Velaine-en-Haye, an 18 après PC.

[Si ces histoires t’emmerdent, ça se passe par ici pour toi.]

Dans son fringant manteau, le lieutenant Faisan parcourt les locaux flambant neufs du centre de formation France – Grand Est – Benoît Pedretti. À l’extrémité d’un large corridor bien éclairé garni des anciens logos de l’ASNL, de portraits glorieux des anciens joueurs emblématiques du club (n’est-ce pas un peu exagéré d’y faire figurer Karim Coulibaly ?) et de reproductions stylisées des trophées du club en ferronnerie de l’École de Nancy, Faisan se plante torse bombé devant une porte en chêne arborant une plaque cuivrée du plus bel effet : « Vincent Hognon, Ami suprême ». D’une succession de coups secs et virils, il signale sa présence à son entraîneur et sans attendre la moindre autorisation, caracole avec un air triomphal dans le bureau de son supérieur. Ce qu’il découvre alors fige instantanément son bel enthousiasme.

Dans la gigantesque pièce que Vincent Hognon s’est fait concevoir du sol au plafond avec l’aide d’un ergonome de l’État, d’un acousticien et d’un physiologue assermenté, tout est démoli sans retour. Nulle fantaisie mobilière n’a résisté à la folie destructrice du vieil entraîneur, nulle tenture n’a survécu aux flammes. Les peintures, qui finissaient à peine de sécher, sont toutes irrémédiablement souillées (par de la merde, semble-t-il à Faisan), les plâtres intégralement réduits en poussière. Même l’imposant bureau en épicéa des Vosges marqueté aux couleurs du club choisi par Vincent en personne chez un prestigieux artisan a été réduit à l’état de planches tout juste bonnes pour le poêle. Seul un fauteuil à franges dorées luxueux a échappé aux  coups. Comme pour bien montrer que le confort de son cul prime sur le reste, Vincent y est d’ailleurs affalé silencieux, l’air las ; les quelques cheveux lui restant sont blanchis par la poussière du plâtre, ce qui vieillit davantage sa figure creusée.

« Entrez », prononce le vénérable Ami d’une voix absente. Se plaçant devant le regard fixe de son supérieur, le lieutenant Faisan tente d’obtenir un début d’explication en manifestant sa présence. Il s’agite, hébété, mais le vandale n’a pas un mot pour lui. Alors n’y tenant plus, Faisan se décide enfin à demander :

« Que s’est-il passé ? »

N’obtenant pas de réponse, Faisan s’enquiert de l’état du bureau d’artisan. Un vrai désastre.

« Qu’avez vous fait… » murmure-t-il comme pour lui-même.
-J’ai réussi, répond soudain Vincent Hognon, toujours enfoncé dans son épais fauteuil de velours. La Fête de la Promotion a eu lieu. C’était même plutôt un succès, en dépit des attentes que chacun nourrissait…
-Ceci, le coupe soudain Faisan avec un dépit et une colère mêlés, tout ceci ne vous a été offert que pour vous en féliciter ! Et pour saluer les efforts colossaux que vous avez déployés pendant de longues années afin de l’organiser. N’avez vous donc aucune gratitude envers ceux qui vous ont suivi fidèlement tout ce temps ?
-Ne ramenez donc pas tout ça à vous, Faisan. Vous ne comprenez pas.
-Je ne comprends que trop bien, tonne Faisan. Je comprends à quel point derrière l’apparence du sacerdoce quel égoïste vous êtes ! Je comprends que vous ne vous complaisez que dans le déni et les ruines. Et je saisis parfaitement, sans grand besoin de ramener cela à quoi que ce soit, quel intérêt vous avez finalement à rester à la tête de cette équipe. Vous voulez le pouvoir et rien d’autre ! Vous ne serez satisfait que lorsque votre autorité aura écrasé toute autre chose, tous les rouages les plus honorables de ce club. Voilà pourquoi vous ne pouvez tolérer ni l’injection des capitaux de l’État, ni le réinvestissement du président-lézard.
-Eh bien, dit Vincent après un temps ayant paru interminable à son lieutenant, c’est presque vrai. Je ne serai jamais pleinement comblé par une situation dans laquelle je n’ai pas une totale liberté d’action. Mais ce n’est pas là l’important, Faisan. Ne voyez-vous pas le sens de tout ça ?
D’un geste circulaire de la main, Vincent Hognon désigne les dégâts qu’il a provoqués.
-La fête passée, rien n’a plus aucun sens. Tout le labeur accumulé en vue de sa réalisation a été dilapidé en une fois et maintenant nous sommes tous vides, moi le premier. Nous ne mobiliserons plus jamais les joueurs après une telle débauche. Je veux revenir aux sources de l’effort. Saisir dans un nouveau geste ce que doit être le travail d’un vrai coach passe par ce tabula rasa. »

Faisan a laissé sa colère fondre en un profond désagrément. Sa tristesse est si grande qu’il se sent tout à coup ridicule dans ce manteau tapageur trop grand pour lui, son pantalon à pince et ses bottines luisantes. D’un ton désenchanté, il demande à son coach :

« Vous devez vous sentir prêt à déplacer les montagnes, désormais ?
-Pas du tout, bien au contraire. Je peux même vous annoncer que ma démarche est pour l’instant un échec complet. Je ne ressens toujours pas la moindre envie de diriger mon équipe.
-Mais comment est-ce possible ?
Se levant soudain et venant toiser d’un regard menaçant un Faisan effrayé, Hognon répond :
-Vous ne voyez pas ? Ce qui a été détruit ici ne saurait en rien se substituer à l’authentique destruction du football. Vous savez très bien de quoi je parle, et vous savez encore mieux que tout ce merdier ne venait pas de moi. C’est d’ailleurs pour cela que je vous ai fait venir.
-Je ne saisis pas…
-Durant toutes les missions de scouting que je vous ai confiées, vous n’avez pu ignorer le problème. Et je n’envisage pas un instant que vous doutiez de quel problème je veux parler. C’est exactement de cela que nous devons nous entretenir. Je veux que vous m’aidiez à en revenir aux sources historiques inébranlables de nos malheurs. Je veux que vous me parliez de ce qui a provoqué le cataclysme. Je veux que vous me parliez du Corréisme ».


LA JEUNESSE EST UN NAUFRAGE.


Pourquoi encore ce maudit 4-2-3-1, Vincent ? POURQUOI ?


LE MATCH en live mais seulement si c’est drôle.

-45 Geoffrey Cuffaut est donc annoncé ailier droit sur la feuille de match, c’est une petite révolution dans le Landerneau technico-tactique puisque ce bon bougre était probablement le meilleur homme à son poste ces derniers temps (voir notre meilleur joueur). On se demande donc bien pourquoi il va se retrouver dans une galère qui n’est pas faite pour lui.

-5 En quarante minutes, l’information tactique sus-mentionnée m’a poussé dans le doute au point que je me demande si je sais encore écrire.

1 Test, un deux un deux…Nancy engage.

5 D’emblée, on échange poliment de longs et lourds ballons dépourvus de sens.

7 Oh la Cuff’ qui se lance dans son premier rush sauvage ! Ce qui lui permet d’obtenir un bon coup-franc. Bassi, habituellement poli, queute complètement son coup de pied.

12 On presse beaucoup trop haut et mal pour gagner des ballons, ce qui devrait avancer notre habituel effondrement physique à la trentième minute du match.

16 On s’excite sur ce premier tir de Dembélé qui est en fait hors-cadre, mais c’est suivi d’exactement la même chose côté bourguignon. Ce léger ascenseur émotianal pour vous réveiller un poil.

28 Nouveau tir dangereux de peu à côté pour Auxerre, après un une-deux très propre qui a sali toute notre défense.

35 Au milieu de cette soupe de football, Bassi surnage tel le pain sec. Bientôt imbibé, on attend le moment où il sera absorbé comme les autres.

41 Le premier arrêt de Jourdren sur une frappe enroulée sans âme fait suite à une perte de balle au milieu de terrain. Ça va un peu trop vite pour nos chardons.

42 Seconde touche de balle pour l’idiot du village, qui consiste en aller la chercher au fond de ses filets suite à un contre rondement mené de la part de nos hôtes. On notera l’utilisation savante du L2 + triangle bien connu des amateurs de PES qui s’ajoute à un dézonage total de la défense tout aussi bien connu des mêmes. 1-0.

45 Du coup Auxerre joue relâché et enchaîne les tirs et les situations. Bordel.

Mi-temps. On va regarder le challenge des U-9 de Chartres avec délectation, on verra certainement un peu de foot ce soir.

48 Déjà deux tirs auxerrois en deuxième période : un arrêté, un hors-cadre. ET EN VOILÀ ENCORE UN ; CALMEZ-VOUS S’IL VOUS EN PLAÎT MESSIEURS.

54 Et nous ne trouvons ici rien de plus approprié pour décrire l’occasion présente que : la grosse chatte. La défense se fait une nouvelle fois démolir par une action collective spéciale « hommage à Gui Roux », le tir est repoussé par le poteau, puis l’attaquant ayant le but vide devant lui décide que non, c’est trop facile, et fout son tir à côté.

58 Les plus qu’inutiles Clément et Busin sont invités à céder leurs places respectives à deux légendes du club (l’une est en devenir, mais on s’en fout) : Benoît Pedretti qui a fini de donner des leçons de tactique vidéo à Vincent Hognon et Youssouuuuuuuuf Hadjiiiiiiiiiii.

62 Notre défense se fait encore bouffer en vitesse, mais on ne voit pas le problème puisqu’en face soit ils sont maladroits, soit ils tombent sur Jourdren, ce que des langues mauvaises qualifieraient d’encore plus maladroit.

69 Un tir du Ped est capté, quel frisson.

72 Dembélé a une fenêtre de tir, il s’empresse de tirer dans celle d’à côté.

77 Et voici encore une transition parfaitement gérée, au point que l’on passe d’une attaque placée au terme de laquelle on ne frappe même pas à un corner pour Auxerre.

78 Robic est appelé à la rescousse pour mettre un terme à l’expérience (malheureuse) Cuffaut.

81 Dembélé continue de ne strictement rien cadrer, même quand il récupère par miracle un ballon face au but adverse, seul à onze mètres de celui-ci. La formation maison, frère de son frère.

92 Cette fois il cadre ce con, mais c’est le moment que choisit le gardien pour sortir l’arrêt du match.

93 MAIS OUI MON MALALY TU L’AS MIS TON BUT. Sur le corner qui suit, Ben Ped adresse un corner parfait dans les 6 mètres, Dembélé est complètement seul alors pourquoi pas égaliser, mieux vaut tard que jamais.

1-1, score final.


LES NOTES.

Jourdren 2/5 Sans jamais avoir commencé, ses performances ne parviennent pas à achever de nous convaincre de sa pertinence dans nos bois. Je ne parle pas de son intelligence. S’il pouvait au moins se raser, histoire de ne pas donner l’impression qu’il sort d’une biture…

Cétout 2/5 Forcément avec le coup tactique de monter Cuffaut d’un cran, il fallait s’attendre à revoir ce sympathique trublion du football ressortir sa tête de car-en-sac.

Saint-Ruf 2/5 Le plus mobile des deux supertankers à roulettes qui nous servaient de centraux pour ce match, et il a réussi à se faire prendre de vitesse quasiment à chaque contre.

Yahia 1/5 À côté de son copain, lui a la pointe de vitesse d’un menhir et l’embonpoint d’un bandit manchot un jour de pluie à Deauville. Pour les duels aériens ça a son utilité mais quand ça joue au sol, on écrit à son député pour qu’il pose la question de l’euthanasie à l’assemblée.

Badila 2/5 Jumelé avec la honte, en couple avec la lâcheté, partageant un pourcentage pas négligeable du code génétique de la veulerie, on ne le voit qu’au moment de plisser le front comme pour s’excuser d’exister après une relance calamiteuse ou un débordement adverse où il a perdu encore un peu de sa dignité.

Clément 1/5 La santé au beau fixe des transferts entre Saint-Étienne et Nancy encore illustrée aujourd’hui. On a réussi à se débarrasser du petit nerveux collant, voilà qu’il faut se fader son tonton cacochyme pas foutu de mettre un pied devant l’autre. Vous ne préféreriez pas vivre la lose de Ligain plutôt que la lose de Ligue d’Eux ?

Abergel 3/5 Monsieur Bonhomme est un sacré bonhomme, et aussi un sacré monsieur.

Bassi 4/5 Il semblerait que la hype ne retombe pas. Tout s’éclaire à chacune de ses touches de balles, et son corps de lémurien ne semble pas un obstacle. Faudrait juste reprendre un peu le boulot sur les coups de pied arrêtés, sauf si Pedretti redevient titulaire.

Cuffaut 2/5 Riche idée, sur la base de sa forme physique à la hauteur (seul organisme de l’équipe apte à l’exercice), de le placer dans un registre plus technique où sa puissance de 3000 chevaux-vapeur n’a plus aucune utilité. On verra quand il y aura des espaces.

Busin 1/5 Je demande solennellement à Jacques Rousselot de faire jouer ses contacts parmi les commerçants de Nancy pour qu’on offre dès cette semaine un poste au Footlocker de la rue Saint-Jean à ce jeune handicapé moteur. Comme ça il ne nous embêtera plus, et sa fiche de poste contiendra toujours le mot « foot ».

Dembélé 3/5 Le festival des ratés de l’interzone n’a que trop duré, et il a fini par être payé de tous ses efforts. Mais bordel, avec un peu moins de précipitation et un poil plus de talent, on repartait vainqueurs avec trois buts d’avance (même constat pour nos adversaires).

REMPLAÇANTS.

Hadji NN Eh bien oui, ça marche bien avec deux pointes.

Pedretti NN Le chef.

Robic NN Je ne sais pas.

NOTE ARTISTIQUE DE L’ÉQUIPE 3/5.

Il nous fallait un mental ? On l’a trouvé. Pour ce match. En dépit des lacunes rédhibitoires qui ont bien failli nous coûter un naufrage total (cette charnière centrale à vapeur, mon dieu), on a vu des Lorrains s’énerver et courir jusqu’à la fin du match. Parfois le nez en l’air sans trop savoir où ils allaient, souvent juste par politesse, mais au final, cela a été récompensé.

Ça fait bizarre, aussi, de voir une équipe qui a un vrai style en face de toi. Cela rappelle à quel point ton équipe ne manque pas seulement de couilles, de finesse, d’intelligence ou de talent, mais souffre surtout d’un cruel défaut d’identité. Si ces jeunes gens pouvaient avoir l’esprit gouroutisé par quelque savant footballistique comme la vie en produit peu, une chance infime qu’ils commencent à tirer tous dans le même sens se produirait (sauf pour Julien Cétout, mais il n’a toujours pas compris que le football était un sport collectif, aussi laissons-le s’amuser dans son coin).

On en reverra, des matchs comme ça ? C’est peut-être un peu audacieux de le dire, mais en l’état et vu le nombre de promesses (non tenues dans les prochaines semaines, on le sait tous) qu’il contenait, on l’espère.

Marcel Picon.

2 thoughts on “Auxerre-Nancy (1-1) : La Chardon à Cran Académie progresse.

  1. J’aime beaucoup le style romancé, du coup, forcément, j’aime beaucoup vos Acads… Quel dommage que vous persistiez à soutenir ce club en bois… On aurait pu faire de vous quelqu’un de bien.

    Un mot sur l’idée de faire table rase… Si je comprends, c’est repartir de zéro… Cela tombe bien, c’est l’état de votre équipe.

    Sinon, pour le bureau de Hognon, ce goût pour la merde, c’est ça que vous appelez « L’Art Nouveau » à Nancy ? Je comprends mieux…

    (Ce message est violent, mais c’est dans ma nature, je ne peux pas simplement féliciter un fan de l’AsAnal…).

    1. Mais je vous en prie, venant de vous c’est bien normal [votre équipe vient de battre le record de série de vincibilité à domicile en Ligain : 8 défaites] !

      La matière fécale peut effectivement être ajoutée à la liste des matériaux de bases de l’École de Nancy [et Denis Balbir à celle de Metz],

      Bien à vous, monsieur Gras.

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