Je dois vous avouer que je crois ne pas avoir réalisé ce qui c’était passé avec les élections. Même si je m’étais préparé au sujet pendant la campagne afin de représenter au mieux monsieur Rémoulade, toutes ces idées étaient assez abstraites dans ma tête. Et maintenant que le coach a une nouvelle fois réussit son pari, je me rends pas trop compte de ce que ça va donner concrètement. Je n’ai toujours été qu’un homme de main, donc j’essaie de pas stresser en me disant que le coach, lui, est là pour entrevoir l’avenir et mieux nous protéger dans cette jungle. La politique c’est pas mon domaine de prédilection de toute façon. Mon domaine de prédilection vous le connaissez. Beaucoup m’envient d’être une sorte de professionnel du ballon rond. Mais c’est cette fine connaissance qui me permet de réaliser la seule chose vraiment importante dans l’avènement de monsieur Rémoulade : le FC Renardin va indéniablement faire parti des plus gros projets sportifs en France sur les six prochaines années. Ce simple constat entraîne énormément de projections logistiques que de simples amateurs de foot ne peuvent pas anticiper. Moi c’est mon job.

Avant de se lancer dans des projets irréalistes, mon professionnalisme me pousse à poser les choses, à les objectiver. En six ans, tout en considérant le titre qui nous tend les bras cette saison, on pourrait passer de la PH à la Ligue 2. Toutefois, là où beaucoup d’entre vous partiraient dans des projets loufoques, mon savoir-faire me dit de nuancer une telle hypothèse en créant un facteur x. x étant les aléas sportifs propres au football comme les incertitudes techniques d’un sport qui se joue au pied, mais surtout la mauvaise foi de certains arbitres de la région. En considérant ce facteur x, j’en déduis donc raisonnablement que le club jouera en CFA dans six ans. Voyez toute l’importance de bien connaître le milieu. Là où vous auriez envisagé la Ligue 2, j’annonce la CFA avec humilité. Mais dans de ce que vous croyez être un simple détail, la différence est notable sur un point essentiel : les droits TV. Rien à voir. Tout le budget du Club De Supporters en est impacté, et indirectement celui de la buvette. Pour vraiment me lancer dans des calculs précis, notamment des appels d’offres aux débits de boissons, il va falloir que j’en sache un peu plus sur la taille du stade qu’on va construire. Je sais que monsieur Rémoulade parlait de rénovation dans son programme, mais c’était sans doute par modestie. Avec les investisseurs qui vont affluer en apprenant la nomination d’un homme à la stature d’homme d ‘état, il paraît probable qu’un stade neuf soit bâti. Alors comme ça peut très bien être entre 10000 places et 50000 places, vaut mieux que je vois avec le coach pour pas me taper des opérations pour rien. Au passage, l’idée de musée du club dont je vous ai déjà parlé prendrait tout son sens pour sacraliser notre stade actuel. Je l’oublierai jamais quoiqu’il arrive ça c’est certain. J’ai jamais oublié d’où je venais, alors j’oublierai pas que ce sont ces mûrs qui ont accompagné mes années de licenciés en jeunes, mais aussi mes premiers moments de Président du Club De Supporters. Et pourquoi pas y bâtir dorénavant une statue pour le coach ?

Revenons au présent. Ne pas partir dans mes rêves sera la clé de ma réussite au poste. Je sais que ça peut être mon talon d’Achille. La psy de la maison d’arrêt me disait souvent que ça venait sûrement d’un fonctionnement que je m’étais construit pour me protéger quand j’étais petit au foyer de la DASS. J’ai jamais vraiment bien compris ni été convaincu par ses conneries, mais je kiffais aller la voir. Je la laissais parler et je m’imaginais la tringler dans ma cellule en la menottant au lavabo bouché.

Le présent c’est l’ambiance joviale au village. Je ne cesse de profiter du climat général dans la commune depuis l’élection. Dans le visage des gens, dans leur manière de s’adresser les uns aux autres, dans leur courtoisie, ce moment me rappelle beaucoup la coupe du monde 98. Étant donné la période la post-élection, il était prioritaire d’aller sonder plus en détail ce sentiment général de soulagement et d’espoir. Notamment pour mesurer en sous-marin l’impact immédiat de l’élection sur la représentation collective du FCR. J’ai ciblé les premiers lieux de sociabilité du village, donc je me suis couché bourré pas mal de soirs. C’est le hasard mais les sept lieux les plus fréquentés de Renardin sont des bars. Malgré ça, les exigences professionnelles passent avant tout. Y a un truc que j’aime bien en plus quand je fais ça, c’est le respect qu’ont tous ces piliers envers ceux qui ont l’étiquette d’abonné du bar des sports comme moi. En plus, je suis maintenant identifié comme un proche d’un homme de pouvoir aux multiples réussites. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai glané trop peu d’infos sur les répercussions profondes de l’élection malgré mon enquête de terrain. Les Renardiens n’osent pas trop se livrer en ma présence, au point de faire semblant d’avoir d’autres sujets de conversation. Je peux pas leur en vouloir, moi aussi je serai sûrement stressé si par exemple on me demandait de parler de Fidel Castro devant Maradonna.

Face à cet omerta, j’ai finalement réorienté mon travail hebdomadaire sur certains réflexes d’urgence à avoir dans un contexte de changement. Le projet du grand stade dont je vous parlais peut très bien commencer demain, j’en sais rien. Donc c’est dès maintenant que je dois penser à ancrer notre stade actuelle dans l’histoire. J’ai donc passé beaucoup de temps, une nouvelle fois, dans les vestiaires, dans le bureau de l’arbitre, dans le foyer, sur les mains courantes, et sur le terrain. Contrairement à d’habitude où mes réflexions se tournent vers les lourdes responsabilités qui m’ont été confié, cette fois je n’ai pu m’empêcher de penser à l’avenir, et à toute l’affection nostalgique que nous évoquera ce lieu lorsque nous jouerons des titres devant des milliers de spectateurs. C’est ici que tout a commencé. Ici que le club s’est forgé son identité et ses valeurs tournées autour du fair-play, de la solidarité, et de la gagne. J’aime ce stade, mais je sais qu’il ne nous en voudra pas d’aller jouer ailleurs. L’essence de ce stade c’est le FC Renardin, lui le premier voudrait nous voir briller parmi les étoiles. Ce n’est pas encore un adieu, toutefois une première annonce en douceur d’un futur départ… J’ai pris des photos. Partout. De la cafetière du foyer au drapeau de corner, en passant par l’antenne TV maison qu’on avait installé nous même. Le problème c’est que j’avais que deux Kodak jetables, et 48 photos c’est bien trop peu. Je devrai recommencer je le sais déjà, mais la persistance fait partie de mon apprentissage de la profession de président. Grâce au réseau que je me suis construit sur Twitter, je pense pouvoir me faire prêter un appareil photo informatique. Dans le milieu faut savoir construire son répertoire pour durer. Je pourrai prendre plus de photos, là j’ai même pas la grande coupe qu’on avait volé au tournoi sixte de l’US Lerolitbo. Malgré tout j’ai pas perdu complètement mon temps avec ces premiers essais de photos, ça va m’obliger à aller les faire développer au Intermarché. Et là bas ça sera sans doute pas comme aux bars, je pense que beaucoup de gens vont venir vers moi me questionner sur monsieur Rémoulade, et les rapports de proximité que j’entretiens avec lui. Avec cette météo qui me prive trop de foot, j’ai bien le droit de m’accorder un peu de fierté.

3 thoughts on “Derrière les mains courantes du FC Renardin, épisode 12

  1. Jean-René, on n’a plus de nouvelles de Pat’ depuis son élection. La rumeur voudrait qu’il profite d’une croisière sur l’Allier à bord de la péniche d’un gros industriel de la région… Info ou intox ?

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