CAN 2012 : Two Days in the Land of Sobraga

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Tahar JSK, toujours aussi précieux.

Président Bongo 2ème s’affiche avec toute la panoplie de la caricature du monarque indigène : un trône contrefaçon, une cour qui le regarde autant que le match « C’est bon il applaudit là ?», une prospérité pondérale et une épouse qui confond les rôles de première dame et de militante humaniste «Le peuple de mon mari est si touchant surpris dans sa misère ».

Le bien-être du peuple et du prochain plan quinquennal en dépend. Le Gabon est en mission, gagner ou mourir en essayant. Gernot Rohr a rallié de nombreux joueurs locaux dont deux du club des forces armées « le Missile FC », que je cite uniquement pour décrire son logo arborant un cercle rouge traversé par un missile sol-sol fort mal dessiné. Quelques honnêtes joueurs de Ligue 1 se dressent à leur tour : Ecuele-Manga certainement plus qu’intègre ; Mouloungui et Aubameyang par moments franchement frauduleux.

En face, le Niger découvre la compétition par la grâce du strabisme que partage l’ensemble du personnel de la fédération sud-africaine. Si le ridicule ne tue pas, il pique un peu parfois. Le plombé Moussa Maazou fait office de principale menace. Le Mena saura-t-elle tirer profit du nouveau consultant RMC Niamey et de sa science a posteriori ?

Le match débute sous la pression générale, populaire pour l’une, novatrice pour l’autre. Malgré une supériorité technique sans péril, les panthères proposent un football sans gloire. On sent les attaquants possédés par la tentation de s’élever au statut d’icône illuminant de leurs sourires tarifés les réclames déroutantes de la RTG. Ca dribble beaucoup, ça passe un peu. Le Niger, quant à lui compense par une agressivité pleine de bonnes intentions et de pieds décollés. Le gardien fait peur, s’interpose, effraie à nouveau. Une tragique erreur de calcul et son ridicule plongeon offre à P. E Aubameyang ses rêves d’acclamations. Le 2-0 incite la tribune présidentielle à singer la sobriété populaire. Le plus dur est fait. La foule est ivre, qu’ils aillent trinquer !

L’amateurisme nigérien pratique le kick sans le rush, Aubameyang le passement de jambe sans la nécessité. La deuxième mi-temps salue le départ d’une cheville nigérienne et apprécie l’accueil chaleureux offert à Daniel Cousin, rentré au pays pour jouer au FC Sapins. Ca ne s’invente pas.

Le derby « on est tous des frères, mais n’oublions pas qu’on n’a pas la même mère » envahit la scène. Maroc –Tunisie. Ali Bongo a pris son après-midi. Il est cette fois escorté d’Eto’o fils de la terre et du ciel, courtisan et fidèle donateur de la fondation qui porte le nom de Madame.

Eric Gerets adopte une stratégie de communication farouche mais efficace pour disperser la foule d’intrigants œuvrant pour le bien-être des lions royaux de l’atlas majestueux. Gerets le sait. Tout ce qu’il dira sera retenu contre lui. L’affaire d’état sur la rémunération du Belge, que même le « arba’a zéro » n’a pas réussi à démoder, persiste avec les promesses de déclassification par le nouveau gouvernement élu et démagogue à défaut d’être illégitime et prétentieux.

La Tunisie s’appuie sur le vécu du groupe victorieux de la dernière CHAN, ses automatismes, sa solidarité et une rigueur tactique bien rare dans la grande animalerie africaine. L’équipe est portée par des joueurs issus de la formation nationale, contrastant ainsi avec l’époque bénie où le bureau des naturalisations se comportait en cellule de recrutement (Clayton, Santos). Un an depuis cette Histoire, personne n’aurait rien contre un semblant de fraternité nationale à l’heure où, après avoir refusé de rester mouton, le Tunisien devient un loup pour le Tunisien.

Les Marocains commencent le match extrêmement nerveux à l’image de Chamakh. Une fois sa carrière de footballeur à l’agonie, il écrira à l’aide de ses dernières gouttes de gomina « Arsène m’a tuer ». Histoire de ne pas désigner le vrai coupable. Le capricieux démontre le courage de son corps et engloutit avec voracité sa première et unique collation du match. Le onze de Carthage embourbe les chérifiens dans l’expression stérile de leurs qualités individuelles. Un coup franc plongeant et Khalifa s’attribue brièvement le but de Korbi, le temps d’infliger à son corps et à nos yeux les traditionnelles lacunes maghrébines en matière de célébrations footballistiques.

Visionnant le match avec mon italo-marocaine et son nationalisme trans-thématique, allant du foot à la cuisine en passant par la couleur du ciel, je m’effraie de l’imagination et l’abnégation qu’elle emploie à remettre en cause la virilité de ses demi compatriotes: « absence de ci, trop plein de ça, vraiment trop de ça. » En deuxième, Youssouf Hadji contrôle comme Bergkamp puis tire comme Hadji. Youssef Msakni décide alors de déposer du jasmin sur le mausolée dédié à la dignité de la défense marocaine. Un léger sourire me condamne à un rappel cinglant du 4 à 0 de juin dernier qui n’a pourtant aucun mais alors aucun rapport « nous, on n’aurait jamais perdu contre les Tunisiens ». Un but hors-jeu pas net plus tard, le Maroc perd une nouvelle fois devant la Tunisie. Les ennemis mandatés du lion de Rekem lui reprochent déjà tout et son contraire, et souvent dans le désordre.

Le lendemain nous voilà à Franceville (à 30 km de Bongoville!). Ali Bongo est à nouveau présent. Président du Gabon est apparemment un métier qui vous épargne horaires difficiles et autres tracasseries... Ghana-Botswana donc. Les Ayew sont titulaires, prêts à enrichir un peu plus le capital fierté du paternel. Mais la confrontation est d’un ennui banal. La puissance des étoiles noires s’annule. La résistance des zèbres de Gaborone s’organise. Pour une première marche à la CAN, les Botswanais ont décidé de se réfugier dans le confort de la fatalité. Le ballon, une moitié de terrain, les intentions, bref le jeu est laissé au Ghana. Mensah marque, prend un rouge et sera félicité pour ces deux actions qui offrent le match au Ghana en plus de le résumer.

La dernière bataille de cette première journée annonçait l’arrivée de mon équipe de substitution pour ce tournoi 2012. L’historique et nostalgique axe Conakry-Algerbrodé du souvenir des « WééééTéfa » entonnés à Sangoya explique pourquoi « n’na sily national nan bè ». Les Guinéens reviennent un peu de nulle part. L’équipe avait tout simplement été dissoute pour « atteinte à l’honneur national », décision qui laisse rêveur. Le retour du très apprécié Michel Dussoyer a permis la formation d’une équipe jeune, encadrée par d’anciens (Baldé, Bangoura, Zayatte, Kaladane) voire très anciens (Feindouno ayant au minimum 40 ans).

Malgré l’anachronisme du nouveau président, le pays tente de se relever de deux décennies du « n’importe quoi » de Conté qui a conduit au grand n’importe quoi de Dadis (ceci est réalisé sans trucages). Rien ne serait plus plaisant que de voir les rues de Conakry fêter la réussite d’un pays qui, pour son plus grand malheur, a tout pour réussir.

Les Maliens jouent avec une équipe Ligue 1-Ligue 2 bonifiée par Seydou Keita. Les aigles de Bamako ont reçu un accueil chaleureux de la communauté malienne présente à Franceville. La présidence a décidé de miser primes et hôtel sur la victoire finale, année électorale oblige ! Le berceau de l’empire Mandén se distinguant par une fâcheuse tendance à exiger le plus grand nombre de voix pour remporter une élection.

Le match est globalement dominé par les représentants du pays aux quatre mondes. Leurs déplacements et leurs circulations de balle perturbent grandement les plus proches enfants de Soundiata. C’est sur un contre assassin que Bakaye Traoré appuie sur la détente et place le Mali en tête. Les vagues d’offensives du Sily ne soufflent que déceptions et désolations dans nos cœurs. Au final, l’éléphant soussou n’aura pas d’autre choix que de battre le Botswana sèchement avant de réaliser l’exploit face aux Ghanéens.

Force est de reconnaitre. La CAN 2012 nous préserve jusqu’ici de crimes arbitraux, de terrains vaguement footballistiques et de stadiers militaires. On en aurait presque envie de parler football. La première journée a offert des stades traditionnellement vides, frénésie nationale à part, mais la réussite des pays hôtes est le gage d’une ambiance festive. Au pays de la Sobraga, l’ivresse est de tous les flacons.

Prochainement : Spécial Sénégal et un titre sans jeu de mot avec tanière

Tahar Jsk

11 thoughts on “CAN 2012 : Two Days in the Land of Sobraga

  1. Il n’y a pas à chier, j’ai toujours pas vu de résumé de la CAN à la hauteur de celui-ci. Juste pour question culture G footballistique, a t-on déjà vu des joueurs refuser de participer à la CAN pour raisons politiques (potable, pas des El Hadji Diouf quoi), ou marqué la compétition avec un peu de classe, un peu à la Black Panthers à mexico? On connait peu l’histoire de la CAN au delà des pays vainqueurs…

  2. Très bon papier Tahar Jsk, mais laisse Bongo 2 en paix, il a dans ses relations un petit monsieur que certains n’aimeraient pas revoir à l’Elysée. Mais je te l’accorde, quel personnage fascinant.

    « Une fois sa carrière de footballeur à l’agonie, il écrira à l’aide de ses dernières gouttes de gomina « Arsène m’a tuer ». » là c’est toi qui m’a tué.
    Mais il pourra aussi l’écrire avec les dernières gouttes de crachat que je laissé sur mon écran, quel Régis ce tisch. Et je ne parle pas de Hadji, clone de son frère mais seulement de la tête aux genoux.

    Content de ne pas avoir été le seul à m’être fait chier pendant Ghana-Botswana, alors que je voyais un bon 3-0 bien tassé et sans forcer.

    Ne te réjouis pas trop vite de l’état des terrains, le match entre le Sénégal et la Guinée-Equatoriale nous a donné de belles transmissions de balles complétement improbables et ce n’est que la deuxième journée.

    Bon week-end et vivement ton prochain papier.

  3. Franchement, je suis sur le cul, bravo !

    Franceville, Bongoville, ça flaire bon la Françafrique où le pouvoir appartient aux Bolloré, Bouygues… Triste Afrique ! Et dire que le football pourrait servir d’échappatoire et non d’arme politique.

    En tout cas, si Gerets était viré par la fédération marocaine, ça serait sympa, il pourrait remplacer Leekens chez nous.

  4. C’est exceptionnel, tu es la meilleure plume de Hors-jeu.net, et Dieu sait qu’il y en a des bonnes. Encore bravo !

  5. Je me joins à ce concert de louanges sur la qualité du billet (et au passage sur le premier que j’ai lu avec des jours de retard), très agréable à lire.
    Et merci pour ces liens qui auraient tous leurs places dans les bonus du comité. ^^

  6. Merci pour ces encouragements. Heureux de voir que la CAN intérrèse.

    @Rin
    Didier et les ivoriens l’ont fait de manière sincère et courageuse: « http://www.dailymotion.com/video/x3gquw_drogba-pour-la-paix_people ».
    Aprés il ne faut pas oublier que ce ne sont que des footballeurs qui ont totalement le droit de préserver ce qu’il ont acquis. Mais de là à se vendre comme Pelé et Eto’O…

  7. Rien à ajouter sur l’immense plaisir d’engloutir chaque ligne de ce billet .

    « La Tunisie s’appuie sur le vécu du groupe victorieux de la dernière CHAN »
    Si quelqu’un peut m’expliquer la subtilité du jeu de mot.

  8. @Rin
    Merci ! Et moi qui pensais avoir un minimum de culture footballistique . Humilité !

  9. Yahia si mekhlouf, Tahar présida !!! Ps: le souvenir de la Guinée me renvoi au 5juillet un soir d’été 2007, un stade dépassant la limite de spectateurs pour laquelle il a été conçu, une équipe dirigée par un certain J.M. Cavalli (et tout ce que cela implique)… au delà de la déception liée au résultat, c’était vers la fin lorsqu’il fallait quitter les lieux en prenant soin d’éviter toute sorte de projectiles qui rendit cette soirée disons… particulière !

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