Non, notre bon Fredo n’avait pas oublié. En revanche, déçu d’avoir vu le Nobel lui filer sous le nez, il s’est fait attendre. 
Si jamais tu débarques et si tu ne sais pas de quoi on parle, on te conseille de revenir en arrière : 
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Le parking du centre ville est désert lorsqu’un homme à pied se courbe en deux pour passer en dessous de la barrière d’entrée. Il marche d’un pas discret, balançant lentement ses bras en rythme. Il descend jusqu’au dernier sous-sol, puis se dirige vers le cagibi du gardien. Arrivant devant celui-ci, il frappe trois fois. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre et un homme apparaît. Les deux s’observent longuement, détaillant la plus petite partie du visage de l’autre. Puis, l’hôte s’efface pour laisser entrer son invité.

L’intérieur de la cabine est embaumé par la fumée des nombreuses cigarettes fumées en attendant la visite de l’homme. Le local est meublé de façon sommaire, seule une table trône en effet au milieu de l’unique pièce, et les quelques étagères adossées au mur ne contiennent que des dossiers entassés dans un désordre tel que l’employeur du gardien n’aurait aucune difficulté à reconsidérer de manière drastique le contrat de son employé.

Il y a un troisième homme dans la pièce. Il tourne le dos aux deux autres et fume, les jambes croisées, la tête baissée vers le sol. Le gardien, après avoir fermé la porte, se poste à côté du nouvel arrivant et observe celui-ci. La taille démesurément grande de l’homme n’est pas ce qui l’effraie le plus. Malgré son mètre soixante-quinze, le gardien ne craignait pas quelqu’un qui en faisait plus de deux. Son passé dans les Forces Spéciales avait achevé de faire de lui un homme solide, conscient que les compétences acquises durant ses dix ans d’engagement avaient fait de lui un combattant redoutable, sur un champ de bataille comme dans une cabane de gardien de parking. Il vérifie tout de même que le pistolet qu’il a habilement dissimulé sous sa veste est toujours là, froid et prêt à tuer. Il aimait à répéter dans sa tête à la moindre occasion qu’il était presque comme le jumeau de cette arme. Elle l’accompagnait depuis longtemps maintenant, depuis qu’il avait offert ses services à celui qui lui tournait le dos, enveloppé dans un nuage de fumée. Non, il n’a pas peur de la taille de l’homme, mais il avait en revanche tressailli lorsque son regard s’était posé sur l’amas de chair brûlée situé en dessous de l’arcade gauche du géant. Il a l’impression désagréable que ce cyclope, malgré sa maigreur et la pâleur de son visage, est l’être le plus dangereux qu’il avait croisé.

Celui-ci, visiblement lassé par le silence qui avait envahi la pièce depuis son arrivée, se racle la gorge et prend la parole :

–       Bonsoir Dexter.

En entendant son nom, Dexter Sandalette se lève, retourne sa chaise et se rasseoit, faisant désormais face à son visiteur du soir.

–       Bonsoir Janko, comment vas tu ?
–       Très bien, je te remercie.
–       En voilà une bonne nouvelle. Et Marthe, comment se porte t-elle ? J’ai entendu dire qu’elle avait réussi son diplôme.
–       En effet.
–       Tu dois être sacrément fier d’elle.
–       Arrête tes conneries, Dexter. Qu’est-ce que tu me veux ? Pourquoi ce rendez-vous secret au beau milieu de la nuit ? Et qui est cet homme
d’ailleurs ?
–       Oh pardon, je n’ai pas fait les présentations, malpoli que je suis. Janko, voici Jacob Opinel. Jacob, je te présente Janko Porkepic, un ancien camarade de classe.

Opinel hoche négligemment la tête et indique de la main la chaise en face de Sandalette, invitant ainsi Janko à s’asseoir.

–       C’est ton chien de garde ? Un gardien de parking ?
–       Jacob est beaucoup plus qu’un simple gardien de parking. Et c’est un fidèle collaborateur.
–       Comme tous les chiens de garde.
–       Allons, Janko, ne commence pas à badiner. Je suis sûr que tu as des choses beaucoup plus pertinentes à dire que ce genre de cabotinages.
–       Au risque de me répeter : qu’est ce que tu me veux ?
–       Je pense que si tu as pris la peine de te déplacer à une heure aussi tardive, c’est que tu dois avoir une autre idée que celle de revoir un camarade dix ans après.
–       Ne compte pas sur moi pour mener la conversation. Je t’écoute Dexter.
–       Bien. Comme tu voudras.

Dexter Sandalette sort une cigarette de son paquet et la porte à sa bouche pour l’allumer. Il laisse lentement la fumée s’échapper, observant le nuage blanc s’épaissir encore un peu plus.

–       Qu’est ce que tu as dit à ce flic, Janko ?

Porkepic regarde soudainement son ancien voisin de table de l’école d’ingénieur avec terreur, car il a tout à coup compris, étant donnée la présence du tueur maison de Sandalette, qu’il ne ressortirait pas vivant de ce cagibi.

–       La vérité. Je lui ai dit tout ce que je savais. Mais, attends une seconde, tu as quelque chose à voir avec cette histoire ?
–       Pourquoi est-ce qu’il a fallu que tu appelles ce flic ?
–       J’aurais dû m’en douter… C’est un des tiens qui a tué Marmelade ? C’est ça ? Qui est-ce ? Patatov ? Kilometrör ? Gareteski ?
–       Tu aurais pu te taire, ce n’était pas tes affaires, Janko. Tu aurais dû rester dans ta petite vie tranquille de retraité. Tu aurais dû continuer à arroser tes bégonias, à aller déjeuner avec ta fille en ville le samedi, à discuter de barrières avec ton voisin.
–       Ferme la, Dexter. Je suis un homme honnête. Et il s’agit d’un meutre, bon sang ! Tu ne croyais quand même pas que j’allais rester assis sur mon canapé, en sirotant une bière sans me soucier une seule seconde de tout ça ! Tu sais quoi ? J’aurais pu me taire. Mais la disparition de John a tout changé. C’est toi hein ? Toi et ton bouledogue avaient descendu John.
–       Il allait parler aux flics d’un instant à l’autre.
–       Mon dieu, Dexter !

Janko s’est levé d’un bond en prononçant cette phrase. Opinel dégaine alors son arme et la pointe sur le vieil homme. Celui-ci voit l’éclair de peur passer dans les yeux du tueur, et il ne lui en faut pas plus pour comprendre qu’il a ses chances et qu’il a, d’une manière incompréhensible, un ascendant psychologique sur Opinel.

–       Assieds toi, Janko. N’oblige pas Jacob à se servir de son arme.
–       Et sa femme ? La femme de John, qu’en as tu fait ? Elle a vu le tueur de Marmelade, elle peut le reconnaître !
–       Ne t’en fais pas pour elle.
–       J’en conclus que tu l’as déjà supprimée. Mon dieu, Dexter, tu es un monstre.
–       Tu as sûrement raison. Je m’absente quelques heures, Janko. Tu vas rester ici avec Jacob. Et ne t’avise pas de tenter quoi que ce soit.
–       Tu plaisantes ?
–       Pas le moins du monde.

A ces mots, Dexter Sandalette se lève et marche vers la porte du local.

–       S’il décide de faire le con, ne te pose pas de question : tue le.

Il prononce cet ordre froidement, et Opinel hoche la tête non sans une certaine fébrilité. La porte se referme.

 

A suivre,

Fred Viagras

3 thoughts on “Le meurtrier est dans le 11 de départ, épisode 8

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