J’ai essayé de commencer ce bilan pour une fois en avance. Je me disais que peu de nouvelles choses allaient arriver ou du moins rien ne pourrait changer l’ambiance de ce bilan. Comme souvent, je me suis trompé. Je recommence donc. Je vous rassure, ce n’est pas le boxing day qui a modifié ma vision de 2015. Non, je ne suis pas de ceux qui sous prétexte de s’ennuyer dans leur famille, souvent par fainéantise de s’intéresser à des gens chers qui manqueront quand ils ne seront plus là, regardent une journée de foot anglais en rotant le foie gras en se pensant spécialiste de Premier League pour les 6 mois à venir.

 

Non, ce qui a changé la donne, c’est Noël. Je revendique totalement le côté ravi de la crèche, moi qui n’aime pas cette période. Je vomis les courses de Noël et me rends compte de l’inutilité et de la fausseté de nos vies quand je vois les gens se plaindre de la vie difficile en portant des sacs de grands couturiers ou des cartons de jeux toujours plus sophistiqués.

 

Pourtant, ce sont des cadeaux qui ont changé le ton de ce texte. Des choses sur 2015, il y en a tellement à dire, souvent des mauvais souvenirs. J’ai dû me concentrer pour essayer de me souvenir des événements positifs liés au football. Même le Barça et sa grande équipe m’ont paru dérisoires. Spontanément, voici la liste que j’avais mise de côté : FIFA Gate, la guerre de pacotille Le Graët-Thiriez, Belgique N°1 au classement FIFA, le départ ridicule de Bielsa (et les limogeages des entraîneurs en général), le transfert de Martial, Benzema (sex tape et les épisodes de son permis de conduire), le niveau de l’équipe de France, les droits TV stratosphériques du foot anglais et ses transferts grotesques, Chelsea-PSG, les retraites de Trézéguet, Raul, Cissé et Duff, le Barca et France-Allemagne.

 

Peu de réjouissances, pas mal de mélancolies, beaucoup de colères et une tristesse profonde. Tous ces sujets ne peuvent pas être traités dans leur essence au même niveau, par souci d’objectivité d’abord et par décence surtout. La gaudriole n’est pas toujours une raison suffisante pour tout mélanger et user de cette fameuse mauvaise foi aussi salvatrice qu’incendiaire. Et pour la plupart des sujets, rappelons que cela reste du foot. En faire un prisme de la société, c’est une chose, en faire l’unique fenêtre sur celle-ci en est une autre.

 

L’année 2015 n’est pas terminée que 2016 apparaît déjà voilée, ombrageuse, porteuse de craintes qui ne devraient pas exister, pas déjà. J’ai du mal à me dire que l’année sera belle tant la dynamique de 2015 est pesante, négative. D’autres l’ont déjà dit mais l’Euro est presque déjà gâché, il n’y a plus l’insouciance qui fait la frivolité et l’excitation de ces compétitions. A son approche, on essaiera sans doute de se prendre au jeu et si tout se passe bien (autour et dans le jeu), on pourra le prendre comme une belle victoire, on jugera dans un an.

 

Alors maintenant que tout est plombé, on fait quoi ? On retourne aux racines. Il faut toujours se souvenir ce qui fait aimer une personne ou une passion. Le quotidien a tendance à tout lisser et la mémoire est parfois paresseuse à aller chercher les bons souvenirs. Retour aux racines. Des hommes, un ballon, un jeu. Le nôtre. Des joies, des peines, un coup de sifflet. Des émotions. Un champ, une rue, un parking, un stade. Unis. Réunis. Des chants, des cris, des souffles. Du bruit. Des courses, du mouvement, des passes. Rechercher l’autre. Une progression, un enchaînement, un but. Exulter ou pester. Faire le vide, mettre de côté ce qu’il y a de néfaste dans cet environnement pourri. Battre ce qui met en danger cette passion, ne pas en donner une importance plus grande que celle du jeu. Cela peut paraître naïf, simplet, mais c’est un grand bol d’air dont j’ai besoin, de la simplicité et du plaisir.

 

Les deux dernières pages de la BD Hors Jeu de Bilal et Cauvin m’ont réchauffé tant ces portraits décrivent trop bien les déviances et les pollutions de ce sport. Galère Football Club de Molina m’a permis de voir que l’amour pour ce sport de ses galériens n’est pas feint. Mes cadeaux de Noël. Le premier pour toujours sans Moké.

 

 

Frantz-Christophe Van Dustgroski

6 thoughts on “Bilancolique 2015

  1. Très beau texte, même si le policier n’est plus là, continuez à nous faire marrer.

  2. Bon résumé, l’argent tend à nuire au sport, il y a 10 ans, le mec qui sifflait durant une pénalité au rugby était lynché, maintenant c’est quasi la norme, les arbitres sont critiqués…
    Le foot est devenu un sport avec trop d’argent, le foot anglais fait des transferts ridicules où un promu peut recruter dans n’importe quel club en L1 (excepté PSG).
    Le foot amateur va mal, dans bcp de districts, le nombre de division diminue, mais la passion est toujours là pour certain. Ces mêmes joueurs qui jouent sur un champ de patate, prennent des douches froides et qui se font snobés par des mecs qui gagnent des millions.
    Le foot 2016 s’annonce un peu mieux avec ce qui s’est passé en 2015 encore que… le pire est toujours derrière ou devant nous ?!

  3. Nombre de plumes ont tenté de répondre à cette question : le foot, un sport, un art, une imposture, une nécessité ? En vain. La tentative de Franz-Christophe, pour agréable à lire, émouvante et juste qu’elle soit, ne parvient pas vraiment dans sa résonnance sportive à faire mieux que dessiner un panorama lucide de la planète foot. Et en effet, Bilal et Cauvin nous font aussi du bien, ils croquent et polissent avec esprit et dégagement critiques le miroir aux alouettes de notre passion, finalement toujours inexplicable…
    Sans doute parce que le sublime instant,
    au Camp Nou, la percée d’Andrès qui donne à Neymar Jr, lequel talonne dans un paquet de joueurs adverses pour Lionel surgi de nulle part qui feint la frappe, fait plonger le gardien à droite et n’a plus qu’à pousser de l’extérieur du gauche dans une cage vide,
    ou sur ce chemin de terre, l’aile de pigeon qui propulse la boîte de conserve dans un pot de chambre rouillé et donne la banane ultra brite à cinq gamins chétifs aux pieds nus et ensanglantés,
    cet indicible moment de grâce donc, universellement ressenti, peut bien émerger d’un marigot d’obscénités insupportables à toute raison raisonnante, qu’il en restera immuablement beau comme un soleil spectral et coloré irisant l’horizon jusqu’à la nuit, infiniment !

  4. Bien dit Tony, et que l’on pourrait résumer par un « mets la au fond !! » qui résume parfaitement notre besoin de plaisir !!

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