Les journalistes sportifs, pourquoi faire ?

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Notre premier éditroll de Frantz-Christophe Van Dustgroski

Le journalisme, un loisir comme la pêche ?

AH qu’il était bien le temps de Hubert Beuve-Méry !!! AHHHH qu’il était bien le temps de Théophraste de Renaudot !!

Ca va.

D’où vient cette tendance tenace où il faut être dégoûté lorsque nos rêves d’enfant se heurtent à la réalité d’un métier que, finalement, l’on ne peut connaître qu’en s’y frottant vraiment. En 2000, je faisais mon dernier stage dans une rédaction d’un grand quotidien. Depuis, j’écris, sans être journaliste, comme d’autres jardinent, je ne veux être en concurrence avec personne, c’est un plaisir égoïste comme d’autres se masturbent avec une paume ou avec une plume, la proximité des deux mots ne pouvant pas être une coïncidence.

J’ai été dégoûté aussi, je voulais faire ce métier depuis tout petit. Je n’ai pas persévéré, c’était inutile, non parce que le métier dérivait, mais parce que mon journalisme n’a jamais existé. La ligne éditoriale pesait et imposait des mots qui n’étaient pas les miens, même pour des papiers dont l’importance était très relative. Je voulais créer de l’information, découvrir et révéler. Je faisais comme les autres, j’attendais l’information, je la transformais. C’est tout.

Les journalistes, ces utopistes d’un passé qui n’a jamais existé

Le journalisme est une vocation aussi bien individualiste que généreuse. Une production solitaire pour un usage laissé à la discrétion de tout le monde. Selon le medium, selon le support, selon l’audience, elle est peut être très très très très discrète. Mais qui dit vocation, dit souvent désintérêt, limité certes, mais c’est un élément contractuel important pour l’armée mexicaine d’étudiants, d’apprentis, de contrats d’alternance, d’autodidactes, de chômeurs, de pigistes et de rêveurs qui la composent.

Il y a une évidence qu’il faut évoquer ici pour les futurs plumitifs: si vous avez une idée de quelque chose que vous ne connaissez pas, comment pouvez-vous affirmer que votre idée est la bonne, et pas juste un mensonge, sincère certes, mais un mensonge à vous-même. Il en est de même du journalisme comme des enseignants et de la police. Avec les fantasmes et les apriori qui collent à la peau de ces métiers, tout à chacun croit les connaitre même sans y avoir été confronté. Les apriori liés au journalisme sont positifs parce que liés à des grands noms, des mythes, souvent repris par le cinéma, ou alors à la naïveté des débutants.

On peut choisir de respecter les règles. On peut choisir de rentrer dans le moule. Le système médiatique français n’est pas pourri, il n’y a donc pas de honte. Seulement le rêve n’est pas de mise, des journalistes d’investigation, il y en a peu, sans parler des erstaz à la Cash Investigation,, des reporters de guerre, il y en a peu. L’écrasante majorité se nourrit de dossiers de presse savamment préparés par des agences/services de communication. D’autres lisent l’AFP. D’autres extrapolent. Les derniers fabulent.

Le grand écart peut très vite faire mal, on appelle ça la dissonance cognitive. Le fonctionnement d’une rédaction pérenne ne s’appuie pas entièrement sur un désintérêt cyranesque où le panache, ou l’idée qu’on s’en fait, emporte tout pour la beauté du geste. Beuve-Méry n’était pas un philanthrope, son positionnement était réfléchi sur les cendres d’un quotidien indulgent avec l’occupant. Etonnant, non ?

Les plus grands titres aujourd’hui ont tous un point commun : sans forcément se dévoyer, ils délivrent un message que leur audience veut lire. Car il y a acte d’achat, souvent. Et l’homo oeconomicus est un être rationnel, il paie rarement pour être déçu ou pour lire des informations qui le font passer pour un demeuré. Le titre doit s’adapter mais ne peut pas correspondre à l’ensemble d’une population. Sauf la Pravda. On voit ce que ça a donné.

Cela implique souvent de penser sa publication en prenant en compte les attentes d’un potentiel lectorat, ce n’est pas sale, il n’y a rien de mal. Ce n’est pas non plus prendre les gens pour des cons. Si les médias voulaient prendre des risques, cela se saurait. Et nous verrions de beaux articles de 30 000 signes partout, alors oui les propriétaires sont frileux et tiennent au grisbi. Est-il possible d’en conclure que des journalistes comme dirigeant d’un journal rendraient ses lettres de noblesse au support et au métier ?

Les finances, ce mal nécessaire

En laissant de côté les actionnaires dont le rôle est trop flou, aussi bien sur les ambitions que sur la ligne éditoriale, un journal peut en effet se passer de toute rentabilité et faire ce qu’il veut, à commencer par publier des articles hors format. Mais il faut rien cacher, de grands articles pour la rubrique des chiens écrasés, cela fait plaisir au journaliste qui l’écrit, c’est un bel exercice de style. Mais il faut vendre au plus grand nombre, gagner des parts de marché.

En format papier, il y a très peu de supports rentables en France. Les aides de l’Etat sont nécessaires même lorsque le support passe son temps à le critiquer, ce qui montre qu’une rédaction peut ne pas faire allégeance à ses actionnaires, mais c’est un autre débat.

Il en demeure certaines contraintes inhérentes à toute activité qui emploie des personnes, il faut les payer. Le désintérêt et la beauté du métier peuvent s’arrêter là car l’argent c’est sale pour un métier de « passionnés ». Mais les journalistes veulent être payés quand même. Oui cela est une partie de leur légitimité.

Et le droit à l’information ? Quel est-il lorsqu’il y a une barrière à l’entrée, celle de son prix. Le fonctionnement d’un titre de presse est donc un savant mélange pour ne pas bloquer son accès et rémunérer la forte valeur ajoutée de son activité.

D’ailleurs, il y a peu de cas où un journaliste pur souche arrive à gérer entièrement un titre ou un groupe. L’échec du triumvirat Colombani/Plenel/Minc est un cas d’école. A l’inverse, la réussite du groupe SO PRESS est l’aboutissement d’une passion chez des frais diplômés d’école de commerce.

Internet, ce bouc-émissaire idéal

Attention, c’est l’argument choc des opposants à l’information libre : le développement d’Internet, le développement du téléchargement illégal des supports papiers, ou le téléchargement illégal d’émissions, ou la possibilité de visionner du contenu payant sur des sites gratuits. Impossible de s’en sortir. Coupable idéale, Internet est un bouc-émissaire par excellence et en poussant la mauvaise foi un peu plus loin, Internet l’est comme la radio l’a été, comme la télé l’a été, comme la presse gratuite l’a été. Et en plus, Internet permet à des quidams, sans diplôme, sans réseau de prendre la parole, de vouloir jouer à Albert Londres en ne réclamant plus l’accès à l’information mais la légitimité d’être un émetteur comme un autre… comme un média installé.

Stop.

Les illégitimes, ces bâtards qui se prétendent de la lignée pure

Où commence la légitimité d’être journaliste ?
Diplôme, réseau, nom de famille ?
Lieu de travail, audience du support ?
Feuille de salaire ?

Plenel s’est donc inventé journaliste sans avoir le droit de l’être, sans jamais l’être devenu finalement ? Les journalistes tant décriés sur les réseaux sociaux, par les étudiants, les stagiaires, les wanne-be, mais qui travaillent, eux, en tant que tel avec leur carte officielle, sont donc pleinement légitimes et ne peuvent être remis en question ?

Mais de quoi parle-t-on ? De la légitimité de la personne, de son support, de la ligne éditoriale, de ses financiers, de son prix, de sa qualité ? Qui en est le juge ? Un conseil des sages, la population, seulement le lectorat du support ?

La liberté d’expression, c’est la liberté d’informer pour les journalistes et la liberté pour la population de lire ce qu’on lui propose sans la remettre en question. C’est donc un système totalitaire et consanguin qui se défend d’être à part tout en critiquant les dérives des autres pans de la société. Mais les autres alors ? Comment ils s’expriment ? Droit de vote et sondage d’opinion, c’est tout.

Une personne qui créé son média ne peut donc pas être un journaliste… mais peut le devenir en vendant son support et/ou en étant payé. La reconnaissance par l’argent pour une si belle vocation et de si grands hommes. N’est-ce pas un peu vénal étant donné les enjeux ?

Les écrits gratuits ne me gênent pas, les mauvais écrits payants, beaucoup plus. Et si par sa régularité, son assiduité, sa cohérence, sa plume, son objectivité, une personne pourrait très bien être journaliste sans le revendiquer. Juste pour son plaisir d’écrire et de formuler, sans prétention d’informer ou de répandre la bonne parole. Comme un pêcheur peut être bon sans forcément aller se vendre à Rungis.

Frantz-Christophe Van Dustgroski

18 thoughts on “Les journalistes sportifs, pourquoi faire ?

  1. Intéressant. Donc tout le monde a le droit d’écrire, certains plus que d’autres et le lecteur fera son choix ?

  2. N’empêche, par simple curiosité, comment est-ce qu’on se masturbe avec une plume ?

  3. Très intéressant, même si je ne saisis pas tellement le lien direct avec le journalisme sportif.

    L’un de mes profs n’arrêtait pas de me répéter une chose : « écrire pour être lu ». Et finalement, je crois que c’est très vrai, pour le meilleur et pour le pire. C’est ça, la clé du journalisme. Gratuit, payant, ça importe peu, d’autant qu’il est avéré que le lectorat est différent.

    Alors évidemment, ça ne veut pas dire qu’il ne faut écrire que ce que les gens veulent lire. Mais il faut quand même avoir en tête que les gens sont ce qu’ils sont, paradoxaux : ils veulent être surpris, apprendre des trucs, mais aussi trouver ce qu’ils veulent trouver.

    En revanche, j’ai un peu plus de mal avec ton dernier truc : être journaliste sans informer.

  4. Bidon.
    Légitimité par info et capacité d’analyse et d’interprétation.

    Exemple de la pravda à gerber.

    SVP plus jamais ça.

  5. Je termine la lecture de cet article avec en tête une image pleine de sens : la plume dans l’urètre.
    Merci.

  6. ça y est j’ai lu

    Moi ce que je comprends c’est que l’éditeur ne paie pas ses plumitifs et que ça lui a fait comme une sorte de désillusion au Van Dustgroski.

    Je comprends aussi qu’il a bossé comme stagiaire chez Plenel et que putain alors si c’est ça le journalisme alors bravo super mais pardon !

    Et sinon que l’argent c’est pas le diable mais que l’info gratos non plus.

    Et il y a aussi une attaque très directe à l’égard de Riolo (d’où la réaction d’Hamada Jambay) mais je n’arrive plus à la retrouver.

  7. … à bien y regarder de plus près il pourrait s’agir d’une préparation à la campagne d’appel aux dons de fin d’année…

  8. C’est de la merde.
    A tous points de vues, à tous degrés.
    Une belle grosse tartine de merde.
    Je comprends mieux pourquoi l’illettrisme breton.
    Récupère tes plus belles plumes, recolle les sur un poulet Doux, et cale le toi dans le fion.
    Bonne journée.

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