LA GUNNERS ACADEMY VOUS RACONTE LA FINALE DE FA CUP
Un récit épique et qui pique.
Le 17 mai 2014, en milieu d’après-midi. Je me sens terriblement inutile. Il me reste pourtant quelques heures à meubler avant le coup d’envoi du match le plus important de ces huit dernières années. Mais mon cerveau se la joue flasque et léthargique. J’accroche à rien. Pourtant, l’article de « Ça m’intéresse » sur le pourquoi du comment certains oiseaux ont la peau bleue, c’est quand même de la balle niveau littérature de toilettes. Mais non, rien à faire, je suis nulle part. Une putain de moule. Je m’empare donc du premier prétexte venu (choper des places assises) pour partir au bar 1h15 avant le début de la rencontre. Il faut que je bouge, que je m’occupe l’esprit, histoire de ne pas me laisser bouffer par le stress. Si jusque-là, j’étais plutôt confiant, il faut bien admettre que les souvenirs de Birmingham en 2011 commencent à me rattraper. Et je me fais un peu caca dessus.
Ce cher Roland Gromerdier m’attend déjà au comptoir avec des bières, tout de vert vêtu. Le bel homme du Forez est venu donner de sa personne pour soutenir la cause, et ça c’est beau. Respect infini. Il est optimiste, me dit que c’est pas possible qu’on chie dans la colle maintenant quand même, faut pas déconner. Un constat qui a le mérite de faire appel au minimum de logique qu’il me reste à ce moment-là et de détendre mon slip. Nous sommes bientôt rejoints par un deuxième bel homme. Le seul, l’unique à porter ce titre officiellement, l’Editeur. « Franchement, une Cup pour mettre fin à neuf ans de disette, ça fait un peu fiotte nan ? », balance-t-il jovialement au coup d’envoi (une façon comme une autre de détendre l’atmosphère, certains font des prouts, il préfère ça). « A moins qu’ils nous fassent un scénario de ouf… ». LAULE. Rentre chez ta mère Tom Cruise, le vrai Minority Report dirige HorsJeu. Le pub fait salle comble. Nous sommes idéalement placés, juste devant un duo de bons Britanniques qui mettent l’ambiance. A deux. Chaleur dans mon cœur mais je suis encore trop tendu pour leur offrir de l’aide.
Les compos arrivent. Arsenal en mode classique de chez classique + Fabianski. Hull nous aligne une formation sapin-de-Noël-vous-allez-galérer-à-marquer du plus bel effet, ce qui a le don de faire marrer Roro. Pas longtemps. Deuxième minute, immonde coup de billard sur corner, le destin nous en veut et même les frappes à l’ouest de ce gros lard d’Huddlestone deviennent des passes décisives. Bordel. Bordel de bordel. Ce karma de merde. Je décortique dans tous les sens : à part un léger retard de Cazorla sur l’ancien milieu des Spurs, rien à redire, on a un terrible contentieux avec le Sort. Ce n’est qu’un but et c’est le tout début du match mais je connais mes zozos et leur mental en bois de cagette. On est clairement à coté de notre sujet devant et en plus maintenant, on a pris un coup dans le casque. Quelques minutes plus tard, fébrilité, nouveau coup-franc balancé dans la boîte par Hull. A peine le temps de dire à M. Gromerdier qu’on risquait de se chier sur chaque coup de pied arrêté qu’on encaisse déjà le deuxième. Les responsabilités sont bien plus marquées. Combo air défense Ramsey/Gibbs, le poteau se fout de notre gueule et Davies n’a plus qu’à pousser le ballon au fond. Au fond, justement nous y sommes. Silence de cathédrale. Nos collègues anglais insultent un peu tout le monde en cherchant des coupables. Roro reste bouche-bée devant un tel manque de confiance. L’Editeur se cache dans sa pinte, le regard perdu dans le lointain, c’est-à-dire dans le mur d’en face. On est bien.
Le truc cool quand tu prends deux pions d’entrée, c’est qu’il reste largement le temps de se refaire. 80 minutes en l’occurrence. Faut-il encore que les gars arrêtent de balbutier leur football. Corner encore pour les Tigers, Gibbs est contraint de dégager de la tête sur sa ligne… Ça devient légèrement caricatural tout ça. Cependant, y’a un mec qui tire à peu près dans le bon sens. Il est petit, espagnol, il a la tête directement vissée sur les épaule genre bonhomme de neige malformé et il ressemble à tout sauf à un footballeur. Mais il a d’énormes balls. Quart d’heure de jeu, Santi provoque le coup-franc à 25 mètres des buts de Hull, légèrement sur la gauche. On a jamais été bons sur coup-franc direct, la hiérarchie n’est pas fixée, tout se fait au feeling et Cazorla manque cruellement de puissance dans ses petites jambes. Roro la voit dedans pourtant. Ainsi soit-il, Cazorla pose les couilles sur la table et s’exécute en envoyant la balle dans la lucarne opposée, histoire de bien faire dans l’exceptionnel. Le pub explose. On sait tous que le plus dur est fait, il reste encore énormément de temps et maintenant Hull va reculer. HorsJeu se réveille. On commande la troisième tournée, la finale de FA Cup vient de commencer. Tristan Bourrepif nous rejoint et paye la sienne. Roland Gromerdier continue les annonces et voit un but avant la mi-temps. Loupé. Pourtant, on décolle pas de nos sièges (si ce n’est pour aller pisser dans des chiottes bouchées où un brave type a coulé un bronze). D’abord parce que lesdits sièges sont particulièrement bien placés. Et puis parce que j’ai l’impression qu’en bougeant, je vais louper un truc.
La deuxième période finit par produire ce qu’on attendait de ce match : une attaque-défense. Les efforts de pressing des premières minutes commencent à coûter cher aux hommes de Steve Bruce, qui souffrent méchamment. Huddlestone réussit à prendre une frappe moisie et l’expédie en tribunes. Je l’insulte, logique, et reçoit au passage les salutations de nos amis anglais juste derrière, qui ont relevé le « Tottenham fucker ». L’heure de jeu, on commence enfin à jouer et à l’issue d’une combinaison, Giroud prend une belle cravate dans la surface. Y’a rien. L’arbitre en prend plein la gueule. Oui, on régresse au niveau de l’homo canalplus sur le coup. Les tournées s’enchaînent, le compte en banque devient une notion très abstraite, à croire que le fait de picoler à Paris va les faire courir plus longtemps à Wembley. Tonton tente un coup : Podolski, qui peut remettre son maillot avec le linge propre, est remplacé par Sanogo. Le grand sifflet aux pieds-truelles renverse le match par son impact. Les centraux de Hull ont beaucoup de mal à gérer son gabarit et celui de Giroud, qui enfoncent régulièrement les lignes. Contre-attaque, ouverture de Ramsey pour Cazorla côté gauche. Le pin’s crochète à l’intérieur avant d’être fauché ; toujours rien. La maman de M. Probert est encensée par la foule. On va jamais y arriver putain. Je suis au bord du burnout.
Le temps file. Voilà déjà de longues minutes que nous épaulons les chants de nos valeureux compères bien rougeauds de nos voix éraillées. Je sais plus vraiment quand, Sanogo obtient un corner bancal après un bon travail de Giroud. Rien à foutre, on prend. Cazorla la met au deuxième. Sagna et Giroud se montent dessus pour la remettre devant la ligne de but, où Koscielny la reprend d’une frappe en pivot à moitié foirée mais qui suffit pour passer la ligne. Explosion au carré. Je monte les 56 kilos de Bourrepif dans les airs. C’est une pratique de célébration courante chez HorsJeu. L’Editeur devient fou et commande une tournée de Flat Liners, un truc infect avec du tabasco dedans. Coup de batte derrière la tête, j’ai l’impression d’être double-bourré. Roro fait le drapeau italien avec ses yeux éclatés, son teint livide et sa veste verte. Putain, ils sont revenus les cons… Contre l’avis des Dieux. Contre l’avis de l’arbitre, qui oublie un nouveau penalty quelques minutes plus tard. Contre l’avis de Gibbs qui manque le but ouvert dix minutes avant la fin, CET ENCULE ! Et pourtant, enfin, depuis ce qui semble être des milliards d’années, j’ai l’impression qu’on va aller au bout. Sanogo et Giroud par deux fois obligent McGregor à s’employer, ce qui nous envoie en prolongations. Comment en est-on arrivé là ?
Roland doit partir. Sainté joue bientôt pour se qualifier en Champions League. Enfin peut-être. La prolongation commence et Giroud touche la barre sur une superbe tête en extension. On veut pas nous la filer cette coupe. Je commence même un début de théorie du complot de la part des poteaux, mais Roland est déjà parti. Hull est à bout, on dirait une vieille bête blessée. Et il va falloir attendre 18 minutes longues comme un sprint de Mertesacker pour vivre la Libération (oui, avec une majuscule). Wilshere glisse à Sanogo dans la surface, le Français arrive à pousser jusque Giroud qui talonne pour Ramsey. Plus de lucidité, plus de jambes, pas le temps de frapper, juste le temps de mettre un pointu-extérieur qui sent les pompes usagées de Pippo Inzaghi mais qui surprend le portier des Tigers. 3-2. Des gens sur les tables, sur les tabourets (dont moi, ignorant complètement le danger de se péter au mieux les deux jambes), début de pogo, je goûte une aisselle, j’en ai rien à foutre et de toute façon je m’en rends pas compte. Il y a du flou partout. Beaucoup trop pour accorder de l’importance à la glissade de Mertesacker qui manque de nous envoyer aux tirs au but.
Coup de sifflet final. Neuf ans de disette qui prennent fin. Neuf ans de foutage de gueule, neuf ans à bouffer de la merde, à prendre des fessées par des équipes au chéquier grand ouvert, neuf ans de déceptions impensables ailleurs, neuf ans parfois de ridicule, neuf ans de « Arsenal, c’est nul », neuf ans à devoir justifier son soutien, neuf ans à écouter les critiques de ceux qui ne connaissaient rien de l’envers du décor, neuf ans de Mickaël Sylvestre, de Philippe Senderos et d’Andre Santos. Neuf ans de Fabregas, de Clichy, de Nasri et de van Persie. Neuf ans qui remontent d’un coup, et l’alcool aidant, je m’effondre en larmes comme un vulgaire Cristiano Ronaldo adolescent. Le Belhomme, les yeux dans le vague, le sourire béat, m’offre un câlin viril comme seul HorsJeu peut en procurer (non, ce n’est pas sale ; enfin pas tout à fait). Je me jette dans les bras de mes amis anglais qui manquent de s’ouvrir la gueule par terre. Peu importe. C’est donc ça gagner un titre ? C’est donc ça le kiff ? Ah non, ça c’est les pintes. Ou peut-être pas, on dit bien ivre de bonheur. Forcément quand t’es ivre tout court en plus, c’est l’effet Kiss-Kool. Un titre. J’avais jamais essayé. J’en redemande.
AFTERMATH
L’Editeur est censé avoir un dîner avec Madame et nous quitte prématurément. On se dit que le repas va être rigolo et qu’on aimerait y être. Mais on décide avec l’ami Bourrepif de rejoindre Roland Gromerdier, qui nous attend dans le XVIIIe pour fêter la victoire devant le match des Verts. J’hurle ma joie dans les rues mais les gens ne savent pas, les cons. Encore un hurluberlu qui a commencé la gnole un peu trop tôt. Peu importe, Arsenal a son titre, on pourrait me balancer des litres de caca au visage, je resterais heureux.
Premier arrêt pour récupérer un pote de Bourrepif. Les bières sont pas chères mais le patron est pas content, je gueule trop. Du coup, on migre vers Roland. Il commence à faire nuit et notre académicien lorientais a oublié de changer l’eau des olives comme dirait ce cher Jean-Marie Bigard. Il décide donc de faire sa petite affaire sur le premier mur venu, dans un coin pas trop exposé. Mauvaise pioche. Un type énorme au crâne rasé lui tombe dessus, lui met le coude sous la gorge, prise de Krav-maga et lui glisse un gentil « Tu vas voir ce que ça fait de pisser sur un commissariat », avant de lui passer les menottes. Évidemment, j’objecte que c’est peut-être un peu déconner pour un mec qui faisait pipi sur un mur. Bon, je lui ai sûrement dit de façon plus véhémente. Pour info, je suis même pas sûr que Bourrepif prendrait le dessus sur ma meuf, avec ses 50 kilos tout mouillé. Deux minutes après, on se retrouve tous deux menottés à l’accueil, après avoir été minutieusement fouillés et privés de nos affaires et lacets. Oui, au cas où on se pende face à cette situation dramatique.
Vous me direz c’est le protocole. Protocole de mes deux, voilà. Face à tant d’exagération, je m’agace (petit euphémisme, en fait je suis clairement hors de moi). Je leur fait part de mon avis et leur explique que ça les aurait probablement aidés d’aller un peu plus loin dans leurs études. Oui, je vois où vous voulez en venir. On fait mieux niveau diplomatie. Mais je sens venir la nuit au poste, alors tant qu’à faire, j’y vais de mon bon mot, en prenant un soin particulier à ne pas aller jusqu’à l’outrage. Monsieur Accueil ne veut pas qu’on l’appelle Monsieur le Gardien de la Paix, ni Monsieur le Policier. Il a éteint mon téléphone et ne m’autorise même pas à envoyer un SMS à Madame histoire de la rassurer. J’ai beau lui expliquer que je suis là, moi, que je vais sûrement pas m’envoler vu comment il a serré les menottes, qu’il n’y a aucune raison de la punir elle, il veut juste que je ferme ma gueule et le fait savoir. Élégance. Au moins, j’ai évité le vulgaire jusque-là, lui se roule dedans. Du coup, on décide de faire de la musique avec nos menottes. Roh, les p’tits cons.
La suite des événements est particulièrement savoureuse mais je vous en épargne les détails. Trois gros types pour escorter chacun de nous vers l’hôpital pour faire des examens, sans lacets mais avec menottes. Enfin, des examens ; deux heures d’attente pour qu’un médecin visiblement saoulé d’avoir été collé là me demande de suivre son doigt puis de lever les bras en synchro. Great. Retour à l’hôtel de police, dodo sur du béton jusqu’au premier métro. Épanchement d’urine sur la voie publique pour l’ami Bourrepif (ils ont des amendes pour tout putain…) et pour moi, bah tapage nocturne. Ça passe partout. Six heures, je rentre rassurer Madame qui doit sûrement penser que mon cadavre s’est échoué dans un caniveau. Je sens le clochard, la nuit a été difficile. Pourtant, à ce moment-là, je me dis que pour le premier trophée d’Arsenal en presque dix ans, avec tout ce que cela signifie, le prix est plus qu’acceptable.
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Putain c’est beau. Et je retrouve pas mal de d’analeogie avec mon bonheur pour une autre finale à quelques semaines d’intervalle. La fin en moins.
C’est vrai que c’était beau, comme ton texte et ta bite. Tu oublies simplement de préciser que les flat liners à partir de la 70 ème on les a enchaînés. Une pinte / un flat liner.
Ma soirée d’après a été assez simple. J’avais rencdez vous avec madame et un couple d’amis. Je leur ai dit que je les aimés, puis je me suis endormi devant mon verre de rosé, puis madame m’a mis dans un taxi. J’aurai duré une heure post coïtum FA CUP/
C’est beau.
C’est très, très beau.
Je crois que bon, le Père Fidalbion confond pléonasme et euphémisme
@Kafkaien : Je crois que bon, putain t’as raison. La honte. Merci d’avoir relevé.
En fait le Minority Report c’est un des trois precogs, Tom Cruise c’est le flic.
Sinon, merci pour le tuyau, je vais noter qu’il faut jamais se promener avec Bourrepif, une poisse pareille c’est pas permis. En même temps, c’est Bourrepif, tu te dis automatiquement que si quelqu’un doit en prendre, c’est lui.
Géranal, l’hopital.
snif
Que d’émotions, sympa de lire ça un mois après, l’effet n’en est que plus important.
Faudra revenir faire ça à Brest, ils vont augmenter le nombre de cellule de dégrisement
Ahlala quel souvenir. Je regrette juste de ne pas avoir pu faire la fin avec vous, ça partait bien. Et avec le final qu’il y a eu, on aurait fêté ça dignement.
Bref, même 1 mois après, ça le fait toujours. Vivement le prochain trophée qu’on puisse encore fêter ça.