Aioli les sapiens,

 

Il s’en est passé, des trucs, depuis qu’on s’est quittés en mai dernier, hein ? Perso, j’ai eu un peu de mal à me remettre du passage de ma correspondante Kimberly. Bordel, j’en suis encore tout tourneboulé, ce qui explique entre autre l’absence de l’académie de bilan annoncée en fin de saison. De toute façon tu as tout suivi : on s’est globalement bien fait chier avec Baup, on s’est exaspéré avec Anigo, et tout ceci se termine par l’arrivée après moult reports du messie argentin en espérant qu’il rende un peu plus flamboyante cette saison sans coupe d’Europe.

Kimberly m’a apporté cette confiserie du Costa-Rica, je n’ai pas tout compris.

 

Passée la parenthèse de la Coupe du Monde, et tandis que le Proche-Orient dispute à l’aviation civile le prix Nobel de la fragmentation corporelle, nos édiles municipales et olympiennes vaquent à leurs occupations habituelles qui consistent, on le rappelle, à essayer de rendre notre ville toujours plus ridicule sur la scène nationale voire internationale.

L’expression du moment est « PPP », que tout gestionnaire de fonds publics qui se respecte redoute comme une « putain de pénétration profonde ». Bien avant de rayonner dans le monde entier grâce à une année culturelle de haute volée, dont le point culminant restera sans doute la prestation de Patrick Sébastien lors de la fête de la musique, notre bonne ville réfléchissait déjà aux moyens d’employer les sommes recueillies auprès du contribuable marseillais. Le défi étant d’éviter de construire des piscines, des écoles, voire une ligne de métro dans les quartiers Nord, nos décideurs se sont donc interrogés : « Peut-on faire mieux que le Palais de la glace ? », en référence à cet équipement dont la rentabilité deviendra incontestable le jour où le CIO attribuera à notre cité l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver.

Bingo : l’Euro 2016 approche, et la nécessité de rénover le Vélodrome apparaît d’autant plus criante que les courants d’air issus du ratage de 1998 coûtent des sommes folles en arrêts de travail du lundi matin. L’occasion également pour le club de disposer d’un outil de pointe pour un loyer n’excédant pas le prix d’un emplacement de caravane aux Saintes-Maries, eu égard à la bonne entente qui règne sur ses relations avec la ville.

 

A l’époque (2010) présidé par Pape Diouf, le club émet l’hypothèse d’un bail de longue durée (un bail emphytéotique, si tu veux faire ton malin), qui le conduirait certes à financer l’investissement et la maintenance, mais en intégrant l’équipement à ses actifs. La mairie prend sa voix la plus pagnolesque pour exposer son refus : « Le Vélodrome, c’est comme la Bonne Mère et le Vieux-Port, ça appartient à tous les Marseillais. »

Les grands groupes de BTP appuient ce raisonnement, avec l’empressement que montreraient des mouches à merde donnant des laxatifs aux vaches en vue de hâter l’heure du festin. La triple P se met donc en place : le consortium mené par Bouygues se charge de nous construire le bijou au prix d’un stade neuf, contre la somme de 12 millions d’euros par an pendant 32 ans.

 

En septembre 2013 intervient la Cour des comptes, dans un rapport de trente pages un peux complexe à présenter ici mais dont la conclusion principale pourrait se résumer en ces termes : « Est-ce que vous ne vous foutriez pas un peu de notre gueule ? » 50 000 euros de location par match, abaissés à 50 000 euros par an pendant les travaux : en bonne gardienne de la gestion des des finances publiques, la Cour suggère à l’équipe Gaudin qu’une légère réévaluation des conditions actuelles améliorerait les comptes municipaux sans trop grever le budget polystyrène de Margarita.

Nous avons pris soin de placer un dictaphone-espion dans le bureau de Jean-Claude Gaudin pendant sa réunion avec les magistrats.

Le tyrolien de la rue Cambon monte ainsi jusqu’au juste prix de 8 M€/an, de quoi augurer de négociations tendues entre la ville et le club. De plus, à l’approche de la campagne électorale, Patrick Mennucci estime qu’en plus de se fâcher avec la moitié du PS et d’attaquer Force Ouvrière avec sa bite et son couteau, il serait bon de se mettre aussi à dos les Winners en proposant la vente du stade (de toute façon irréaliste vu les conditions requises).

En toute sagesse, Vincent Labrune se garde bien de prendre part à la cuisine électorale phocéenne et affiche une neutralité absolue de nature à garantir la sérénité des échanges démocratiques.

Ci-dessus, Vincent Labrune affichant une neutralité absolue de nature à garantir la sérénité des échanges démocratiques.

 

Fin mars, tout finit comme prévu : la municipalité sortante réussit à réunir plus de la moitié des 30 % de Marseillais pas encore assez écœurés de la politique pour s’abstenir ou voter FN, la tumeur brune qu’on traîne depuis des décennies finit par métastaser à la bastide Saint-Joseph, le PS local peut entamer sa ré-ré-ré-ré-rénovation, et Jean-Claude peut tranquillement entamer sa cinquantième année d’affilée sur les bancs du conseil pendant que les Marseillais lucides se frappent la tête dans les murs devant un tel tableau.

Vient alors le moment d’aborder les questions qui fâchent. Fin juin et conformément aux recommandations de la Cour des comptes, la ville réclame à l’OM un loyer de 8 millions d’euros par an. Heureusement, les partenaires s’attendant depuis environ huit mois à devoir régler cette problématique, mairie et club ont eu le temps d’anticiper et de prévoir des modalités de règlement apaisées, ménageant les performances sportives autant que l’intérêt général. C’est donc en toute logique que l’OM répond cordialement à la ville d’aller se faire enculer (je résume). Huit millions d’euros, c’est comme la taxe à 75 % et Saber Khalifa : la mort du club.

Rompues à cette tactique du pourrissement, nos élites ne s’en laissent pas conter. Tout ce petit monde s’engage dans une danse de l’été située à mi-chemin entre le poker menteur et le concours de préau, d’autant moins crédible que de toute façon personne n’aurait un quelconque intérêt à ce que l’OM joue ailleurs qu’au Vél’.

 

Le club cherche ainsi un stade de repli, poussant la vilénie jusqu’à s’enquérir auprès des ennemis niçois de la disponibilité de l’Allianz-Arena. Alors que la pelouse hybride finit d’être posée – non, on ne parle pas ici de Thiago Silva – les supporters ont finalement la joie d’apprendre que le premier match se déroulera à 200 km de leur stade flambant neuf, à Montpellier.

Jugeant la situation insuffisamment pathétique, Jean-Pierre Foucault publie, en tant que président de l’association OM, un communiqué menaçant la société sportive OM de ne pas renouveler son affiliation à la FFF si le club venait à ne pas jouer au Vélodrome.

 

Les abonnés étant les principales victimes de cet échange de roquettes fourrées à la connerie enrichie, Gaudin déploie le dôme Defferre pour mettre un terme aux dégâts. Communication tous azimuts pour montrer que le patriarche reprend les choses en main, et voici l’accord annoncé avec Margarita, elle-même descendue en personne façon Largo Winchette peroxydée. Les lampistes sont mis en sommeil, les patrons montrent que l’honneur est sauf et l’on peut sereinement envisager le début de saison au Vélodrome.

Gaudin / Louis-Dreyfus, les images de la réconciliation

MLD n’oublie pas de se mettre en scène au Burger King de Marignane pour bien montrer combien cet accord l’aura conduite à modérer son train de vie (elle qui aura en passant injecté 10 à 20 nouveaux millions de sa fortune personnelle dans les comptes du club, mais ceci est une autre histoire).

En résumé, les 8 millions se transforment en une part fixe de 3 M€ par cette saison, portée à 4 M€ les deux suivantes. S’y ajoute une part variable liée au chiffre d’affaires de la billetterie (20% de la partie du CA dépassant 20 M€) qui, selon la mairie, devrait permettre d’atteindre 7,4 M€/an pendant ces trois années. Avec ce système (utilisé par plusieurs autres clubs), le club se protège davantage du risque de mauvaise performances économico-sportives, ce risque étant repris par la ville (pas de résultats = pas de spectateurs = un loyer amputé). Les conditions semblent cependant assez honnêtes, à supposer cependant que l’OM retrouve rapidement des performances sportives et économiques satisfaisantes : à première vue, pourrait-on approuver Vincent Labrune lorsqu’il parle de « gagnant-gagnant » ? Pourquoi pas, si l’on oublie que le seul vrai gagnant de l’histoire reste le consortium du stade. Pourquoi pas, si l’on passe rapidement sur les dégâts collatéraux qu’un tel cirque a fait peser sur l’image de Marseille pendant tout ce temps, alors que cette solution ne réclamait pas franchement que les protagonistes se mesurassent publiquement la bite avant de se mettre à discuter sérieusement.

Heureusement, Bouygues est là pour nous rappeler qu’aimer le football, c’est avant tout garder son âme d’enfant.

 

 

Retour au jeu prochainement, avec un point sur les matches de préparation.

Bises massilianales,

17 thoughts on “La Canebière Académie te raconte le feuilleton de l’été

  1. petite question :

    – l’OM paie 3M€ de fixe cette saison et ne joue pas l’Europe
    – l’OM paiera 4M€ de fixe et « devrait » jouer l’Europe
    pourtant les revenus sont estimés équivalents sur les trois exercices (7.4M€)

    or si on se base sur le fait que l’Europe génère plus de recettes, donc plus de revenus pour la mairie, y’a pas une ptite incohérence dans le raisonnement ?

    sinon merci Blaah pour la chronique et j’espère que tu nous reviendras en forme dès la semaine prochaine ou même avant pour un ptit bilan des matchs amicaux…

  2. C’est magnifique!!!
    Le truc drôle c’est que c’est un mal français (Le Mans, Grenoble, Lille etc etc) concernant les gestions mixtes municipalité et consortium…Mais comme d’habitude quand c’est Marseille, tout prend des proportions pas possible….

    Franchement j’ai lu ‘bail emphytéotique’ au moins 5 fois avec la voix et l’accent de Diouf, en l’imaginant le prononcer face à un parterre de journaliste la bouche ouverte….

    Bref bravo, essai de faire la 51 quand même!!!
    et en avant pour la folie des amicaux avec le loco (le fou) à la tête de nos chères favoris….

  3. Halala, Kimberly, j’espère que nous n’aurons pas à patienter durant 4 longues années pour avoir de ses nouvelles. Sympa les bonbons couilles de chameau j’aurai pris ça comme une invitation à ta place…
    Concernant l’inter-saison, rien d’étonnant au bordel autour du loyer du stade, je suis même étonné du dénouement heureux de ces derniers jours. Nous avions un stade en chantier jusqu’alors, l’équipe avait été laissée en jachère la saison dernière et cette année c’est notre équipe qui est en reconstruction. Le maître d’oeuvre a également changé, des tonnes de papiers sur lui sans que l’on ait entendu la moindre déclaration depuis sa prise de poste, ça nous change de son prédécesseur… Point positif on a embauché une personne dont c’est le métier de bâtir et d’entraîner une équipe de haut niveau, mais les doutes subsistent, nous sommes toujours aussi limités en terme de qualité et ne disposons que de peu de moyens pour se renforcer. Les prochaines semaines risquent d’être mouvementées au rayon départs/arrivées donc il est difficile de se projeter au-delà du 31/08, nous verrons par la suite si le club a vraiment les moyens de ses ambitions.

  4. Les 7.4 c’est juste de la com de la part de Gaudin. D’après ce que j’ai compris, c’est le montant maximum que peut atteindre le loyer de l’OM.

  5. Merci pour l’explication, regardant ça de loin (de Normandie), en effet ça nous permettait de nous foutre de votre gueule, et au passage aussi de se foutre des gens qu’on connaît qui supportent Marseille (oui, il y en a encore hors de Marseille, enfin bon ils vieillissent, comme les stéphanois…).

  6. P’tite question : sachant que lors de la saison 2012-2013, dans un stade certes en travaux, la billetterie a été de 11,6 millions d’euros, espérer atteindre la somme nécessaire de 40M€ environ de billetterie annuelle pour pouvoir atteindre un loyer de 7,4M€ n’est-il pas un gros foutage de gueule ?
    Cela ne veut-il tout simplement pas dire qu’une fois de plus, la ville de Marseille fait une grosse fleur au club ?

    Et p’tite question : le stade Vélodrome sert-il à autre chose que les matchs de l’OM ? Je dis par rapport à la différence entre les 12M€ payés par la mairie et les 8M€ initialement réclamés au club : quel emploi fait la ville du stade si elle doit de base payer 4M€ ?

    Source du chiffre de billeterie :
    http://www.lfp.fr/dncg/rapport_annuel_2012_2013/1213_comptes_individuels_clubs_all.pdf

  7. Alors, pour préciser, parce que c’est vrai qu’il faut quand même une sacrée dose d’optimisme pour croire aux 7,4 M€ évoqués par la mairie (surtout la 1re année).

    Ces 7,4 M€, c’est une projection calculée sur la base des 8 dernières années. Dans cette période on a eu des années avec Ligue des Champions à 25 M€ de billetterie (ce qui équivaudrait selon cet accord à une part variable de 5*20% = 1 M€), d’autres comme l’an dernier à 11,5 M€, à cause des travaux.

    Avec un stade plein à 100 % maintenant qu’il est rénové, on dépasserait sans doute les 20 M€, mais on serait bien loin de récolter la part variable à 4 M€ qui permettrait d’atteindre les prévisions municipales (il faudrait pour cela des recettes de billetterie à hauteur de 40 M€).

    Pourquoi avancé-je alors que l’accord me semble satisfaisant, bien qu’il se traduise quasi-inévitablement par de l’argent public supplémentaire englouti pour engraisser Bouygues ?

    Parce qu’il était de toute façon illusoire que l’OM paie 8 M€ fixes pour utiliser un équipement que le club ne pourrait pas valoriser. L’erreur, elle est intervenue plus tôt, lorsque la mairie a choisi une formule qui l’a conduite à surpayer le stade. Partant de là, les finances publiques étaient perdantes quoi qu’il arrive. C’est dans ce contexte que je considère que l’accord est une sortie qui ménage les intérêts du club tout en limitant les dégâts pour les finances publiques.

    En conclusion, si je payais mes impôts à Marseille, je prierais très fort pour que les recettes du stade augmentent très vite, histoire que la ville puisse gaspiller ses fonds à autre chose. Sauf que… vouloir plus que doubler les recettes de billetterie, est-ce que ça n’augurerait pas d’une très forte augmentation du prix des places ? On pourrait ainsi imaginer que la tarification de la saison prochaine nous offre une nouvelle guéguerre, cette fois-ci entre club et supporters…

    @lilian 3M€ fixe la 1re saison et 4 M€ les suivantes, je suis d’accord avec toi, c’est clairement une garantie supplémentaire offerte au club (incertitudes liées au nouveau stade et à un nouveau cycle de l’équipe), au détriment de la cohérence.

  8. @shag a eve Ton commentaire n’était pas encore publié au moment où j’ai rédigé la réponse. On semble raccord, cependant. Pour les autres événements, ça ne montera pas bien haut (d’autant que les normes pour les grands événements, type Euro 2016, imposent de préserver la pelouse du stade plusieurs semaines avant le début de la compétition).

  9. @blaah:
    Ouais, on est d’accord, c’est Bouygues qui fait péter le champagne. Saloperies de PPP. Merci pour les précision sur ta pensée également.
    En tout cas, c’était bien résumé et amusant à lire.

  10. @Blaah : merci bien pour le complément d’info et bonnes vacances si tu peux sortir de la ménagerie !

  11. Mais Bielsa dont vous nous cassez les couilles depuis 4 mois, c’est le touriste allemand en jogging qui est bord du terrain avec le charisme d’un navet, juste ? C’est bien lui ??

  12. Celui qui n’a pas besoin pour exister de foutre la merde perpétuellement et de se ridiculiser en gesticulant avec son physique de commercial en voitures d’occasion alcoolique, comme le vôtre ? Oui, c’est lui.

  13. @ Pascal Diot-Maid: les journalistes casse les couilles nous (les supps de bon goût ) on apprécie le jeu proposé et on ne peu que être heureux suite à Élie et José…on sait que 3ème serait une saison réussit et hors de l’Europe un échec…mais on peu pas espérer mieux avec notre effectif sachant qu’il manque un central et un meneur en aillant perdu Valbuena…
    HS: les Diots c’est plus savoyard non? On en avait toujours quand on jouait Chambéry , La Ravoire, La Motte Servolex mais pas Annecy, Thonon ou Saint Geny-Laval …merci de m’éclairer :)

  14. @Homerc je ne fais aucune distinction entre Savoyard et Haut-Savoyard, nous sommes un seul et même département à mes yeux. On a des terroirs qui diffèrent sur certains aspects mais les spécialités sont goulument partagés.
    @Blaah : Nos entraineurs ont au moins un point commun : ils seraient les deux premiers virés aux yeux des lecteurs de L’equ***.

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