Les vacances de Bernard Delavillelumière, dernière, tome 2

1

Bernard remonte à Paris en grosse cylindrée.

Résumé de l’épisode précédent : Après trois semaines de traversée dans la méditerranée, BDLV échoue sur la côte d’Azur et rencontre Jérémie Janot sur le remblai. L’esprit tenaillé par d’étranges visions, Bernard n’en est pas moins sur la défensive au moment de retrouver le portier stéphanois en soirée…

Jérémie nous avait donné rendez-vous à une soirée blanche au V.I.P Room. Cela nous remémorait notre vision. Le V.I.P. ? Qu’est ce qu’un joueur de football pourrait bien faire dans ce genre d’endroit. « Soirée Blanche » ? Cela nous rappelait les vannes graveleuses de notre idiot mais néanmoins confrère Francis. Une histoire de biscotte et de vestiaire que nous avions dans un premier temps feint de comprendre, gênés que nous fussions par une assistance hilare, puis que nous avions finalement intégrée après quelques explications auprès de notre neveu Gwénolé, onze ans, et quelque peu en avance sur ses congénères.

Cette vision de cet après-midi nous encombrait l’esprit. V.I.P., soirée Blanche… pourtant Jérémie a tout de l’être masculin moderne : passion pour le tuning à outrance, le free-fight, et le tatouage à l’arrière du crâne. Aucun doute, nous étions aussi viril que lui (nous apprécions après tout fortement la chasse à cour, la savate et la peinture sur soie).

Rendez-vous était pris donc dès 22 heures au bas du Pierre & Vacances le Cannes Beach ou nous avions pu nous offrir une modeste suite avec vue sur le chemin de fer, le château d’eau et le conforama le plus proche. Après quelques instants passés avec un stagiaire de la réception qui mit tout de même plus de vingt minutes à comprendre que nous parlions français, nous obtenions pour trois nuits, sans petit déjeuner paiement à l’avance et non possibilité d’échange ou remboursement de quelques sortes sur les prestations sauf achat en pré-réservation de l’assurance soleil  vous permettant d’obtenir une compensation substantielle de l’ordre de 10% dans le cas ou la météo aurait été mitigée durant un séjour à compter de quinze jours ouvrés de vacances, une chambre. Accès à la piscine non compris. Bref, nous l’avions compris le texte du jeune apprenti à la fesse relevée et au chemisier turquoise maculé de sueur était bien rôdé. Lâchant mon nom auprès de lui, arguant que nous ne pouvions régler à la suite de l’incident nautique qui nous amena jusqu’ici, ce dernier appela la sécurité.

Or ça, quel ne fut pas notre bonheur de nous apercevoir que le bon Karim, sculptural bébé tunisien de 120 kilos connaissait notre faciès : « Hey, ma parole, mais t’es laaaaa, laaaaa, la tapette à frange de horsjeu.net, non ? »

-Bernard Delavillelumière, grand reporter polyglo…

-Ouais, Bernard Villemorin, c’est ça, j’t’ai r’connu.

-Réellement ? Vous nous connaissez ?

-Ben oui, j’suis de la sécu ici. J’ai que ça à faire de lire vos conneries.

-Charmant.

-Tiens, viens avec moi dans le parking, je vais t’amener à ta chambre. »

L’athlète de l’oued nous fit donc passer par le sous-sol de l’immeuble, sorte de paquebot parmi les paquebots dans la rade du tourisme, cimetière de navires soviétiques des temps présents. Le tétanos était partout. Là une voiture incendiée, là une canalisation qui fuyait face au danger de l’eau calcaire et algueuse. Le bâtiment semblait bien ancien. « C’est comme les salaires, c’est un investissement. Et comme ils n’investissent déjà pas dans les salaires… ». Manifestement, il n’y a pas qu’en Afrique du Sud que les mutins sont présents. Quoi qu’il en fut, après deux heures et demi dans l’ascenseur ouest du bâtiment (et une intervention « rapide des pompiers » d’après eux-mêmes et le vigile), nous  pouvions enfin regagner nos pénates.

A peine posions-nous notre séant au fond du lit sans lattes de notre chambrée que l’heure scintillait sur l’horloge flic-flac du grand hôtel. 21h50. Jérémie allait bientôt passer. Aussitôt, nous attrapions notre chemise verte en hommage à notre gardien, que disons-nous, notre sauveur, afin de lui faire plaisir. De plus le vert est une couleur très en vogue dans le milieu sportif parait-il (c’est Fabrice Jouhaud qui nous l’a dit).

Arrivé devant le portail nord de l’établissement de luxe, nous nous rendions compte d’un attroupement rare dans le voisinage (hormis pour les soirées torrides du Corsica Bar et son concours de machette volante) accompagné d’un vrombissement de moteur comme peu peuvent s’en offrir sur la Bocca. Approchant avec prudence, nous nous rendions compte que c’était le staff de la sécurité de l’hôtel qui formait un chœur autour du véhicule, lâchant ici ou là quelques « Kurva » bien sentis. Des Tunisiens, des Polonais, des Serbes, des Roumains et un Français. Pas de doutes, l’hôtellerie nationale a choisi de s’aligner sur les méthodes de l’Inter de Milan, excellent sujet pour nos prochains comptes-rendus de société au ministre Besson. Là n’est pas la question.

Tandis que dans notre dos les réceptionnistes levaient les bras ensemble, apparemment menacés par quelques quidams, nous approchions non sans difficultés de l’appareil mobile du gardien forézien. Installé confortablement dans le baquet, Jérémie nous proposa d’écouter sa compil’ dance personnelle, qui nous rappelait incroyablement le son que nous avions ouï lors de notre évanouissement. Stupéfiant, nous étions nous doté d’un don de vision, de télépathie ou même de prémonition. Nous devions aller jusqu’au bout pour nous en rendre compte.

Arrivés enfin à la soirée blanche, nous entrions avec aisance dans le carré VIP. Et là, ce fut une vision qu’un tableau de Jérôme Bosch ou d’Eric Cantona ne suffirait pas pour vous imaginer le spectacle démoniaque que nous perçûmes. A la table à côté de nous, tous de blanc vêtu, Pierre Ménès et Hervé Morin devisaient avec Hatem Ben Arfa de la possibilité de se faire offrir l’arrière de la Porsche manquante ainsi que celui de « cette crémière de Zahia dans le même temps » éclata de rire le chroniqueur préféré des français en engloutissant un homard figurant beaucoup plus une crevette en comparaison des dimensions exceptionnelles du Guy Carlier du pré vert. Rien à voir avec la poésie donc.  Là bas, l’on devinait la main de Dominique Grimault, tel un périscope au niveau  du bar, tentant par tâtons d’attraper une coupe de mousseux et autre vasque à Suze. Peu importe le flacon et le contenu, tant qu’on obtient l’ivresse nous disait-il un jour avant de vomir copieusement sur nos pantalons. De l’autre côté, Patrick Montel et Daniel Lauclair se mordillaient le lob de l’oreille doucereusement sur un « love on the beat » des plus sensuels et bestiaux. Les chemises étaient toutes blanches, toutes trempées de la moiteur des soirées de France Télévisions. Là bas d’ailleurs approchaient Jean-Luc Delarue avec Sophie Davant à son bras, narines dans le vent. Pierre Sled n’en menait pas large.

Nous nous sentions mal. Très mal. A présent, les lumières syncopées s’attaquaient à la fierté de nos yeux, le cristallin, la partie la plus blanche. Nouveau flash-back, nouvelle pensée de la vision de l’appendice proéminant du gardien des Panthères dans notre orifice buccal. Et voici Jean-Roch, lui aussi en blanc, apportant les saucisses cocktails et la moutarde. Nous étions pris au piège, nous devions fuir face au danger de ces pervers homosexuels voulant profiter de notre corps d’athlète. Ni une, ni deux et encore moins trois, nous prenions une fourchette à poisson, tenant Pierre Ménès par le cou (ce qui n’est pas chose aisée, croyez-nous) et lâchions à l’assistance un très rauque et très net : « Faites pas chier les tapettes ou nous crevons le gros ! »

A ces mots, la musique stoppa net, les lumières braquées sur nous, Jean-Roch laissa les saucisses cocktails, le gros suait, la Savora explosa au sol. Tous, inquiétés par l’ampleur des dégâts en cas d’explosion du futur humoriste se tinrent immobiles. Le charme était rompu, tout était terminé. Lançant notre fourchette en direction de l’équipe de sécurité du V.I.P., occupée à vérifier le contenu légal de youporn, nous nous sauvions empruntant une BMW à reconnaissance tactile garée sur le trottoir, de façon cavalière et peu académique. Nous avions pris la fuite, et avions évité le viol promis par ces sauvages.

Nous arrêtant sur le bas-côté de la chaussée au niveau de Mandelieu-la-Napoule, nous inspections à présent le véhicule. Sur la plage arrière, un régime de bananes, dans le vide-poche, un best-of de Rires et Chansons, et dans la boite à gants, plusieurs paquets de capotes anglaises de marques différentes. Dans le pare-soleil, les papiers du véhicules. Sur les papiers du véhicule, le nom de Pierre Ménès. Il ne roule donc pas en Porsche ? Quel salaud.

1 thought on “Les vacances de Bernard Delavillelumière, dernière, tome 2

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.