Plabennec-Lille (1-3): La Losc Académie livre ses notes
Ou pas.
Je me souviens de Coach Vahid. Je me souviens de Grimpomprez-Jooris. Je me souviens qu’on a eu les deux Cheyrou dans une même équipe. Je me souviens de ce poster de l’équipe, signé par l’un des deux frères Cheyrou, justement, sans que je ne sache jamais duquel des deux il s’agissait. Je me souviens de Dagui Bakari qui était un peu le Brandãrodelin de son époque. Je me souviens de Grégory Wimbée, de Fernando d’Amico, de Sylvain N’Diaye, de Milenko A?imovi?, Grégory Tafforeau, et de tant d’autres. Je me souviens de cette victoire deux buts à zéro contre Parme en barrages aller de la Ligue des Champions. Johnny Ecker s’était bien fait plaisir sur ce match. Y’avait Cygan aussi. Et Landrin. Je me souviens de ce ballon, aux couleurs des Dogues, qui me fut donné en cadeau après avoir été dédicacé par l’ensemble de l’équipe. Oui, l’ensemble de l’équipe. Même Coach Vahid. Le poster, je ne l’ai plus. Quelqu’un l’avait arraché de mon mur avant de le jeter à la poubelle, je ne sus jamais qui. Le ballon, je l’ai encore. Le temps a effacé l’encre par endroits, et il y a des noms que je ne reconnais plus, mais je l’ai encore. Je me souviens des matches que j’allais voir avec mon père. Landreau était encore à Nantes. Et puis, le temps a passé. Grimomprez-Jooris a fermé.
Il y a quelques mois, au début de la saison , je me suis aperçu de quelque chose; depuis ce moment, depuis la fermeture, je ne suis jamais retourné voir un match des Dogues en vrai. Je regardais à la télé, quand je pouvais, ou alors je suivais à la radio, c’était presque tout aussi bien. De temps en temps, je me disais que j’allais finir par y retourner, tenter le coup, oser rentrer dans un stade qui n’était pas le mien. Ce drôle de stade de Villeneuve d’Ascq. Je n’ai jamais franchi le pas. Ça me fait penser à cette soirée, d’ailleurs; c’était en 2011, je crois. On jouait contre le PSV Eindhoven, un drôle de match qui s’est terminé en match nul. Y’avait une soirée dans son immeuble. Je m’y faisais royalement chier. Le genre de soirée ou ça mange, ça boit, bien sagement, déconnecté, où tout le monde se trouve des potes à usage unique l’espace de quelques heures. Et l’immeuble était dégueulasse. Le point positif, c’est qu’il y avait ce fameux Stadium, juste de l’autre côté de la rue. J’entendais tout ce qu’il s’y passait. Je sais qu’Idrissa Gueye a marqué, ce jour-là. Que ça s’est terminé en deux partout, et que des supporters d’Eindhoven ont tapé sur des voitures du parking d’en bas de la résidence. Mais j’avais tout entendu. Je m’étais barré de la pièce ou les gens jouaient à faire semblant d’être amis, et j’avais tout entendu. La fenêtre donnait droit sur le stade. Les projecteurs étaient allumés. C’était beau, quand même. Après ça, j’ai envoyé un sms à mon père. Lui ai proposé qu’on retourne voir un match ensemble un de ces quatre. Il m’a dit pourquoi pas. Qu’on verrait plus tard.
J’y ai repensé, cet été. J’avais un calendrier de la saison, et je savais qu’on rencontrerait assez vite le Paris Saint-Germain. Y’aurait du lourd, ce jour-là. Des stars. Des paillettes. Le Grand Stade était tout neuf. Fallait voir tout ça. Places de luxe costards et tout le bordel. Mon père était intéressé, et des amis à mon père, et des amis à moi. On voulait y aller en groupe. Prendre deux-trois voitures, galérer comme des porcs à trouver une place, un peu comme avant. On était tous d’accord. Limite si on ne se préparait pas mentalement. Et puis, d’un coup, comme ça, on nous sort que pour des raisons de sécurité, supporters parisiens présents pendant la Braderie, tout ça, blabla, match réservé aux abonnés. Bon. Pourquoi pas. La frustration était là, mais tant pis. Ce serait pour une prochaine fois. Remarque, dans un sens, je me dis qu’on a eu raison de ne pas venir, parce que vu le but de tanche qu’on s’est pris en vingt-sept secondes, je t’avoue qu’au prix du ticket, on l’aurait avalé de travers.
La dernière fois que je me suis dit que j’irais au stade, c’était contre Nice. Je dirais qu’ici aussi, j’ai eu raison de ne pas venir. A vrai dire, je n’ai même pas regardé le match. M’étais gouré d’heure. J’aurais eu l’air fin si je m’étais acheté une place. Ce n’est qu’à la radio, au diner, que je me suis rendu compte qu’on avait perdu deux buts à zéro.
Mais apparemment, il s’est passé autre chose.
Le soir suivant le match, on m’a envoyé ceci.
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Eden Hazard. Gervinho. Moussa Sow. Mickaël Landreau. Adil Rami. Ludovic Obraniak. Et puis Debuchy, et Cabaye. Ils parlent même de Dumont. Mince, je me dis. Les anciens, maintenant, c’est eux. Pour moi, c’était les mecs dont j’ai parlé dans le premier paragraphe, pas eux. Pas des gars qui étaient en grande partie encore titulaires il y a une ou deux saisons. Même des Odemwingie ou Mirallas, pour moi, ce sont encore des petits nouveaux. Je vous avoue que, pour moi, ça fait comme un choc. Alors que je suis pas vieux, pas encore.
Je vais vous dire quelque chose. Quand j’étais gamin, les garçons de l’école primaire où j’ai échoué à l’insu de mon plein gré -faut bien un jour ou l’autre un trauma pour justifier notre alcoolisme- se séparaient en deux camps; les pro-lensois et les pro-lillois. Y’avait du positif, remarquez. Aux matches de foot qu’on faisait à la récré, les équipes étaient déjà toutes faites. « A Lille les bourgeois, à Lens les ouvriers », nous disaient-ils. Ca nous foutait en rogne. Ca nous foutait bien en rogne. Maintenant, je me dis que peut-être que ces gros pouilleux de Lensois avaient raison. On fait sacrément gros bourgeois, cette année. On a notre stade de bourges, notre équipe de bourges, nos billets payés bien bourges, notre site internet de bourges, nos supporters bourges de chez bourges. Oui, peut-être qu’ils avaient raison, les Sang et Or. Consanguins, mais lucides, dans un sens.
Et maintenant, Plabennec. Z’ont un chic pour trouver des noms de plouc à leurs patelins, les Bretons. Mais je crois que pas mal de supporters lillois auront regardé le match en se disant qu’on était parfaitement capables de le perdre.
La formation est originale. On a une sorte de 4-2-4, avec un duo d’attaquants de Melo-Roux, et Payet-Martin sur les ailes. Balmont et Gueye en axiaux. Défense habituelle. De toute manière on s’en fout pas mal puisqu’il est très probable que ça va permuter de partout façon nuée de sauterelles. Mais y’a de la nouveauté. A voir si ce sera reconduit contre le QSG.
LE MATCH:
00. Coup d’envoi, check.
04. Couille en défense sur une passe de Chedjou interceptée par Plabennec. Heureusement que leur attaquant -s’appelle Lennon, mais ça se prononce pas pareil- était hors-jeu.
05. Occasion pour Lille. Enfin, vite fait. Digne sur le côté, pour une -hrmm- frappe de de Melo coupée par Roux. Sans problème pour le gardien.
07. Roux qui après un contrôle foiré choisit de frapper au loin, et la met loin au-dessus.
09. Beaucoup d’espace, nous disent les commentateurs. Mais leur défense est en place, et réalise de très bons tacles.
12. Roux, hors-jeu. Après, on a une faute de Balmont dans le rond central.
15. Belle passe lobée en profondeur, de Martin à Roux, qui cherche une frappe croisée qui ne passe pas loin du cadre. L’idée était bonne.
18. Faute de Martin dans le rond central; on partait sur un contre pour Plabennec suite à une passe ratée d’un Dogue.
23. Attaque de Martin contrée en corner. Le même joueur frappe le corner. Dégagé par la défense.
24. Chedjou a failli foirer un contrôle, s’est repris au dernier moment. Lennon, l’attaquant plabennecois, était dangereusement près. Attention.
25. Frappe du gauche de Roux, pas assez appuyée, sans problème pour le gardien.
28. Magnifique ouverture d’un milieu de terrain de Plabennec. Un autre reprend de volée, bat Elana à ras-terre. 1-0 pour Plabennec. Richard Pelletier est le buteur. Notre défense était apathique.
31. Egalisation plus que généreuse pour Lille. Coup franc sur la gauche de Lille. Basa qui fout deux-trois adversaires à terre. Déviation de la cuisse d’un plabennecois, qui trompe son gardien. 1-1. Chanceux, et pas très galant.
33. Coup franc sur la gauche pour Plabennec. Elana s’impose dans les airs.
35. Un autre coup franc pour les bretons. Ne donne rien.
37. Frappe contrée de Martin, arrêtée par le gardien adverse.
Après ça, plus rien de notable jusqu’à la mi-temps. Et donc, nous voila à égalité. Un partout. Plus rien ne m’étonne.
Et ça reprend.
47. Plabennec gagne un coup franc, qui ne donne rien.
48. Chedjou lance Payet qui délivre un amour de passe pour Roux, parti à la limite du hors-jeu. Gentille babille dans le petit filet, quasi-imparable. 2-1 pour Lille, Plabennec ta mère.
51. Corner dangereux pour Plabennec, Elana un peu à l’arrache, le ballon qui rebondit devant le but vide.
52. Le goal de Plabennec se permet de feinter un attaquant lillois. Narmol.
56. Coup franc côté droit pour Lille suite à une faute sur Sidibé. Martin tire. Et là, gros bordel. Ca tire de partout, je vois même une tentative de ciseau retourné un moment, de la part de de Melo. Au final, cela ne donne rien. Une belle phase de jeu à l’arrache. ‘est repoussé.
62. Roux fauché dans la surface. Moment chaotique. L’arbitre a d’abord pensé à accorder le pénalty avant de changer d’avis. Les Lillois pas contents, ça siffle dans le stade. Et carton jaune pour Roux, alors que le pénalty est indiscutable. Bon. Mettons. Pourquoi pas.
63. Coup franc joué direct par Plabennec. Ne donne rien. Juste après, frappe de Roux déviée en corner.
66. Roux sur la gauche, semble être hors-jeu, passe à de Melo qui la met au fond d’un bout du pied juste devant le gardien. 3-1 pour Lille. Et le fait que ce soit de Melo qui marche fait chaud au coeur.
70. Coup franc tiré de loin pour Plabennec. Non cadré. Payet laisse ensuite sa place à Rodelin, sous les sifflets. Allez, Rodelindinho, éclabousse le match de ton adresse.
73. Corner pour Plabennec. Belle sortie d’Elana.
75. Roux sort, Pedretti rentre. Juste après, cafouillage dans la défense lilloise, rattrapé de justesse.
77. Je reviens, vais pisser.
78. Pisser après avoir avalé un litron de cidre, c’est super marrant. Sinon, une attaque de Plabennec passe pas loin au-dessus.
81. Coup franc sur la gauche pour Lille. Pedretti tire. C’est dégagé.
83. Sidibé qui monte, cherche de Melo. C’est finalement Martin qui hérite du ballon. Mais pas but. Dommage. Sa feinte de frappe était bien.
84. Balmont sort, Klonaridis rentre.
86. C’est marrant, j’ai l’impression que, pour une fois, on n’essaie pas de gérer le match. Pendant ce temps, Klonaridis bute sur le gardien adverse, après une très belle ouverture d’un coéquipier.
89. Crampes du côté des bretons. Quatre minutes de temps additionnel.
90+3. « Le Losc était bien plus fort ». Non. Non, non, non. Les Bretons continuent d’attaquer, malgré le temps qui défile.
Coup de sifflet final. 3 buts à 1 pour Lille. On a gagné, youpi, content. Alors là, c’est le moment où vous vous dites que je vais passer encore un putain de paragraphe à râler sur les joueurs, malgré une victoire par deux buts d’écart. A vous dire que blablabla fin d’un cycle, blablabla triste déchéance, blablabla club malade. Mais de la merde. J’ai pas envie. Je veux dire, tout a déjà été dit, et ça commence à me faire chier de radoter. Allez, on passe aux notes.
LES NOTES:
En fait, non. Même pas de notes. Pas envie non plus. Pour ce coup j’en fais une question de principe. Et même que je vais peut-être m’énerver là-dessus. Et je trouve ça très triste parce que je n’aime pas m’énerver. J’essaie en général de faire preuve de recul, je ne dis pas objectivité mais recul. Ayant demandé à venir dans cette académie parce que je suis supporter de Lille, l’objectivité totale serait impossible en plus d’être un poil hypocrite. Mais le recul, y’a moyen. C’est parfois difficile mais y’a moyen.
Là, je ne note pas. Vous allez me dire, mec, ça fait deux fois. De suite. L’article précédent, t’as fait une tentative en balançant une partie des notes dans les commentaires. En plus t’as loupé un match, sérieusement, m’voyez, régularité tout ça. Je suis d’accord avec vous et dans le même temps je m’en branle. Là, je note pas. Non seulement je n’ai pas envie de noter, mais en plus je ne peux pas les noter. J’ai presque envie de dire: humainement parlant, je ne peux pas les noter. Pour cette fois, je n’ai plus envie d’avoir du recul.
Allez, on va reprendre le style du premier paragraphe, pour au moins une petite phrase. Je me souviens. Je me souviens qu’un jour, le Losc a été champion. Qu’on en a eu l’étoffe. Je ne vais pas prendre la peine de faire une comparaison avec cette saison, vous savez tout comme moi qu’elle est indigne du club, de ses supporters, de la ville qu’il représente, et de ceux qui gagnent leur vie et dépendent financièrement du club. Indigne en effet. On pourrait se dire qu’avec tous ceux qui doivent bosser au stade, tous ceux dont l’emploi gravite de près ou de loin autour du club, les joueurs auraient la pression. Mais en fait non. On a presque l’impression qu’ils en ont rien à foutre. Des employés comme les autres. Pas de différence entre glander sur la pelouse et glander derrière un bureau. Du foot-compta. Oh oui, on est contents d’avoir gagné par deux buts d’écart, trois buts à un, on peut être fiers d’avoir neutralisé l’ogre du Finistère tapi dans sa fange aux cochons nourris au chlore. Vachement fiers. Etre mené par Plabennec et égaliser sur un Csc. Prouesse, prouesse.
Avant, on nous sous-estimait et on était fiers de ça. On déjouait les pronostics. On ne parlait pas de nous, même lorsqu’on gagnait. Mais maintenant ça a changé. Maintenant, on est attendus. Maintenant, on parle de nous parce qu’on perd. On devrait trouver ça dégueulasse. Gueuler sur nos onze sénateurs qui confondent foot et partie de croquet jusqu’à s’en péter les artères. Les pousser. Montrer qu’on est là, pour eux. Se dire que cette fin de cycle pourra se révéler salutaire. Que les réservistes et les juniors pourront monter de grade. Se révéler. Que les anciens -le peu qu’il reste- pourront les encadrer, leur passer le feu sacré, presque. Au lieu de ça, on siffle les rares qui jouent vraiment bien. On siffle, on geint, on se plaint, et on quitte un match avant la fin.
Et vous savez quoi? Si j’avais été au stade contre Nice, et contre Plabennec. J’aurais probablement fait la même chose. Je serais parti, moi aussi, avant la fin. Et contre St-Etienne et contre plein d’autres où l’équipe est retombée une fois de plus dans ces travers dont elle ne se dépêtrera sans doute pas cette année, je serais parti.
C’est vrai, quoi. Etre supporter, c’est bon pour la plèbe.
Bon, de Melo, je suis content qu’il soit revenu, quand même.
ET LE COCKTAIL?
Suce ma bite, prends mon smegma pour te recoller le dentier et va te faire foutre.
Suite à ta disparition pendant 10jours, j’avais pensé que tu avais succombé à l’un de tes cocktails foireux. Maintenant, je comprends mieux, le jeu lillois est aussi gris qu’un jour de janvier & çà commence vraiment à saouler… Heureusement, Kalou est qualifié & ne reviendra pas tout de suite…
Très beau texte. Je suis un supporter récent mais néanmoins l’équipe aussi me soule en ce moment. J’ai pas regardé Plabennec, ni Paris. Je ne regarderais pas contre Lyon.
Mais ce passéisme qu’ont la majorité des vieux supporters lillois en ce moment m’insupporte au plus haut point… on est peut-être pas à notre rang, ventre mou, mais on est pas en L2 comme à l’époque putain. Qu’on vienne pas me dire « ouais mais les joueurs se battaient », même quand c’est le cas quand les résultats suivent pas on se plaint quand même. Je pense surtout que le supporter lillois moyen s’est vu trop beau après tant d’années de misère, et que le titre n’a pas encore été digéré.
On en chie cette saison mais ça reviendra.
L’académie est très belle, notamment du fait qu’elle est personnelle, mais je suis globalement d’accord avec Bouchonix et je suis loin d’en partager le pessimisme.
J’ai vécu les Cygan, Boutoille, Wimbée et consorts. J’ai même vu Lille gagner 1-0 à Gerland avec but de D’Amico et Wimbée qui arrête un péno de Sonny Anderson. Mais à l’époque, chaque victoire était un bonus, on ne s’étonnait pas de perdre. On savait qu’on était mauvais et que la défaite était chose normale. La bonne et longue dynamique qui a suivi nous a menés aux titres, mais c’était pour moi du bonus, j’avais toujours l’impression qu’on luttait contre la relégation. Invariablement, quand je voyais les double-contacts d’Hazard ou les dribles de Gervinho, je pensais à Bakari.
Le club reste un club d’outsider. Seules les infrastructures sont bonnes et récentes (mais on a vu chez d’autres club qu’un stade ne faisait pas gagner une équipe). La culture du club et les finances restent assez moyennes (sans parler de la politique « entertainment » très incertaine et assez court-termiste).
Pour moi, faire une mauvaise saison c’est pas un drame, c’est même un retour aux fondamentaux : humilité, bonne gestion, jeu attrayant, recrutement intelligent.
Le vrai rendez-vous raté, c’est l’Europe. 3 années de suite on n’a pas joué à notre niveau dans les coupes européennes et je ne vois pas comment on pourrait mûrir sans passez ce cap là.