A 26 ans, Astafei est un des solides buteurs de la Liga I. En plus d’être un bon footballeur, j’ai découvert un homme qui s’intéresse au monde qui l’entoure. Son seul défaut : il supporte l’OM en France…

 

Est-ce que tu peux nous expliquer comment ta carrière a commencé ?

J’ai commencé à jouer à 7 ans avec mon grand frère quand il a rejoint un club dans notre quartier. Grâce à mon endurance et mon énergie, le coach me laissait jouer avec mon frère, même si j’étais plus jeune. J’ai commencé à jouer dans un plus grand club à 17 ans en 3è division à l’Unirea Ungheni et j’ai marqué dès mon premier match. On a été relégué en 4è division, et j’ai alors marqué plus de 30 buts à ce niveau. J’ai ainsi pu rejoindre le grand club du coin le FCM Targu Mures (aujourd’hui ASA Targu Mures) et je suis devenu capitaine en D3. A mes débuts en D2 la saison suivante, j’ai encore marqué mais l’entraîneur m’a prêté au FC Turda. Là-bas, ma carrière a pris son envol : avec mes 13 buts, je suis revenu plein de confiance pour la Liga I. Puis débutant avec ma nouvelle équipe de Liga I (NDTT : Gaz Metan Medias), je marque dès mon premier match en Coupe de Roumanie. Ma carrière était lancée…

« J’étais à deux doigts de mourir. Lors de mon premier jour à l’hôpital, j’ai dit au docteur que je devais y aller sinon j’allais être en retard à l’entraînement. »

Tu as eu un accident sérieux sur le terrain il y a quelques saisons1. As-tu eu peur de ne plus pouvoir jouer ?

Je suis le genre de gars qui ne s’arrête jamais. Je me fais mal à chaque match. Je suis un footballeur plein d’énergie. Je me rappelle de cette blessure : juste après le contact, j’ai essayé de me relever et de jouer mais les docteurs ne m’ont pas laissé faire. J’étais à deux doigts de mourir. Lors de mon premier jour à l’hôpital, j’ai dit au docteur que je devais y aller sinon j’allais être en retard à l’entraînement. Je suis resté une semaine à l’hôpital et pendant ma première nuit à la maison, je me suis levé et je ne sentais pas le côté droit de mon visage. Ce fut une expérience difficile mais je n’ai pas eu peur. Je suis une personne optimiste et je savais que j’allais revenir plus fort. A mon premier entraînement avec le casque, j’ai pris un coup au même endroit mais j’ai repris mes esprits et suis reparti de plus belle !

ast

Que représente l’Otelul pour toi ?

L’Otelul est un ancien champion de Roumanie. Jouer ici ne peut qu’être bénéfique pour mon futur et progresser au côté de bons joueurs. J’espère gagner un trophée avant de partir à l’étranger.

Penses-tu que la sélection est un objectif atteignable pour toi ?

Bien sûr que je pense à la sélection. C’est un rêve pour moi de porter le maillot jaune de mon pays. J’espère y arriver dans un futur proche et être avec les meilleurs joueurs roumains.

Etais-tu intéressé par le football quand tu étais enfant ? Avais-tu une idole ?

Bien entendu, j’ai commencé à 7 ans et j’étais attiré par les grands joueurs. J’ai aimé beaucoup de joueurs mais si je devais en citer, ce serait Hagi pour la Roumanie et Ronaldo Il Fenomeno !

« Je pense qu’un joueur peut faire toute sa carrière dans le même club en Roumanie. Mais pas sûr que le club existe assez longtemps pour que cela arrive. »

Penses-tu qu’un joueur puisse rester toute sa carrière dans le même club aujourd’hui en Roumanie ?

Oui, je pense. Mais je ne pense pas que le club existera assez longtemps pour que cela arrive, mais c’est un autre problème2.

Que penses-tu de la Liga I ?

Nous avons beaucoup de joueurs talentueux mais les conditions font que c’est difficile pour les jeunes Roumains de se développer et devenir de grands joueurs européens. En Roumanie, vous devez être très fort pour y arriver. Ce ne sont pas les plus talentueux mais les plus travailleurs qui s’en sortent. Ce championnat a un gros potentiel.

Quel est le joueur qui t’a le plus impressionné dans ta carrière ?

Je dois dire que tous mes coéquipiers me donnent quelque chose à apprendre ; même quand ils font des erreurs, j’apprends. Mais celui qui m’a le plus impressionné est mon coéquipier de France Issa Ba. Un grand joueur avec beaucoup de malchance dans sa carrière.

Comment sont perçus les footballeurs dans la société roumaine?

Ici, les joueurs sont vus comme des stars, parce que c’est le rêve de beaucoup de gamins de devenir joueur pro. Mais c’est le cas partout dans le monde.

Quelle est ton opinion sur ce qui se passe à Craiova ?

C’est triste de voir des équipes comme Craiova avec une grande histoire dans des divisions inférieures. Il est aussi triste de voir que des lois politiques ou l’influence de certains dans le football roumain peuvent pratiquement éradiquer les clubs de football dans certaines grandes villes. Mais nous sommes quantité négligeable pour ce genre de problèmes.

Quelle est ton opinion sur le projet Druckeria à Timisoara?

Ce projet montre que les gens veulent toujours s’intéresser au sport en Roumanie. J’ai beaucoup de respect pour eux. Je leur souhaite bonne chance concernant tout leur projet.

 « On devrait investir dans les infrastructures. Ici en Roumanie, dans certaines villes, on a pas l’impression d’être des joueurs de football pro. »

Qu’est-ce qui devrait changer dans le football roumain ?

Je pense que le changement doit commencer au niveau des présidents et des personnes responsables du football en Roumanie. Les personnes avec de l’argent devraient investir plus dans les infrastructures. Ici en Roumanie, dans certaines villes, on a pas l’impression d’être des joueurs de football pro.

Que penses-tu du football en France?

J’aime beaucoup la Ligue 1. Je viens juste de visiter Paris et quelques autres villes de votre pays, j’ai beaucoup apprécié le temps passé là-bas. J’espère jouer en France plus tard. Je pense que la Ligue 1 est un championnat fort et les équipes ont beaucoup investi ces dernières années. Après l’hégémonie de Lyon, les clubs français sont aujourd’hui plus costauds dans les coupes européennes.

Ce serait un rêve pour toi de jouer en Ligue 1 ?

Un rêve est un mot faible pour évoquer ce que ce serait. Ce serait incroyable. L’OM est mon club préféré.

« Je suis optimiste avec la nouvelle génération en Roumanie. Nous sommes une génération indépendante et intelligente et nous avons le courage d’exprimer nos opinions. »

Comment est la vie à Galati?

Ici à Galati, c’est comme dans n’importe quelle ville pour moi. Si tu sais comment rendre ta vie intéressante, peu importe où tu es, cela sera superbe. Je vis avec ma copine et nous sommes heureux. Regarder des films et faire du vélo (BMX) nous occupent. Et notre chat Ravi est très drôle à regarder.

Quel est ton endroit préféré en Roumanie ?

Targu Mures, j’aime ma ville !

tuica2

 Dernièrement, tu as montré ton soutien aux manifs concernant Rosia Montana3. Que penses-tu de cette histoire ?

Ce n’est pas correct de voir comment ils veulent détruire la nature, un endroit magnifique comme Rosia Montana. J’y suis allé en vacances et je ne veux pas voir cet endroit si paisible détruit. Et puis il ne me semble pas normal de laisser des investisseurs d’autres pays « voler » notre or et ne laisser que des problèmes en contrepartie à notre pays. Je ne veux pas rentrer dans les détails mais pour quelques centaines d’emploi, cela ne compensera pas les conséquences négatives que l’on créera pour le futur.

Tu penses que les footballeurs, en tant que personnages publics, devraient exprimer leurs opinions sur ce qui se passe dans la société ?

Oui ! J’aimerais voir plus de footballeurs redonner un peu plus au monde qui les entoure et je suis sûr que plus d’entre nous pourraient avoir un impact sur notre société.

Que penses-tu de l’évolution de la société en Roumanie ces dernières années ?

Je suis optimiste avec la nouvelle génération. Nous sommes une génération indépendante et intelligente et si je peux dire, nous avons le courage d’exprimer nos opinions. J’espère que nous pouvons contribuer à changer ce pays.

Penses-tu que la perception de la Roumanie à l’étranger est fausse ?

Oui, cette perception est biaisée. Dans chaque pays, il y a de bonnes personnes et de mauvaises quoi qu’il en soit. Faisons un peu plus confiance et nous serons surpris des conséquences !

 « Mon plus grand rêve : voir mon nom sur la couverture d’un livre que j’aurais écrit. »

Qu’est-ce que tu fais en dehors du football ?

J’aime écrire, danser, jouer à des jeux (PS3, jeux de société, à l’extérieur), faire du vélo (BMX). Par le passé, j’ai commencé un groupe de Hip-Hop et un de break-dance. Je trouve toujours de nouvelles choses à faire.

J’ai vu que t’écrivais un blog. Qu’est-ce qui t’a décidé à commencer ?

Les lyrics de mon ancien groupe de hip-hop. De là, j’ai évolué et commencer à écrire des choses intéressantes. J’ai commencé à écrire un livre et ceci est mon plus grand rêve : voir mon nom sur la couverture d’un livre.

Quels sont tes sujets favoris quand tu écris ?

La vie, la joie, des choses optimistes. Beaucoup de choses dans la vie peuvent amener un message positif.

Tu sembles très ouvert à la culture, aux arts. Est-ce fréquent dans le milieu du football en Roumanie ?

Je suis différent, c’est certain. Atypique. Mais je sais cloisonner mes deux passions.

Est-ce que tu peux nous citer un artiste roumain que tu aimes particulièrement ?

Octavian Paler4 est mon écrivain préféré en Roumanie.

 

J’espère que vous aurez apprécié cette petite discussion.

Thanks again Victor !

Tristan Trasca

 

1 Victor a subi un traumatisme crânien lors d’un choc aérien alors qu’il jouait à Targu Mures fin 2010

2 Le club de l’Otelul a des dettes estimées à 1,5M d’euros. Le doute subsiste sur sa capacité à finir la saison en Liga I. La situation est identique dans de nombreux clubs en Roumanie.

3 Rosia Montana: http://www.lemonde.fr/europe/video/2013/09/09/roumanie-mobilisation-contre-un-projet-de-mine-d-or-canadien_3473499_3214.html

4 Ecrivain et journaliste, Octavian Paler fut très critique concernant le régime communiste de Ceaucescu. Il demeura un activiste politique après la révolution de 1989 et jusqu’à sa mort en 2007.

En bonus, une petite compil de ses buts : http://www.youtube.com/watch?v=mziAbK4u1LM

5 thoughts on “La Tuica rencontre Victor Astafei, footballeur atypique

  1. Le projet Druckeria c’est juste supporter le (les) club(s) local(aux) ou s’immiscer dans la gestion du club ?

  2. Bel homme.

    Je me permets de noter une petite coquille en début d’article, il faut bien sûr lire : « il est en outre d’un goût excellent en ce qui concerne ses préférences en Ligue 1 française. »

    (par contre s’il vient en France un jour, pas sûr que les assureurs le laissent faire du BMX)

  3. Druckeria, cela va au-delà de supporter une équipe. C’est faire partie du club, de la manière dont le budget est construit au choix des maillots. Tu peux lire l’article en lien Dams.

    Merci Sloubi et Blaah. J’espère que les lecteurs iront jusqu’à ton commentaire pour voir que c’est une coquille !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.