Bill Shankly avait raison, c’est beaucoup plus important que la vie et la mort


Il ne sera pas question ici du match opposant le Nîmes Olympique au Sporting Club de Bastia (oui, donner les noms complets des clubs ça donne de suite de l’ampleur et de la gravité au propos, vous trouvez-pas ?), puisque l’essentiel se joue en coulisses depuis déjà de trop nombreux mois. Dommage de passer ce match sous silence d’ailleurs : trois cartons rouges, de la sueur, du football vrai, en temps normal j’aurais adoré. On essaye parfois de faire comme si tout était normal justement, d’oublier la déprime générale qui nous gagne à évoquer le merdier sans nom dans lequel se trouve le club, mais la réalité revient toujours te biffler au moment où tu ne t’y attends pas.

Rani Assaf, président de son état, a donc décidé samedi soir de refuser aux Gladiators d’entrer avec leur matériel, prétexte fallacieux et illégal illustrant sa volonté d’individualiser le client-supporter et de criminaliser ces dangereux ultras (ils ont craqué des fumigènes, bon Dieu vous vous rendez compte, ma petite dame) qu’il traite avec mépris et condescendance. Un pas de plus dans sa logique autiste et bornée, une sorte de loi du talion absurde, où une insulte scandée pendant un match est jugée suffisamment grave pour provoquer une interdiction commerciale de stade. Une ligne de plus dans la fuite en avant. Dans sa paranoïa victimaire, il nous a depuis gratifié d’une nouvelle sortie médiatique délirante sur un air déjà connu : les ultras veulent la mort du club, je veux juste le respect de la loi, je suis le seul capable de sauver le NO, je dérange, personne ne me comprend mais c’est normal vu que tout le monde est con, tu croyais quoi, me baiser moi ? j’suis dans le turfu oublie-moi. Là où il n’a pas tort, c’est que ce genre de comportement est possiblement annonciateur du foot à venir. Eh bien franchement on a de quoi flipper.

Le futur du NO, d’ailleurs. Les Costières vivent leurs derniers mois, qu’on imagine vides et sans saveur, étant donné la tournure que prennent les évènements. Impossible à imaginer il y a encore deux ans, le scénario paraît ce soir très plausible : nous allons vivre les adieux à notre stade avec un boycott généralisé du public, un président seul, un coach aux ordres et une équipe dont on est réduits à espérer qu’elle n’explose pas en vol dans un contexte aussi miné. Une équipe qui ne démérite pas mais risque fort de galérer cette saison, avec à sa tête un fort en gueule finalement assez pleutre (un Marseillais, quoi).

Au passage, notons que notre lardon local (ooooh pardon Rani je t’ai manqué de respect) a aussi profité de son rond de serviette à Midi Libre pour déféquer sur la tête de Nicolas Benezet, seul joueur à avoir fait part de sa « tristesse » devant la situation et qui a publiquement souhaité sur Twitter que les choses s’arrangent. Une grande violence dans le ton, une outrecuidance intolérable, vous en conviendrez.

Naturellement, Assaf s’est donc permis une petite menace au passage, rappelant avec classe et élégance que Nico était blessé au passage.

Un vrai plaisir d’avoir un président qui s’implique dans la vie du groupe, non ?

En attendant, le stade provisoire sonnera vraisemblablement vide lui aussi. Et quelque part, tant mieux. Si la logique doit aller à terme, que notre cher président aille au bout de son suicide médiatico-sportif, qu’il fasse son éco-quartier à la mord-moi-le-nœud, qu’il lance son asso avec son pote JJ Bourdin, qui arrive miraculeusement avec du temps libre depuis ses légers ennuis avec la justice, pour ajouter du ridicule à une situation déjà grotesque. Faites vos déclas, soutenez-vous mutuellement, mangez votre caca ensemble, soyez heureux et fiers de vos états de service dans votre stade vide et votre club en état de mort cérébrale.

Nous autres, ce serait facile de dire simplement que « le NO c’est nous ». Parce que c’est vrai, l’histoire regorge de pitres dans ce genre qui ont fini par décamper avec armes et bagages, laissant des champs de ruines qu’on a fini par rebâtir. Mais honnêtement, ce soir, l’abattement domine. Il y aurait aussi matière à distribuer des baffes du côté de la mairie et du mundillo nîmois si prompt à rester entre soi et à faire fuir les meilleures volontés quand elles font l’erreur de n’être pas du sérail. Il y aurait aussi à faire le ménage chez nous avant de pouvoir revendiquer la capacité à repartir de rien, à recréer un socle populaire capable de porter un projet cohérent, sur le modèle de ce qu’ont réussi à faire les Strasbourgeois ou les Bastiais plus récemment, ou encore les Nantais dans un autre registre. Peut-être ce dernier exemple est-il celui qui se rapproche le plus du nôtre, entre un président qui veut agrandir les bites et un qui veut couper des têtes, on aurait bien des choses à se dire. On va donc faire ce qu’on sait faire de mieux : serrer les dents et préparer des jours meilleurs. Le positif au fond de ce marasme, c’est peut-être que le point de bascule atteint aujourd’hui (mais sans doute franchi depuis longtemps), annonce le début de quelque chose. L’étincelle. La léthargie qui frappait Nîmes pourrait peut-être enfin se muer en quelque chose d’autre, de plus méchant (tu te rappelles, Rani, « méchant et violent », c’est le traitement que tu évoquais il y a quelques mois pour parler d’éradiquer le « cancer » que représentaient les ultras, avec la nuance et la mesure qui te caractérisent). Cela passe dans un premier temps par le soutien plein et entier à nos GN91 nationaux, à tous les groupes solidaires et à l’Association nationale des supporters. Pour que la vision d’un stade aseptisé peuplé de dociles consommateurs ne reste que le fruit de l’imagination d’un vendeur de téléphones. Pour le reste, on verra. On va travailler à faire naître cette étincelle, en tous les cas.

J’ai repris cette acad’ en 2017, lors de la saison de la remontée en L1. Ces années-là furent superbes, les plus fastes de ma vie de supporter du NO riche en déconvenues, en purges et en caisses de mauvais vin. Je n’avais pourtant jamais éprouvé un tel sentiment de gâchis avant ce soir. Pour sortir par le haut, il faudra du temps, de la sueur, des larmes, du foutre, mais comme dirait l’autre, il y aura au bout la victoire – oui, ne me demandez pas pourquoi, mais je me sens l’âme britannique ce soir. Victory, however long and hard the road may be, for without victory there is no survival. ALLEZ ROUGES, BORDEL DE BITE.

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