Fin… dans un « certain temps »
Notre footballologue dit tout le bien qu’il pense de l’adoption du fair play financier

« A sa place, vous aussi, vous auriez quelque chose contre les Auvergnats… »
En 1971, Nicolas Sarkozy et Michel Platini avaient 16 ans, Brice Hortefeux 13, et la France swinguait sur les Poppys. De cette période, nos deux présidents ont retenu que l’on pouvait devenir riche et célèbre en chantant que rien ne changerait…tandis que Brice pestait dans l’ombre du leader au teint plus que vaguement auvergnat (retrouvez Brice sur la vidéo…en 1’18 et 2’42). Aussi, près de 40 ans plus tard, forts de cette leçon, et tandis qu’un « tsunami financier » s’abat sur le monde civilisé, nos deux poppyes avariés tiennent la tribune sur l’air de leurs jeunes années…pendant que Brice renvoie en l’air.
Platini convoquant l’ECA pour imposer son projet de « fair-play » financier en réaction aux « victoires à crédit », c’est un peu comme Sarkozy réunissant le G20 « en urgence » pour « moraliser le capitalisme. » Ça permet de faire pleins de phrases commençant par « je », pleins de verbes de pleins d’actions, rassurer tout le monde et…ne rien changer.
Michel Seydoux, président d’un LOSC futur grand-stadé mais en attendant très limité économiquement, wengérise l’incontournabilité de la DNCG européenne proposée par Platini. « Incontournabilité » se dit « inéluctabilité » en français et Seydoux a beau jeu d’utiliser Platini pour éviter une Super Ligue à laquelle le LOSC n’aurait pas les moyens d’appartenir…du moins à court terme. Car si l’entretien accordé par le frère du Seydoux de l’OL à la Voix du Nord a pour objet de fustiger l’endettement de l’adversaire valencien (100 millions d’euros de déficit, 500 millions d’euros de dettes), force est de constater que Valence se refera « inéluctablement » la cerise en Super Ligue, puisque « incontournable » en Liga.
Du reste, qu’est-ce que le projet Platini dit de « fair-play financier » ?
Objectif :
Equilibre budgétaire exigé sous 3 ans.
Examen des comptes des clubs par l’UEFA dès 2012-2013.
Limiter la taille des effectifs.
Encadrement tarifaire des transferts et des salaires.
Sanctions :
Exclusion de toutes les compétitions européennes
(certainement) Interdiction de recrutement (dispensée récemment par la FIFA à Chelsea)
« 100 clubs de l’ECA auraient signé »…qui ? Le LOSC ? Les pays de l’Est ? Les clubs formateurs ? L’AJAX ? A Londres, les pays africains « conviés » à la fête moralisatrice du G20 avaient également été les premiers à signer les déclarations de bonnes intentions, espérant ne plus prendre de « main invisible » dans la tronche. Un an plus tard, Barroso signe également les procès verbaux de sa réélection à la tête de l’Union de l’Europe Néo-Libérale. Et Paul Pogba, 16 ans, a lui aussi signé…un contrat à 20 000 euros par mois pour Manchester dès ses 17 ans. Le manager sportif du Havre, qui proposait 5 000 euros par mois, explique que son poulain a été « conditionné » car « il y a de telles sommes en jeu. » Incontournable moralisation de l’inéluctable conditionnement…fumisterie rhétorique masquant l’énorme usine à gaz financière continuant à tourner grâce au contribuable. Car cela tourne encore, la morale n’a dans cette affaire qu’une et unique fonction : gagner du temps.
Time is money…cliché du yuppie en bretelles dominant Manhattan, le vieil adage des années 80 a le fil d’or solide. Acculés il y a un an, traders et banquiers acquiesçaient également, pourvu que les Etats renflouent leurs cagnottes. Le projet de Super Ligue nécessitant encore quelques ajustements structurels (équipements en grands stades, définition d’un projet économico sportif acceptable par tous,…) et culturels (maturité du supporter « européanisé », contexte de méfiance né de la « crise », supra nationalité,…), l’Europe des « grands clubs » se doit d’être patiente tandis que les PME-PMI footballistiques espèrent bien crédibiliser leur candidature (aspirants au 4ème ticket français : LOSC, Stade Rennais et…Le Mans, via le projet politique du Grand Paris).
L’UEFA, dont la gestion est plus opaque que la lucarne arrière des chiottes d’un vestiaire de DH, désire avoir accès aux comptes, par exemple, d’Arsenal, aux « montages financiers » estampillés Deloitte & Touche. La banque européenne du football rechignerait-elle à payer les services d’un cabinet de consulting lui expliquant les nouveautés en matière d’évasion fiscale ? Ou alors, enragerait-elle de sentir qu’une partie du magot lui passe sous le nez ? Il est vrai que cautionner les Clearstream personnels des pseudo mécènes des « grands clubs » sans en toucher une partie doit être frustrant…surtout pour un banquier suisse. Mais peu importe, puisque tout ceci prendra « un certain temps. »
« Combien de temps met le fût du canon pour se refroidir lorsque l’obus est sorti du fût ? »
Jean-Luc Dehaene, futur président du « panel indépendant » chargé de sanctionner les vilains clubs, connaît sans doute la réponse. Une wikibio suffit à trouver en l’homme politique belge la caution morale adéquate à ce genre de projet. « Européen convaincu », comprenez libéral chrétien de confession, l’homme politique belge, autrefois vice-président de la Convention Européenne, fit partie de la promotion Bilderberg 1994 (3), et « think » depuis dans un « tank » baptisé Les Amis de l’Europe. De quoi rassurer l’oligarchie, soumise au jugement d’un fidèle zélateur du système néo-libéral qui l’a vue naître. N’ayez pas peur, oligarques, signez le projet Platini, « tonton » Jean-Luc connaît son Fernand Reynaud par cœur : tout cela prendra « un certain temps. » (4)
En effet, les « plus de 100 clubs », dont le Bayern du président de l’ECA Karl-Heinz Rummenigge, ont tous plébiscité le projet…préférant toutefois substituer à l’impératif d’équilibre sous 3 ans la tournure « un certain temps. » Du reste, en cas de sanction de l’UEFA, les clubs pourraient faire appel, ce qui suspendrait « un certain temps » une sanction qu’un tribunal européen jugerait « forcément » contraire au « droit européen. » Un « certain temps » de délai nécessaire pour peaufiner la future Super Ligue.
Et pour les plus dubitatifs, citations du roi de la feuille morte :
« Grâce à l’approche prospective en faveur de l’élaboration de ces mesures adoptée par tous les acteurs concernés (…) » =
Ca vous plaît ? C’est moi qui l’ai fait !!! (Mais pas qui l’ai écrit)
« (…) c’est-à-dire les fédérations nationales, les ligues, les joueurs et en particulier les clubs, (…) » =
suis en VIP chez tous les ploucs du village, c’est moi le maire !
« (…) nous sommes tous tombés d’accord (…) ». =
Tout le monde avait intérêt à…
« (…) Le principe a maintenant été validé et c’est une avancée majeure (…) ». =
…dire qu’on ne peut pas continuer comme cela.
« (…) A présent, nous devrons travailler dur dans les mois à venir pour mettre en place tous les détails importants (…) » =
Donc tout le monde va réfléchir à un nouveau modèle plein de « détails importants » du genre les dates, les chiffres, la position du Real et des clubs anglais, …du genre qui vous font une Ligue des 4 Champions nationaux permanents issus des « grands championnats européens », énième formule de la Ligue du Champion de l’Oxymoron…du genre du « certain temps », nécessaire à l’UEFA pour boucler sa nouvelle offre et parvenir à maintenir son emprise sur le veau aux œufs d’argiles.
Bref, « un certain temps »… Fernand Raynaud en avait fait un sketch… Sarkozy, le fondement de sa croisade de moralisation…l’UEFA, un principe de « fair play. »
Le temps d’écouter pérorer les Poppys.
A se focaliser sur ce que Sarkozy et Villepin en ont fait, on oublie que l’Affaire Clearstream met à jour une des plus grandes blanchisseries financières mondiales, localisée dans le paradis fiscal luxembourgeois. Hommage à l’obstination de Denis Robert, journaliste ayant payé plus que de raison.