Le Stagaiaire a vu 3 Zéros
Il a adoré

Coucou, c’est moi, le Stagaiaire Autiste !
J’étais en réunion samedi dernier (le 19/08 ndsr) avec le rédac chef pour valider mon nouveau projet. Il s’épilait les mollets.
-Chef, depuis le départ de Marinette Picon-Bière, notre ligne éditoriale déserte le football pratiqué par les femmes… et les hommes aussi.
-Oui, j’ai d’autres plans pour le site…
La jambe étendue sur le bureau, il finalisait soigneusement à la pince à épiler le mollet gauche, laissant le droit baigner dans un seau rempli d’huile d’avocat.
-Et de jojoba ! Mes mollets seront aussi doux qu’un cul de bébé.
-On est complètement passés à côté de la Coupe du Monde féminine !
-Ça va, on n’est pas pressés, c’est dans un an…
-Ça a commencé le mois dernier.
-Merde… Je m’excuse. On a le temps de voir à partir des quarts alors…
-La finale est demain.
-Merde ! Je m’excuse. Ça va faire juste pour t’envoyer aux Etats-Unis maintenant.
-C’est en Australie et en Nouvelle-Zélande.
-Merde à la fin ! Je m’excuse. Fais ton article sur le foot féminin, j’ai confiance en toi. Et ferme la porte en partant, j’épile tout. Reviens dans deux heures m’aider pour le SIF veux-tu.
Je me levai, tout content du soutien de mon mentor pour écrire sur un film de football.
-Un film ? Quel film ? Le biopic sur Marinette ? C’est une excellente idée, je l’adore ! Elle a tellement fait pour populariser le football féminin. Avec Aimé Jacquet, on leur doit tellement.
– Fabien Onteniente aussi.
-Pardon ?!
-000
-…
C’est parti ! Hola, hola, le stade est rempli, ouaiis, les supporters font la ola, olé olé, motivation, motivation !

Pourquoi ce film ? Car il est à mes yeux le plus grand jamais réalisé sur le football féminin.
Fabien Onteniente est un réalisateur engagé, visionnaire, et il est évident que 3-0 a servi de base de travail à la fédération française pour faire progresser le football féminin.
Synopsis : L’équipe féminine d’Arpajon est mal embarquée. Avant-dernière du championnat et en conflit avec la mairie, Sylvie l’entraineuse-gardienne est désemparée. Elle compte sur l’arrivée surprise de son frère, Alain, agent et grand connaisseur du football brésilien, pour sauver l’équipe. Les prises de positions tactiques et les choix forts d’Alain permettront-ils d’assurer le maintien ? Sylvie saura-t-elle se remettre en question pour le bien de l’équipe ?
Attention, le film et cet article sont interdits aux moins de 18 ans.

Premier coup tactique de Fabien, le film s’ouvre sur l’intrigue secondaire et une partie de football en prison. Tibor, un petit blond, mène en métronome son équipe sous le regard amical et intéressé de son codétenu et futur agent, Manu, un gros badabeu.
Fabien nous boxe la glotte
Une fois libérés, tout va très vite dans la réinsertion pour nos deux loustics. Tibor, un temps promis à Laval, signe finalement au PSG ! Cette histoire est certes moins intéressante, normal elle est là pour meubler, mais elle offre quelques images d’archives sympathiques.
Notamment le Parc des Princes avec de l’ambiance.

Et présente des personnages truculents comme le président du PSG, un homme ambitieux, dépensier et dépassé, joué par Wladimir Yordanoff.

Fabien brocarde avec brio les coulisses du foot business chez les hommes avant de venir au sujet principal du film : le football féminin à Arpajon, qui fait grise mine.
Oui les femmes d’Arpajon ne sont guère radieuses. Le club est fauché et très mal engagé en championnat.
Classée 9e sur 10 en championnat, son avenir est compromis par la mairie qui espère une descente pour sucrer la subvention au profit du club de tricot.
Et sans subvention, le club disparaît !
Fabien nous boxe la glotte avec la question suivante :
Sans moyens financiers et sans soutien politique, comment développer le football féminin ?
C’est un appel fort à la classe politique et aux investisseurs de se bouger.
Est-ce un hasard si Jean-Michel Aulas lance la section féminine professionnelle de l’OL en 2004 après avoir vu le film ?
Elles puent du cul comme vous et moi et ELLES-SE-LAVENT !
Petite accélération de Fabien qui nous emmène sous la douche pour la scène suivante. Ma préférée !

Nous entrons dans l’intimité du vestiaire, où Fabien insiste sur la camaraderie, l’hygiène et balaie un tabou. Oui messieurs, les femmes chantent sous la douche, elles s’amusent, font du sport, transpirent, elles puent du cul comme vous et moi et ELLES-SE-LAVENT ! Ça vous dérange mais c’est comme ça. L’hygiène est très importante à mes yeux, et j’espère que certaines personnes comprendront le message chez Horsjeu.

Hélas, ce moment de grâce d’élimination microbienne partagé dans la bonne humeur est interrompu par Sylvie, seule, sale, vêtue, tendue :
« Ça rigole ! Ça pour rigoler ! Mais Je vous préviens les filles, il va falloir qu’on parle sérieusement. Il y a un très gros problème en défense.
Là, personne !
Et si on continue comme ça, on va au-devant de très grandes déconvenues. »
C’est décousu mais l’hommage rendu à Aimé Jacquet redonne force et cohérence à l’ensemble du propos.

La réunion de crise initiée dans la douche se poursuit plus tard à la pizzéria/bar de Ticky Holgado, le mari de Sylvie.

Sylvie répète ce que tout le monde sait sur les finances et l’avenir incertain du club. Elle plombe l’ambiance et apparaît sans solutions.
Pour les plus observateurs, vous remarquerez le sponsor maillot OMO. Il s’agit d’une marque de lessive, avec pour slogan : Omo est là, la saleté s’en va. (Sauf Frigide Barjot)

Le message est clair et subtilement amené : Laver les corps, cf. scène de la douche, d’accord, mais ne négligez pas les vêtements pour vous débarrasser des germes indésirables et sentir encore meilleur.
« On a encore pris 6 buts avant-hier. Je ne sais plus quoi vous dire. Il y a vraiment un très gros problème en défense.
Fabienne, je te demande de muscler ton jeu.
Sonia à quoi tu penses, t’es amoureuse ou quoi ?
-Oui. »
Fabien aborde pudiquement la sexualité des joueuses, on ne sait pas de qui Sonia est amoureuse, mais elle répond à la question devant le groupe, sans tabou.
Le football féminin est d’ailleurs plus ouvert sur ces questions, les joueuses discutent et affichent plus librement leurs relations et orientations, comme dernièrement Quinn joueur/joueuse du Canada.
Les hommes pénètrent massivement les femmes.
Sonia est amoureuse, et maintenant place au tableau noir pour le numéro d’impro d’Isabelle Nanty.

« On quadrille, on récupère, on progresse ! »
Et on marque contre son camp ?
On pourrait croire à de la négligence de laisser Isabelle Nanty en roue libre avec pour seule directive de rendre hommage à Aimé Jacquet.
Mais pas du tout, la réalisation est loin d’être bâclée, ce n’est pas le style Onteniente. L’incohérence des propos de Sylvie permet d’exprimer sa personnalité torturée, nous comprenons qu’elle est dépassée par les évènements, perdue dans sa vie de gardienne, d’entraîneuse, de couple, de femme (Ticky boit beaucoup et il préfère le vélo).
Sylvie ne serait-elle pas trop chargée mentalement comme son 2-4-4 ?
Les doutes sur ses compétences deviennent sérieux à ce stade du film.
Fabien remet plus généralement en question le niveau de l’encadrement des féminines.
Comment progresser tactiquement, techniquement et physiquement si l’entraîneur ou entraîneuse n’est pas qualifié ?
Dire qu’il y a des gros problèmes de défenses d’accord, mais quelles sont les solutions et démarches pédagogiques mises en place ? Quelles sont les bases de Sylvie, sa formation, ses connaissances du jeu ?
On ne sait pas, et il est temps pour Alain de secourir sa sœur en difficulté.

« Je pense que Mademoiselle qui joue arrière droit devrait permuter avec mademoiselle qui joue arrière gauche, et ça devrait rééquilibrer la défense. »
C’est beau comme du Génésio.
« C’est vrai que moi je suis gauchère, j’ai jamais compris pourquoi je jouais à droite.
-Et moi j’ai toujours été droitière (très très droitière même) »
Fabien lance un appel clair à l’interopérabilité des footballs au sein d’un processus synergique transverse pour faciliter un échangisme vertueux intersexuel. Les hommes pénètrent massivement les femmes. Aux femmes de pénétrer les hommes et tirer tout le monde vers le haut.
Ce partage de compétences se développent et accompagnent la professionnalisation du football féminin. Les transfuges de tocards chez les femmes n’est plus la règle, et des femmes parviennent progressivement à s’installer à des postes clés au sein des équipes masculines.
Certaines ont même eu le pouvoir en tant que présidentes/propriétaires comme Rosella Sensi à l’AS Rome, Margarita Louis Dreyfus à l’OM, Rebecca Welton à l’AFC Richmond ou Katharina Liebherr à Southampton.
Quant à une femme entraineuse d’un grand club ou à la tête d’une grande sélection masculine, nous y arriverons bientôt !

« Il faut du sang neuf, Il reste trois matchs pour nous sauver. »
Sylvie propose à Alain un challenge Kombouaré/Dupraz qu’il ne peut pas refuser. Nous nous retrouvons dans la foulée à Gousseville pour la première finale.

Sylvie fait la tronche, elle est remplaçante. Et la seule en plus, Alain prend des risques.

Arpajon gagne mais Sylvie encaisse moins bien son déclassement que les 34 buts des 3 derniers matchs. Que voulez-vous, les femmes aussi ont de l’égo !
En plus Clara, la nouvelle gardienne, a arrêté 3 pénos. Il y a un gros problème de défense pour concéder autant de pénalty.
« J’en fais autant, les pénos c’est une chance sur deux, elle a plongé 3 fois du bon côté, elle a de la chatte, c’est tout »
C’est maintenant clair que Sylvie est nulle. Elle est le maillon faible de l’équipe. Fabien pose habilement le sujet du niveau des gardiennes sur la table.

Rendez-vous au Stade de la Génisse pour le dernier match de la saison. Il manque mystérieusement la deuxième finale. Fabien, si tu nous lis, nous aimerions savoir pourquoi.

Ça attaque en bloc équipe très compact chez les bouchères (ovalie ?).

Ça défend en bloc équipe compact chez les Arpajonnaises. La formation en V des oiseaux migrateurs est peut-être une consigne d’Alain pour résoudre ce problème de défense, mais ça recule trop !
Pendant ce temps-là, le Président du PSG tient une conférence de presse la veille de la finale de la LDC pour annoncer son départ. Ce qui semble en toucher une sans faire bouger l’autre à Thierry Roland…hin…hin…hinhin…hinhinhin…

Laurent Paganelli, brushing impeccable, est au fond, il ne prend pas de notes. Devant lui, Pierre Ménès bougonne. Son ghost est en retard, il doit faire le travail lui-même.

Le réalisme de cette conférence de presse est tel qu’un comédien va même poser une question crétine en jouant super bien l’abruti :

« Tibor, tout d’abord bravo, il y a 3 mois, vous étiez inconnu. Vous voilà à la Juventus à 20 ans. Vous êtes le nouveau Zidane ? »
Passer de la prison au PSG et à la Juventus en 3 mois. TOUT VA TRÈS VITE DANS LE FOOTBALL.
Les femmes prennent des douches toutes nues et se mettent aussi sur la gueule.
Revenons à nos moutons, à nos bouchères et ron, ron, ron petit patapon, et à nos Arpajonnaises.

Dilemme sur les coups francs. Vaut-il mieux se protéger les tétés ou la zézette comme Rosario, ex-avant-centre de Botafogo reconverti en travailleur du sexe au Bois de Boulogne ? Et pourquoi choisir quand on a deux bras ?
Fabien interpelle sur le sens même du football féminin, et la diversité du genre humain.
Qu’est-ce qu’une femme ? Quelle est la place des personnes transsexuelles dans le football et notre société ?
Il me donne mal à la tête avec toutes ces interrogations.
J’ai cherché, et j’ai trouvé un Rosario en Argentine, 20 ans après la sortie du film :
https://www.leparisien.fr/sports/football/en-argentine-une-femme-transgenre-a-joue-pour-la-premiere-fois-dans-l-elite-08-12-2020-8413031.php
Clara arrête le coup-franc, 0-0, et soudain, la bagarre.
Comme souvent, l’arbitre morfle, tout est chaos, la violence est partout, même chez les femmes.
Les femmes prennent des douches toutes nues et se mettent aussi sur la gueule. Ça dérange, mais c’est comme ça.

Faut croire que Fabien apprécie les valeurs de l’ovalie, car le jeu reprend comme si de rien n’était. Pas de chichis.
89e minute, Clara découpe une bouchère et se blesse. Et déjà Fabien lance l’alerte sur les blessures :
L’arbitre tranche et siffle pénalty ! C’est dramatique, le maintien et la survie du club se jouent là-dessus ! Et Sylvie entre en jeu !

Les buts sont grands, oui Fabien, le débat fait encore parler : https://www.francebleu.fr/sports/football/lisa-schmitz-montpellier-une-bonne-idee-de-changer-la-taille-des-cages-1668699188
Sylvie gratte un bon mètre discrètos.

Le budget conséquent du film (13 millions d’euros) a permis de recourir à des effets spéciaux plutôt qu’à des tirs à balles réelles.

Bravo Sylvie ! Un petit pansement sur le nez et 20 séances chez un psychomotricien pour résoudre ce gros problème de réflexes, et tout ira bien.

L’arbitre ne siffle pas la fin de match, mais tout le monde s’arrête de jouer après cette parade nasale. Les joueuses célèbrent sans ne se soucier ni féliciter l’héroïne cabossée. C’est fini, 0-0 ! Les filles ont réussi, le club est maintenu et sauvé !!!
Rendez-vous à la pizzéria, Ticky célèbre la victoire au champagne. Oui, il y a eu 0-0, mais Ticky parle de victoire… comprendre celle qui va au-delà du terrain.
Le foot féminin a gagné, tant pis pour le club de tarot !
Le film se termine sur une belle scène de foot de rue improvisé, Fabien nous rappelle que le football reste un jeu et un prétexte (anal ou autre).
En conclusion, j’ai beaucoup aimé ce film et vivement la suite 4 zéros !

PS : Je n’ai pas compris le titre du film Fabien, pourquoi 3 zéros ?
Esseptionnelle chronique qui m’a tendrement ramené vers un chef d’oeuvre du cinéma que je n’ai plus vu depuis trop longtemps…
Merci d’exister. Merci de mettre en lumière le meilleur film de l’histoire du cinéma français.
« Bah quoi Martigues ? C’est bien Martigues. »
J’ai bien aimé te lire,merci
Merci de m’avoir ouvert les yeux sur le sous-texte engagé de ce film, dont l’habileté visionnaire à traiter le sujet de la place des femmes dans notre société n’a d’égale que la qualité formidable du casting : un panorama délicieux et piquant du monde culturel et sportif français de ce début de siècle. J’ajouterai à votre excellente analyse que le choix de la date de sortie du film, en plein entre-deux-tours présidentiel, ne fait que démontrer encore un peu plus l’ambition affichée par son auteur de taper du pied sur la table de la fourmilière. Un grand moment de cinéma et un jalon politique, à n’en point douter, dans le combat pour l’émancipation de ces femmes qui, n’en déplaise à certains pontes du football européen qui se reconnaîtront sûrement, se douchent toutes nues, comme tout le monde. A bon entendeur…