans seulement vient de signer son premier contrat professionnel avec Malmö. Lors de la présentation avec ses coéquipiers, il assène à une audience interloquée : « Retenez bien mon nom et mon visage. Je m’appelle Zlatan Ibrahimovi?, et je vais devenir le meilleur joueur de foot du monde ». Après Malmö, le fantasque attaquant part pour l’Ajax où il se révèle à l’Europe. La Juve fonce sur lui. Sous les couleurs bianconeri, Zlatan participe activement à la conquête de deux Scudetti mais le Calciopoli et les sanctions qui en découlent le poussent vers la sortie. Son choix se porte sur … l’Inter. Si les tifosi nerazzurri sont ravis d’accueillir le turbulent scandinave, ceux de la Juve l’ont en travers et lui dédient ce chant : « Ora tutta quanta la curva, cantera per te, Zlatan sei un zingaro … » Giorgio Chiellini confirme l’animosité des tifosi pour Zlatan au moment de son départ : « Il est devenu « l’ennemi absolu », quand il a rejoint l’Inter, puis un simple « adversaire » de Milan. » C’est sûrement cela qu’on appelle le dépit amoureux. Car avec l’Inter, le Z rafle trois Scudetti pendant que son ancienne équipe se reconstruit dans l’ombre. Il quitte Milan pour Barcelone la mauvaise année puisque Jouzé et sa bande élimine les Blaugrana et conquièrent la Champion’s League qui se refuse toujours au géant nordique. Après son échec catalan, il revient en Lombardie mais s’engage avec Milan. Encore une fois, il s’attire la colère des interisti. Le Suédois détourne le sujet : « Les supporters de l’Inter ? Je ne crois pas qu’ils pensent à moi étant donné qu’ils ont tout gagné. » Mais le Scudetto remporté en 2011 aux dépens de l’Inter renforce le ressentiment contre lui. Après une seconde place derrière … la Juve qui redémarre sa domination locale, il file au PSG. Huit ans plus tard, et diverses expériences (United & LA Galaxy), il revient au Milan. Si ce n’est plus le même Zlatan, le vétéran apporte de la sérénité à un groupe en reconstruction après plusieurs années d’échec. Après un derby, il chambre Lukaku qui s’était autoproclamé roi : « Milan n’a jamais eu de roi, ils ont un Dieu » Vainqueur du Scudetto 2022, le quadragénaire tente de revenir sur les terrains à la suite d’une grave blessure. Pour le plus grand bonheur de ses tifosi et de ses détracteurs.
Marco Materazzi
Finale de la Coupe du Monde 2006, le monde entier voit Zidane asséné un violent coup de tête dans la poitrine du défenseur italien. L’arbitre, aidé par son assistant et le retour vidéo sur le bord du terrain, expulse le meneur français. Déjà auteur de l’égalisation transalpine, Matrix ne tremble pas face à Barthez lors de la séance de tirs au but et devient l’un des acteurs majeurs de cette finale conquise par l’Italie. Détesté depuis par les supporters français, Materazzi avait déjà ses « fans » dans le calcio. Ses nombreux tatouages et tacles assassins lui ont valu une sérieuse réputation de bad boy. Le natif de Lecce se révèle à Perugia entrecoupé d’une pige à Everton. Capitaine des Grifoni, Materazzi inscrit douze buts dont huit penalties lors de la saison 2000-2001 de Serie A, établissant un nouveau record pour un défenseur dans le championnat italien. Le précédent appartenait à l’Argentin Daniel Passarella (11 buts en 1984-1985). Transféré à l’Inter, il en profite pour s’offrir un palmarès XXL mais reste peu apprécié pour son engagement physique souvent plus que limite. Pourtant, ce n’est pas qu’un bourrin écervelé. Doté d’un physique imposant, il est redouté des attaquants adverses pour son jeu aérien mais son pied gauche précis est un atout sérieux dans le jeu long. Ses qualités lui valent d’être aligné avec Cannavaro pour le Mondial 2006 pour suppléer la blessure de Nesta. Un choix vivement critiqué en Italie. Pourtant, le garçon a de la ressource et a du cœur. « Pour moi, la finale, c’était ce match contre l’Allemagne. Sans rien enlever à la France. Contre l’Allemagne, c’était plus qu’un enjeu sportif. C’était l’occasion pour notre peuple et nos immigrés de prendre une revanche. Un Italien immigré qui a son entreprise en Allemagne, il doit y en avoir, oui, un ou deux. Mais la majorité trime. Ils ne sont pas forcément dans la misère, mais ils triment. Ce sont des ouvriers. Perdre ce match, ça aurait voulu dire humilier nos… nos… nos amis. » Homme de la finale, Matrix a prouvé à ses nombreux détracteurs qu’il était de ceux qu’il valait mieux avoir avec soi que contre soi.
Paolo Montero
L’Uruguayen de la Juve n’est pas non plus un poète. Stoppeur à la sauce Gentile, il était la terreur des attaquants adverses qui pouvaient craindre pour leur cheville … ou pire. Son ancien coéquipier David Trezeguet déclare : « C’était une très belle personne. Il était l’un des éléments les plus importants du vestiaire. Il te faisait comprendre ce qu’était la Juventus. Pour lui, il n’y avait que le dimanche qui comptait : pendant la semaine tout le monde était libre mais le dimanche, tu savais que tu pouvais compter sur un gros joueur. Les adversaires avaient peur. Je voyais la terreur dans les yeux des attaquants, ils s’écartaient quand il y avait Paolo dans les parages. Sa technique était la suivante : la première intervention devait toujours être dure pour tout de suite marquer son territoire. Et il parlait constamment à ses adversaires, il les rendait fous. Il était vraiment très craint ». Quand il arrive à Turin, le Sud-Américain a déjà écumé les pelouses italiennes depuis quatre ans sous le maillot de l’Atalanta. Il va vraiment s’imprégner de la culture Juve pour devenir l’un de ses piliers. Carlo Ancelotti détaille une anecdote qui illustre bien la mentalité du défenseur : « Un matin, à quatre heures du matin à l’aéroport de Caselle, alors que nous revenions d’Athènes, où nous venions de jouer un très mauvais match de Ligue des Champions contre le Panathinaïkos, nous avons rencontré un groupe de garçons qui ne nous voulait pas que du bien. Au passage de Zidane, ils l’ont poussé et cet acte les a condamnés. Pas à mort, mais presque. Montero a vu la scène de loin, il a enlevé ses lunettes avec une élégance que je ne lui connaissais pas puis les a mises dans une boîte. Un beau geste mais un terrible signal parce qu’en l’espace de quelques secondes, il s’est mis à courir vers ces ingrats et les a recouverts de coups, bien aidé aussi par Daniel Fonseca, un autre qui ne se faisait certainement pas prier. Paolo adorait Zizou, et moi j’adorais Paolo, il avait le cœur et l’esprit sain. C’était une canaille mais il avait son code d’honneur ». Un défenseur rude qui détient un record en Serie A : le plus grand nombre de cartons rouges (16 dont 13 directs). « J’ai peut-être le record d’expulsions mais moi au moins j’ai une dignité : je n’allais pas pleurer vers les journalistes comme certains le font aujourd’hui … » confiera t’il. A bon entendeur.
Thiago Motta
Fautes tactiques, petits coups de vice en douce et trash-talk ont très souvent été les principales armes de l’Italo-Brésilien. Si le milieu de terrain était un excellent joueur, principale rampe de lancement de ses équipes qui compensait son manque de vitesse par une qualité de passe et une vision du jeu au-dessus de la moyenne, il était également excellent pour faire dégoupiller ses adversaires. Brandão approuve. Passé par Barcelone où il débute en Europe, Thiago Motta arrive en Italie après une courte parenthèse à l’Atlético de Madrid. Sous les couleurs du Genoa, il brille avec l’Argentin Diego Milito et manque d’un rien la qualif pour la Champion’s League. Suffisant pour attirer l’attention de l’Inter où il s’engage avec … Milito. Dirigé par Jouzé, il devient l’un des piliers de l’équipe et glane un historique triplé (Scudetto, Coppa & Champion’s League). « Les gens ne savent pas que je n’ai pas rencontré Thiago dans le grand Inter du Triplé mais avant, comme jeune joueur à Barcelone. Quand ils m’ont envoyé pour entraîner l’équipe réserve, je l’ai vu et j’ai tellement de bons souvenirs de lui. C’est l’un des miens. » Pourtant, contre Barcelone, Busquets le prend à son propre jeu et provoque son expulsion. Tout le monde se souvient de la suite : Eto’o repositionné arrière gauche pour former la muraille nerazzurra et une qualif au bout de la souffrance. Si son palmarès est indécent avec l’Inter (Scudetto, Coppa, Champion’s League, Coupe du Monde des Clubs), ses nombreuses blessures l’ont également beaucoup handicapé et réduit son temps de jeu. Transféré au PSG, il s’impose dans la capitale comme un élément moteur et remporte pas moins de dix-neuf trophées avec le maillot francilien. Après son départ à la retraite, le poste de milieu défensif demeure toujours orphelin de Thiago Motta. De nombreux supporters parisiens espèrent voir arriver son successeur. En vain malgré les multiples arrivées successives depuis 2018.
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