Armageddon, round 13: Stigmergy

 

Economie…

..des forces, tel semble être le nouveau credo madrilène. Loin de ses premiers clasico, Mourinho apprend et de ses échecs émerge une nouvelle approche de l’ogre catalan:

  • Leçon 1: La pauvreté du stimuli

L’ère des stress tests imposés aux catalans est révolue. A dix mètres devant la médiane, la paire Benzema-Ozil effectue un pressing à plat destiné à rabattre la proie vers les flancs. Sous la médiane, le « bloc équipe » s’étale sur 30 mètres et l’ensemble fait figure de marécage. Outre l’économie d’énergie, la manoeuvre installe un faux rythme bientôt synonyme d’impuissance. Symbole de ce pressing Mou, Ozil quitte Benzema pour densifier le socle à mesure que l’adversaire s’enfonce dans la rizière.

  • Leçon 2: Du fort au faible

Relance à droite/ Mandala gauche, l’horloge catalane l’a toujours emporté sur le côté fort madrilène Marcelo-Cristiano même augmenté de Benzema, de Coentro voire Xabi Alonso. Privé de Abidal, Barcelone présente désormais une faille sur le flanc gauche et Mourinho s’invente un nouveau couloir fort. En concentrant les offensives à droite, le Real contrarie le sens de rotation naturel du jeu catalan tout en économisant Cristiano. A l’opposé du jeu, le portugais devient le véritable finisseur du dispositif et s’il manque à l’élaboration des offensives, le boudeur s’économise et peut s’activer à tout moment.

 

  • Leçon 3: Préférer Napoléon à Sun Tzi

La leçon que les madrilènes peinent encore à assimiler. Appelés à intégrer l’armée du vainqueur et former empire, les adversaires des chinois bénéficiaient d’une certaine clémence. Aucune problématique de ce genre dans le cadre d’un clasico et le Real doit définitivement apprendre à achever l’opposant. Tirant une première fois bénéfice de leur tactique, les madrilènes ratent une première occasion à la 12ème (centre de Di Maria repris de volé par un Benzema ayant permuté avec Cristiano), puis une deuxième par Sergio Ramos (18ème, tête sur corner de Ozil) avant -enfin- de trouver le cadre et les filets par Cristiano (Ozil milieu droit initie un mouvement relayé par Khedira et Benzema: 0-1, 23ème.) Dans la minute suivante, Di Maria s’enfonce et sert Benzema qui trouve le poteau tandis que l’argentin reprend hors cadre. Le premier tiers de la rencontre a passé, l’effet de surprise s’estompe, l’adversaire termine son autopoïèse, la leçon doit encore maturer.

Daniel Alves passe à Xavi…

…qui passe à Busquets, qui redonne à Xavi, qui prend appui sur Iniesta; Busquets passe la médiane tandis que Fabregas rejoint Iniesta, qui trouve Messi, qui redonne à Xavi,… de sorte que chaque passe opère comme un pilier, tantôt horizontal, tantôt vertical, et qu’ « au total, les parties de l’édifice successivement construites exercent directement sur l’individu une stimulation spécifique grâce à laquelle le nid non seulement s’édifie, mais affecte une forme à peu près constante et caractéristique de chaque espèce », de l’insecte à l’humaine, pourvu qu’elle soit sociale. Si l’approche autopoïétique de Varela et Maturana a déjà été évoquée pour comprendre l’aspect auto organisationnel du « nid » catalan, le concept de stigmergie élaboré par Pierre-Paul Grassé permet – devant l’avalanche de blessés côté culé- d’enrichir la réflexion.

 

« Ensemble de réactions automatiques qu’exécutent des groupes d’insectes sociaux aboutissant à une oeuvre cohérente exigeant une étroite collaboration entre les actes », la stigmergie définit ici par son auteur à partir de l’observation de colonies de termites avance l’idée que, sous l’action de puissants réactogènes (stimuli privilégiés), une « mémoire de l’espèce » contenue dans l’ADN engendrerait une série d’actes automatiques en guise de réponse adéquate. Loin d’être le résultat d’une coordination de tâches individuelles (systèmes tactiques classiques), ces automatismes ne semblent pas s’opposer à la régulation ni à l’adaptation du comportement aux circonstances (extrême polyvalence des joueurs catalans) tant et si bien qu’ils participent de l’émergence d’un « système régulateur » fort de l’acquisition génétique de réponses exactement adaptées aux stimuli significatifs perçus. Aussi, attendu que la formation catalane repose sur la stimulation du système cognitif sur la base d’exercices d’apprentissage par renforcement, et que, selon Goldberg, « les termites expérimentés (des Charentes ou du Marais) éduquent les termites naïfs de telle sorte que leurs galeries sont parfaites d’emblée », preuve qu’un apprentissage social est possible, peut-on se demander si, plus qu’une stimulation, la formation culée n’ouvre pas une voie d’accès à l’ADN de l’espèce? Ecoutons Bach…

 

Vilanova Junction… 

Gris…Tito est gris et l’équipe se blesse de son absence de bras. Pique, Pouille, Alves fait l’andouille et Adriano charnière avec Mascherano. Ni bras, ni mains, même le pressing, jadis chorégraphie d’araignées sociales convergents vers le ballon-proie, n’est plus. Apogée d’impuissance, les fautes de Fabregas mettent ainsi prématurément fin à la chasse et la Sagrada de Gaudiola retourne en terre quand Busquets et Xavi ravivent la double hélice. Le premier vient former défense à trois en phase de construction tandis que le second hisse l’édifice en compagnie de Iniesta. Le « nid » catalan se caractérise par la construction de Mandala, jadis sur le flanc gauche, récemment dans l’axe, et l’utilisation des couloirs comme autant de lignes de fuite. A droite, Pedro remplace Daniel Alves dans le rôle tandis qu’à gauche, Jordi Alba reste sous la constante menace adverse. Figurant sur l’aile gauche, Fabregas profite de la seconde période pour s’intercaler entre Iniesta et Messi de sorte que, entre 433 et 343, l’édifice peut de nouveau tracer ses mandalas aux portes de la surface adverse. Relançant dans l’axe, les catalans concentrent leurs offensives dans le couloir droit mais souffrent autant dul déchet technique que des absences. Busquets condamné à veiller en défense, Fabregas incorporé au mandala axial, aucun joueur n’offre de solution dans la surface ou côté gauche et, alors que Messi vient de donner l’avantage aux barcelonais sur coup-franc (2-1, 60ème), la sortie de l’ex-gunner pour Alexis résout le problème de finition au détriment de la construction (63ème.) Atone, le Real parvient pourtant à égaliser sur une combinaison couloir droit (Xabi-Ozil-Cristiano, 2-2, 64ème) face à une équipe dont le seul éclair termine sur la transversale de Casillas (Montoya, 87ème.)

 

« En l’absence du puissant stimuli qu’est la reine…

…, le comportement constructeur se manifeste dans sa pureté », et Pierre-Paul Grassé de polémiquer sur le positionnement de Messi. Déjà perceptible l’an passé, le statut fait à la reine oblige le « nid », tant dans la forme que dans les mécanismes de construction. En couple avec Xavi, le duo forme une axe dont l’importance a déjà été évoqué mais, à l’époque, l’argentin connaissait encore l’aile droite. Sédentarisé dans l’axe, son altesse limite les permutations, tend à scléroser la stigmergie et laisse à moins dubitatif. Le Barça entrerait-il dans une période d’involution?

1 thought on “Notre Footballologue analyse Barcelone-Real Madrid (2-2)

  1. Très bon! Moi ce qui me surprend le plus, c’est la différence par rapport aux quatre dernieres années du pressing barcelonais.

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