(Episode 27/32) Après avoir excité nos papilles tout au long de la Coupe du Monde 2014, Parie-Maule revient munie d’un défi de taille : vous proposer une recette par jour, une pour chaque pays qualifié. Aujourd’hui, Parie-Maule nous donne des nouvelles de nos amis d’outre-Quévrain.

Hécoucou les amis,

Alorsbon, comme d’habitude, hé, on va choisir la recette de l’adversaire de nos Bleus aujourd’hui. Et j’aime autant vous dire que j’en ai bavé, à la trouver, cette recette. Le plus dur, ça a été de trouver un Belge ; bon, les campings sont pas mal chargés à Lalbenque pour ce début de saison, le maire est content, le tourisme marche bien, donc en théorie ça ne doit pas être trop compliqué de trouver un Belge.

C’est quand je suis arrivée au camping que j’ai mesuré la difficulté, bouducon, statistiquement il y a forcément un Belge au camping de Lalbenque, mais va-t-en le trouver. Soit il parle flamand et dans ce cas, il est noyé dans la masse de Néerlandais, soit il parle français avec un accent horrible, et dans ce cas il est noyé dans la masse des gens du Nord-Pas-de-Calais (que ça s’appelle même plus comme ça maintenant, il paraît). Hébéoui, autant à Lalbenque on est assez fort en accent du Sud-Ouest, je veux dire, à 200 mètres j’arrive à distinguer un bon gars de chez nous d’un paysan du Tarn-et-Garonne, autant les accents au nord de Rocamadour, ya rien à faire, tout se ressemble.

J’ai eu une idée, mais ça risque de prendre trop de temps, ce serait de dresser un cochon belgier. C’est comme un cochon truffier, mais avec des Belges. Je veux dire, le cochon à Gustave, il est capable de trouver une truffe de 20 grammes dans 10 hectares de chênes. Une bête comme ça, éduquée bien comme il faut, ça devrait pas être insurmontable de lui faire trouver un Belge dans un camping de Néerlandais, non ?

Bon, le souci c’est que ça ne s’éduque pas en quatre matins, un cochon truffier, donc j’imagine qu’un cochon belgier ça doit être pareil. En plus c’est couillon, Gustave avait un petit cochon de lait idéal pour ça, mais on s’en est servi dans la recette portugaise d’hier.

 

« Bouducon, on va pas réfléchir 107 ans, on y va », il a dit Gustave. Il a mis son treillis de la guerre d’Algérie, et son maquillage camouflage, et il a préparé son paquetage. Des jumelles infra-rouge, un couteau de para, une BD de « Tintin au Congo », un T-shirt « Frites of the moules », et une pipe. « Pourquoi une pipe ? », je lui ai demandé. « Ceci n’est pas une pipe », il m’a répondu, j’ai pas cherché à en savoir plus. Bouducon, il est temps que ça se termine, cette série de recettes, je crois qu’il commence à trop prendre ça à cœur, Gustave.

On est arrivés au camping à la nuit tombée, à croupetons, et on s’est faufilés entre les caravanes. Gustave avait allumé la torche de son smarphone pour essayer de lire les plaques d’immatriculation. Bingo, on a trouvé une caravane immatriculée en Belgique. Avec Gustave, on s’est relevés discrètement pour jeter un œil à la fenêtre, genre Charlie Sheen qui sort de l’eau, vous voyez ? Apocalypse Now, sauf qu’au lieu de chercher un colonel on cherchait un Belge.

Dans la caravane, il y avait une famille, c’était pas facile de tout voir d’un coup. On a d’abord vu l’aîné, qui avait l’air rond comme un melon du Quercy tellement qu’il avait bu, et tellement qu’il buvait du mauvais vin (du rosé espagnol, on a vu la bouteille sur la table). Après on en a vu un autre, un roucaou, des carottes dans les cheveux, l’avait jamais vu un peigne, et il avait l’air méchant comme une teigne avec ça, bouducon. Ah, après on a vu la mère, normalement c’est bon pour des recettes, la mère, mais là elle disait rien, et pour la grand-mère j’en parle pas, elle en finissait plus de vibrer, on aurait dit que ses vieilles mains elles racontaient plein de trucs, hé. Et c’est là que derrière nous, bouducon, on l’avait pas entendu arriver mais il y avait la jeune fille de la famille, qui revenait des cabinets avec un rouleau de PQ à la main. Elle nous a fait sursauter, et là, Gustave il a tellement eu peur qu’il y a eu toute la guerre d’Algérie qui lui est revenue à la tête, il a sauté sur la fille, lui a fait faire un soleil et il lui a chuchoté en la bâillonnant : « Toi je suis sûr que tu as une recette belge, salope, et que tu vas nous la donner. » Moi je trouvais que ça prenait des proportions, boudu, j’ai dit à Gustave « mais attends, on n’est même pas sûr qu’elle a une recette », et il m’a répondu « oui ben même si c’est pas sûr c’est quand même peut-être. »

Il lui avait mis son couteau de para sous la gorge, j’ai commencé à vraiment paniquer, moi, je lui ai dit : « ho Gustave, doucement avec la pauvrette, hé, t’es pas en guerre, c’est pas un fellagha ». « J’ai jamais égorgé de fellagha », il m’a répondu. « Ou alors il y a longtemps. Ou bien j’ai oublié. Ou ils sentaient pas bon. »

La petite, elle a fait « MMmmhhhmh », alors Gustave il a doucement retiré sa main pour la laisser parler, tout en faisant sa figure menaçante, là. Avec ses yeux mouillants, elle nous a dit de la laisser partir, alors moi j’ai fait la tactique « bonne flic/mauvais flic », je lui ai dit en montrant Gustave : « hébéoui ma petite, mais hé, faut vous dire que chez ces gens-là, ma petite, on ne s’en va pas. On ne s’en va pas. Sauf après nous avoir donné une recette belge ».

 

Les carbonades sous la contrainte

1 kg bœuf (macreuse+joue+paleron)
4 oignons
4 grosses pommes de terre à chair ferme
1 bouquet garni
2 branches de persil
50g saindoux
1 cs farine
1 cs cassonade
1 cs vinaigre
25 cl bouillon de bœuf
75 cl bière de garde ambrée
Sel, poivre

 

Alors, j’ai eu du mal à tout bien noter ce qu’elle disait, tellement elle avait peur, la pauvre, m’enfin je crois qu’on s’y retrouve. Il faut commencer par détailler la viande en fines tranches et émincer les oignons en rondelles. Ensuite, vous faites fondre le saindoux dans une cocotte, y faire dorer la viande à feu vif. Retirez et réservez.

Là, vous faites revenir doucement les oignons dans le saindoux en remuant souvent.Vous remettez la viande, vous laissez chauffer quelques instants, vous saupoudrez de farine et vous mélangez bien. Là vous salez, vous poivrez et vous incorporez le sucre. Ajouter le bouillon, le bouquet garni et la bière. Laisser mijoter à couvert (à feu doux ou à four doux) pendant 2h30 à 3h.

Pendant ce temps, vous épluchez et lavez les pommes de terre, vous les coupez en deux et les faites cuire à la vapeur. Enfin, vous dressez la viande dans un plat chaud, vous nappez de sauce et vous disposez autour les pommes de terre parsemées de persil haché.

On a relâché la petite Frida (c’est comme ça qu’elle s’appelait) et pour montrer qu’on n’était pas des mauvais bougres, hé, avant qu’elle rentre dans sa caravane on a dit qu’elle et sa famille, ils étaient les bienvenus à la maison pour partager un canard gras.

Hébé figurez-vous qu’on n’a pas eu de nouvelles, on est revenus le lendemain au camping faire une petite visite de courtoisie, hébé figurez-vous que la famille belge, ils étaient partis précipitamment dans la nuit. On a demandé au gardien du camping, il nous a dit qu’ils avaient eu une envie subite de voir Vesoul, je sais même pas où c’est.

Bon, en tout cas les carbonades, hébé on a eu du mal à trouver la recette mais c’est pas mauvais du tout, hé, s’ils ont plein de recettes comme ça dans ce pays, ça vaut la peine d’élever un cochon belgier pour l’été prochain, hé. Bon appétit bien dur,

 

Parie-Maule

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